mardi 30 avril 2013

La TV dans la tourmente du Web

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Les revenus de la télévision commerciale font rêver les plus grandes entreprises publicitaires du Web. On peut observer aux Etats-Unis les stratégies qu'elles mettent en oeuvre afin de conquérir le marché publicitaire TV... en attendant que l'expansion de la télévision connectée leur en ouvre grand les portes.
  • Google entre sur le marché de la télévision par la mesure, mettant en place un panel de foyers qui permet de suivre simultanément l'audience de la télévision et celle du Web. Cette mesure unique permet de transférer une partie des investissements télé sur le Web en optimisant le total GRP (couverture, répétition, vitesse de cumulation). Moins de télévision, plus de YouTube, vidéo toujours. 
  • Yahoo! propose aux annonceurs d'affecter une partie de leur budget télévision (5 à 10%) à son portail. La proposition est assortie d'une garantie de ROI, sans doute du type de celle qui se pratique sur l'upfront market. Sur Yahoo!, les messages pourront être diffusés dans un environnement d'émissions originales produites par Yahoo! en synergie avec les chaînes de télévision (mêmes castings, etc.) et de rediffusions ("Saturday Night Live", NBC), etc. Globalement, Yahoo! veut ressembler à la télévision mais avec des formats publicitaires plus engageants (interactivité, rich media, native ads, multi-plateforme, etc.). Et l'on comprend son intérêt déçu pour Dailymotion...
  • Facebook annonça son intention de se positionner contre la télévision dès la présentation de son dossier d'entrée en bourse. Ses atouts sont impressionants : puissance nationale et pluri-nationale avec couverture et répétition largement au niveau de la télévision (GRP), couverture supra-nationale pour les annonceurs internationaux, relation aux points de vente (association on-et off-line), ciblage riche et subtile grâce à son réseau au maillage fin (fine-grained), ciblage géographique allant jusquà l'hyper-local, pénétration de l'univers mobile.
Ce qui se passe aux Etats-Unis permet d'entrevoir les menaces s'accumulant à l'horizon des télévisions européennes alors que s'ouvre le marché de la data et que l'automatisation généralisée des transactions publicitaires Web, et télé bientôt, se met en place (ciblages et enchères en temps réel, RTBanalyticsprogrammatic buying, etc.). Les grandes entreprises américaines du Web y préparent les plus grands annonceurs, qui sont pluri-nationaux. 
Avec des outils mathématiques et algorithmiques conçus et produits en Californie (coûts fixes), ces grandes entreprises américaines du Web visent les marchés européens où elles recrutent tranquillement leurs forces commerciales locales dans les régies télé et les agences média.
L'ère des mondes télévisuels nationaux prospérant à l'abri de la concurrence internationale semble s'achever. Les télévisions nationales sont-elles prêtes pour cette formidable évolution ?
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lundi 29 avril 2013

La vie sans Web

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Cela devait arriver.
Déjà, dans les années 1980, on avait proposé de cesser de regarder la télévision, d'organiser des jours sans télé, etc. La télé étant une drogue ("Plug-in drug", 1977), il fallait s'en désintoxiquer ! ("Unplugging the plug-in drug", 1987).
Maintenant, c'est au tour du jour sans Web, de la semaine sans Wifi, des soirées sans Facebook... National Day of Unplugging... Dénoncer l'addiction au Web... Enfin, une mission généreuse !

L'agence Dagobert a tenté un bilan des non-connectés et l'assortit de conseils pour la publicité. Elle distingue les non connectés par nécessité (économique ou technique), les non connectés par prudence et ceux qui ont rompu avec le Web. Pour ces derniers, la dé-connexion est le signe d'une lutte acharnée contre une pathologie. Les malades en traitement sont déclarés "digital detox". Symptôme dominant : la peur de manquer quelque chose : Fear of missing out (FOMO), une sorte d'angoisse, à moins que ce ne soit la peur que le manque ne vienne à manquer. D'ailleurs, l'expression FOMO ne vise pas que le Web. Dans ce symptôme, certains croient pouvoir identifier un désordre psychique (iDesorder) ; Dagobert y voit plus raisonnablement une tendance, un signe faible... Finalement, l'agence conseille le bon sens : ne pas en faire trop en ligne, ne pas communiquer seulement en ligne. Plaidoyer raisonnable pour un médiaplanning rationnel, pour un ciblage lucide et circonspect (comment toucher les non-internautes). La présentation (Digital Detox. Tendance déconnexion, février 2013, 62 p.) montre de façon convaincante comment des annonceurs exploitent cette tendance.

