Wictor Stoczkowski, La conscience sociale comme vision du monde. Emile Durkheim et le mirage du salut, Paris, Gallimard, 2019, 629 p., Références citées, Index nominum
Wictor Stoczkowski, Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Hermann, 2008, Bibliogr.)
La doctrine du salut, le prophétisme de Durkheim et de durkheimiens célèbres et récents (Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss notamment) sont passés au crible par ce gros ouvrages pour y déceler leurs défauts majeurs. L'auteur, "en décortiquant une oeuvre fondatrice des sciences sociales" pointe d'emblée les déficits de la science sociale chez ses "grands auteurs". A ces défauts, le chercheur oppose ses propres enquêtes dont "le but n'est pas de décrire telle ou telle théorie, mais de mettre au jour les mécanisme sociaux et intellectuels dont l'action fait en sorte que des savants puissent créer des mondes chimériques capables de captiver notre imagination et d'anesthésier notre esprit critique." Vaste programme !
La doctrine du salut, le prophétisme de Durkheim et de durkheimiens célèbres et récents (Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss notamment) sont passés au crible par ce gros ouvrages pour y déceler leurs défauts majeurs. L'auteur, "en décortiquant une oeuvre fondatrice des sciences sociales" pointe d'emblée les déficits de la science sociale chez ses "grands auteurs". A ces défauts, le chercheur oppose ses propres enquêtes dont "le but n'est pas de décrire telle ou telle théorie, mais de mettre au jour les mécanisme sociaux et intellectuels dont l'action fait en sorte que des savants puissent créer des mondes chimériques capables de captiver notre imagination et d'anesthésier notre esprit critique." Vaste programme !
Dans ce programme, bien avant Emile Durkheim, Wictor Stoczkowski s'est d'abord attaqué, il y a dix ans, à l'oeuvre de Claude Lévy-Strauss (Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Hermann, 2008). Dans cet ouvrage, l'auteur s'interroge sur la confrontation de deux textes écrits par Claude Lévy- Strauss, le premier en 1962, le second en 1971, tous les deux portant sur les races humaines. Pour ce travail, l'auteur a bénéficié d'entretiens avec Claude Lévi-Strauss. Le résultat est captivant.
Le voici maintenant aux prises avec l'oeuvre de Emile Durkheim et il démolit l'oeuvre du fondateur de la sociologie moderne dans laquelle il dénonce une sotériologie, visant le salut. Pour l'auteur donc, Emile Durkheim n'est pas si original que l'on prétend : il ne fait que réduire les problèmes qu'il aborde, problèmes d'ailleurs classiques, aux catégories de la dissertation normalienne courante ("Les formes élémentaires de la pensée normalienne"), notamment dans son étude sur Le suicide et dans celle portant sur Les Formes élémentaires de la vie religieuse. Les prétentions scientifiques de Emile Durkheim résistent mal à cette critique en règle.
Sociologie de la sociologie ? En quelque sorte, oui. L'auteur montre, entre autres, que l'usage des statistiques par Durkheim est pour le moins simplificateur et que sa prétention à une neutralité scientifique est pour le moins discutable. "En réalité, Durkheim était un penseur moins original qu'on ne dit" n'hésite pas à affirmer Wictor Stoczkowski. Le Suicide, selon lui, n'est pas un travail si exemplaire ; Emile Durkheim n'utilise pas ses sources rigoureusement, évacuant les exceptions lorsqu'elles gênent sa démonstration (ainsi pour la statistique des suicides chez les Juifs, cf. p. 177). Et l'auteur de se référer à la méthode de Claude Bernard, auquel se réfère pourtant notre auteur, Claude Bernard qui se méfiait tellement des mauvaises observations.
Wictor Stoczkowski dresse aussi le procès de la "déformation normalienne" et de "l'habitus dialectique" ("l'habitus cognitif normalien") allant jusqu'à écrire "qu'il ne serait pas excessif d'envisager la sociologie durkheimienne comme une discipline auxiliaire de la philosophie pour écoles secondaires" (p. 347).
Et l'auteur de terminer ainsi son livre : "La fondation des sciences sociales n'est pas derrière nous : elle et devant nous".
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