jeudi 30 octobre 2014

PBS, télévision au service des publics : audiences en hausse


PBS, le network de la télévision publique américaine, a réussi une bonne saison 2013-2014. Grâce à des programmes tels que "Downton Abbey" (dont la quatrième saison a battu le record d'audience historique de la chaîne) et "The Roosevelts. An Intimate History", entre autres, PBS se classe immédiatement après les 4 grands networks nationaux commerciaux : CBS, NBC, ABC et Fox. Donc devant toutes les chaînes thématiques du marché américain, dont la chaîne sportive ESPN, et devant le network commercial The CW (CBS + Time Warner). PBS peut se targuer aussi de faire mieux que HBO, Bravo, A&E ou Discovery...

En termes de service public, le bilan de PBS est imposant ; sa mission est accomplie, éducation, divertissement, information, culture générale...
La télévision publique américaine, tard venue - en 1970 - sur un marché dominé depuis 20 ans par des chaînes à finalité publicitaire, se distingue radicalement de celles des pays européens.
Elle ne vend pas de publicité, ne commercialise pas son audience et assume sa vocation éducative et culturelle. Elle s'adresse à des citoyens, dit-elle, pas à des consommateurs... Ses revenus proviennent du parrainage, de collectivités publiques, d'associations et de contributions volontaires des ménages (les Etats-Unis ne connaissent pas la redevance). Enfin, soulignons que la télévision publique américaine bénéficie aussi, comme toute télévision grand public aux Etats-Unis, d'une assise locale répartie sur 210 marchés (DMA) avec 351 stations.

mercredi 29 octobre 2014

TV linéaire, une mort annoncée si longtemps à l'avance ?


Selon les enquêtes de l'institut d'études Park Associates, la consommation de télévision dans les foyers américains est en voie de délinéarisation. Dans les foyers disposant d'une connexion haut débit, on compte 17 heures et demie par semaine de télévision délinéarisée, consommée sans horaire : vidéo à la demande, OTT, streaming ou via un enregistreur numérique (DVR) ; la télévision linéaire représente 11 heures et demie de consommation.
Bien sûr, ce phénomène s'amplifie pour les plus jeunes des adultes qui, de toute façon, accordent de moins en moins d'importance au téléviseur, regardant surtout la vidéo sur d'autres supports, généralement mobiles. En revanche, la télévision linéaire fait l'objet d'une consommation plus sociale ("coviewing"), "conjointe" (Source : Crackle / Frank N. Magid).

Faut-il enterrer la télévision linéaire, comme le proclame le titre de l'étude (The Death of Linear TV) ? A moyen terme, le téléviseur sera de plus en plus souvent connecté au Web, on peut donc penser que la délinéarisation dominera de plus en plus les consommations : effet d'offre ? Actuellement, seul un tiers des foyers américains disposent d'un téléviseur connecté, il faudra donc encore quelque temps pour que s'estompe la télévision linéaire. Mais cela paraît probable, sous réserve de bande passante suffisante (cf. le débat sur la neutralité du net) !

Quid des écrans publicitaires avec la télévision délinéarisée? Quid du médiaplanning publicitaire traditionnel ? Avec la vidéo délinéarisée, les écrans publicitaires font place à des messages contextuels entourant le programme (pré-roll, mid-roll, post-roll). Le médiaplanning et l'achat d'espace publicitaire relèvent des pratiques en cours avec le Web, et donc de plus en plus du programmatique...
Reste le GRP, inaltérable étalon de mesure, à condition d'être multi-plateforme et de savoir dédupliquer les audiences. Ce qui n'est pas encore garanti...

vendredi 24 octobre 2014

Presse magazine et crowdsourcing


Guide pratique de la science participative en astronomie, hors-série de Ciel & Espace, octobre 2014, 100 p., 7, 5 €, distribué par Presstalis. Disponible aussi en version numérique.

Ce guide pratique est destiné aux astronomes amateurs. Le rédacteur en chef donne le ton d'emblée : "tous astronomes !" Le premier article titre sur "le grand retour des amateurs" et propose en une double page un tableau du "boom des sciences participatives en astronomie", historique remontant jusqu'à 1973. La participation de nombreux amateurs - la fameuse et mystérieuse "multitude" - à la science astronomique, c'est une des dimensions du crowdsourcing.

