vendredi 31 juillet 2009

Intermittences du quotidien



Un quotidien, c'est tous les jours. Chaque jour (du latin quot = tout, chaque, et dies, le jour). En fait, il est peu de quotidiens conformes à leur nom, paraissant 7 jours par semaine. Seuls les titres de la presse régionale (dont Le Parisien, quotidien d'Ile-de-France) correspondent à cette définition depuis qu'ils ont mis en place une édition du dimanche (et même s'ils colportent la fiction publicitaire de deux journaux différents, l'un de semaine, et l'autre du dimanche affublé du nom bizarre de "quotidien du septième jour").
Certains titres s'en tiennent à 5 jours (presse économique, presse gratuite) au prétexte explicite que seuls importent les jours d'activité, même s'il s'appuient sur une définition inadéquate de l'activité. La plupart des autres quotidiens nationaux généralistes sortent 6 jours par semaine (Le Monde, Libération, La Croix). L'Equipe, consacré à l'information sportive, est publié 7 jours sur 7.

L'Humanité a longtemps publié une édition du dimanche, sur papier journal, mais enrichie, vendue porte à porte aux sympathisants communistes ; désormais, elle paraît le jeudi en format magazine. Loin, la vente militante du dimanche matin, loin "La valse de l'Huma", composée par Jean Wiener en 1954, (pour le cinquantenaire du journal : "un journal dans un matin de France..."). Ne reste que la "Fête de l'Huma" (créée en 1930), un week-end en septembre. Plus d'Huma non plus le samedi (alors que ce numéro du samedi a diffusé autrefois, en encart, Les Lettres françaises que dirigeait Aragon).

Depuis 1999, Le Parisien publie une édition du dimanche sur papier journal. Semblable à l'édition de semaine.
La presse "gratuite d'information", 5 numéros par semaine, déserte aussi durant les vacances d'été et d'hiver, alors même que beaucoup moins de la moitié des habitants des grandes villes sont partis. Raisons de gestion.
Récemment, plusieurs titres ont décidé de ne pas paraître certains jours de l'année : pour Le Figaro, le 15 août, le 25 décembre et le 1er janvier ; Libération y ajoute le 8 mai, le jeudi de l'Ascension, mais paraîtra le 15 août. Mystère ! Le 1er mai, aucun quotidien. La plupart des titres de la presse régionale sont absents des points de vente le 25 décembre et le premier janvier. Les gratuits et la presse économique sont absents également pour la plupart des jours de fête. 
  • Dans cette atmosphère raréfiée, Le Parisien affiche qu'il est encore là, même en août, tous les jours. La campagne sur abribus s'adresse aussi aux médiaplanners : on peut compter sur Le Parisientout l'été, à la différence des gratuits. Cette affirmation vaut également à l'avantage de la plupart des autres titres de la presse quotidienne régionale.
  • Quand nous calculons la diffusion de la presse, à fin de classements commerciaux, nous devrions, pour apprécier la puisance d'un titre, compter le nombre total d'exemplaires diffusés dans l'année, au lieu de nous en tenir à des moyennes caclulées sur les uniques périodes de diffusion. Pour le médiaplanning, la période de diffusion est désormais plus certaine que le rythme affiché de diffusion. Le même terme, "quotidien", peut signifier 210 numéros par an... ou 360 (Source : OJD). Ecart amplifié par le lectorat et les reprises en main. Donc mieux vaut concevoir une stratégie média avec en tête le nombre de parutions qu'avec la classification apparente quotidiens / hebdomadaires.
  • La profession média / publicité devrait mettre un peu de rigueur dans le vocabulaire technique.
  • Stricto sensu, seule la presse régionale mérite le nom de quotidien d'information générale.
  • Allons nous vers une extension à la presse de la notion de "jours de moindre activité" (JMA), notion élaborée par Médiamétrie pour le calcul des audiences, à la demande du marché radio ? N.B. Un jour de moindre activité est un jour durant lequel le taux d'activité national est inférieur à 55%. Ces jours sont mis à part pour le calcul de l'audience de la radio.
  • La tentation du magazine chez les quotidiens est constante, visible à travers les suppléments (et parfois le rédactionnel, comme dans Libération) : L'Equipe, Le Figaro, L'Humanité, presse quotidienne régionale, etc. et désormais Le Monde Magazine qui remplacera Le Monde 2 en spetembre 2009. Objectif : tenir le week-end dont l'importance s'accroît ; disponibilité pour la lecture, proximité des achats propice aux engagements publicitaires. L'attrait du modèle américain est évoquée, sauf qu'il y manque toute la gamme des newspaper inserts et du couponnage qui lui donnent sa valeur commerciale (Free Standing Inserts. Post à venir). De plus, aux Etats-Unis, la plupart des commerces sont ouverts le dimanche.

