lundi 26 décembre 2011

Mesurer l'audience de la radio, ou des radios

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Alors que les stratèges média et leurs médiaplanners n'ont d'yeux que pour la TV et les dispositifs "multiscreen", la radio songe à prendre place dans ces dispositifs. Arbitron qui assure depuis bien longtemps la mesure de la radio pour le marché publicitaire américain, voudrait mettre en oeuvre une mesure multiplateforme, ce qui ne va pas de soi, ni au plan technique, ni au plan politique. Les radios traditionnelles n'y tiennent pas, enfin, pas encore.

Rappel. La radio américaine recourt à plusieurs modes de diffusion.
Pandora sur iPhone
  1. La diffusion terrestre (broadcast), plus de 14 000 stations locales AM/FM et HD, touche toute la population, dans les foyers et dans les véhicules, principalement : Clear Channel Radio, Cumulus Media, CBS Radio
  2. La diffusion par satellite qui concerne surtout les véhicules automobiles et leurs passagers : SiriusXM Satellite Radio, 21,9 millions d'abonnés payants (source : SiriusXM, janvier 2012).
  3. La diffusion par le Web. On distingue deux types de radio :
    1. Les diffusions configurables, personnalisables à la demande par ceux qui écoutent, dites Webradios (audio streams) :  Radio.com (groupe CBS), iHeartRadio (Clear Channel Radio) lancé en décembre 2011
    2. Les sites de musique : Pandora (qui se déclare "Internet Radio" et est également installée dans certaines voitures), Spotify, etc.
  4. La diffusion par les téléphones mobiles est à l'ordre du jour. Les opérateurs radio veulent une réglementation imposant la radio sur les téléphones (pour des raisons liées à la sécurité). La radio HD (IBiquity) s'installera sur certains appareils en 2012.
One-to-Many vs One-to-One 
Dans les discussions actuelles (Radio Advertising Bureau), le marché distingue deux types de radio :
  • les unes (1, 2 ) dites One-to-Many, où les auditeurs, passifs, reçoivent tous le même programme, y compris publicitaire (radio traditionnelle).
  • les autres" (3.1 et 3.2), dites One-to-One, pour lesquelles l'auditeur configure ce qu'il désire écouter (sélectionne les morceaux, play listes, etc.). Ainsi, Pandora : la radio mobilise un moteur de recommandation d'écoute et d'achat. 88% de son C.A. provient de la publicité. L'interactivité est limitée (aime, n'aime pas, skip).
Pandora. Vote et limite des choix
Enjeu : la définition de la radio et sa mesure
Donc la définition du marché publicitaire radio (16 milliards de dollars, selon ZenithOptimedia) et des parts de marché des acteurs. Y a-t-il un ou deux marchés publicitaires ? Certains dénient à Pandora et Spotify le nom de radio (qualifiés parfois de iPod on shuffle, ou identifiés au CD).

Le débat converge inévitablement vers la mesure, opposant les anciennes (One-to-Many) aux modernes (Webradios ou online radio services) alors que ces dernières accroissent leur pénétration.  
  • La mesure de la radio traditionnelle est assurée aux Etats-Unis par Arbitron au moyen d'un panel d'auditeurs équipé d'un Portable People Meter (PPM) : un panel par DMA.
  • Les webradio (streaming, on line radio services) sont mesurées par les techniques site centric (dite aussi server side data
    • Triton Digital propose Webcast Metrics, qui, depuis novembre 2011, mesure le national et le local. L'accréditation par le Media Rating Council (MRC, avril 2011) lui apporte une légitimité semblable à celle d'Arbitron dont l'accréditation est encore incomplète. 
    • Pandora, mesuré par Triton Digital, a demandé à Edison Research d'effectuer une conversion d'une mesure dans l'autre, ce que réprouve Arbitron.
Voici à nouveau l'opposition lancinante de la mesure site centric et de la mesure consumer centric par panel.
Arbitron recommande - c'est un classique - aux régies clientes - conformément à leur demande insistante - de ne pas comparer les deux mesures, éloignant ainsi des supports numériques les divers conseils médias (agences média, etc.) généralement peu enclins à prendre des risques et à tenter des plans complexes, synonymes d'accroissement de travail, donc des coûts de transaction. Voir le cas de Pandora qui, pour atteindre les grands annonceurs et leurs conseils média, doit être mesuré comme la radio traditionnelle (cf. Mindshare). Arbitron finira par mettre en place une mesure unique multi-plateforme ("one-stop service"), quand ses clients le demanderont, et qu'ils réuniront le budget nécessaire.

Comme toujours, lors des tournants dans l'économie des médias, la mesure fonctionne comme une barrière à l'entrée du marché publicitaire, érigée par les médias en place, nécessairement conservateurs (dans tous les sens du terme).
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