98 est en France un trimestriel de 116 pages, publié par le groupe Michel Hommel. Le magazine est cher : 9,9 € (16$ le numéro à New York). Mais, pour les fans, le football n'a pas de prix ! L'abonnement annuel français est vendu 29,9 €. Une version numérique est disponible au même tarif.
Le groupe Michel Hommel est surtout connu pour ses titres dans l'automobile et, dans une moindre mesure, dans l'histoire. 98 est sa première incursion dans la presse du football (le groupe publie déjà plusieurs titres de cyclisme).
98 est le parent français du magazine américain (Eight by Eight), nombres qui évoquent pour les Américains les dimensions du but (goal) sur un terrain de football : 8 pieds de hauteur. 8 yards de longueur.
"So, what’s with our name? The goalposts are silent witnesses to the most dramatic moments in the game"They stand 8 feet high by 8 yards long. Eight by Eight." En français, ce jeu de mots est intraduisible, alors on lui a préféré la référence à l'année 1998 : la Coupe du Monde qui se déroulait en France vit la victoire de l'équipe de France, battant l'équipe du Brésil en finale, 3 buts à zéro. 1998 fut une année Zizou (deux buts en finale). Le temps d'une Coupe, beaucoup de Français regardèrent le monde "les yeux dans les Bleus". Formidables audiences télévisuelles, de plus en plus féminines. "Le chiffre 98 est aujourd'hui devenu un symbole de réussite, de joie, de mélange des genres et de cultures, tout simplement d'unité". Heureux irénisme, notalgique !
Le numéro 1 de 98 se trouve juste à temps dans les kiosques pour le démarrage de la Coupe d'Europe de football et de la Copa. Le visuel est le même pour les deux éditions, France et Etats-Unis. L'événement fait le média.Le magazine met au programme Paul Pogba, en qui il invite à voir le futur meilleur joueur du monde et l'avenir du football français ("l'avenir des Bleus" / "the future of France"). Le design du magazine tranche avec les habitudes de la presse sportive. Une ambition esthétisante est affichée que traduisent illustrations et charte graphique : dans son éditorial, Julien Bée, le rédacteur en chef pour la France, demande de mettre "l'illustration au service du reportage". L'ambiance visuelle du magazine est réussie, très BD, graffitti, tatouage. Le carcan de la page imprimée est souvent déstructuré, invitant l'œil à errer et mieux penser. Des graphiques de styles divers aident à voir et anticiper le Coupe : camps de base, villes hôtes, galeries de stars... La narration, l'écriture, en revanche, restent traditionnelles. Le foot peut-il enfin imaginer une écriture originale, à la fois technique et passionnée, adaptée à l'enthousiame qu'il suscite, écriture qui rompe avec les commentaires affligeants du type humour télévisuel et style exclamatif. Peut-être faut-il relire Antoine Blondin, journaliste sportif, héraut de tant de Tours de France. De vagues jeux de mots ne suffisent pas au plaisir des lecteurs de foot. Défi lancinant du journalisme sportif.
Si 98 propose des portraits de personnages (joueurs, entraîneurs, équipes), du people (l'affaire Benzema), il aborde aussi l'examen de l'architecture d'un stade (le Parc Olympique Lyonnais), parfaitement illustré. Et, pour la réflexion politique, il y a le superbe dessin de Sue Coe en fin de magazine, consacré à la Coupe du monde au Qatar (2022) : "plus de 20 ouvriers seront morts pour chaque match joué". Mais que diable, qu'est allé faire le football dans cette galère ?
Ce magazine new-yorkais, lancé en 2013, a pour ambition déclarée de couvrir des clubs sportifs américains et européens, leurs joueurs, leurs entraîneurs. Volonté d'internationalisation servie par une double actualité : en même temps que la Coupe d'Europe, se déroule la Copa America qui célèbre son centième anniversaire. La Copa se joue aux Etats-Unis dont l'équipe est sélectionnée avec quinze autres d'Amérique latine ; pour la première fois, la Copa a lieu hors d'Amérique du Sud, rappelant que les Etats-Unis sont un pays hispanophone et que, à ce titre, le football (soccer) y est chez lui. 98 présente les étoiles de la Copa : Lionel Messi (Argentine) d'abord, puis Fabian Johnson (Etats-Unis). De plus, ESPN consacre plus de 300 heures à l'Euro UEFA. N'oublions pas non plus que le football féminin américain contribue beaucoup à la notoriété de ce sport aux Etats-Unis, l'équipe nationale étant championne du monde.A quoi sert le football ? Les clubs sont désormais un enjeu majeur de l'économie internationale des médias et des loisirs, au titre du soft power. Faut-il en appeler au football et à la Coupe pour distraire, distraire d'une situation présente préoccupante pour de nombreux Français : crainte d'attentats, grêve revendicative, inondations : le football a-t-il pour premier objectif d'être un opium pour le peuple ? Cette question mériterait de plus larges développements.
L'internationalisation de ce titre est l'une des premières d'une telle qualité. Prochaine étape, une édition chinoise ?
Sur le foot et les médias dans ce blog : ici
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