jeudi 30 juillet 2009

Payer les cartes ?


Après la presse d'information qui réclame à Google des compensations, car Google mettrait en péril son marché, voici le tour de la cartographie d'attaquer : Bottin Cartographes qui vend de la "cartographie sur mesure" demanderait un demi million d'Euros de dommages et intérêts à Google (source : AFP). Cette fois, il est reproché à Google Maps d'offrir gratuitement la cartographie que d'autres (Bottin) vendent. La cartographie a un coût (de fabrication) et ne saurait donc être donnée. Le mot de dumping n'est pas présent dans la dépêche, mais celui de monopole s'y trouve.
En fait, Google se rémunère, en principe, avec la publicité. Google Maps est gratuit sur les sites gratuits, payant sur les sites qui font payer. Voilà un procès à venir qui rapelle, entre autres, ceux faits à Amazon et Alapage pour livraison gratuite.

Le débat autour de cette demande de dommages et intérêts pourrait nourrir le débat sur la gratuité, débat bien mal posé, arbitrairement circonscrit (car les médias gratuits à financement publicitaire sont légion). La cartographie n'est-elle pas partie d'un média ? A suivre le 16 octobre.

NB : l'information, relayée par l'AFP, est disponible sur Google News (qui a un contrat de fournisseur payant avec Google). Le tout est agrémenté d'une carte Google Maps situant Paris sur une carte de l'Ile-de-France.
C'est l'occasion de voir à l'oeuvre le travail d'information et la performance d'automatisation de sa redistribution (agrégation) : la dépêche AFP est reprise telle quelle, ou élaguée (cf. les liens au-dessous du texte). Aucun ajout, aucun apport, un seul point de vue...

lundi 27 juillet 2009

Cuisine partagée, cloud cooking


"Le partage est l'ingrédient de ce magazine... car c'est vous, chers lecteurs qui en êtes aussi les auteurs". Ainsi commence l'édito du premier numéro de mes meilleures recettes (trimestriel, 2€, prix de lancement), "le 1er magazine qui publie vos recettes". Magazine publié par Sélection du Readers Digest.
  • L'originalité du titre tient à son association avec le site allrecipes.fr et à la combinaison rédactionnelle de travail de journalistes et d'amateurs.
  • La place données aux auteurs "amateurs" est encore modeste ; mais ils sont rémunérés : une recette publiée rapporte 50€ au cuisinier du dimanche.
  • Publicité captive (pleines pages quadri), en stricte affinité thématique et esthétique avec le rédactionnel.
  • Magazine composé d'éléments concis, aisément exportables sur des supports numériques, capables de ré-intéresser l'audience fréquemment, conformément aux objectifs du groupe Reader's Digest aux Etats-Unis.
Ce que réalisent ces site et magazine, n'est autre que ce que réalisaient pour leur compte les cusinières amateurs. Internet n'invente pas mais permet d'effectuer autrement ce qui s'effectuait déjà. Professionalisation des amateurs, gain de productivité...Voilà longtemps que s'échangent les recettes de cuisine. Qu'on les découpe, les classe, les recopie, les annote (cf. des pages, ci-dessous, extraites du "cahier" de recettes de ma grand-mère). Déjà, des émissions de radio ont mobilisé le capital épars de la foule des cuisinières invitées à partager leurs astuces et leurs recettes (cf. les radio homemakers américaines des années 1920). L'appel aux lectrices, courant dans la presse féminine, est plus commode avec Internet : par exemple, Vie Pratique Gourmand recrute des "lectrices conseils".

