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- Les institutions politiques se rapprochent de l'étiage de la confiance : le Congrès (assemblées élues) est à 10%, la Présidence et la Cour Suprême sont entre 30 et 40%, le système judiciaire est au-dessous de 30%.
- L'école et la santé publiques se situent entre 30 et 40%. Les banques, en chute libre, sont passées en dix années de 58 à 23%.
- Les organisations syndicales se situent vers 20%, à peine au-dessus des grandes entreprises.
- Les médias d'information, journaux et télévision, sont passés au-dessous de 30%.
"Pourquoi les Américains détestent-ils les médias ?" demande Jonathan M. Ladd dans un livre de science politique paru en janvier ("Why Americans Hate the Media and How It Matters", Princeton University Press, 2012, 282 p., Bibliogr., Index.).
L'auteur parcourt d'abord l'histoire de la presse à la recherche d'une réponse.
L'auteur parcourt d'abord l'histoire de la presse à la recherche d'une réponse.
- Première période, celle de la professionnalisation du journalisme et du prestige social qui l'accompagna. Augmentation des lectorats, des revenus publicitaires, réduction de la concurrence. La télévision, au début de son histoire, se développe dans un univers également oligopolistique. Dans cette situation favorable, les médias d'information (news media) s'uniformisent et s'autonomisent pour devenir une institution politique à part ("their own political institution") courtisée par le monde politique. "Quatrième pouvoir", la presse ferait l'élection. Cet âge d'or des médias d'information s'achève avec les années 1970.
- Depuis, l'institution médiatique voit son statut s'affaiblir alors que la vie politique se repolarise (partisanship) et que les médias s'émiettent, fragmentant les points de vue. Les choix des électeurs se restreignent, ceux du lecteur se dispersent. Cette dispersion culmine avec les médias numériques : le Web attise la concurrence. Polarisation de la vie politique et fragmentation des médias d'information convergent en attaques contre l'information institutionnalisée.
N° spécial de l'Humanité quotidien communiste, 12 /6/ 2012. |
Selon les enquêtes de l'auteur, deux causes semblent d'abord expliquer la défiance des Américains envers les médias d'information : une "rhétorique partisane" exacerbée et le format tabloïd de l'information. En conséquence, la défiance renforce à son tour le vote partisan, restreignant l'intérêt pour l'information et le débat économique. En même temps, l'évolution de plus en plus concurrentielle du marché de l'information aiguisée par la recherche lancinante de l'audience conduisent à privilégier une information de type "soft news", qui mêle, à une info simplifiée, du people et des faits divers. CQFD.
La science politique et la sociologie électorale françaises peuvent trouver des hypothèses explicatives à tester dans le travail de J.M. Ladd. Comme aux Etats-Unis, les médias français se fragmentent et s'éloignent de l'information dure, rigoureuse. Comme aux Etats-Unis, la bipolarisation de la vie politique française subit des variations mais la tendance actuelle (obstacles multiples à l'entrée dans le jeu électoral) semble favoriser le bipartisme. Quelle confiance l'électorat français accorde-t-il aux médias d'information, à l'institution médiatique ? Cela reste à évaluer. L'évolution du jeu politique français explique-t-elle, au moins partiellement, les difficultés des médias d'information ? J.M. Ladd devrait tester ses conclusions sur le cas français...
Source : sondage Gallup aux Etats-Unis (juin 2011), échantillon national 1020 personnes de 18 ans et plus. |
5 commentaires:
Il est étonnant de voir comment les contextes français et américains convergent: la soft news apparaissent désormais sur les journaux télévisés en France, fragmentation des points de vue dans la presse notamment,... Le dénominateur commun semble bien être l'apparition du Web qui favorise la concurrence des points de vue. En plus de drainer des recettes publicitaires, le Web offre une concurrence forte dans la diversité des contenus obligeant les médias en retour à élargir les leurs.
Concernant, le mépris des institutions, on pourra citer Nietzsche: ‘L’Occident tout entier a perdu ces instincts d’où naissent des institutions, d’où nait un avenir […]. On vit au jour le jour, on vit très vite, on vit de manière irresponsable: c’est précisément cela que l’on appelle ‘liberté’. Ce qui fait que les institutions sont des institutions, on le méprise, on le déteste, on le repousse’.