Notons que connaître le nombre des non-connectés n'est pas si simple à établir : non-connectés pendant combien de temps (au cours du dernier mois, la veille, etc.) ? Non-connexion au domicile ou hors domicile ? Non-connexion sur quel appareil ? Il n'est pas plus facile de compter les non-connectés que les connectés.
Notons encore que l'argument économique recoupe une tendance au désabonnement observée aux Etats-Unis (cord cutter et cord never) et qui semble prendre de l'importance en télévision et en téléphonie. L'hostilité à l'abonnement et à la dépendance économique qui s'en suit correspond peut-être à une évolution profonde du comportement des consommateurs. A vérifier.

Reste le plaisir snob du renoncement : "J'suis snob", chantait Boris Vian (1955) : "J'avais la télé, mais ça m'ennuyait, je l'ai retournée de l'autre côté, c'est passionnant" (cf. infra, 2:00).


On peut penser à la prudence d'Ulysse qui se fit attacher au mât de son navire pour résister au chants des sirènes, et les écouter sans risque ("leurs voix admirables me remplissaient le coeur du désir d'écouter"). Quant aux marins dont il a bouché les oreilles avec de la cire, ils ramaient, imperturbables, sourds aux chants merveilleux (Odyssée, Chant XII).
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Ulysse et les Sirènes Stamnos attique à figures rouges - v.480-470 avant JC
Londres - British Museum

samedi 27 avril 2013

Une année de télévision en France (2012)

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Guide des chaînes numériques, mars 2013,. Edité par le CSA, le CNC, la DGMIC, l'ACCeS et le SNPTV. Edition numérique (pdf). Le chapitre 8 regroupe les principaux textes de l'activité législative et réglementaire de l'année 2012.

Ce guide annuel en est à sa 11ème édition. Outil documentaire de référence, commode en version pdf, il constitue aussi une occasion, en le parcourant, de dégager, par delà toutes les données désarticulées, les grandes tendances de notre marché télévisuel.
  • La télévision consommée, telle que la mesure Médiamétrie, croît, se rapprochant de 4 heures (DEI) ; donc les téléspectateurs consomment bien plus de 4 heures par jour (DEA). Multiscreentasking ? Où se situe la limite ?
  • Les plus faibles consommateurs de télévision sont les enfants (2h15) tandis que les personnes de plus de 50 ans (drôle de cible) dépassent 5h. Le temps disponible serait donc la variable la plus explicative des écarts de consommation : la télévision bouche les trous de l'emploi du temps. La télévision comme activité des inactifs ?
  • La télévision numérique terrestre (TNT) qui fut tellement dénoncée à ses débuts, triomphe (comparer avec la situation américaine). Combien parmi ses usagers de "cord-never" et de "cord-cutter", qui ne s'abonneront jamais ou qui se sont déjà désabonnés ?
  • En plus de la redevance, 13,6 millions de foyers s'abonnent à un opérateur pour recevoir la télévision. Quelle est l'audience des chaînes que l'on ne reçoit qu'en payant ? Faible, très faible. De quoi vivent-elles ? Certainement pas de la publicité. Des miracles de la vente au forfait (bouquet) ?
  • La distribution par ADSL gagne du terrain ; le satellite sans abonnement rattrape le satellite avec abonnement. Quelles chaînes, quelle programmation en profitent ? L'échec du câble est flagant. 
  • Quelle part de la consommation de télévision ignorons-nous ? Combien de chaînes ne sont pas mesurées ? Quelle est la part de la consommation hors foyer, hors du téléviseur ? 
  • Chapitre bien venu (pourquoi en annexes ?) sur la vidéo à la demande (VàD). Ces données méritent d'être intégrées dans le bilan télévisuel global.
  • Qui finance la télévision française ? Après les impôts (l'Etat), viennent les industries alimentaires, le secteur hygiène-beauté puis l'automobile, la grande distribution, les banques et les télécoms. L'ensemble représente 60% du financement, hors Etat.
Guide des chaînes numériques, p. 85. Attention : investissements BRUTS.
Beaucoup de statistiques dans ce guide, mais les catégories descriptives sont complexes voire sibyllines. renvoyant à des pratiques administratives, de finance publique spécialisée, à des outils de suivis budgétaires ("production audiovisuelle aidée", etc.). Pour faciliter la lecture, les catégories devraient être illustrées des émissions qui s'y trouvent. Quant au cinéma, la complexité des segmentation mises en oeuvre interdit aux non spécialistes de conclure (l'illustration à l'aide de titres de films serait bienvenue).
L'approche diachronique, que permettent 11 années d'analyse (exemple : p. 77), est trop rare.
Dommage que ne figurent pas dans les documents les audits effectués par le CESP des mesures d'audience de la télévision.