La presse magazine joue un rôle primordial dans l'activité de ceux que l'on appelle "amateurs – professionnels" (Pro-Ams).  Elle leur donne la parole, célèbre et partage leurs inventions, leurs créations et fait valoir leurs exploits les plus modestes. On s'en convaincra en parcourant les titres, nombreux relevant des "loisirs créatifs", qu'il s'agisse de couture, de crochet, de jardinage, de tuning ou de cuisine... Et les amateurs ne sont jamais très loin dès lors qu'il s'agit de sport ou de musique.
Grâce à Internet, ces pratiques d'amateurs, autrefois  isolées, peuvent communiquer instantanément, partager, coopérer. Elles prennent ainsi une nouvelle dimension ; c'est le cas avec l'astronomie : "la multitude des citoyens de ce monde interconnecté est une ressource pour analyser les millions d'images et de spectres qui sortent des grands téléscopes" affirme le rédacteur en chef, qui va jusqu'à parler à ce propos de "bol d'air démocratique pour l'astronomie". C'est ce qu'illustre de manière convaincante ce hors série dont le sommaire est organisé selon la difficulté des projets à la portée des astronomes amateurs.

Discipline scientifique souvent vulgarisée (cf. les cours d'astronomie populaire d'Arago, publiés en 4 volumes en 1864 puis L'astronomie populaire de Camille Flammarion, publié en 1880), elle trouve dans la presse magazine un soutien et un outil de diffusion : "Débuter en astronomie", "Je montre le ciel à mes enfants" (hors-série de Ciel & Espace), des guides d'achat ("Lunettes et téléscopes"), des conseils pratiques ("photographier le ciel"). D'ailleurs, on retrouve des "images d'amateur" sur le site de Ciel & Espace qui organise des compétitions d'astrophotographie entre amateurs.

Ce hors-série permet d'observer en œuvre le recours au crowdsourcing et la contribution des amateurs à la recherche professionnelle. S'agit-il d'une simple association - intéressée - de "grosses têtes" et de "petites mains" ou bien s'agit-il plus largement d'une relation nouvelle des loisirs et de la culture scientifique ? Le cas de Zooniverse, "portail de projets participatifs", illustre cette discussion sur "l'univers en expansion des sciences participatives". C'est aussi, par exemple, dans cet esprit que les astronomes citoyens peuvent contribuer à l'étude la "pollution lumineuse" (pp. 32-35).
Peut-on imaginer une évolution semblable pour la data, ou encore pour la médecine (cf. par exemple le site foldit) ?
Au-delà de l'astronomie, ce hors-série invite également à reconsidérer le statut de la vulgarisation scientifique et de sa relation à la formation scolaire et universitaire : l'étymologie du mot "école" n'est-elle pas le mot grec signifiant aussi "loisir" ! Dans quelles conditions pourrait-on imaginer une reconnaissance des acquis du crowdsourcing par les institutions éducatives ?


* Ciel & Espace : magazine mensuel, développé dans l'après-guerre, le magazine a donné naissance en 2006 à Ciel & Espace Radio avec des émissions podcastées et, en 2008, à Ciel & Espace Photos. Abonnement papier + online, tarif étudiant.

dimanche 19 octobre 2014

La presse s'empare de la vidéo : le Los Angeles Times avec Roku



http://www.latimes.com/visuals/video/
La une de la section video du site du Los Angeles Times
Le passage de la presse quotidienne au numérique s'accompagne d'un passage à la vidéo. Changement de support, changement de métiers.
Le Los Angeles Times a développé une offre vidéo comprenant des Visual Story Telling, des mini-documentaires, des rubriques consacrées au voyage (Postcards), au spectacle TV et cinéma, à la conso (légumes du marché, "market fresh"), etc. Ces sujets s'ajoutent aux habituelles rubriques locales de la presse quot.

Une nouvelle étape vient d'être franchie : désormais, ces vidéos seront diffusées par Roku (streaming) sur une chaîne dédiée, "Los Angeles Times Original". Le quotidien va ainsi jusqu'au bout de sa logique et arrive sur le marché global de la vidéo, entrant dans un nouvel univers de concurrence.

