Au bout du e-commerce, loin du retargeting, du clic et des transfos, il y a le transporteur, le livreur, le code d'entrée de l'immeuble, le gardien et ses horaires, la taille de la boîte aux lettres... Paradoxalement, le succès du e-commerce le plus moderne repose sur ce qu'il y a de plus trivial, de plus matériel : des motos, des camions garés en double file, des embouteillages... Et encore faut-il que l'acheteur, qui généralement travaille, se trouve chez lui au moment de la livraison. Maillons faibles de la chaîne qui n'est jamais entièrement numérique.
Qu'une seule de ces étapes faillisse et l'achat attendu n'arrivera pas à destination, ou arrivera trop tard ; le temps gagné à l'achat est perdu à la réception. La chaîne dématérialisée du e-commerce a la fragilité de chacun de ces maillons terriblement matériels. La superstructure numérique, de plus en plus efficace, de plus en plus séduisante repose, en dernière instance, sur une infrastructure logistique énorme et complexe dont la performance globale ne va pas s'améliorant. On parie sur les drones !
Quelles solutions ?
Evoquons une solution hybride, celle du "drive-thru". Afin de limiter les désagréments matériels qui entravent le développement du commerce en ligne, la grande distribution (super et hypermarchés) généralise la livraison dans les "drives" : l'acheteur fait ses courses en ligne loin de la cohue du magasin et passe prendre sa commande au "drive", quelques temps après, à l'horaire qui lui convient, sans se soucier de parking.
Solution pour les vendeurs de produits packagés (FMCG), solution qui pourrait séduire d'autres commerces, des libraires, des distributeurs de DVD ou de produits bruns, par exemple, pour concurrencer Amazon ou Netflix qui n'ont de distribution que par transporteurs (Best Buy recourt déjà au drive thru et Amazon a mis en place Amazon Locker). Walmart, par exemple, peut tirer profit de son très dense réseau de points de vente (d'où l'enjeu de l'implantation de la grande distribution dans les centres villes). Le point de vente n'est plus seulement un espace commercial, il peut devenir le complément logistique des achats en ligne.
Cf. sujet de ABC News sur le Drive-Thru Groceries Shopping aux Etats-Unis.
Il n'est de numérique immatériel qui ne repose sur du matériel. La notion de pure player est une sorte de mensonge, un péché intellectuel par omission ou enthousiasme. Alors que fleurissent des visions enchantées du monde numérique, visions intéressées, il faut garder présent à l'esprit ce "déterminisme" logistique. A quoi il convient d'ajouter que le magasin "physique", de moellons et de mortier, joue souvent le rôle de vitrine où se forme et se vérifie l'opinion des acheteurs.
De l'importance de travailler en synergie offline et online. Le drive-thru shopping est au confluent du online et du offline.
Mise à jour 30 novembre 2012
Google vient d'acheter BufferBox une société canadienne qui propose à ses clients de regrouper et envoyer les achats effectués en ligne à une seule adresse à son nom avant de passer en prendre livraison à sa convenance, généralisant à tout commerce en ligne le principe du drive ("BufferBox’s self-serve kiosk").
Mise à jour octobre 2012
Un gouvernement envisage une réglementation d'urbanisme commercial encadrant spécifiquement les drives. Cf. LSA.
Mise à jour juillet 2012
Bibliogr. : Voir l'excellente infographie de Margot Ziegler, publiée dans LSA d'après des données de Kantar, LSA Expert et Nielsen. Tableaux et cartes (cf. copie de la carte ci-dessous).
Voiture de livraison Monoprix à Paris (avril 2012) |