Cette convergence que l'on observe entre la France et les Etats-Unis n'est pas nouvelle. Elle concerne aujourd'hui la bipolarisation de la vie politique et la fragmentation de la presse. Il me semble que cette convergence s'inscrit plus largement dans un processus de mondialisation, où l'individu prend le pas sur tout. De ce fait, il revient à l'individu de faire lui même le tri dans l'information, de se forcer à rechercher une donnée brute et l'analyser...mais avec quels outils? A mettre autant l'individu au centre, un handicap se crée car il y a un vrai besoin d'informations critiques sûres, que l'individu ne peut pas produire seul.
Quant à la crise des institutions, celle qui nous intéresse plus particulièrement ici est celle du journalisme. Comme l'article le décrit très bien, la chute du journalisme a pour origine la chute des journalistes. Leur aura a disparu, leur situation est précaire avant toute chose. En rétablissant des conditions de travail saines pour les journalistes, en exigeant d'eux de la qualité, un pas sera fait pour le rétablissement du journalisme, et sa crédibilité.
L'évolution de la confiance de la population américaine envers les medias semble paradoxale.
En effet, les consommateurs recherchent aujourd'hui de plus en plus un accès facile et rapide à l'information pure. Le développement des réseaux sociaux le prouve bien, les gens veulent l'information et c'est tout. Les émissions scientifiques et d'approfondissement de l'information sont boudées, ce qui pousse les chaînes télévisuelles à s'adapter. Ces dernières réduisent donc leurs programmes scientifiques et tendent plus vers une standardisation de l'information.
Mais dans la même période, les gens s'offusquent face à cette information facile et non rigoureuse. Que veulent les consommateurs ? Difficile à dire ...
Il est vrai que la bipolarisation politique française et américaine ont largement influé sur le framing des médias. Prenons comme point initial les primaires du parti républicain et celles du parti socialiste français: la bipolarisation politique provoque une fragmentation médiatique générée par des intérêts et des motifs différents (financiers, lobbying). Les journaux de gauche et de droite vont évidemment adopter des positions différentes sur un même sujet ("framing"). L'individu sélectionnera certainement celui qui convergera avec ses convictions personnelles. La perte de confiance peut également provenir du fait qu'un média ne soutient pas, ou ne relaie pas, une information qu'un citoyen partisan juge important.
A ce titre je vous invite à taper sur votre moteur de recherche préféré: "Nicolas Bedos, Marine Le Pen" pour évaluer le "framing" des différents médias. D'ailleurs la neutralité et l'objectivité médiatique ne sont pas des vecteurs suffisants de confiance.
Je connais malheureusement peu les médias américains, mais il semblerait que les médias français ne soient pas aussi méprisés que leurs homologues américains comme en témoigne le baromètre de confiance envers les médias en 2012 http://www.tns-sofres.com/points-de-vue/47706F4058C74A6EA8C951CDECFE9B20.aspx
Il est vrai que la bipolarisation politique française et américaine ont largement influé sur le framing des médias. Prenons comme point initial les primaires du parti républicain et celles du parti socialiste français: la bipolarisation politique provoque une fragmentation médiatique générée par des intérêts et des motifs différents (financiers, lobbying). Les journaux de gauche et de droite vont évidemment adopter des positions différentes sur un même sujet ("framing"). L'individu sélectionnera certainement celui qui convergera avec ses convictions personnelles. La perte de confiance peut également provenir du fait qu'un média ne soutient pas, ou ne relaie pas, une information qu'un citoyen partisan juge important.
A ce titre je vous invite à taper sur votre moteur de recherche préféré: "Nicolas Bedos, Marine Le Pen" pour évaluer le "framing" des différents médias. D'ailleurs la neutralité et l'objectivité médiatique ne sont pas des vecteurs suffisants de confiance.
Je connais malheureusement peu les médias américains, mais il semblerait que les médias français ne soient pas aussi méprisés que leurs homologues américains comme en témoigne le baromètre de confiance envers les médias en 2012 http://www.tns-sofres.com/points-de-vue/47706F4058C74A6EA8C951CDECFE9B20.aspx
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