Paper - stories from Facebook |
Facebook vient de publier aux Etats-Unis une application intitulée "Paper" ; ce nom symptomatique annonce tout un programme. Le numérique ne cesse d'imiter l'apparence du papier, de vouloir recréer l'impression du papier, avec des unes, des pages que l'on feuillette, dont on reconstitue parfois jusqu'au bruit. Il y a même une appli "Newsstand" dans l'App Store d'Apple... Eternel retour du refoulé ? Nostalgie ? Pourtant cette initiative semble s'intégrer dans une stratégie dite "mobile first"...
Quoi de neuf ?
Cette nouvelle application de Facebook, réalisée par Creative Labs, intègre des éléments choisis parmi diverses publications traditionnelles des médias. On a pu dire que cela ressemblait à Feedly, à Flipboard, etc. Alors, n'y aurait-il rien de neuf, au royaume des news readers, avec ce Paper de Facebook ?
Si. L'innovation se situe dans le cadre-même de l'intégration avec Facebook, intégration remarquablement servie par la subtilité ergonomique et l'élégance de l'interface utilisateur (cf. "Design details: Paper by Facebook" et Subjective-C, sur le traitement des photos par Paper). Au moment où des millions d'utilisateurs consultent Facebook, ils peuvent se trouver en contact avec une offre d'information qu'ils ont eux-mêmes sélectionnée. L'intime se mêle alors au public, les amis aux connaissances, à la connaissance. Au cercle des amis plus ou moins proches, s'ajoutent des cercles d'idées, de thèmes en affinité avec l'internaute, de contextes aussi.
Du coup, il se passe toujours quelque chose sur Facebook : non seulement du très proche, des mico-événements, comme d'habitude, mais aussi du lointain, l'ailleurs. La publicité ne manquera certainement pas de s'emparer de toutes ces data et de ltous ces croisements possibles : relations, engagement, contextes, préférences, intérêts, lectures...
Comme les deux tiers des utilisateurs consultent Facebook à partir d'une appli mobile, Paper met l'information et les journalistes sur le chemin quotidien qu'empruntent les internautes pour aller retrouver leurs "amis". Paper construit un carrefour d'audiences et d'actualités.
"Customize Your Paper" : pour l'instant, les médias parmi lesquels l'utilisateur de Facebook peut choisir sont plutôt généralistes et en nombre limité ; mais on peut imaginer que cette appli devienne à terme un lieu de publication élargi, un kiosque universel, personnalisable, un pôle d'édition dans lequel chacun cherche et puise, voire même commande et recommande des publications spécialisées, des ensemble de data, des thèmes... Paper est un avenir des médias.
Qui paie ?
Avec Paper, la lancinante question du prix de l'information demeure. Là cesse, semble-t-il, l'innovation. D'où vient l'information ? Qui en paie l'extraction, le raffinage, l'analyse, le traitement ? Est-ce que, une fois encore, des médias fournissent gratuitement leur contenu chèrement payé ?
Comme nouvel agrégateur, Facebook n'est inquiétant ni pour les journalistes, ni pour les publications traditionnelles, pour autant qu'il les rémunère. Paper est "un tigre de papier" qui, selon l'expression chinoise (紙老虎), malgré son air menaçant, n'est pas dangereux. Mais, rémunère t-il les médias ? Ce n'est peut-être, pour les médias ainsi choisis, qu'une diffusion de plus que les lecteurs ne paient pas, en apparence du moins, car Facebook vend de l'espace et des data, leurs data...
Si personne ne paie la production et l'analyse de médias, un jour, il n'y en aura plus à agréger.
Mise à jour (1er juillet 2016)
Facebook met fin à l'appli Paper en juillet 2016, certains éléments étant intégrés dans Instant Articles.
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