lundi 13 juillet 2015

mcn (YouTube), nouvelles voies pour la télévision ?


La télévision et la vidéo, c'est pareil. Pour les consommateurs, du moins ; donc bientôt pour les grands annonceurs aussi. Des spécialistes ergoteront encore longtemps sur les nuances et différences. Casuistique, stérile.
Les chaînes dites historiques (i.e. anciennes) n'ont plus le monopole que leur ont longtemps valu la complexité et la lourdeur de la distribution terrestre du signal télévisuel (réseau terrestre, satellite, networks, câble, etc.). Cette lourdeur s'est accompagnée en Europe de centralisation politique, intéressée (autorisation de diffusion, réglementation, financement par l'impôt) et de contrôle étatique : "la télévision fait l'élection", disait-on.

Mise à jour avril 2017

Aujourd'hui la création vidéo se développe ailleurs et les jeunes générations ignorent une culture télévisuelle viellissante. La distribution de la vidéo sur le Web naît sous d'autres cieux, elle relève du streaming (OTT). Le modèle original en est YouTube, racheté par Google en 2006. Facebook puis Snapchat se font également diffuseurs de vidéo et tentent de concurrencer YouTube et ses mcn. YouTube apparaît de plus en plus comme une plateforme où viennent se développer de nouvelles formes de télévision et de publicité : Susan Wojcicki, qui dirige YouTube, déclarera en mars 2017 que les vidéo-bloggers sont les prochaines entreprerises média" : "Unsere Video-Blogger sind die nächsten Medien-Unternehmen".
 Les chaînes plus ou moins anciennes se réveillent de leur sommeil dogmatique : elles empruntent la voie que YouTube a ouverte avec les réseaux multi-chaînes (mcn, multi-channel networks). Les mcn sont un moyen pour les groupes télévisuels de collecter les innovations, de les aider à décoller, à trouver leur public, de faire leur place sur le Web et sur le marché américain. De facto, ils jouent un rôle d'incubateur multiplateforme ; ils permettent d'amortir la création et la production sur des espaces mondiaux et linguistiques, donc publicitaires. Ce faisant, Google s'attaque au marché publicitaire télévisuel international, visant surtout les cibles jeunes et mobiles, YouTube proposant ses GRP estampillés par les mesureurs des performances de la télévision traditionnelle. Son seul problème est la mauvaise gestion des emplacements publicitaires, dont la médiocre sécurisation a été dénoncée par les grands annonceurs.

Nous avons déjà souligné les investissements de BSkyB, de Disney, de RTL; de Comcast... Le développement des mcn, amorcé il y a quelques années, s'accentue. Ajoutons quelques exemples récents, européens notamment.
  • Pro7Sat1 vient de racheter la totalité du réseau multi-chaîne Collective Digital Studio (CDS) dont il détenait 20%, acquis en 2014. L'ensemble, CDS 71 (250 personnes), regroupera un millier de chaînes après fusion avec le MCN de Pro7Sat1, Studio71 (créé en 2013). Les visites se comptent en milliards. CDS produit "Epic Meal Time", "Good Mythical Morning" (émission quotidienne avec Rhett et Link), Lilli Singh (dite "Superwoman"). Il produit également avec Rocket Jump Studios "Video Game High School" (VGHS)
  • TF1 et Mediaset ont pris une participation dans Studio71 tandis que Pro7Sat1 prenait une participation dans le mcn de TF1, Finder Studio.
  • Modern Times Group (Kinnevik) a acheté Splay, un MCN scandinave de 420 chaines, dont le slogan est : "connecting brands and influencers". Splay se définit comme the next generation digital media house". Quelques jours plus tard, en juillet, MTG achète 51% de Zoomin.TV, un mcn de 2000 chaînes (100 millions d'abonnés dans le monde) créé aux Pays-Bas.
  • Le MCN francetv a signé un accord avec Studio 100 Media pour la distribution de dessins animés (Zigby, Blinky Bill, etc.) sur YouTube et Dailymotion.
  • Vivendi a racheté Dailymotion à Orange. Dailymotion pourrait-il développer une stratégie semblable à celle de YouTube ?
  • ITV prend en Grande-Bretagne une participation dans Channel Mum (une quinzaine de chaînes s'adressant à des jeunes mères, "mummy vloggers", "the honest face of parenting").
  • Aux Etats-Unis le network hispanophone Univision, à la recherche de nouveaux talents, lance un mcn, Univision Creators Network.
  • WPP prend des participations dans des mcn : dans Fullscreen en 2012 (avec partenariat publicitaire), dans All Def Digital (ADD, 3 millions d'abonnés), en juin 2016.
  • En France, M6 lance deux chaînes sur YouTube en janvier 2016, l'une consacrée à la danse (DotMove), l'autre, Vloggist, est consacrée à la beauté féminine.
  • En mars 2017, Sky rachète Diagonal View (15 millions d'abonnés) : "All Time 10s", "Football Daily", "All Time Movies ", "Draw my Life", "All Time Conspiracies", etc.
Capture d'écran de splay mcn (juillet 2015)

1 commentaire:

Unknown a dit…

Le sujet des MCN est aussi complexe qu’il est passionnant. En effet, leur développement rapide marque une nouvelle nouvelle étape dans le passage à la TV 2.0. D’autant plus, si comme vous l’expliquez, YouTube propose déjà ses GRP estampillés par les mesureurs des performances de la télévision traditionnelle.

J’aimerais m’attarder plus précisément sur une question que vous avez posée et qui me semble particulièrement intéressante : Dailymotion, racheté récemment par Vivendi, pourrait-il développer une stratégie semblable à celle de YouTube ?
En effet, Vincent Bolloré (1er actionnaire de Vivendi) a pris le contrôle de Dailymotion en rachetant 80 % du capital de la plateforme de vidéos pour 217 millions d’euros en juin dernier. Il a depuis racheté 10% supplémentaire, en septembre dernier.

L’intérêt d’un tel rachat ? Vivendi se rêve en champion européen des contenus et des médias. Le conglomérat a décidé de ce nouveau positionnement en 2013. Il s’est d’ailleurs rapidement désengagé des télécoms en cédant SFR à Patrick Drahi (Altice).

Mais si la plateforme est souvent surnommée « le YouTube français », avec ses 128 millions de visiteurs uniques par mois, elle fait pâle figure vis-à-vis de son voisin américain. Selon moi, la plateforme ne peut poursuivre une stratégie semblable à celle de YouTube. Elle a été forcée d'adopter un positionnement très différent de celui de la plateforme américaine.

Dailymotion est axée sur le marché B2B : 70% de l’audience Dailymotion se fait sur les contenus premium. La plateforme a pour ambition de devenir la technologie de référence des grands médias. En effet, si YouTube, avec sa force de frappe, peut imposer ses lois et attire facilement les créateurs de contenu sur sa plateforme, Dailymotion est dans une situation toute autre. Pour récupérer des contenus, la stratégie des partenariats B2B est particulièrement adaptée : Paris Match, Les Echos, Le Monde, … la presque totalité des contenus vidéo des acteurs médias français sont hébergées sur la plateforme française.

Pourquoi ce succès auprès des acteurs média ? Dailymotion ne se borne pas à proposer l’hébergement des contenus, il propose tout un ensemble de conseils et services pour permettre aux grands acteurs de développer leur audience sur le digital.

En fait la stratégie de Dailymotion est simple : adopter une stratégie B2B pour ensuite gagner la bataille du B2C. Mais la route risque d’être longue …