mercredi 27 février 2008
News You Can Use
mardi 26 février 2008
Apollo, atterrissage en catastrophe
Testé depuis 2005 sur le marché de Houston (Texas, DMA N°10), le projet Apollo consistait en une énorme enquête de type source unique (single source), une de ces enquêtes où l’on obtient pour un même consommateur des informations sur ses achats de produits et sur sa fréquentation des médias (« consumer-centric vision »). Pour cela Nielsen fournissait des données de consommation (HomeScan) et Arbitron des contacts média radio et TV (Portable People Meter), à quoi s’ajoutaient des informations collectées en ligne sur les lectures de presse. Superbe théorie. Soutenue par de grands annonceurs de la grande consommation (dont Procter & Gamble, Kraft, Wal-Mart, Pepsi, Pfizer, SC Johnson, Unilever). Budget astronomique.
Conduit simultanément par les deux puissances légitimes de la mesure d’audience aux Etats-Unis, Apollo devait livrer des outils définitifs en termes de médiaplanning et des réponses opérationnelles quant au retour sur investissement publicitaire. Utopie cross-media de l’approche dite «360°». Tentation lancinante.
Devant la promesse d’un tel édifice, chacun y est allé de son discours de célébration, obligé, intéressé («Conceived as a breakthrough service for the next century», http://us.acnielsen.com/pubs/2004_q4_ci_media.shtml).
Et la langue de bois déversa ses power points.
Et pourtant, à y regarder de plus près, « sans prévention ni précipitation », ce projet conjuguait tous les traits d’une splendide usine à gaz, riche en tuyaux qui fuient et robinets qui coulent, en quotas introuvables et statistiques osées.
Et même sans le secours d’un très «malin génie», aux exigences de rigueur «hyperboliques», on aurait pu douter davantage : d’abord le budget, alors que beaucoup d’acteurs professionnels rechignent à payer la mesure de base, ensuite l’hétérogénéité de la collecte, la complexité du travail statistique qui s'en suit (fusion, modélisation, etc.) auraient dû inquiéter. Et puis, quand même, quelques médias étaient tenus à l’écart, Internet, la publicité extérieure, une grande partie des médias hors foyer (out-of-home), le marketing direct, etc. tout cela représentant bien plus de la moitié des investissements publicitaires.
Projet média pharaonique, dispendieux, aux nobles ambitions, qui était au marketing ce que le France et le Concorde furent à l’économie des transports grand public. Très grand panel (11 000 personnes dans 5 400 foyers, preque autant que le panel audimétrique national) pour un tel montage, mais si petit au regard de ce qui se peut pratiquer dans les médias numériques (TNS Media Research met en place un panel de 100 000 foyers avec DirecTV, par exemple). De plus, l' échantillonnage par quotas est si délicat qu’il est difficilement plausible : qui donc accepte de participer à ce type d’enquêtes, quelle représentativité, quelles études de calage adéquates au rythme des changements à prendre en compte ?
Cet atterrissage en catastrophe devrait signer la fin de ce genre d’aventures. Une époque des études publicitaires est en train de s’achever. Le numérique rend possibles d’autres approches associant consultations des médias et comportements d’achat, des tailles de panels passifs autorisant les échantillages aléatoires, des statistiques plus raisonnables.
Comment penser les conditions de l’erreur, l’épistémologie de tels fourvoiements : pourquoi une telle cécité de la part de si grands professionnels qui, mieux que nous, savent tout des limites nouvelles des formes traditionnelles d’enquête ? Difficulté de sortir des habitudes, de penser la rupture, même évidente, que consomment et l’évolution des médias et l’évolution des modes de vie. Peut-être aussi qu' à force d'être dans le feu de l'action, comme l'observe le Fabrice de Stendhal à Waterloo, il arrive que l'on n'y voit plus rien. En tout cas, ce sera une "erreur positive".
mardi 19 février 2008
ESPN The Magazine, en ligne avec la télé
Le magazine bimensuel du groupe de télévision sportive américain ESPN, (filiale de Disney) est en ligne. Un site à son nom, pour son dixième anniversaire.
Le site s’ouvre sur un planisphère interactif en plein écran permettant de situer d’un seul regard l'ensemble des plus grands événements mondiaux du sport à un moment donné, titrant à la manière d’Eratosthène et des géographes d’autrefois « THE WORLD (ACCORDING TO US) ».
http://sports.espn.go.com/espnmag/index
En ligne, le magazine s’affirme quotidien (ESPN The Mag. Daily). Truffé de blogs et de sujets vidéo, il s’essaie à prendre des airs de chaîne de télévision. Et y réussit. Robbyn Footlick, le rédacteur en chef parle de « lunchtime programming » pour évoquer la grille de ce type de média consommé de plus en plus souvent au bureau, au moment de la pause repas sur un écran d’ordinateur, et bientôt sans doute sur un écran de téléphone via Wi-Fi (cf. iPhone). Nielsen Online (VideoCensus) a effectivement distingué un prime time pour les sites de TV entre 12H et 14H en semaine. La Une, page d’accueil, ne comporte que peu de texte, hormis les grands titres, liens et menus déroulants. La publicité est pour l'instant en bandeau de haut d'écran (full banner) ; premier annonceur, Porsche (Cayenne), avec un lien vers son site.
