Sandrine Szwarc, Fascinant Chouchani, préface de Shmuel Wygoda, Paris, éditions Hermann, 2022, repères chronologiques, bibliographie, 464 p., 25 €
mercredi 28 septembre 2022
Le maître de nos maîtres ? Histoire intellectuelle de Chouchani
samedi 24 septembre 2022
La rhétorique a formé le monde romain
J-E Lendon, That Tyrant Persuasion. How rhetoric shaped the Roman world, Princeton University Press, 302 p, Bibliogr., Index
Le livre commence par l'assassinat de Jules César : les assassins se vantaient alors de suivre une mise en scène bien calculée ; première partie prévisible car la connaissance de la tyrannie et donc le portrait du tyrannicide font partie de la formation de base des jeunes romains. Logique donc. L'auteur montre alors, ensuite, le rôle pratique de l'éducation rhétorique romaine, rôle que l'on retrouve dans divers domaines de la vie publique : l'architecture des monuments (les nymphea, les murs qui protègent les villes, les rues à colonnades), et les lois surtout. Voilà qui expliquerait "the strange world of education in the Roman empire" et l'ampleur des effets invisibles de la rhétorique sur la société romaine.samedi 10 septembre 2022
Un siècle de vies en Allemagne : une micro-histoire majeure
Sonja-Maria Bauer, Ganz normale Leute. Eine Familie und ihr Traum vom sozialen Aufstieg (1850-1950), Verlag Regiolakultur, Heidelberg, Stuttgart, Basel, Ubstadt-Weiher, 230 Seiten, Quellen (227-229), 19.90 € ("Des gens tout à fait normaux. Une famille et son rêve d'ascension sociale")
C'est l'histoire d'une famille normale, de gens tout à fait normaux, emportés lentement dans l'ascension sociale, l'industrialisation, les guerres, le nazisme, la paix retrouvée. Une famille allemande, européenne, examinée dans les détails de ses mouvements : démographie, mobilité et immobilité sociales, économie du travail.
L'auteur(e) a accompli un formidable travail de recueil et d'analyse de quantité de documents concernant sa propre famille. L'analyse est plutôt simple, en apparence du moins, ce qui rend ce travail de lecture agréable. Beau travail d'auteur donc. Pas de charabia inutile : l'auteur donne à voir le monde sans les lunettes sociologiques ou historiques habituelles, pour que l'on puisse voir le monde tel qu'il est, tel qu'il est perçu par la population à laquelle il appartient. Le confort et la rigueur de la lecture sont accrus par la documentation photographique de grande qualité et aussi par les résumés généalogiques placés à la fin du livre, en annexes ("Anhang" : "Übersicht über die Generationen", p. 217-222).
On peut tirer de multiples conclusions de ce travail minutieux. Mais surtout, d'abord, on y perçoit parfaitement la situation des femmes, fatiguées par les naissances multiples et le travail domestique. La mortalité infantile est très élevée et celle des mères aussi qui souvent meurent bien jeunes. Dommage que l'on n'ait pas ou très peu d'informations sur les situations médicales de ces familles et sur leur encadrement médical et religieux vécu. Leur destin semble difficile et l'auteur souligne qu'il est souvent mal perçu par les historiens de la société de l'époque ("die Rolle, die das Schicksal der Frauen und Kinder für die Familien der Zuwanderer spielte"). Affirmation essentielle de l'historienne.
L'auteur a travaillé sur sa famille, certes ; ceci pourrait constituer une objection méthodologique mais le sérieux, le volume et la finesse des observations historiques compensent largement les déficits - nécessaires - de la micro-sociologie, ou micro-histoire ("Mikrohistorie") mises en oeuvre. Très vite apparaît d'ailleurs la constitution d'idéal-types dans l'immigration dans les villes, ce phénomène majeur.
Voici donc un très beau livre d'histoire (et d'histoires !) dont la lecture approfondira les connaissances que nous avons de l'Allemagne de ce siècle (1850-1950).
Bien sûr, on voudrait parfois en savoir plus : sur l'exécution de la population juive, à parti de 1933, par exemple. Quelles furent alors les réactions de la population ? Que pouvait-elle faire ? Qu'aurait-elle voulu faire ? Mais le saura-t-on jamais ? Et comment le savoir ? Histoire sociale impossible qui rend le secret bien gardé ! Et de connaître l'effet des bombardements de la ville de Stuttgart ne compense pas ! Mais tout cela fut la vie des Allemand-e-s de cette époque, de tous ces gens tellement normaux.