Il existe différentes manières de concevoir la division du travail entre site et papier, entre amateurs et professionnels. Tags, "cloud cooking", d'un côté ; fiches quadri à parcourir, feuilleter, découper, de l'autre... Cuisiner d'un côté, concevoir et publier de l'autre. Mariages de raisons. Interactivités à toutes les sauces.



dimanche 26 juillet 2009

Audiences et innovation


The National Academy of Television Arts & Sciences (NATAS) a fait connaître la liste des nominations pour ses 30èmes News and Documentary Emmy Awards. Le 21 septembre sera publiée la liste des finalistes.
  • PBS, le network de télévision publique gratuite (chaîne sans écrans publicitaires ni retransmissions sportives) domine le secteur de l'information et du documentaire avec 41 nominations.
  • Les networks publicitaires sont loin derrière elle : CBS (23), ABC (13), National Geographic (12), NBC (10), CNN (8), Discovery Channel (4), BBC America (3), Travel Channel (3).
  • HBO/Cinemax, chaînes payantes sans publicité, dédiées prioritairement à la fiction, obtiennent 13 nominations.
Une telle répartition constitue, en acte, une contribution éclairante à l'analyse comparée des différents modèles économiques de la télévision, et des gestions induites. Ni les chaînes commerciales (américaines), ni les annonceurs qui font le marché n'investissent assez dans la production innovante, même en matière d'info. Prisonniers a priori de l'audience telle qu'on la mesure pour les besoins du médiaplanning (banal enregistrement, a posteriori, des performances), ils suivent, prudents, la pente mimétique de leur aversion au risque. Mais, sans risque, peu d'innovation. Sans innovation, moins d'audience.
Comment, sur quels principes s'effectue la gestion du portefeuille d'émissions, de la part de risque ? Le marché publicitaire n'est sans doute pas (encore) un marché efficient. Peut-on adapter Markovitz aux médias ?
Le divorce innovation / publicité est-il inévitable ?

samedi 18 juillet 2009

Renaissance du roman-photo










Issu du cinéma de l'entre-deux-guerres (on publiait alors des photos extraites du film et légendées), média de masse dans l'Italie de l'après guerre, néo-réaliste à sa manière (les actrices Sophia Loren et Gina Lolobridgda y figureront), le roman-photo est lancé en France par Cino del Duca dans Nous Deux en été 1950 avec "A l'aube de l'amour" (l'hebdo est lancé en 1947). Nous Deux précéde une série d'autres titres d'un format voisin : Intimité, Confidences, Rêves, Bonjour Bonheur, etc. Depuis, le genre aura touché à tous les domaines (y compris la littérature, avec des photo-romans d'après "Madame Bovary", "Les Hauts de Hurlevent", "La cousine Bette", etc.) et inspiré le cinéma expérimental (cf. Chris Marker, "La Jetée", ciné-roman /photo-roman, 1962) et même la didactique des langues ou le cadeau personnalisé.
Mais le domaine où s'épanouit le roman-photo, c'est le traitement de la vie sentimentale, les couples qui se font et se défont, amour et argent : des soaps et des telenovelas de papier. Média méprisé, traité avec condescendance par les "mass-médiologues" : pire qu'un "art moyen", le roman-photo est associé au lectorat populaire et à la presse féminine "bas de gamme" (entendez : lectorat pauvre).