Le statut, le positionnement d’un site par rapport au média antérieur de même marque restent confus tant du point de vue du marketing de la régie que du marketing de la rédaction ou de l’antenne.
A son lancement, ESPN The Magazine apparut comme une extension de la marque télévision ; il s’agissait d’ailleurs du second lancement d’un magazine par ESPN après l’échec retentissant, en 1988, de TV Sport. Depuis, le magazine était réduit en ligne à une entrée dans le site espn.com : « The Sports Guy’s World ». Une déclinaison de la marque existait déjà en radio. Pour ESPN donc, il y a plusieurs supports et une seule marque. Et le magazine semble comme une marque dans la marque, puisqu'il a son site à part.
Pourtant, les contenus, la ligne rédactionnelle du site soulignent l’évolution de la presse lorsque Internet s’en saisit. Mais faut-il encore parler de presse ? Pourquoi ne pas comprendre plutôt que le magazine est la version papier, arrêtée, simplifiée, statique d'un site ? Ni le support, ni l’organisation des contenus, de plus en plus souvent audio-visuels, ni les ergonomies de lecture et de recherche, rien sur le site ne ressemble plus à un magazine. Et surtout pas la publicité, pour partie, croissante, interactive, ciblée et personnalisée à la volée selon les comportements modélisés.
Reste la marque qui les unit, justifie des additions d’audience et de notoriété. Les médias ont bien du mal à concevoir la liberté du lecteur, qui n’en fait qu’à sa tête et conjugue et décline à sa manière la relation éventuelle du papier et de l’écran.
La grammaire des consommations média est encore à imaginer.
lundi 18 février 2008
quadrantOne, couplage Internet plurimédia
Quatre groupe médias américains s’allient en une joint venture pour constituer un réseau publicitaire en ligne (online ad-sales network) : Gannett Co., Tribune Co., Hearst Corp. et The New York Times Co. Au total, 120 titres régionaux et plusieurs stations de télévision locale. 50 millions de visiteurs uniques / mois selon Nielsen, répartis dans 27 des 30 premiers marchés locaux (DMA). Quelques semaines plus tard, trois nouveaux groupes de presse rejoignent l'opération, McClatchy Co., A.H. Belo Corp. et Media General Inc. Désormais, le couplage réunit 250 quotidiens.
L’ensemble permet le ciblage géographique, comportemental et contextuel (thématiques larges correspondant aux sections des journaux), tout en gardant l’image de marque et la notoriété construites par les versants off-line des médias : « Trusted Brands. National Reach », « Marques de confiance, couverture nationale ».
Tout d’abord, il réalise un produit qui n’existait pas auparavant. Chaque support support peut vendre, en plus, de l’espace national, régional ou pluri-local. Pour les annonceurs, il permet d’accéder à un média en ligne sur mesure, à portée nationale. Montage classique (cf. le récent couplage, Cox Cross Media, de Cox Television). En revanche, ce qui est nouveau dans le produit quadrantOne est l’association, grâce à Internet, de médias jusqu’à présent hétérogènes, papier et télévision. D’autres médias locaux peuvent d’ailleurs rejoindre quadrantOne, stations de radio, médias numériques de point de vente ou de transport … stratégie et mesure 360° !
Ensuite, il s’agit d’une association de quatre groupes pour la mise en place d’une plateforme technologique qui leur sera propre, au lieu de recourir à celle de Google ou Yahoo, concurrents potentiels de leurs régies. Pour être efficace, cette plateforme devra garantir aux annonceurs la réduction globale des coûts de transaction… L’objectif déclaré de quadrantOne est effectivement de permettre une transaction simple (un seul acte d'achat pour plusieurs supports), un bilan de campagne global et standardisé (reporting).
On voit à l’œuvre, dans ce couplage, le travail homogénéisateur des technologies Internet, qui créent une monnaie publicitaire unique, divisible, et qui en abaissant les coûts de transaction (cf. le débat théorique sur le théorème dit de R. Coase) conduisent des régies publicitaires à confier à des entreprises extérieures des activités qu’elles auraient autrefois développées en interne.
Internet dissout la notion de média pour ne garder que celle de support.
mardi 12 février 2008
Internet sort vainqueur du conflit studios / scénaristes
Internet ne veut plus faire média à part
Une élection discrète mais qui concerne indirectement tous les Américains, et, mondialement, tous les téléspectateurs, a réuni 10 500 électeurs aux Etats-Unis. Le scrutin concernait de la poursuite ou de l’arrêt de la grève des scénaristes syndiqués (Writers Guild of America), entamée il y presque 4 mois contre les studios (Alliance of Motion Picture and Television Producers). L'arrêt de la grève après 100 jours a été décidé par 92,5% des votants : les scénaristes retournent au bureau écrire la suite des aventures de "Grey's Anatomy", "House" et autres "Uggly Betty".
