La vie imite l'art : comment l'actualité ne serait-elle pas perçue comme une série TV ?
L’actualité politico-people donne à suivre une série policière américaine en direct. C'est comme "CSI: New York". Crime Scene Investigation. Proximité de cet univers lointain, grâce à la télé. On est chez soi. Un présumé coupable peut-être innocent que l'on engouffre à l'arrière d'une voiture. Une "grandeur d'établissement", muette, dépouillée de ses attributs de pouvoir. Des éléments de l'enquête plus ou moins connus, d'autres distillés, des hypothèses, des rumeurs, parmi toutes les fausses, imaginer une vraie piste, de quoi alimenter les prochains épisodes. Suspense. Et tout ce qui est hors-champ, présence absente : la "scène" dite du "crime", la prison évoquée sur le mode de "Prison Break". Sur fond d'images cliché de New York, des présentateurs journalistes, énoncent la procédure, cadrés devant des bâtiments choisis. Effets de contexte, sémiologie de prudence.
Screen shot from the beginning credits |
"Le juge est une femme". On ne la lui fait pas. Ah ! Bon ! Dans ses précédents rôles, elle en a vu comparaître ! Rappeurs célèbres, actrices... People. Grâce aux séries importées, le théâtre du système judiciaire américain est plus familier aux téléspectateurs que le français, qui a inspiré peu de séries ("Avocats et associés", et "Le juge est une femme", quand même). Le téléspectateur voit s'affairer au 20H tout un monde d'acteurs habitués du prime time, qu'il reconnaît aux uniformes, aux véhicules, aux badges : "Experts" de la "police scientifique". Des grappes de journalistes pour signaler : attention, "événement" ! Et, comme dans "24 heures", il faut laisser à l'action le temps de se dérouler, hors écran. Nous habitons la réalité en téléspectateurs, regards, jugements formés par la sémiologie et le rythme des séries. Notre réalité est télévisée.
Sur Twitter, en revanche, comme en contre-chant, déferlent des mots, mots vachards, mots égrillards, bons mots, le tout émaillé d'adresses raccourcies ; parfois, un peu de rationalité, de générosité, de prudence. Le standard impose son style haché : quelques mots #quelquechose et une timeline qui défile comme un flux instantané de marché (FIM), et des pseudos.
Un jour, on en fera une série, un film. Aujourd'hui, ce n'est pas encore de la télé, c'est la réalité...
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4 commentaires:
Deux commentaires sur cet article :
- Clairement, la population française donne le sentiment d'aduler des séries américaines, sans se rendre compte que c'est la réalité des Etats-Unis. Cela semble confirmer les dires de certains qui pensent que les téléspectateurs prêtent de moins en moins attention à ce qu'ils regardent et ne cherchent plus à faire la distinction entre le vrai et le faux.
- De plus, sur un point totalement différent, la tentation est grande de faire une comparaison entre le système judiciaire français et le système judiciaire américain. Et, de cette comparaison vient immédiatement la question de savoir si on peut détruire l'image, voire la vie d'une personne sans avoir totalement prouvé sa culpabilité ? S'il devait y avoir un film, je pense qu'il ne serait réussi que s'il parvient à maintenir dans l'esprit de ceux qui le verront que cette histoire, c'est celle de milliers d'Américains, coupables ou non.
N'est-ce pas justement les médias qui opèrent cette transformation ? Dans la guerre des audiences, tous les moyens ont l'air bons pour attirer toujours plus de spectateurs. Et qu'est ce que les téléspectateurs ont l'air de rechercher si on observe les audiences ? Les séries américaines...
Que pensez-vous de l'audience de demande de mise en liberté de DSK en live, une VRAIE série policière en direct... Ça donne à réfléchir; surtout entre l'éthique française et américaine.
Oui Anne Claire je suis d'accord avec toi, en plus, tu sais bien que je suis une bonne spectatrice de ces séries!
Pour parler plus sérieusement, TF1 a tout de suite misé sur ces séries pour gonfler davantage son écoute conjointe, sur laquelle j'ai encore bien des doutes...
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