Le genre n'est pas mort. Nous deux (Groupe Mondadori, 300 000 exemplaires vendus en France, OJD 2008) continue d'en offrir chaque semaine à ses lectrices, et publie un Hors Série de l'été (2 romans photos). Plusieurs nouveaux titres s'adressent à un lectorat plus jeune : Girls Story d'été, Max Romanphotos et, dernier arrivé, Secret's Girl (juillet 2009). Presse bon marché (de 2 à 3 € le numéro), presse de vacances, de détente ("pour un été love et magique", titre Girls ! Story d'été). La cible visée se rapproche de l'adolescence ("girl"), ce que traduisent l'âge des personnages et leurs manières d'interagir et de s'exprimer (Nous Deux présente un profil plus âgé, avec un lectorat commençant vers la quarantaine).
"Votre nouveau magazine roman-photo qui renouvelle le genre!" dit Secret's Girl en 4 de couv. Quoi de neuf ? Le recrutement d'artistes amateurs (crowd sourcing) : "Deviens la star de notre prochaine réalisation". Le roman-photo suit la voie de la télé-réalité. Les ressorts romanesques empruntent au people, mais les acteurs sont anonymes, et les aventures se déroulent dans un univers plus modeste, "des situations qui vous ressemblent" (déclare Secret's Girl). L'amour y reste pudique, mais on parle préservatif. Le téléphone portable est un deus ex machina fréquent pour relancer l'histoire. L'innovation, très réduite, réside dans les cadrages et recadrages photographiques et les montages.
Le roman-photo n'est pas encore entré dans l'ère numérique. Pour l'instant, à ma connaissance, pas de roman-photo sur Internet pas plus d'ailleurs qu'en téléphonie, où on les aurait pourtant attendus sur le mode des "mobile mangas" japonais (il existe des application iPhone pour lire les mangas). Tout média "jeune" n'est pas nécessairement numérique. Le roman-photo reste un "conte de fées" à feuilleter.


Mise à jour juillet 2012.
Pour l'été 2012, l'hebdomadaire Grazia (groupe Mondadori) publie un photo-roman, "L'amour dure deux mois" (format papier et grazia.com) dans lequel des "peopletiendront un rôle.

Biblio :
voir le site Le roman photos... Charmeur d'images... et la présentation publicitaire de Nous Deux par Mondadori France 

lundi 13 juillet 2009

Panels : téléspectateurs et internautes


Nielsen tambourine l'augmentation de la taille de son panel d'internautes aux Etats-Unis. Le machine à communiqués de presse est en marche : les copiés /collés déferlent, ça c'est de l'info (et de la veille) ! Et comme Nielsen contrôle l'essentiel de la presse professionnelle des médias, la couverture est généralement objective.

Dès qu'Internet a fait l'objet d'exploitations publicitaires (1995), Nielsen, qui assure aux Etats-Unis l'audimétrie télévision, a transféré son savoir faire en matière de panels à l'étude des audiences Internet. Et nous voilà avec des panels d'internautes sur le modèle des panels de téléspectateurs. Copié / collé.
Depuis ces débuts, les annonceurs et les agences médias ont fait connaître leurs objections à ce type de mesure, tout en l'utilisant pour le médiaplanning.
  • La première objection, la plus courante, tient à la taille du panel d'internautes, insuffisante pour approcher la longue, très longue traîne des sites Internet. L'univers d'Internet est incommensurable avec celui, pourtant très étendu, de la télévision américaine. Et même si l'on multiplie par dix le nombre des panelistes (230 000 personnes aux Etats-Unis pour Nielsen 300 000 pour Comscore), la majeure partie des sites et de leurs diverses composantes échappent à un filet si lâche ; surtout si l'on recherche des cibles fines, ce qui constitue l'avantage compétitif d'Internet sur les autres médias. Un plan média réalisé dans de telles conditions n'exploite qu'une partie du patrimoine Internet, ignorant les sites les plus marquants, émergents, les affinités les plus subtiles avec les marques et les produits (granularité insuffisante).
  • La deuxième objection tient à la représentativité des panels. Comment obtenir une représentativité satisfaisante par quotas quand on sait à quel point il est difficile de recruter des panélistes aujourd'hui. Les biais de recrutement sont nombreux, sociologiques, qui se compliquent de diverses limites technologiques et logicielles, qui sont autant de multiplicateurs d'exclusion de certains types d'internautes. D'où viennent ces milliers de panélistes, où les a-t-on trouvés, à quel prix ? Comment fonctionne cette pêche miraculeuse aux panélistes ? Introuvables en télé, facile à enrôler pour Internet ?
  • La troisième objection tient à la désarticulation des consommations que provoquent les données issues de panels, alors que l'une des caractéristiques discriminantes des consommations Internet est le lien qu'elles tissent entre les sites visités (web, weben = tisser) : d'où l'on est venu, d'où et vers où l'on est reparti, chaque internaute tissant sa longue traîne de sites. Internet a de la suite dans les idées : autant que la consommation, c'est le cheminement des internautes qu'il faut compter. Un site prend son sens dans une série et une convergence. Au contraire, les données de panels délient les consommations, accumulent des données isolées, atomisées. Le panel d'internautes c'est un peu le sac de pommes de terre, selon la métaphore de Marx pour décrire la paysannerie française. Troisième objection d'autant plus forte que ce micro-tissage de sites s'accompagne d'un macro-tissage inter-média : de la télévision à Internet, etc.
Internet n'est pas la télé. A tout prendre, que la télévision s'inspire des mesures d'audience Internet, pas l'inverse ! Surtout qu'aux Etats-Unis, les panels radio et TV font régulièrement l'objet de nombreuses récriminations à propos de leur représentativité ; la plus récente concerne des panels radio d'Arbitron à qui l'on reproche de sous-représenter les minorités (une enquête de la FCC est en cours, diligentée par la Chambre des Représentants).
Nielsen insère désormais dans son panel d'internautes les membres de foyers recrutés déjà pour le panel TV, afin d'approcher les consommations bi-média. Que peut-on espérer de cette fusion d'imprécisions hétérogènes, que penser de l'accumulation d'exigences pesant sur les foyers doublement panélisés ?

