vendredi 13 janvier 2012

SOPA: The Great Media Divide


Le monde des médias américains est coupé en deux. Un projet de loi, dit Stop Online Piracy Act (SOPA, mot à mot : "loi sur le piratage en ligne", projet dit aussi PIPA pour Protect IP Act) oppose les médias traditionnels, nés analogiques, aux médias issus du Web, nés numériques. Objet du projet de loi : la protection des droits d'auteur et les mesures à prendre contre les infractions à ces droits, contre ceux qui enfreignent la loi et contre ceux qui "facilitent" l'infraction, fût-ce involontairement. Version média de la querelle des Anciens et des Modernes ? Pas si simple.
  • Du côté des médias traditionnels, dits parfois "Mainstream media", expression quelque peu condescendante, se trouvent ceux qui financent, produisent et détiennent des contenus et veulent les protéger à tout prix du streaming illégal autrement dit non payé : des studios et leurs distributeurs (networks, câble, etc.), des éditeurs, des ligues sportives, des annonceurs. Conservateurs par position, ils veillent à maintenir, au cours de leur passage au numérique, leurs avantages acquis : chiffre d'affaires, emplois, parts de marché. Ce parti est dominé par les grands studios hollywoodiens, leurs filiales dans la distribution (networks, MSO) et leurs grands partenaires (ligues sportives, annonceurs).
  • Du côté des médias issus du Web, des outils facilitateurs (moteurs de recherche, navigateurs, courrier), des réseaux sociaux, des incubateurs, des éditeurs de jeux vidéo. Réformateurs, ils défendent leurs intérêts, indissociables d'une liberté d'action sur le Web. Selon ces entreprises, le projet de loi menace les libertés (freedom of speech) et l'économie des médias numériques. Il menace surtout leur ascension économique et leur position sur le marché publicitaire. 
  • Indécis ? Notons la position apparemment confuse de Apple (cf. iTunes), de Microsoft, d'Amazon. Quant aux opérateurs des télécoms, ils ne semblent pas avoir pris publiquement parti.
Rappelons la répartition des acteurs en fonction de leurs prises de position publiques.
ABC, Disney, ESPN
Viacom, CBS
Comcast /NBC Universal
MLB (baseball)
News Corp. (Fox)
NFL (football)
Sony
Time Warner
L'Oreal
Pfizer
VISA
Associations d'artistes, d'acteurs, de techniciens de divers métiers du spectacle
AOL
Craiglist
eBay, Paypal
Facebook
Foursquare
Google
LinkedIn
Mozilla
Reddit
Tumbler
Twitter
Wikipedia
Yahoo!
YCombinator (incubateur)
Zynga
  • Certaines entreprises semblent avoir retiré leur support au projet de loi
Apple
Microsoft

Au-delà de son issue, cette bataille est un formidable observatoire du champ des médias et de ses positions, un révélateur de sa structuration à un moment crucial de son histoire. Structuration selon des enjeux économiques majeurs. Changement de paradigme, tournant, révolution... 

2 commentaires:

Laura Klein a dit…

La défense de la propriété intellectuelle est légitime mais le projet de loi SOPA est-il réellement adapté à l’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui ?

La question de la lutte anti-piratage est en effet devenue beaucoup plus complexe qu’il y a quelques années. Aujourd’hui, le partage de contenu ne se fait plus uniquement par le biais des réseaux pirates comme 4chan ou des logiciels de téléchargement illégal comme eMule. A l’ère du web 2.0, ce sont tous les réseaux sociaux comme Youtube ou Facebook qui ont construit leur renommée sur le peer-to-peer. Donc pour empêcher le partage illégal de fichier, il faudrait fermer tous les sites, comme Facebook ou Twitter, qui renvoient vers d’autres sites où le piratage est possible. Une aberration !

D’autant plus que SOPA prévoit de renforcer le pouvoir des ayants-droits en leur permettant de faire pression sur les FAI et les fournisseurs de contenus pour empêcher la diffusion de contenus protégés. Parmi les moyens envisagés, il y a la possibilité de demander aux services de paiement, comme le site Paypal, de couper les vivres d'un site accusé de contrefaçon. Ces dispositions portent atteintes à l’un des concepts fondateurs d’Internet : la neutralité du net, qui engage les FAI et les services à fournir un accès transparent et non discriminatoire à tous les contenus.

En somme, si la loi SOPA devait passer, des centaines voire des milliers de sites Internet pourraient être bloqués et blacklistés par les moteurs de recherche. Un « flicage » organisé de l’Internet s’opèrerait alors constamment. Au final, on se rapprocherait de la censure du web qui s’opère en Iran ou en Chine. Car le projet de loi SOPA, c’est aussi le témoignage du positionnement qu’ont les dirigeants d’un pays par rapport à la démocratie.

Ludivine R a dit…

Réponse une semaine plus tard : les projets SOPA et PIPA ont donc été abrogés : http://www.tomsguide.fr/actualite/SOPA-PIPA-etats-Unis,2370.html