Rappels
  • Concurrent de Apple TV et de Chromecast, créé en 2002, le player de Roku distribue en streaming des milliers de services vidéo dont Netflix, Amazon Instant Video, Hulu, HBO GO, YouTube, Vudu, Watch ESPN, etc. Il compterait déjà 10 millions d'utilisateurs, soit plus de 8% des foyers américains.
  • Roku vient de créer un video ad network, appliquant un modèle déjà utilisé par les chaînes de télévision avec les opérateurs câble et satellite. La publicité sera administrée (monétisation, etc.) par LiveRail "platform for publishers" qui a été achetée en juillet par Facebook et est accréditée par le MRC (équivalent français du CESP).
  • Parmi les investisseurs de Roku, on compte deux acteurs importants de la vidéo : BSkyB (en octobre 2014 et en 2013 et 2012) et Netflix (dès 2008).
http://www.latimes.com/visuals/video/

jeudi 9 octobre 2014

Télévision américaine : le marché permanent des stations


Un network de la télévision commerciale américaine est une structure complexe de 210 stations terrestres (une par DMA), en évolution continue : le réseau réunit des stations directement contrôlées par le network (filiales, Owned-and-Operated, O&O) et des stations affiliées, sa structure change au gré des ventes de stations. Prenons l'exemple du network Fox.
  • Fox Television Stations, qui regroupe les stations du network Fox, achète KBCB-TV (DMA de Seattle-Tacoma, N° 14) pour 10 millions de $. En conséquence, Fox rompt son contrat d'affiliation, à partir du 17 janvier 2015, avec la station KCPQ (DMA de Seattle) qui appartient au groupe Tribune Co.
  • Dans le DMA de Charlotte (North Carolina, N° 24), Fox a acheté en 2013 les stations WJZY (affiliée au network CW) et WMYT (associée à MyNetworkTV). WJZY devient une station Owned and Operated (O&O) de Fox. Du coup, dans ce DMA, WCCB perd son affiliation avec Fox et s'affilie à CW.
  • En octobre 2014, Fox Television Stations acquiert deux stations dans le DMA de San Francisco-Oakland-San Jose (DMA N° 6), KTVU et KICU. Un échange a eu lieu avec Cox Media Group qui acquiert dans l'opération deux O&O de Fox : WHBQ (Memphis, DMA N° 50) et WFXT à Boston (DMA N° 7). Ces deux stations s'affiliant à Fox, leur programmation ne change donc pas.
  • Le network Fox compte 28 stations O&O couvrant ensemble 37,28% des foyers TV américains (113 802 820 TVHH) ; la limite réglementaire est fixée à 39% des foyers (FCC). Les foyers restant sont desservis par des stations affiliées (210 - 28, soit 182 stations).
Ces évolutions récentes de Fox illustrent la fluidité et la modularité du marché télévisuel américain. Son adaptation continue, sans à-coup réglementaire, à l'évolution démographique et économique des régions et, bien sûr, à l'évolution des audiences, est garante de sa pertinence économique. S'ajoutant à la délimitation des DMA, variable à la marge, county par county, nous sommes en présence d'une dentelle complexe toujours en phase avec l'économie locale et nationale de la télévision.

Mise à jour 21/10/2014

Quelques jours plus tard, revirement : Fox et Tribune Co. s'accordent et Fox reviennent sur la suspension d'affiliation de KCPQ ("notice of termination"). Le contrat d'affiliation se poursuivra jusqu'en juillet 2018. Tibune Co. a accepté de payer pour les programmes de prime time et de sport ("additionnal programming fees"). Ceci constitue une inversion de la relation network / affiliée, "reverse compensation". L'affiliation est un rapport de force.

Document : classement des DMA pour la saison TV  2014-2015. Source : Nielsen.   Ici

samedi 4 octobre 2014

Audience numérique des journaux américains : mobile d'abord

Répartition des lectures numériques

L'audience numérique des journaux américains s'accroît = +18% en un an pour les internautes de plus de 18 ans. Les segments démographiques qui augmentent leur lecture de presse en ligne sont d'abord des segments féminins. Parmi les 18-24  ans (72% d'audience cumulée mensuelle) et les 25-34 ans (92% d'audience cumulée mensuelle), ce sont les femmes qui dominent (Source : Newspaper Association of America, comScore, 29 septembre 2014, 300 journaux mesurés).
A partir de 24 ans, l'audience numérique décline avec l'âge et la génération ; le segment 18-24 ans est en très forte croissance, surtout chez les femmes (+38%).

N.B. Rappelons qu'aux États-Unis, la presse quotidienne est presque exclusivement locale ou régionale ; on ne compte que peu de titres nationaux d'envergure hors de US Today (généraliste) et The Wall Street Journal (économie, finances).

Les lectures mobiles accentuent cette tendance (l'enquête dichotomise : desktops / laptops, d'une part, mobiles, d'autre part (tablettes et smartphones). La lecture sur desktop / laptop diminue (-14%), la lecture exclusive sur mobile augmente de 102%, la lecture hybride (tout appareil mobile) augmente de 48%. Globalement, les lectures sur appareils mobiles l'emportent sur celles qui sont effectuées sur ordinateurs. L'équipement des ménages américains en smartphones et tablettes va certainement renforcer cette tendance.