La situation se complique des divergences entre les mesures produites par différents panels ; ceci conduit les utilisateurs à choisir la mesure qui les avantage (cf. la problème récent avec Hulu, qui préfère comScore, qui lui attribue des audiences plus élevées). Ceci présente au moins un intérêt : révéler les bizarreries de ces mesures, alors que la télévision, comme la plupart des médias traditionnels, n'a plus qu'une mesure, ce qui met à l'abri de désobligeantes comparaisons !

mercredi 8 juillet 2009

Détours de Babel




Un magazine de petites annonces vient de paraître, Babelimmo, qui se veut, pour une fois, "multilingue" (Multilingual Property Magazine). Des propriétés à vendre et des locations de vacances sont proposées en France, Italie, Espagne, et bien d'autres pays. Les fiches descriptives sont rédigées en 6 langues : allemand, néerlandais, espagnol, italien, français, anglais. Le magazine justifie de façon convaincante l'importance d'une approche plurilingue par l'efficacité commerciale (pp. 10-13). Son plurilinguisme est un positionnnement marketing.
Babelimmo déclare regrouper plus de 400 sites (non, je n'ai pas vérifié !) qui visent acheteurs et vendeurs européens. Le magazine papier vient en couronnement de l'édifice commercial, après les sites Internet. L'ensemble constitue un plan média complet (avec, en sus, des affiches "à vendre").

Nous devons à ceux qui comptaient construire la fameuse Tour de vivre dans un univers plurilingue, et, a fortori, multiculturel. Texte ancien dont la leçon n'est pas entendue : oeuvrer pour une langue passe-partout pour ne pas dire grand chose revient à tenter de reconstruire cette Tour. La leçon de Babel met en garde contre l'uniformisation, elle dit l'obligation, morale, d'harmoniser les différences ; la première de ces différences, fondatrice, est la langue.
Les langues ont été "confondues" pour la plus grande richesse et le plus grand dynamisme des cultures ; les réduire à quelque pauvre sabir représente un mauvais calcul économique, et culturel. La communication est un effort !

