Une histoire littéraire traitée comme un roman policier : Montaigne
-
Philippe Desan, *Montaigne La Boétie. Une ténébreuse affaire*, Paris,
Odile Jacob, 382 p., 2024, 22.9 €
Ce n'est ni de la littérature ni de la philosoph...
mercredi 5 juillet 2017
Jane the Virgin. Telenovela pastiche
Diffusée par The CW pour le début de la saison 2014, "Jane the Virgin" s'inspire d'une telenovela vénézuélienne ("Juana la Virgen", diffusée par RCTV en 2002). Acclamée, nominée à de nombreuses reprises, récompensée plusieurs fois dont une d'un Golden Globe. Programmée en prime-time le lundi puis le vendredi. (N.B. The CW est un network national appartenant à Warner Bros. (50%) et CBS (50%.) ; son audience est plus jeune que celle des autres networks).
La série se consomme à deux degrés : au premier degré, l'intrigue est typique du genre, peu subtile mais délassante ; au second degré, "Jane the Virgin" se moque sans vergogne du genre telenovela, de ses clichés (playboys aux costumes rutilants, fans qui se pâment, décors et maquillage, larmes et cris, etc.). Mise en abyme : il y a un tournage de telenovela dans la telenovela... le père de l'héroïne s'avérant un acteur de telenovela adulé et fameux...
L'humour n'est pas absent : "Jane the Virgin" n'hésite pas à plaisanter avec certains aspects de la religiosité catholique (la virginité et la sexualité, le mariage, l'immaculée conception, etc.) et de la culture hispanic. Plus de 40 épisodes passent et Jane est toujours vierge, et elle est sans doute veuve... le suspense continue donc.
Dramedy, soap opera, sitcom ? Genre télévisuel hybride.
The CW a renouvelé la série pour une quatrième saison commençant en octobre 2017. Au total, la série comptera un ensemble de plus de 70 épisodes de 42 minutes chacun. En France, la série est diffusée par Téva et M6 (dont 6play).
L'action se déroule à Miami, en majorité dans deux lieux : la maison d'une famille hispanic et un hôtel de luxe. Trois femmes latina sont au cœur de l'intrigue, quatre générations "sous le même toit", la fille, la mère et la grand-mère qui partagent le même appartement et le nouveau-né (fils de Jane). Les rebondissements sont nombreux et, pour l'essentiel, improbables et loufoques.
La série est bilingue, l'espagnol étant sous-titré en anglais. En plus des personnages, il y a un narrateur, agissant comme un chœur qui commente et explique l'action en voix off, rappelant lors de chaque début d'émission les épisodes précédents ("it should be noted that..."). Il s'exprime aussi à l'aide d'éléments graphiques à l'écran, introduisant ainsi une sorte de distanciation (second degré).
La narration recourt sans cesse au smartphone, toujours à portée de la main des personnages ; omniprésent, deus ex machina portable, le portable préside aux retournements de l'intrigue ; il est partie prenante du jeu de chaque personnage, son prolongement. Les textos sont affichés à l'écran au fur et à mesure de la saisie, et l'action est parfois commentée à l'aide d'une série d'emoji. Construction de la narration évoquant l'anadiplose...
Avec sa diffusion par Netflix, la série accueille une audience élargie, internationale.
N.B. Le personnage de Jeanne dite la Pucelle hante l'histoire de la littérature et du cinéma. Appropriation par divers partis, revendiquée en France par les républicains laïques (héroïne combattante et résistante) mais aussi canonisée par l'église catholique ("Johanna nostra est") : de Friedrich von Schiller ("Die Jungfrau von Orleans" (1801) à Jules Michelet (1841), de Paul Claudel et Arthur Honegger ("Jeanne au bûcher", 1938) à Charles Péguy (1897) en passant par Bertolt Brecht ("Sainte Jeanne des abattoirs", 1930), le personnage de Jeanne d'Arc séduit les écrivains. De nombreuses œuvres cinématographiques lui sont consacrées : Georges Méliès (1900), Carl Dreyer, Robert Bresson (1962), Jacques Rivette (1994)...
