dimanche 25 juillet 2021

Les grandes idées et la vie brève de Milman Parry, helléniste américain

 Robert Kanigel, Hearing Homer's Song. The brief life and big idea of Milman Parry, Alfred A. Knopf , New York, 2021, 323 p, Index, Illustrations

On l'a appelé le "Darwin of Homeric studies". Son travail, au début des années 1930, a été considéré comme une étape décisive des travaux consacrés à Homère. Et sa mort, dans un hotel de Los Angeles, mort que l'on considère toujours comme mystérieuse, surprend encore : est-ce un accident ou un crime de son épouse ? La police américaine a tranché : c'est un accident. Le livre se termine sur cet accident qui raconte la vie de Milman Parry et de son épouse Marian ; ils ne se sont pratiquement pas quittés depuis Berkeley, l'université, jusqu'au moment de sa mort. Le livre évoque aussi la vie de son élève, Albert Lord, qui poursuivra son travail à Harvard.
Milman Parry avait commencé ses études à l'université de California à Berkeley ; bientôt, sa "majeure" fut le grec ancien (quatre semestres). Et il rencontre Marian qu'il épouse en mai 1923, à San Francisco. Les jeunes parents de deux enfants partent pour Paris en 1924. Après un passage par Dieppe, ils s'installent à Clamart, en banlieue parisienne, d'où ils peuvent rejoindre aisément la gare Montparnasse.

Alors Milman se met à sa thèse, malgré le désintérêt manifesté par Victor Bérard, à l'époque le spécialiste français de Homère. Le sujet de Milman Parry est "l'épithète traditionnel dans Homère", épithète devenu ornemental. Toute l'analyse de Parry culmine dans une sobriété qui, notera Pierre Chanteraine, lui donne sa force. Force que soulignera son approche statistique, seul moyen, expliquera Milman Parry, de vérifier ses affirmations, et de dépasser le stade de la "vague impression" : la force des épithètes vient de leur répétition, vingt ou trente fois. La thèse, soutenue le 31 mai, sera publiée en 1928 en français par Les Belles Lettres à Paris et, en 1971, seulement, en anglais. Au jury, salle Louis Liard, se trouve Antoine Meillet, qui préside le jury, jury qui donnera à la thèse présentée et défendue la meilleure mention : "très honorable". 

Le livre suit ensuite Milman Parry à Harvard où il aura la réputation d'un médiocre enseignant mais d'un excellent chercheur ("scholar"). Harvard avec sa réputation d'antisémitisme ("sheer toxic anti-Semitism") a dû gêner Milman Parry dont l'épouse était juive. Ensuite, commencent les voyages de Milman Parry et de sa famille en Yougoslavie à la recherche de preuves pour l'oralité de la poésie. Robert Kanigel nous le montre à l'aise techniquement avec la version du magnétophone d'alors, plutôt expérimentale ; il est aidé par Albert Lord, son élève, qui écrira The Singer of Tales, et qui poursuivra le travail de son maître, mort d'un étrange coup de révolver. Mauvaise manoeuvre du révolver, assassinat ou suicide ? Le rapport de police californien s'en tient finalement au suicide accidentel.


Bibliogr :  oeuvres éditées par son fils, Adam Parry, The Making of Homeric Verse: The Collected Papers of Milman Parry,  New York & Oxford : Oxford University Press, 1987.

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