Voici donc de très bonnes nouvelles pour la presse quotidienne américaine. Tout d'abord, le numérique, loin de la condamner, va la sauver. En effet, les lectures numériques entraînent un rajeunissement de l'audience globale, et sa féminisation.
Reste à mettre en place les outils de monétisation publicitaire de cette audience de plus en plus mobile. Un travail s'impose de construction de segments de consommation (cibles) ; nul doute que l'exploitation de la data très riche que réunit cette presse le permettra, data allant bien au-delà du démographique et incorporant le géographique, le contextuel, le comportemental, etc. Cette data enrichira également la stratégie du travail journalistique.
La presse américaine est de plus en plus un média numérique.

mercredi 1 octobre 2014

Lids down ? Multitasking en cours et en réunion


Un collègue américain, Clay Shirky, qui enseigne les media studies à l'université de New York (NYU), prend publiquement parti, à contre-cœur, dit-il, contre l'utilisation par les étudiant(e) des smartphones, laptops et autres tablettes pendant les cours. Je cite :

"So this year, I moved from recommending setting aside laptops and phones to requiring it, adding this to the class rules: “Stay focused. (No devices in class, unless the assignment requires it.)” Here’s why I finally switched from “allowed unless by request” to  “banned unless required.”

Selon lui, ce multitasking numérique nuit à la qualité de l'attention des étudiants, à leur concentration, à la mémorisation, au travail intellectuel (cognitive work), en un mot, à l'efficacité globale des cours.
La discussion du multitasking, ici évoquée à propos de l'enseignement, pourrait être étendue à d'autres situations, par exemple, aux réunions en entreprise où le multitasking numérique sévit aussi (on dit que des mesures pour l'interdire auraient été prises chez Google, et même en Conseil des ministres...). Une réunion à Amazon commence par la lecture silencieuse des documents préparatoires écrits (narratives)... A New York, le smartphone est interdit au lycée.

Par-delà ce qui relève - malgré tout - de la courtoisie, de la politesse et du savoir-vivre, le multitasking renvoie à la question de l'utilité des cours et des réunions, donc de leur durée et de leur nombre. Trop de temps perdu, de discours inutiles, de monologues à écouter, assis ou vautrés ? Qui, hypocrite lecteur, n'a jamais somnolé en cours ou en réunion ? Le multitasking pourrait-il d'ailleurs être lu, de même que l'assiduité, comme un indicateur du taux d'intérêt d'un cours ou d'une réunion.

Du fait de sa durée et de la qualité des présents, une réunion coûte souvent très cher, mais ce coût total est rarement calculé. Une réunion ne doit-elle pas être la plus brève possible, s'achever sans délai avec une décision ? Au journal Le Monde, du temps de Hubert Beuve-Méry, la conférence de rédaction du matin se tenait debout pour qu'elle soit de courte durée et attentive.

Et la durée des cours ? Il y a de plus en plus d'outils didactiques qui peuvent se substituer au cours dit "magistral" ou en réduire la durée. Et notamment des outils numériques (cours en ligne, didacticiels, etc.). Ne relève donc du format "cours" que ce qui suppose des interactions : questions, explications, approfondissements... A quelles conditions un cours est-il indispensable ? La question renvoie aux débats sur l'assiduité, l'évaluation, le contrôle des connaissances et des compétences, la prise de notes et leur circulation...

Aux arguments de Clay Shirky, les étudiant(e)s opposent que - eux / elles, enfants d'une génération numérique - sont évidemment capables de multitasking. En fait, le procès du multitasking reste noyé dans l'opinion, dans l'intuition ; pour l'instruire en toute rigueur, il faudrait disposer de plusieurs analyses, souvent manquantes.
  • L'analyse des effets du multitasking (à distinguer de la dextérité numérique) :  éparpillement de l'attention ou gain de temps ? Je ne connais pas de démonstration valable et généralisable...
  • L'analyse coût / efficacité (ROI) des réunions ou des cours, coûts directs et coûts d'opportunité (prendre en compte le temps passé, le temps de déplacement, l'occupation des locaux, etc.). 
Enfin, une réflexion homologue concerne les médias. Car la mesure de l'audience des médias omet la réflexion sur le multitasking. Toute audience est-elle bonne à compter ? Le multitasking double-t-il le nombre des contacts ? Traduit-il une augmentation ou une diminution de l'attention ? Que sait-on de la valeur des contacts selon qu'il y a multitasking ou multiscreentasking ?