Voir aussi : Jeane d'Arc et ses mythographes in MediaMediorum
Labels:
Brecht (B),
CBS,
CW,
distanciation,
DVD,
emoji,
genre télévisuel,
Lao She,
M6,
Michelet (J),
narration,
netflix,
Péguy (C),
sitcom,
SmartPhone,
soap opera,
telenovelas,
Téva,
Warner Bros.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
2 commentaires:
Bonjour François,
Je suis d’accord avec l’analyse que vous faites de cette série et serais curieuse de savoir si vous avez regardé la deuxième saison ?
Sceptique en lisant le synopsis à l’annonce de cette nouvelle série l’année dernière, c’est une amie qui m’avait convaincu de la regarder.
Pour le coup j’avais été agréablement surprise notamment par le jeu d’acteur de Jane que je trouvais particulièrement drôle, un bol d’air frais ; on a presque envie de faire d’elle notre BFF.
C’est donc dans cette état d’esprit que j’attendais impatiemment l’arrivée de la deuxième saison qui m’a … particulièrement déçue à tel point de ne la regarder qu’à demi et de ne pas la terminer. La naïveté de Jane que j’avais pu trouver touchante dans la première saison est, je trouve, devenue agaçante. On voit une jeune fille qui est devenue mère (avec le lot de responsabilités que cela comporte) et qui se positionne désormais comme une moralisatrice considérant (à mon sens) que les gens qui l’entourent seront de bonnes personnes uniquement en agissant comme elle le fait ; la vierge miraculeuse est devenue le messie. Si les personnages, déjà volontairement stéréotypés dans la première saison contribuaient au charme de la série, ils sont cette fois-ci à la limite de la niaiserie ; prise à son propre jeu la parodie aurait-elle finie par devenir télénovela ? Le scénario tourne un petit peu en rond et c’est sans surprise que la narration suit son cours ; Jane fantasme sur son mentor à l’université et tente de perdre sa virginité avec lui mais finit par se remettre avec Mickaël qui prétextait ne plus vouloir lui parler pour la protéger… Rogelio et Xiomara se re sépare… rien de bien nouveau même avec l’arrivée de deux personnages malveillants : la soeur jumelle de Pétra d’un côté et le frère caché de Rafael…
Mon attachement pour les acteurs en tant que personne reste pour autant intact, la « faute » aux stories instagram de ces derniers qui les montre sur le plateau de tournage ou même dans leurs vies quotidiennes. Qui eut cru que l’audience d’une série pouvait se jouer dans les coulisses ?
Canal+ lance une chaîne de telenovelas dans son bouquet. Un genre moqué mais qui fait plus d’entrée qu’il n’y parait. Avant fleuron du Venezuela qui n’est hélas plus en mesure d’exploiter ce savoir-faire, d’autres pays d’Amérique Latine ont largement repris le flambeau, notamment le Mexique ou l’Argentine. Canal+ faut un investissement intéressant avec cette chaîne. C’est tout à fait cohérent avec sa politique de développement à l’international et notamment en Afrique. En effet la telenovela a beaucoup de succès en Afrique. Il semble que ce soit le genre de consommation de programmes que font spontanément les gens et sur lesquels les chaînes s’alignes à posteriori avec un peu de retard.
Tous en retard, sauf Disney qui a lancé sa telenovela pour teens « Violeta », qui a fait un carton partout autour du globe et qui amènera peut-être les spectatrices (c’est surtout des femmes) qui ont grandi, à regarder la chaîne telenovela de Canal+, qui sait ? Disney avec Violeta a certainement voulu conquérir tout à la fois le marché des ados Latino-américaines mais aussi les jeunes filles issues de famille latino aux Etat-Unis, ce qui représente une forte part de marché.
On se demande à quand une chaîne de Dramas? Le dramas est à l’Asie ce que la telenovela est à l’Amérique Latine. Chaque pays produit son cru qui se ressemble tout en cultivant sa différence (notamment via les acteurs, véritables stars. On identifiera le J drama, K Drama pour drama japonais et drama coréen. Ce genre cartonne dans leur pays mais aussi chez nous sur internet. Ces séries produites en grand nombre arrivent à innover au point de proposer un grand nombre de Web dramas dont certaines de très bonne facture. Ces séries ont beaucoup de succès, c’est un véritable phénomène qui crée une communauté. En France elle se retrouve autour d’événement comme la Japan Expo. On voit là la puissance du soft power des fictions. Cela pose la question, malgré les quotas de diffusions et les investissements publics, de la fiction française qui peine à s’affranchir des codes américains et réussir à trouver sa propre identité.
Enregistrer un commentaire