samedi 23 novembre 2019

Ciblage socio-démo et data ?


Les professionnels de la publicité française, depuis toujours, segmentent et décrivent les consommations selon quelques grandes catégories issues de la comptabilité nationale et de la prévision, catégories élaborées pour la gestion des finances publiques, reprises par la sociologie de la culture, la sociologie politique, le marketing, etc.
A la base, le socio-démo exploite la segmentation selon le sexe et l'âge, les niveaux de revenus, les groupes de professions. En France, une administration publique dépendant du Ministère de l'économie et des finances, l'INSEE, produit, collecte et diffuse cette statistique de référence (qui sert, entre autres, au calage des enquêtes).

A l'aide du socio-démo, on voudrait rendre compte, et non expliquer, des comportements de consommation, des intérêts pour des produits, des fréquentations de services. Les socio-démo sont devenues des noms de cibles marketing (femmes 15-24 ans, enfants de 11-14 ans, personnes de plus de 60 ans, etc.). Ensembles et appartenances avec lesquels on établit des corrélations plutôt que des explications.
Car, en réalité, les données socio-démo n'expliquent pas, elles décrivent une appartenance, souvent confuse. Les hommes s'intéressent à l'automobile, fréquentent des sites d'automobile. Parce que ce sont des hommes ? Non, parce qu'il leur faut changer d'automobile et rêver un peu aussi. La visite d'un site automobile trahit une intention, consciente ou pas, un désir. Si l'on cherche des internautes qui envisagent de changer de véhicule, on les trouvera notamment parmi ceux qui ont visité un site de crédit automobile, un site de constructeur, un site comparateur d'assurances, un article sur la sécurité automobile, et notamment parmi ceux qui cumulent plusieurs de ces comportements. Hommes ou femmes ? Jeunes ou vieux ? Qu'importe, c'est l'intention qui compte : les données nous dispensent des socio-démos.

Le reciblage (retargeting, remarketing) est l'exploitation directe de cette proposition évidente. Si telle personne a visité un site d'ordinateurs, c'est peut-être qu'elle envisage d'acheter un ordinateur. Si elle n'en n'a pas acheté encore (shopping cart abandonment), adressons lui un message vantant des ordinateurs.
Les cibles ainsi définies sont dites comportementales (ou contextuelles ou lexicales, variations du comportemental). Quand la réalisation d'une intention est proche, immédiate, on se trouve dans la performance ; quand elle est différée, lointaine, on dit que c'est de l'image de marque (branding). Une image de marque est une intention en puissance, latente, en attente d'être énoncée, pensée puis réalisée.
Le travail sur la data (comportements, lexique, etc.) remplace avantageusement le recours aux catégories socio-démographiques.
Connaît-on sa cible avant ? Pas toujours : la cible est ce que l'on a touché. Alors pourquoi donne-t-on tant d'importance au socio-démo ?

3 commentaires:

Thierry Turco a dit…

On peut noter ici une mutation du marketing qui est toujours plus data-driven, dans le marketing digital toutes les actions se basent sur des preuves concrétes et experimentée, les hypothèses de segmentation apriori sont misent de coté.
Car segmenter consiste à catégoriser votre clientèle suivant des critères. Ces critères permettent de regrouper des clients ayant quelque chose en commun (clients homogènes) : le sexe et l'âge, les niveaux de revenus, les groupes de professions..
Mais si jusq'au paravent les marketeurs utilisaient le profiling car en grandes lignes le profile peut s'approcher à un besoin et donc une cible à viser, desormais on part du besoin directement.
En effet la data, avec des action de retargeting, démonte totalement ces habitudes profesionnelles...

Marion Prunier a dit…

Il est sûr que la data offre un cadre plus précis et nuancé que les catégories socio-démographiques d'un point de vue commercial et marketing. Dans le cas de de la socio-demo, on généralise un comportement à un ensemble de personne, alors que pour la data, on sait que telle personne à tels centres d'intérêts. Peut-être que la socio-demo peut encore être pertinente très en amont de la commercialisation d'un produit, lors de sa conception, pour commencer à forger les contours de la cible à laquelle le produit s'adressera ?

Louise DANIEL a dit…

Cette comparaison entre l'approche traditionnelle socio-démo et l'exploitation des datas comme on le connait aujourd'hui dans la publicité digitale permet de mieux comprendre la perte de valeur progressive qu'un annonceur attribue à la pub télévisuelle. Certes, la télé reste un média permettant de toucher les consommateurs en masse de manière simultanée, et reste en cela encore inégalée, mais pour quel ROI ? L'annonceur a un retour très opaque sur la conversion réelle que sa campagne a opéré, ce qui correspond a une perte directe d'une grosse partie de son investissement. Se détourner vers la publicité digitale, bien plus ciblée et donc bien plus à même d'atteindre un consommateur intéressé, paraît moins dangereuse.