Les sujets télévisuels qui fâchent se sont pas évoqués par ce "guide". Par exemple, voici des questions qui pourraient figurer dans un bilan des événements de l'année (au même titre que l'actualité législative traitée dans le chapitre 8. Où en est l'émirat du Qatar dans la télévision française ? Quelle place pour la publicité dans le secteur public de télévision (publicité télévision et publicité Web) ? Quel modèle économique et éthique pour la télévision et le sport ? La télévision publique doit-elle financer avec l'argent public un Tour de France cycliste qui souvent célèbre des "sportifs" dopés ? Quid de l'exception française (accord avec Discovery Communications Inc. sur les chaînes documentaires) ?
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jeudi 25 avril 2013

Boston : télévision locale d'abord. Télévision américaine. Cas N°15

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Les "événements" lors du marathon de Boston donnent l'occasion de vérifier l'importance des différents supports télévisuels américains sur un marché local donné.
  • Les stations locales grand public ont retenu 68% de l'audience entre 19 et 21H (heure locale).
  • Les chaînes thématiques payantes d'information diffusées par les réseaux câble / satellite / télécom (CNN, Fox News et MSNBC) ont retenu 11% de l'audience. Elles ont repris des éléments produits par les stations locales WBZ-TV, WHDH-TV, WCVB-TV et WFXT-TV.
  • Toutefois, la vidéo le plus regardée a été tournée par Steve Sila, journaliste du quotidien  régional, The Boston Globe
Le DMA de Boston (N°7). Source : Newportmedia 
  • Sans surprise, les stations locales confirment leur place primordiale sur marché de la télévision grand public. La station WBZ-TV couvrait le marathon avec une quarantaine de personnes sur les lieux.
Le DMA de Boston (marché N°7) 
  • Ce marché compte plus d'une vingtaine de stations locales dont deux stations O&O : WBZ-TV (CBS) et WFXT-TV (Fox). 
  • Les autres networks sont présents sur des stations affiliées : WCVB-TV, (Hearst affiliée à ABC), WHDH-TV (Sunbeam, affiliée à NBC), WUNI-TV (Entravision, affiliée Univision), WLVI-TV (Sunbeam, affiliée CW), WGBH-TV (affiliée PBS) pour citer les principales.
  • Plus de 90% des foyers du DMA sont abonnés à une offre de télévision payante distribuée par câble (83%) ou satellite (13%). Le DMA couvre une grande partie du Massachussets mais compte également des contés dans les états voisins du Vermont et du New Hampshire.
  • Aereo annonce l'extension de son service à Boston fin mai 2013.
N.B. Comparaison : en France, il est actuellement impossible de connaître l'audience régionale d'une chaîne (nationale) qui d'ailleurs n'a d'implantation locale qu'un émetteur. Seul permettrait de l'approcher, un détour très approximatif par le Web et des réseaux sociaux (Twitter et Facebook).
Le modèle économique de la télévision américaine permet la coexistence, en synergie, du local et du national. Le modèle français reste centralisé et coupé de l'économie et de l'actualité régionales.
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mardi 23 avril 2013

Facebook, nouveau mass-media ?

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Qu'est ce qu'un média de masse ?
Un média qu'utilise presque tout le monde, presque tous les jours. Large couverture, répétition des usages. Suivant M. McLuhan, on ajoutera que ce média se distingue en inculquant un changement perceptif, voire cognitif, chez ses utilisateurs (l'effet invisible du média s'avérant tout aussi puissant que celui, mesurable, des messages).
Le journal, le cinéma, la radio furent des mass-médias. La télévision reste le plus présent des mass-médias... Facebook, social media, laisse-t-il entrevoir un nouveau type de mass-média ?

