La vente de publicité n'est donc pas le métier d'Apple qui est par ailleurs un important annonceur sur tous les médias.
Apple ne vend pas les données de ses clients aux annonceurs et à leurs opérateurs de publicité. La marque garde ces données pour son propre usage et peut ainsi se vanter de respecter la vie privée de ses clients. Depuis iOS 9, Apple accepte de distribuer des applis d'adblockers dans l'App Store iTunes, y compris une appli comme Bean Choice, qui bloque même la publicité native.
Les produits Apple sont réputés pour être chers, les consommateurs acceptent de les payer cher - et les opérateurs télécoms acceptent d'en payer une partie, comme prime de fidélité pour leurs clients. Choisir Apple, est-ce choisir de payer plus cher pour ne pas être dérangé par le spam publicitaire ? Les utilisateurs en sont-ils conscients ? Oui, si l'on en croit certaines enquêtes. Cf. Robert Klara, "2 Web brands rank surprisingly low in relevance survey", AdWeek, January 21, 2016.
Ne pas être accablé de publicité mal ciblée, intempestive pourrait devenir un luxe de consommateur, un privilège de CSP+++. La gratuité se paie et les consommateurs de médias gratuits font de la résistance à coup de zapping TV, d'adblocks, de multi-tasking, voire de Netflix ou DuckDuckGo ("the search engine that doesn't track you")... De leur côté, les médias ripostent avec la publicité cachée, dite "native". Ce jeu du chat et de la souris n'est pas socialement neutre : moins on est riche, notamment en capital culturel, plus on a de chances d'être bombardé de publicité, harcelé, reciblé, spammé...
Le débat actuel sur la publicité dans les émissions pour enfants de la télévision de secteur public français est un signe de plus, témoignant d'une mauvaise humeur à l'égard de la publicité.
Ce geste de Apple est comme une sur-détermination qui signale que quelque chose est fêlé. C'est le signal faible - pas très fort, certes - que quelque chose est peut-être en train de changer dans le monde de la publicité et de la communication. La publicité est œuvre commerciale de talent, d'information, de séduction et de vérité, pas de harcèlement.
5 commentaires:
La vision de la publicité est entrain de changer du côté des annonceurs. En effet, "l'harcèlement" laisse place à une publicité fine qui vise au mieux le consommateur. Ce dernier voit l'abscence de publicité comme une plus value. L'exemple de l'offre Youtube Red en est la conséquence. Le client paye pour avoir une offre plus large et sans publicité.
Apple qui se positionne comme une marque "premium" inspirée des marques de luxe. En effet, ses emballages sont épurés, elle apporte un soin tout particulier aux matériaux et à la finition de ses produits et ses prix sont résolument plus élevé que la moyenne du marché. Tous ces caractéristiques font qu'elle est la marque technologique de "luxe". Dans cette lancée, elle n'a pas d'autres choix que de réduire voir supprimer ses revenus publicitaires.
M. Mariet,
Cela me surprend qu'à moitié qu'Apple a décidé de donner la victoire aux consommateurs vis-à-vis de la publicité. En effet, la perception de la pub par les consommateurs vont à l'encontre de l'image de la marque qui impose sa "tyrannie du cool" (documentaire diffusé sur Arte).
Or, la publicité native ou la dépublicitarisation reflètent qu'il existe des individus publiphiles et c'est un moyen de percevoir des recettes pour beaucoup d'entreprises telle Havas. Il me semble difficile de ne plus diffuser de publicité à l'heure actuelle vue qu'il existe de plus en plus d'entreprises qui doivent se faire connaître auprès du public et une industrie dépend de ces supports communicationnels.
Le modèle d'Apple de ne plus, soit disant, vendre sa donnée ni de vendre de la publicité ne peut être appliquée à une échelle globale. Comme vous-même avez dit, il s'agit d'un marché de niche qui consomme Apple. Mais nous n'avons pas tous les moyens de consommer Apple, et ses prix chers s'expliquent plus par leur stratégie marketing et leur tyrannie du cool que par des biens ou services hyper-performants. j'ai l'impression au'Apple s'est d'abord servi de la publicité pour devenir incontournable dans le marché des télécoms, des software, des services digitaux, des outils de communications. C'est grâce à la pub, comme à d'autres choses, que la pomme est devenue connue et fait partie des GAFAM actuellement. Cette décision de repousser la pub seulement maintenant est comme un caprice de la marque envers son principal levier. Ainsi, il apparaît que sa stratégie ne peut être vue comme un modèle à suivre pour les suivant acteurs.
La publicité est déjà en train de se muter afin de devenir créative et attirante, plus qu'harcelante. Et c'est grâce à la pub que les coûts de beaucoup de services sont amoindris et plus attirant pour les consommateurs économes. Aulieu de la repousser, il serait peut être mieux de comprendre les mutations de ce phénomène.
