lundi 15 décembre 2008

Enquête : sexe, TV et Internet


"Je ne vous le fais pas dire"... Lacan, psychanalyste iconoclaste aimait ponctuer son discours de cet énoncé à double sens, suivi d'un long silence appelant à réfléchir ; rien de mieux pour illustrer la situation de l'analyste qui fait que "cela" se dit sans jamais forcer à dire. Il importe que "cela" qui est "avoué" sur le divan le soit librement et que l'analysant le perçoive comme sien.

L'institut d'étude Harris Interactive, à la demande de Intel, a mené une enquête auprès de 2 119 adultes américains sur l'importance d'Internet dans leur vie. Objectif : constituer une sorte d'échelle d'attitudes et y placer Internet au moyen des réponses à des questions adéquates.
Question : préférez-vous renoncer au sexe pendant deux semaines ou renoncer à Internet pour une même durée. 46% des femmes et 30% des hommes renonceraient au sexe. C'est du moins ce qu'ils / elles déclarent à l'enquêtrice / enquêteur. Quant à la télévision, 61% des femmes y renonceraient plutôt qu'à la connexion Internet.

Voici placés quelques barreaux de notre échelle d'attitudes : au plus haut, Internet, après, le sexe puis, au plus bas, la télé. Ce que l'on a fait dire à ces pauvres enquêté(e)s, coincé(e)s par la question, absurde pourtant ! Sérieusement, qui s'est trouvé déjà devant telle alternative, hautement hypothétique : devoir choisir entre sexe et Internet ? Enfin, cela doit dépendre du / de la partenaire, de l'émission...

Que dit ce sondage sinon l'efficacité de la procédure d'enquête qui "fait dire" ? Cela énonce l'efficace des questions fermées, simples à dépouiller et qui produisent à coup sûr des pourcentages et des graphiques, qui font d'excellentes présentations, et qui se commentent comme le tiercé.

"Les faits sont faits". Artéfacts ourdis par l'outil d'enquête. Le questionnaire et la situation d'enquête ont fabriqué un "fait" et une "opinion publique". Ce que dit cette enquête, au mieux, c'est que interrogé(e)s au téléphone par des inconnu(e)s, des américain(e)s sont prêt(e)s à déclarer préférer Internet au sexe. Autrement qu'en situation d'enquête, allez savoir !

1 commentaire:

Jordan Mourjan a dit…

Une étude similaire a été menée en Allemagne au mois de septembre dernier par le magazine NEON. Les résultats vont dans le même sens: 1 allemand sur 5 entre 18 et 35 ans déclare que le désir d'utiliser Internet est plus fort que le désir d'avoir un rapport sexuel.

La clé de ce résultat, comme vous le faites remarquer, tient ici encore à l'intitulé des questions et à la façon dont le questionnaire est mené.
Il est très simple pour les sondeurs de conduire les sondés exactement où ils le souhaitent afin d'obtenir les résultats qui les arrangent! La pertinence de ces résultats est, de fait, particulièrement discutable.

@JordanMourjan