jeudi 3 août 2017

Ozark, Netflix en été


iPhone, July 31, 2017
La structure narrative de "Ozark", la distribution des personnages ressemblent à celle de "Breaking Bad" (AMC, 2008-2013) : un couple de parents avec leurs deux enfants, un mari et une femme anti-héros dotés de compétences professionnelles indiscutables (finances, chimie, communication) bientôt mises au service d'activités illégales : fabrication et distribution de drogue, blanchiment d'argent. Deux héros adolescents, témoins sidérés de l'histoire de leur famille.
Confrontation avec des manières expéditives du "cartel" de la drogue (personnes assassinées dont le corps est dissous dans des tonneaux d'acide, personne éliminée en la jetant du haut de son balcon, etc.). Famille forcée, pour survivre, de s'éloigner de son milieu habituel urbain (Chicago) et de s'exiler dans le Sud profond (rednecks). Violence, trahisons, armes. Ré-acculturation.
Polard sombre, film noir, superbe photographie. Majesté de la nature l'été, des lacs, des forêts... On attend la deuxième saison.
Les pseudo spécialistes de la critique TV et cinéma ont donné une note faible à la série ("critical flop"). Qu'importe ! Les médias sociaux (Twitter, Reddit, etc.) semblent avoir compensé largement cette défaveur... Encore une innovation, peut-être involontaire, de Netflix !

Diffusé par Netflix en 10 épisodes de 1 heure (mis à disposition en une seule fois, le 21 juilllet 2017), alors que la saison télévisuelle des networks traditionnels est terminée. Netflix s'empare ainsi d'une période faible de la progammation concurrente, période habituellement riche en rediffusions. Près de la moitié des foyers américains sont abonnés à Netflix : 52 millions d'abonnés au deuxième trimestre 2017 (source : Netflix) pour 118 millions de foyers TV (selon Nielsen, août 2016), mais le foyer TV est-il encore un indicateur pertinent ? Netflix a gagné 1,45 million d'abonnés durant le trimestre).

Nouvelle série, exclusivité Netflix, c'est une incitation à élaguer l'abonnement au câble (cord-shaving) voire au désabonnement (cord-cutting) ou, même, pour les nouvelles générations, à ne pas s'abonner du tout (cord-nevers). Désormais, Netflix compte plus d'abonnés que n'en compte l'ensemble des câblo-opérateurs (MVPD).
En Grande-Bretagne, selon Parrot Analytics, "Ozark" est, de très loin, le programme le plus demandé en termes de VOD.
Mise à jour: 15 Août 2017 : Netflix déclare renouveler la série pour une seconde "saison" (en fait, une dizaine d'épisodes, le terme "saison" étant désormais inapproprié).

2 commentaires:

Benjamin Mollié a dit…

En proposant depuis, quelques années maintenant, un service SVOD crédible (conduisant par ailleurs à une stimulation de la concurrence : Hulu, Amazon, etc…), Netflix a clairement fait bouger les lignes en matière de consommation de contenus.

Si son catalogue est encore principalement constitué de partenariats et d’achats de droits limités dans le temps, la véritable force de son modèle a bien sûr été la conception de ses propres séries (et maintenant de films), faisant très vite rimer les oeuvres estampillées « Netflix » avec qualité depuis House of Cards en 2013.

Orzak est à l’image de biens d’autres propositions (comme Mindhunter très récemment) : la mise immédiate de saisons complètes à disposition de ses abonnés, renforçant l’effet « binge watching » et même désormais de « binge racing » qui suppose de voir l’intégralité d’une saison moins de 24h après sa sortie (exemple : Stranger Things). Ainsi, Netflix offre une alternative au piratage en proposant à l’utilisateur de garder ses habitudes - de façon légale cette fois - mais surtout renforce le sentiment d’une télévision aujourd’hui devenue un peu « poussiéreuse » dans sa programmation.

L’été est donc une période propice pour Netflix de proposer des séries car, comme vous le soulignez, la télévision est généralement assez pauvre en nouveautés durant cette période, estimant que le public se désintéresse de l’écran sous les beaux jours. HBO, en diffusant pour la première fois une nouvelle saison de Game of Thrones l’été dernier, a montré que ce n’était pas nécessairement le cas à la vue du carton d’audience. Très marquée par la saisonnalité, la télévision laisse des fenêtres importantes pour ces nouveaux médias qui continuent d’abreuver en contenus un public en permanence demandeur.

Lauriane Colson a dit…

Une vision acerbe de l’American Dream à travers le prisme d’une zone grise de la finance, celle de la finance « blanche ». En l’occurrence on y découvre le revers comptable du narcotrafic, dernière étape du long voyage de la cocaïne, qui commence chez Pablo Escobar (à découvrir dans « Narcos » une autre série exclusive de Netflix, un cord-cutter des plus efficaces) et qui se termine entre les mains de conseillers financiers peu scrupuleux.
Fort du succès de « Narcos », Netflix chercherait encore une fois à surfer sur la vague du sensationnalisme et de la violence du narcotrafic, mais sans se perdre dans le cliché ou le biopic vu et revu (si Al Capone n’avait pas été aussi bien dépeint par la série magistrale « Boardwalk Empire » de HBO, on supputerait la production par Netflix d’un tel biopic). « Breaking Bad » avait ouvert une voie royale pour ce nouveau genre, Netflix s’y est tout naturellement engouffré, avec un succès certain au sein de sa communauté. En plus de viser plus d’abonnés, Netflix doit sans cesse justifier et légitimiser sa place de numéro 1 de la SVOD. L’offre concurrente se structurant à marche forcée (sur le modèle de l’initiative de Disney entre autres), Netflix est contrainte de renouveler en permanence son catalogue pour sécuriser le plus grand nombre de séries « poule aux œufs d’or » qui sécurisent elles-mêmes les cord-nevers et cord-cutteds.
Cette fois-ci, Netflix nous fait passer la fameuse frontière du sud des Etats-Unis pour nous donner un bel aperçu de la dimension financière méconnue du le commerce le plus vilipendé qui soit. Il convient de préciser que ce marché est estimé à 352 milliards de dollars dans le monde, selon Roberto Saviano dans son livre « Extra pure. Voyage dans l’économie de la cocaïne ». Ce qui le qualifie comme deuxième marché économique mondial, après le pétrole. Le sujet est profondément fascinant, voire d’utilité publique.
Netflix livre ainsi une pièce de plus au puzzle commencé avec « Narcos », et continué par Suburra et Undercover, deux séries sur le narcotrafic européen (respectivement en Italie et en Bulgarie).