Je me pose aussi la question sur comment Apple pourra désormais communiquer sur ses nouveaux produits ? Va-t-elle tomber dans l'oubli ? L'histoire capitaliste montre que certains acteurs sont grands à des moments et petits à d'autres. Rien est acquis d'avance et il y aura toujours quelqu'un qui sera ravi de prendre les parts de marché des autres. Apple doit plutôt se positionner comme un acteur qui ne contraint plus les autres, comme elle a longtemps fait avec les appli dans son Apple Store, si elle veut être innovante.
Ce geste d'Apple n'est pas dénué de sens dans sa logique de concurrence avec Samsung son principal Challenger. En faisant le choix de se couper totalement du marché publicitaire, c'est une valeur ajoutée que l'entreprise rajoute à son produit. En effet, si on prend l'exemple d'un produit concurrent Samsung, l'utilisateur ne pourra pas à partir du simple navigateur intégré échapper à la publicité (avec parfois des campagnes fortement intrusives qui empêchent même cet utilisateur d'avoir accès au contenu qu'il souhaitait voir de base).
Pour autant se pose alors la question même du résultat d'une telle action : Le consommateur est il réellement prêt à payer plus cher pour se passer de la publicité, en se tournant vers Apple qui malgré une stratégie "dite" centrée sur le client, présente encore certains défauts sur ces produits (l'autonomie, le prix et la durée du vie avec l'obsolescence programmée).
Il est très intéressant de voir que - dans un contexte où la monétisation de la data devient obsessionnelle, et où les GAFAM rivalisent d'inventivité pour trouver un revenu dans les moindres traces d'internautes/mobinautes - Apple fait le choix de ne pas commercialiser ces données. Pourquoi ?
En janvier 2015, l'entreprise annonçait avoir vendu 1 milliard de terminaux, fonctionnant bien sûr tous sur les systèmes d'exploitation iOS. Cela offre à Apple une visibilité de premier rang sur les comportements des utilisateurs, leur navigation, leurs recherches, leur vie privée, leurs affinités, et bien sûr leur propension d'achat, information très valorisée par les annonceurs. A titre de comparaison, Google, qui a une position largement dominante sur son activité de moteur de recherche et opère sur bien d'autres segments grâce à une expansion horizontale, est rapidement devenu grâce à la data le champion des régies publicitaires !
On comprend néanmoins qu'Apple ne souhaite pas laisser ses concurrents croquer la pomme de la connaissance... et conserver pour elle-même toutes les informations qui circulent sur ses systèmes d'exploitation et son Cloud. Car le Big Data est central dans la stratégie d'Apple et constitue un puits d'information privilégié pour connaître le client, le fidéliser (jusqu'à la capture) et lui proposer des services toujours plus optimisés en fonction de ses besoins.
Cela est certainement lié à deux caractéristiques fondamentales que Steve Jobs a cherché à ancrer dans la philosophie de l'entreprise :
D'abord, une dynamique de conception de produits pionnière, basée sur des analyses prospectives et l'identification de marchés "blue ocean" avant même qu'ils ne se déclarent.
Ensuite, une stratégie marketing agressive que Sophie a très justement mentionné comme "la tyrannie du cool", cherchant à installer Apple comme une love brand. Ce statut ne peut donc pas aller de pair avec une monétisation de "l'audience" (Apple étant un quasi-média), qui détériorerait la confiance et l'intimité que lui accordent les clients.
A l'heure de la convergence, la diplomatie entre éditeurs de contenus, plateformes et fabricants de terminaux repose encore largement sur des accords de nature publicitaire. La position clémente d'Apple vis-à-vis des adblockers présente donc un challenge stratégique quant à ses relations commerciales ! Cette orientation traduit très certainement un recentrage sur d'autres activités à valeur ajoutée, plus customer-centric et en ligne avec la publiphobie ambiante...
Cette décision d'Apple augmente la valeur ajoutée de la marque auprès de ses consommateurs, ce qui n'est pas une moindre affaire dans ce contexte concurrentiel très fort. Elle ne prend que davantage d'importance lorsque l'on considère également que les consommateurs sont de plus en plus réticents à la publicité, et plus particulièrement les français, dont 30% possèdent des adblocks (80% chez les jeunes).
Comme cela a été mentionné également, monétiser la data de ses clients, ce qui est très fréquemment fait, n'est pas en adéquation avec l'image que souhaite véhiculer la marque.
Ainsi, les revenus qu'elle ne générera pas de cette manière sont loin d'être réellement "perdus". De la sorte,elle se concentre davantage sur les besoin et volontés des consommateurs et obtient un avantage de taille vis-à-vis de ses concurrents.
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