  • Média financé par la publicité, donc perçu comme gratuit par ses utilisateurs, Facebook se doit, comme la télévision, de réunir des audiences massives. Innombrables utilisateurs : on en compterait plus d'un milliard (selon Facebook). 
  • Facebook étant accessible partout, à partir du Web et des supports mobiles connectés, les utilisateurs en font un usage quotidien, voire multi-quotidien, en temps réel (Messenger). Facebook n'est jamais éteint, toujours sous la main, sous les yeux : dans les points de vente, dans les cours (hum!), dans les transports, au travail, tous lieux restés hors de portée de la télévision. Facebook devient le fond de toute communication (multiscreentasking).
  • Mass-média, car tout le monde l'utilise, Facebook est aussi un média personnel puisque chacun l'utilise à sa manière et en fait son micro-média. Paradoxe : c'est parce qu'il est tellement personnel (personnalisable), qu'il peut être mass-média.
  • Facebook constitue progressivement un univers total : il dispose de son propre moteur de recherche (Graph Search), de son propre courrier, de sa propre messagerie, il est servi par une kyrielle d'entreprises ancillaires et d'applis qui aident les marques, les entreprises, les institutions à y surveiller leur image (monitoring), à y configurer des alertes déclenchées en cas de mention gênante, à y étudier leur audience, leur influence, les sentiments et les engagements s'y exprimant à leur égard (analytics). 
En consultant notre tableau comparatif simplifié TV / Facebook (cf. supra), on perçoit deux grandeurs dont l'incommensurabilité tient aux effets de réseau (loi de Metcalfe), d'une part, et à la portabilité, d'autre part.
Par les ergonomies qu'il suscite, Facebook transforme délibérément l'appréhension du monde social et sa perception : création d'un idiome, incorporation du réseau puis, avec Facebook Home, de gestes ("We're not building a phone and we're not building an operating system. We're building something that's a whole lot deeper than an app" explique M. Zuckerberg). Et ce n'est pas tout ! Facebook envisage d'envahir l'écran d'accueil du téléphone (home screen), cette page qui est "l'âme du téléphone" selon M. Zuckerberg. Après la "facebookisation de la télévision", la facebookisation du smartphone : contagion propre aux mass-médias.
Au bout de tout cela, on comprend que Facebook sécrète une quantité diabolique de données.
Mass-data à vendre ?
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samedi 13 avril 2013

Chronologie des médias et consommation groupée (Binge viewing)

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En mettant à la disposition de ses abonnés tous les épisodes d'une série télévisée d'un seul coup, Netflix a repris, pour son lancement de "House of cards", un mode de consommation des séries inventé spontanément par les téléspectateurs au temps du magnétoscope et des vidéocassettes.
Sundance Channel, une chaîne diffusée aux Etats-Unis exclusivement par les réseaux câblés, satellites et télécom, en reprend le principe (dit "binge viewing") et l'étend au cinéma. La série "Rectify" (6 épisodes de 45 mn) qui sera diffusée le 22 avril à la télévision américaine a été lancée quelques jours avant (samedi 13, 21h) dans une petite salle du prestigieux IFC Theater à New York, en présence des acteurs et de l'équipe de tournage. L'ensemble dure un peu plus de cinq heures. La salle appartient à AMC Networks qui édite la chaîne Sundance Channel (entre autres, avec les chaînes AMC, IFC, WE TV). La série est également proposée en VOD (TV Everywhere) à partir du 15 avril.
La série sera diffusée en France par Canal+, en Espagne par Sundance Channel España, etc.
L'articulation entre salles de cinéma et télévision, en quelque sorte off-line et on-line, indique une nouvelle dynamique associant, pour la promotion du spectacle, deux modes de distribution, deux types de publics (précurseurs et grand public, etc.), deux modes de consommation (publique, privée). Bien sûr, la notion de "chronologie des médias" est sérieusement bousculée et en devient anachronique : une nouvelle économie du spectacle numérique est libre de s'inventer suivant des technologies nouvelles, et qui n'en finissent pas de s'inventer.
Le numérique, c'est la souplesse, la flexibilité, l'inventivité retrouvées. Au public des consommateurs de s'approprier, ou non, les nouvelles manières de disposer du spectacle (DVD, streaming OTT, abonnement, broadcasting, VOD, salles, etc.). S'enfermer dans une chronologie de consommation et une tradition issues des salles diffusant des films en noir et blanc est certainement risqué : le seul salut viendra d'une production de qualité plus nombreuse.

Pour les salles de cinéma, la "Dernière séance" pourrait être le début de nouvelles premières séances. L'IFC Theater fut une en son temps une salle historique et déclinante, The Waverly, et, bien avant, une église. C'est désormais un petit multiplexe dans Greenwich Village, restauré en 2005 : 5 salles, proposant une programmation et un positionnement originaux.


