mercredi 7 août 2013

Socio-démo : ménage, ménagère, manager

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Un ménage peut être défini comme un ensemble d'unités de consommation (UC) : dans cettte évaluation, un adulte compte pour 1, les autres personnes de plus de 14 ans pour 0,5, les personnes de moins de 14 ans pour 0,3. Par exemple, un foyer composé de deux adultes et deux enfants de moins de 8 et 11 ans compte 1 + 0,5 + 0,3 + 0,3 = 2,1 UC (échelle OCDE, recommandée par l'INSEE) ; cette échelle, qui succède à l'échelle dite d'Oxford, est critiquée pour sous-estimer le coût des enfants.

Selon l'INSEE, un ménage est composé des personnes vivant dans la même résidence principale. La notion de ménage est indifférente aux liens de parenté ; le ménage peut ne compter qu'une personne. Pour appartenir à un ménage, les membres doivent faire "bourse commune" (contribution et partage).

En 1982, l'INSEE est passé de la notion de "chef de ménage" à celle de "personne de référence du ménage", ainsi définie :
"La personne de référence du ménage est déterminée à partir des seules 3 personnes les plus âgées du ménage. S'il y a un couple parmi elles, la personne de référence est systématiquement l'homme du couple. Si le ménage ne comporte aucun couple, la personne de référence est l'actif le plus âgé (homme ou femme), et à défaut d'actif, la personne la plus âgée".
Même modernisée, cette définition rend mal compte de la réalité économique et culturelle, de l'économie domestique.

Une journée moyenne en métropole, en 2010.  Source : INSEE, Layla Ricroch et Benoît Roumier, o.c.
Quelle est la réalité de la vie des ménages ?
On peut l'approcher par le budget-temps des membres d'un ménage. C'est l'objet du travail de recherche effectué par Layla Ricroch et Benoît Roumier (cf. "Depuis 11 ans, moins de tâches ménagères, plus d’Internet", INSEE Première, N°1377, novembre 2011). Comment évolue la répartition des tâches domestiques dans les ménages ? Le temps passé à la cuisine diminue, comme celui passé au ménage et aux courses. Les hommes bricolent moins et s'occupent davantage des enfants. Mais, surtout, principal résultat de cette enquête, les femmes assurent toujours la plus grande partie des tâches domestiques. Elles y consacrent moins de temps qu'avant, mais toujours beaucoup plus que les hommes (une heure et demie de plus). Notons toutefois, "l'invisibilité du travail domestique masculin" (cf. Florence Weber, Le travail à-côté. Une ethnographie des perceptions, Paris, editions HESS, 1989, 2009) et la notion, délibérément imprécise, de semi-loisir, rebelle au calcul (cf. Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger, Ionela Roharik, "Les loisirs des actifs : un reflet de la stratification sociale", Economie et statistique, N° 352-353, 2002).

Qui décide de quoi dans un ménage, de quels achats ? Qui est "Principal-e Responsable des Achats" (RDA, PRA) alors que le nombre de ménages comptant deux actifs devient la norme et que les femmes sont plus diplômées que les hommes (cf. INSEE, Diplôme le plus élevé obtenu en 2011, selon l'âge et le sexe) ? Quel achat fait l'objet d'une décision collective, négociée, "familiale" (problème d'attribution) ? 
Pour l'essentiel, les femmes sont majoritairement responsables des achats domestiques ("main shopper") dont elles sont les principales prescriptrices et utilisatrices (FMCG, alimentation, etc.). D'après Kantar (Worldpanel, "Le shopper version homme"), dans 15% des cas, les hommes sont responsables des achats. Dès lors, en toute logique, les femmes ne sont-elles pas par défaut personnes de référence ? Si dans un ménage il y a des femmes, la plus âgée devrait être "personne de référence du ménage"... Pour le reste, la définition usuelle de l'INSEE s'applique (le plus âgé, etc.). Plutôt que de ménagère, ne vaudrait-il pas mieux parler de managers du ménage, voire même d'auto-entrepreneur, entrepreneur de soi-même (Michel Foucault) ? Ne parle-t-on pas parfois aux Etats-Unis des femmes comme "household CEOs", PDG du ménage ?

En attendant que la terminologie épouse l'évolution des moeurs, et que l'appliquent les questionnaires de recrutement des panels et les enquêtes de cadrage, la télévision continue de vendre des cibles "ménagères". Désormais, on parle même de "ménagères numériques" : moins de 50 ans, responsables des achats et qui se connectent à Internet au moins une fois par semaine, selon Media in Life. Pourquoi moins de 50 ans, alors qu'un nombre croissant de femmes accouche après 35 ans (cf. INSEE) ? Pour l'étude de référence de la presse, One / Audipresse, est ménagère "la femme qui dans le foyer se définit comme telle" : mais quelle femme aujourd'hui se définit comme ménagère ? Prudente, l'étude donne des statistiques pour chacune des trois catégories : ménagère, personne de référence, responsable des achats... 

1 commentaire:

Inez a dit…

This is great!