"Gustave Flaubert. Le romantique enragé", Le Monde, Hors série, décembre 2021, 124 p., 8.9€
Le numéro que Le Monde a consacré à Flaubert commence par une biographie en images et se termine par la publication, quelques mois après sa mort, de Bouvard et Pécuchet et par une photographie de sa tombe au cimetière de Rouen.De Madame Bovary dont le sous-titre évoquait Balzac ("Moeurs de province" pour Flaubert, tandis que Balzac sous-titrait Eugénie Grandet "Scènes de la vie de province"), on arrive ainsi à Bouvard et Pécuchet, "l'encyclopédie critique en farce".
"Flaubert est un homme siècle", conclut Gisèle Séginger, normalienne, spécialiste de Flaubert, sur qui elle a fait sa thèse. Ni réaliste, comme le voulait Sainte-Beuve, ni naturaliste comme le voyait Zola, Gustave Flaubert, s'il admire Victor Hugo et Jules Michelet, rejette Lamartine et Musset, et finira en "très mince républicain". Gisèle Séginger dépeint Flaubert en "excessif" : "Flaubert, écrit-elle, n'aime pas son époque, ce XIXe siècle, où l'industrie et les bourgeois en habit noir triomphent. Il rêve d'Orient, selon lui, la patrie symbolique du beau...". Bel entretien avec Yann Plougastel au coeur du numéro.
La partie "Débats" commence avec les plaidoyers des avocats au procès de Madame Bovary : à Ernest Pinards, procureur impérial, répond l'avocat de la défense, Jules Senard ; le jugement du 7 février 1857 qui prononce l'acquittement. Puis vient la querelle de Salammbô, et Flaubert répond à Sainte-Beuve. Barbey d'Aurevilly, à propos de L'éducation sentimentale, accuse son auteur de faire des inventaires et de n'être "qu'un faiseur de bric-à-brac". Ensuite, nous avons Proust évoquant le style de Flaubert, et Sartre qui déclare ses intentions au Monde en 1971 : "Mon but est de montrer une méthode et de montrer un homme". Enfin viennent les hommages de Théophile Gautier, de Georges Sand, d'Emile Zola ("Il (Flaubert) était très doux devant la langue, ne jurait pas, attendait des heures qu'elle voulût bien se montrer commode. Il disait avoir cherché des mots pendant des mois".
Tout cela se termine par des "Références" et un "Lexique" établi par Virginie François ; elle montre un Flaubert hostile à la Commune, à ce qu'il appelle la "bêtise démocratique" et au suffrage universel. Elle montre aussi Flaubert en surpoids, atteint de la syphilis (comme Baudelaire, Daudet, Goncourt, Maupassant...). On pourra regretter qu'elle n'évoque pas également Pierre Bourdieu ("L'invention de la vie d'artiste", Actes de la recherche en sciences sociales, 1975, Numéro 1. 2, pp. 67-93) ou Marcel Proust ("À propos du style de Flaubert", La NRF, n° 76, 1er janvier 1920, pages 72-90 ).
L'ensemble constitue une excellente introduction à l'oeuvre de Flaubert et donnera envie de le (re)lire.
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