Source : Marshall Haymann, The Wall Street Journal, " Sundance Channels Season Into Day", April 11, 2013.
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mercredi 10 avril 2013

Data: the price of our opinion


Let's start with three propositions:
  • There is an abundant supply of opinions : everyone can produce an opinion about anything, on any topic, at any time (change opinions). An opinion is the product of interrogation; it can also be expressed and observed through behavior:  a program watched (TV meters), consumer paths in a store, the location of a smartphone user, social graph, etc.
  • There is a growing demand for opinions from marketing research institutes and polling companies (advertisers).
  • There is therefore a marketplace for opinions.
Here is a look at the evolution in the various business models.

Business model 1 (M1)
At the beginning, people were willing to give their opinion for free. It was fun; there was a flattering illusion of importance. The business model was simple: a company collected opinions (polling, etc.), processed the data and sold the results as "public opinion". They did not buy opinions: people gave their opinions and were happy - if not proud-  to do so. Free labor was there for the taking. A bit like crowd sourcing.
To motivate and encourage people, esp. those taking part in a long time panel, the companies compensated (incentivised) panelists for their participation with a small a gift, a little money. Something symbolic.
But people are now less and less likely to give their opinion for free. There are too many phone surveys. They do not want to waste their time. Some do not even answer a land line anymore. They do not want to answer surveys on a mobile phone. They do not agree to answer long surveys (some might require more than 7 hours)... Consequently, marketers have to pay more, give better gifts: the average price of an opinion is increasing. Unless surveys are very quick and not intrusive at all.

Business model 2 (M2)
It is bartering, but stealth bartering; a service is first offered : the exchange starts once the service is used. The exchange is rarely explicit, so most people have the impression of using something for free whereas, in fact, data is taken without the user's knowledge.
Companies build services first (webmail, maps, apps for productivity, translation, directories, catalogs, games, weather, search engine, etc.). They offer these services in exchange for data. Do ut des. I give (you) so that you will give to me ("Gib, dann wird Dir gegeben"). This old maxim from Roman law could be the motto for the digital advertising economy. Data is collected smoothly while people use the service. Users pay for the service with their opinion. The research company builds knowledge with the collected data (raw material) and sells it once aggregated and processed.
Consumers become sensitive to privacy.
All the illustrations here are taken from e-mails received since December 2012 from Panel Institut.
Some even wonder now if it wouldn't be safer to pay cash for these services than to be "robbed" of their data / privacy. App.net, an ad-free social network, says: "We are selling our product, NOT our users".
Business model 3 (M3)
People sell their opinion. It is a clear and obvious transaction. This is the ultimate step.
See above and below a recent example from a French company. People are asked to turn their time - i.e. their opinion - into money ("Je convertis mon temps en argent").

"Votre opinion rémunérée" = "we pay for your opinion"
"Your opinion is worth money" ("votre opinion [est] rémunérée"). Answering surveys has become a job.
See also:
HitBliss: people watch commercials to collect points that allow them to rent movies
Panel App: collects location data and, in exchange, provides points redeemable for different incentives, including entry in a monthly sweepstakes.

This third business model is different from the free labor model as described by Pierre Collin and Nicolas Colin in their report on digital economy and taxes ("Mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique", January 2013, p. 2.).

Remarks
  • Surveys in which people are asked to give their data for money could help determine the market price of any collected data.
  • Conscious of the market value (price) of their opinion, people might sell their own opinions, auction them and thereby "kill" the first business model. There could be opinion exchange platforms with RTB, etc. 
  • The competition in marketing research opposes two major categories of companies, i.e. two kinds of business models: the first with traditional marketing research firms (M1) and the second (M2) with Web companies (social networks, search, geography, mobile, etc.). The third category (M3 is only nascent)
  • The value of an opinion diminishes with time. Opinions change quickly and often. Who wants yesterday's opinion? What is the expiration date?
  • Who owns our opinion? It sounds like a Faustian question! Can we sell our soul? 

