dimanche 3 novembre 2019

Les usages d'Internet en France: des inégalités sans surprise


Stéphane Legleye, Annaïck Rolland (division Conditions de vie des ménages, Insee), "Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base", INSEE Première, N° 1780, 30 octobre 2019.

L'INSEE vient de publier une étude sur la place d'Internet dans la vie des ménages français.
Tout d'abord, internationalement, en Europe exclusivement, les Français se tiennent dans la moyenne, un peu au-dessous, comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande mais bien loin derrière l'Islande, les pays scandinaves, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou l'Allemagne. Découpage géographique qui en recoupe d'autres, très anciens (catholiques / protestants ; couverture des toits en tuiles / ardoises, etc.) ; la France est plutôt à la traîne, derrière l'Europe du Nord ; mais elle se situe devant l'Europe du Sud et de l'Est. A moins que ce ne soit le niveau de vie : la Norvège, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, la Suisse, la Finlande et le Royaume-Uni sont en tête.


Pour ce qui est de la "capacité numérique" et des "usages d'Internet", le diplôme s'avère discriminant mais, néanmoins, les chômeurs sont mieux placés que les autres inactifs et retraités (effet d'âge, effet de la nécessité ?), de même que les ménages avec enfants (les enfants enseignent et forment leurs parents).
Un quart de la population est encore incapable de s'informer à l'aide d'Internet. Notons que 49% des usagers d'Internet se trouvent incapables de chercher des informations administratives (33% sont incapables de trouver des informations sur un produit ou un service) : ce qui pointe leur défaillance, certes, mais aussi celle de l'administration et de l'Etat : il faut inventer sans cesse une didactique spécifique capable de promouvoir les usages d'Internet.

Part de personnes ayant une incapacité ou en situation d'illectronisme 
L'illectronisme, maladie sociale, est lié au diplôme (3,5 % des diplômés de l'enseignement supérieur, 43,9 % des non diplômés), au fait de vivre dans le monde rural et, surtout, à l'âge (3% des 15-29 ans contre 67,2 % des plus de 75 ans) ; même si ce taux d'illectronisme a, d'une manière générale, fortement baissé depuis dix ans (2009).
La conclusion de l'étude, sans surprise, est qu'il faut lutter contre l'illectronisme, cause de "vulnérabilité sociale", parmi d'autres : "Ne pas avoir accès à Internet ou ne pas savoir utiliser les outils numériques représente donc un réel handicap". Mais si cette étude est sans surprise, c'est aussi parce qu'elle s'en tient aux généralités... Aller fouiller dans les détails donnerait à mieux comprendre la société française contemporaine.
Une des principales leçons que l'on peut également tirer de l'étude est le besoin de services publics d'Internet chargés d'enseigner son usage, services qui pourraient être confiés systématiquement, entre autres, à des entreprises du secteur public (éducation, transports, santé, postes, etc.) mais également aussi aux banques, aux commerces...
En fait, pour conclure, plus on est pauvre et moins on accède aux services d'Internet, mais ceci est vrai de toutes les pratiques culturelles, et on le sait depuis longtemps... Cette étude le confirme dans ses grandes lignes, et c'est bien.

4 commentaires:

Zysla a dit…

Cette étude de l'INSEE, pose enfin des bases solides concernant l'accès à Internet en France et les capacités d'utilisation de cet outil pour les Français. Si elle pose des bases, elle doit aussi nous interroger sur la qualité des enquêtes d'opinion, de comportement, d'attitudes, sans oublier les audiences, de plus en plus systématiquement posées en auto-administré par Internet : l'étude INSEE montre bien qu'il ne suffit pas d'être équipé d'Internet pour répondre, il faut aussi être à l'aise pour le faire. On dispose maintenant de données tangibles pour répondre à la question de la réelle représentativité de ces enquêtes, donc de leur qualité et de leur valeur. Une problématique méthodologique de faible importance quand il s'agit de savoir si la personnalité préférée des Français sera de nouveau Jean-Jacques Goldman en 2019 (Etude IFOP pour le JDD), mais beaucoup plus "cruciale" quand il s'agit de prendre des décisions politiques, ou dans l'univers de la communication quand il s'agit d'étalonner la monnaie d'échange que représente l'audience pour l'achat d'espace publicitaire.

Fadika Loren a dit…

L'accès effectif et l'intelligibilité de l'Internet et du numérique ne sont plus du confort lorsque le numérique devient nécessaire afin de réaliser des démarches administratives. De ce fait, l'Etat devrait proposer des formations gratuites à destination des publics souffrant d'"illectronisme".

Marion Prunier a dit…

Il est intéressant de noter que l'illectronisme touche aussi les jeunes (bien que dans une moindre mesure). Cela met en évidence l'importance non négligeable des autres facteurs qui contribuent à ce phénomène mentionnés dans l'article. Il me semble que les personnes les plus ostracisées restent tout de même les personnes les plus âgées, notamment celles isolées qui ne bénéficient pas d'un soutien familial pour les guider dans l'utilisation des outils numériques. Cela peut se révéler être un véritable handicap, par exemple pour effectuer des démarches administratives en ligne.

Louise DANIEL a dit…

Cette étude est certes assez peu surprenante, mais néanmoins nécessaire lorsqu'on observe la digitalisation de plus en plus forte de notre société, qui laisse donc à la marge une partie de la population, et participe à les isoler encore davantage. Nous pouvons prendre par exemple le cas des déclarations d'impôts, qui sont aujourd'hui à faire obligatoirement en ligne. Finis l'exception en fonction du revenu fiscal, tous les citoyens doivent passer par internet sous peine de payer une amende de 15 euros. Comment feront les citoyens concernés par l'illectronisme ?