La raison de la grève : la rémunération des scénaristes lorsque leur travail est diffusé, streamé, téléchargé sur Internet (fixe ou mobile). La règle est qu’ils reçoivent une rémunération pour les scenarii exploités par les chaînes et stations de télévision, à quoi s’ajoutent des droits résiduels (residuals) pour les marchés secondaires (ancillary markets), VHS, DVD notamment mais pas Internet. Les scénaristes s’étaient déjà fait gruger par les studios dans le cas des cassettes puis des DVD. Cela ne devait pas passer avec Internet. Rappelons que en 1988, sur une question de residuals déjà (diffusion à l'étranger notamment), la grève des scénaristes avait duré plus de 5 mois !
Les grévistes ont obtenu 2% sur les revenus encaissés par les studios pour toute exploitation de leur travail sur Internet (et non un montant forfaitaire comme l’escomptaient les studios), 1,2% des paiements effectués par les internautes pour les téléchargements (et inversement lorsqu’une série réalisée pour Internet est diffusée en télévision). Ils ont obtenu les mêmes conditions (assurance santé, retraite) pour les scénaristes travaillant pour Internet que celles des scénaristes travaillant pour la TV traditionnelle. Ils accèdent aussi aux données financières de l’exploitation des séries (pour vérifier leur dû). Enfin, ils obtiennent une augmentation de 3,5% des salaires (3% seulement pour le travail distribué en prime time).
Une nouvelle négociation est prévue en 2011 : rythme triennal inadéquat à un univers médiatique qui change si vite. Auparavant, sur le même sujet, une autre négociation est à venir pour les studios : avec les acteurs (Screen Actors Guild) dont le contrat expire le 30 juin 2008.
A long terme, l’enjeu apparaît formidable, si l’on admet que la distribution des émissions (scripted shows) via Internet deviendra significative. La notion de "droits résiduels" et de "média ancillaire" est surannée, tout comme le fut en France, en télévision, celle de "chaînes de complément". Internet est devenu un média stratégique.
Qu'importe le mode de distribution, ce qui compte c'est l'émission. Il faut désormais mettre en en oeuvre une comptabilisation complète des audiences d'une émission, tout mode de distribution inclus. Et peut-être concevoir aussi des modalités d'intervention publicitaire transversales, également indépendantes des supports.
mardi 5 février 2008
Super Bowl, super pubs
- Evénements télévisuels et Internet vont bien ensemble. Pour peu que l’on en conçoive, en amont, la complémentarité et l’interaction. Car dans cette affaire Internet n’est pas un média ancillaire. La création triomphe donc, et l’on en oublierait les clichés obligés sur l’encombrement publicitaire (clutter), l’art d’éviter les écrans publicitaires, intrus et intrusifs (zapping, skipping, zipping, etc.) à coup de PVR, de TiVo, de télécommande. TiVo, qui, pour l'occasion, sert à revoir la pub, encore et encore : ainsi, dans les ménages équipés de TiVo, regarde-ton plus la publicité que le match. L’intrusion, c’est la pub médiocre qui s’impose au mauvais moment, à la mauvaise cible, à haute fréquence. D'ailleurs, la meilleure audience de l'événement télévisuel revient à un spot publicitaire, celui de Victoria's Secret (103, 7 millions de personnes contre une moyenne émission de 97,5, selon Nielsen). Très fort taux de rétention donc et aussi excellente mémorisation (recall), avec des taux supérieurs à 66%.
- Quand la pub est bonne, placée où il faut, quand il faut, le téléspectateur en demande. Et il en redemande, sur Internet, où, si l’on en croit une enquête de comScore, il se rend autant pour consulter une information sportive que pour regarder la publicité. Pour 26% des téléspectateurs (35% des femmes, 16% des hommes), la pub est l'un des meilleurs moments du Super Bowl (« What is your favorite part of watching the Super Bowl? Watch the ads »), loin devant l’intermède de variétés diffusé à la mi-temps.
samedi 2 février 2008
Lapsus télévisuel et corruption de la langue
Au-delà de ces sinistres éclats de rire, tout ceci rappelle la force des mots, qui parlent à notre place, bien au-delà de ce que l’on pense. Car l’on parle toujours plus que l’on ne pense, surtout dans les médias. Et qui rappelle aussi le travail de “dénazification” d'une langue allemande empoisonnée que se proposaient, par exemple, le poète de langue allemande Paul Celan, mais aussi l’observateur méticuleux de la langue nazie, Victor Klemperer (LTI. Notizbuch eines Philologuen, 1957, Reklam Verlag, Leipzig).