jeudi 4 avril 2013

Psychologie du retargeting

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Le re-ciblage (retargeting) correspond à l'exploitation d'un "acte manqué" (cf. infra) analysé comme symptôme d'une intention, notamment d'une intention d'achat : sont re-ciblés par l'action publicitaire (remarketing) des internautes dont le comportement manifeste une intention commerciale ; ils ont cherché un produit avec un moteur de recherche (search retargeting), ils ont effectué, sur des sites d'annonceurs, diverses actions (cherché une information sur un produit, comparé des prix, regardé une vidéo publicitaire, etc.). On considère qu'ils ont failli, tenté, manqué d'acheter un produit ou un service et ne sont pas allés au bout de leur geste.
En acte, ils auraient marqué un intérêt, et, en acte toujours, un désintérêt, puisqu'ils n'ont pas acheté (shopping cart abandonment, cf. Listrak). Du raté commercial, l'on conclut qu'il trahit une intention, oubliant l'autre force, de valeur égale, celle qui a interrompu et bloqué la démarche. De l'achat manqué (cas particulier d'acte manqué, comme le lapsus, l'oubli d'un nom, etc.), on n'interprète que le visible (la visite) pour déclencher une action publicitaire personnalisée ; on laisse de côté le "négatif" qui contient sans doute autant d'informations sur le client potentiel (ses réticences, l'image et les connotations du produit, etc.). Le symptôme, l'acte manqué, est la résultante de deux forces.

Pour l'internaute, un acte manqué peut être un acte réussi. La visite "incomplète" du site commercial est le compromis d'une intention (d'achat) et d'une censure, d'une défense : l'intention de ne pas acheter. Le reciblage passe outre, insiste et re-tente l'internaute (perseverare diabolicum!).
Pour ne pas manquer l'acte manqué, l'annonceur qui recible intervient le plus tôt possible, dans les moindres délais. Le retargeting lutte contre l'oubli, contre la rationalisation de l'acte manqué qui est une dissonance cognitive provisoire ("j'ai eu raison de ne pas acheter, je n'ai pas assez d'argent"). D'où l'importance du "temps réel", de la récence (cf. simpli.fi estime empiriquement l'optimum d'efficacité du retargeting entre 5 et 30 minutes). Ce qui, notons le au passage, souligne l'intérêt de qualifier la répétition dans un plan média en prenant en compte son rythme, la durée séparant deux actions publicitaires (cf. H. Ebbinghaus et sa courbe d'oubli, Vergessenskurve). Pourrait-on appliquer le bêta de Morgenzstern au reciblage ?
  • Nous excluons ici le reciblage des internautes qui ont acheté et à qui l'on propose un autre produit de la marque, en affinité. A ceux qui n'ont pas acheté, l'on peut proposer un même produit d'une autre marque, d'une autre gamme de prix.
  • Le reciblage anticipé est un moyen de gérer la répétition nécessaire à la transformation (effective frequency). Il peut être aussi un moyen d'éviter le développement d'une dissonance cognitive dont l'aboutissement peut être un repentir (cf. la notion juridique de "droit de repentir").
  • Dans l'attribution, on attribue au reciblage une responsabilité exagérée puisque l'attribution va au dernier intervenant avant la transformation. Ce qui est plus facile que de déterminer les parts de chaque action.
  • A rapprocher de la "fièvre acheteuse", pathologie dite aussi "oniomanie" : plaisir ou folie d'acheter. 
L'avenir du reciblage est dans la mise en oeuvre de dispositifs pluri-média, on- et off-line. S'adresser à ceux qui sont allés dans le rayon, ont pris un produit en main et l'ont reposé sans rien acheter. Ainsi, Facebook cible les prospects en s'appuyant sur les données de cartes de fidélité réunis par Datalogix (achats off-line). S'adresser à ceux qui ont regardé un produit sur un site, n'ont pas acheté et leur représenter le produit et sa promotion lorsqu'il se trouvent à passer non loin d'un linéaire vendant le produit (il faut des applis pour cela sur le smartphone). Un tel reciblage, plus qu'une insistance et une répétition très vite désagréable, peut s'avérer une variation utile et un enrichissement de la communication pour le consommateur.

Références
  • L'acte manqué est une notion psychanalytique décrite par S. Freud dans la Psychopathologie de la vie quotidienne (Zur Psychopathologie des Alltagslebens. Über Vergessen, Versprechen, Vergreifen, Aberglaube und Irrtum,1904), puis dans son Introduction à la psychanlyse (Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1916). Pour les traductions du terme "acte manqué", voir le Vocabulaire de la Psychanalyse (J. Laplanche, J.B. Pontalis, Paris, PUF, 1967). Fehlleistung, le terme employé par Freud désigne en allemand une action manquée, ratée (du verbe fehlen). L'anglais recourt à une innovation lexicale forgée sur le grec pour désigner la Fehlleistung : parapraxis.
  • Retargeting : pour une définition par des acteurs majeurs de ce marché, voir, entre autres AdRoll, CriteoReTargeter.