mardi 16 juin 2009

The Boat that Rocked Radio


Ce film raconte un épisode de l'histoire de la radio en Europe. L'un des plus beaux épisodes de cette histoire, celle des radios pirates s'adressant au public anglais dans les années 1960. Dommage que l'on ait, en France, affublé ce film d'un titre ridicule ("Good Morning England"), qui induit un contre sens culturel. Le titre original "The Boat that Rocked" balance mieux muni d'une triple connotation !

Ce film raconte une épopée romantique. Des animateurs en Mer du Nord, sur un raffiot rouillé, diffusent du rock à tout va. Animation insolente, mal polie. Musique irrévérencieuse défiant une culture souvent pudibonde et coincée qui tient les ondes d'Etat (BBC), représentée dans le film par les caricatures de personnages politiques. C'est l'histoire des radios pirates, de la plus célèbre d'entre elles, Radio Caroline (1964). Les gouvernements s'attacheront à couler, au double sens du terme, ces radios "illégales", financées par la publicité et soutenues par la majorité du public anglais, les plus jeunes en tête.
Le film est tout en tendresse et humour ; DJ, auditeurs baignent dans une musique heureuse et mélancolique, qui est le prétexte du film. On pense à Wolfman Jack, DJ légendaire ("American Graffiti"). Et puis, "on a tous dans le coeur" sa "Rockcollection"....
A la même époque, la radio française connaissait le confort mortel du monopole d'Etat, monopole direct (ORTF), indirect avec les radio dites alors - sainte hypocrisie - périphériques (RTL, EUROPE 1, RMC). Les premières radios libres éclosent à la fin des années 1970 : Radio Verte, la première, lancée sur un plateau de TF1 le 13 mai 1977, radio écologiste, politique.
En 1980, les radios FM, locales, libres et privées sont interdites, savamment et chèrement brouillées. Elles vivent dans la crainte des descentes de police et des saisies.
Mi-1980, les voyants du moment expliquent encore que le radio FM ne trouvera ni son public, ni ses annonceurs, qu'il n'y a de radio que de grandes ondes ! Refus de la publicité locale, pour protéger la presse régionale : les radios seront associatives. Il aura fallu dix ans de batailles pour reconnaître la radio FM et l'inscrire dans le droit des médias.

Les déclarations des politiciens (certains sévissent encore) les hissent au niveau de leurs homologues britanniques ridiculisés dans le film. A l'exception de Marcel Bleustein-Blanchet, le monde de la publicité ne fait guère mieux.

J'emprunte au dossier d'Annick Cojan quelques éléments de son "florilège politique" de cette époque (publié dans Le Monde du 9 avril 1997) :
  • "Nous défendrons le monopole pour que MM. Bleustein-Blanchet, Hersant et Amaury, tapis dans l'ombre, ne soient pas tentés d'accroître ainsi leurs profits et leur puissance", futur ministre de la communication.
  • "Il n'est pas question de laisser se développer sur l'ensemble du territoire ces radios qui pourraient diffuser de l'information de toute nature", secrétaire d'Etat, relations avec le Parlement.
  • "Les radios libres, ce sont les Gardes Rouges", ministre de l'intérieur.
  • "Les radios locales sont le germe puissant de l'anarchie", Premier ministre.
Quelle lucidité ! Quelle générosité !
Comme souvent dans l'histoire des médias, c'est la publicité qui libère et l'Etat qui opprime. Comme souvent aussi, le droit est accouché dans l'illégalité.

Biblio : Annick Cojean, Frank Askenazi, FM. La folle histoire des radios libres, Grasset 1986.

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