N.B. : cf. les notations lumineuses d'un philosophe sur la question, Emmanuel Lévinas, éparses dans A l'heure des Nations, Editions de Minuit (1988).

dimanche 5 juillet 2009

ESPN loin de ses bases


ESPN, le groupe de chaînes sportives américaines, filiale de Disney, n'avait jamais pu s'implanter en Europe, à l'exception de ESPN Classic, consacrée aux archives du sport. ESPN est peut-être en train de réussir son débarquement grâce au football (soccer), unique porte d'entrée du sport spectacle en Europe.
La faillite du groupe Setanta Sports a créé l'occasion : ESPN a racheté (près de 400 millions de $) les droits de la Premier League britannique (Irlande comprise) abandonnés par Setanta, incapable de faire face à ses paiements. ESPN prendrait aussi place sur Freeview (bouquet de chaînes terrestres numériques) et peut être sur Top-Up (numérique terrestre payant). Un projet de chaîne HD serait en projet pour le bouquet Sky Digital.
En Grande-Bretagne, ESPN disposera de 46 matchs la prochaine saison et 23 pour les années suivantes, British Sky Broadcasting (BSkyB, groupe News Corp.) en diffusant 92 puis 115.
L'offensive est sérieuse et doit préoccuper les chaînes européennes, dont Eurosport. Car ESPN est un groupe puissant : dominant le marché télévisuel du sport aux Etats-Unis avec 98 milions de foyers abonnés, l'ancienne startup est devenue le premier groupe média du sport dans le monde (une cinquantaine de chaînes).
  • L'internationalisation d'ESPN passe par son interculturalisation, par l'acquisition de droits sportifs locaux. Sans football, ESPN ne pouvait pénétrer l'Europe. On ne pénètre pas les marchés indiens ou pakistanais sans accès au cricket, on n'entre pas sur le marché sportif euopéen sans football. Stratégie constante de ESPN qui a acquis les droits des coupes du monde de cricket pour 2011 et 2015 (ESPN Star Sports avec News Corp.). En Grande-Bretagne, ESPN a racheté des sites puissants, cricinfo.com (cricket), Scrum.com (rugby) et Racing Live (sports mécaniques). L'international tourne au pluri-national plutôt qu'au supra-national.
  • La vie d'un certain nombre de grandes chaînes ou de bouquets européens dépend du football, qui fait et défait les chaînes. Vulnérabilité des agrégateurs "historiques" alors que de nouveaux groupes arrivent sur ce marché (télécoms) tandis que la tentation de maîtriser leur contenu jusqu'au téléspectateur final saisit les fédérations et les équipes (cf. NFL Network).

mercredi 1 juillet 2009

Jackson people


Michael Jackson, on n'en peut plus.
Toute la presse y sera allée de sa Une mortuaire. Peoplisation généralisée. Ceux pour lesquels cette mort s'accordait mal avec le bouclage y sont allés d'un "spécial", d'un hors série, et ce n'est pas fini. Et puis, dans un an, il y aura les anniversaires comme ceux de Cloclo, de Dalida... Présenté comme crucifié dans un Hors Série de Stars Inside (avec un "poster grandeur nature + trois posters géants", comme Rap R&B), "monstre sacré" pour Paris Match. Pour Détective, il est "L'enfant blessé que la mort attend" ; Charlie Hebdo fait dire à son squelette : "enfin blanc"... "Le chagrin et la polémique", titre Closer, Ici Paris, "La fin tragique d'une légende"...
Commentaires éplorés et admiratifs. Journalisme d'exclamation. Rien sur l'analyse sociale et économique de la fabrication des stars et d'un "génie" : le renoncement de milliers de personnes qui font la star et sa renommée au prix de leur anonymat. Pour qu'un "noble" parade à Versailles, combien de serviteurs, de laboureurs ?  Combien de gamins africains avant de "sortir" une star pour le foot européen, combien de gregari sacrifiés pour un Maillot rose ?

A propos de la culture d'une époque, Walter Benjamin demandait aux historiens d'étudier non seulement le talent de ses "génies" mais aussi, qui en est inséparable, le "servage anonyme (namenlos) de leurs contemporains" qui en assure le succès. Servage dissimulé, omis, non vu. Cécité construite, complice, qui rend les idoles acceptables et célébrables. Combien de petites mains, obscures et sans-grades, combien de fans pour monter une idole ? Cette économie de la peoplisation et des "grandeurs d'établissement" (Pascal) est à faire.