dimanche 31 octobre 2021

Archéologie du judaïsme en France, une histoire encore bien maltraitée

Paul Salmona, Archéologie du judaïsme en France, INRAP, Editions La Découverte, 2021, Bibliogr., Index, 176 p., 23 €

C'est, en fait, le livre d'un historien, Paul Salmona, qui dirige le musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris. L'archéologie du judaïsme en France remonte jusqu'à la Gaule romanisée. Son essor est dû aujourd'hui à "l'archéologie préventive" désormais menée en amont des travaux d'aménagement du territoire, soit environ 500 fouilles "préventives" chaque année. 
Qu'est-ce qui constitue le corpus étudié, accessible actuellement ? Car, d'abord, n'oublions pas : l'archéologie s'empare de ce qui reste d'une culture, d'une société mais elle oublie, omet forcément ce qui en a disparu, peut-être définitivement, mais peut-être pas... Qu'est-ce qui est fouillé en ce moment ? Des cimetières, des dépotoirs, des latrines, des bains rituels, des habitations, des synagogues...
 
Les juifs étaient répandus en Gaule romaine et le livre dresse un bilan de ce que l'on trouve et qui renvoie à la présence juive durant l'Antiquité et le Moyen Âge, notamment dans le sud  (Provence, Languedoc et Aquitaine). On trouve donc des éléments de culture juive à Lyon (Lugdunum), Narbonne, Arles, Auch. Les quartiers réservés à la population de religion juive sont présents en Alsace (Judengasse), à Perpignan, à Paris (synagogue), à Angoulême, à Rouen, à Lagny-sur-Marne, à Orléans, à Rouen (sous la cour du palais de justice), à Strasbourg ; on les trouve aussi à Montpellier (tout un quartier), à Mâcon, à Provins, à Châteauroux (cimetière), à Châlons-en Champagne, à Ennezat (Puy-de-Dôme)...
Comment expliquer que le judaïsme soit encore si peu abordé par l'institution scolaire ? L'auteur fait une comparaison avec le protestantisme et la révocation de l'édit de Nantes (1685), présente partout. Le constat est clair : l'enseignement est "bancal".  Le judaïsme est oublié par les grandes synthèses de Jules Michelet, Jacques Le Goff ou Marc Bloch (pourtant juif) ; le patrimoine juif est ignoré ou mal traité, les expositions rares : mais s'agit-il seulement d'une "forme de cécité" ?

Ce petit livre dresse le bilan d'un manque, d'un trou, dans l'histoire de la France. Ce déficit est à combler, assurément. Il y a du travail à effectuer, certes mais d'abord une révolution dans la pensée à effectuer.

dimanche 10 octobre 2021

Le papyrus, un média, de Cléopâtre à Clovis

Statuette de Cléopâtre lisant un papyrus
Le papyrus dans tous ses états de Cléopâtre à Clovis, Collège de France, Jean-Luc Fournet, 2021, 190 p.

 L'exposition au Collège de France, "Le papyrus dans tous ses Etats" est accompagnée de la publication d'un ouvrage de commentaires et d'explications par les meilleurs spécialistes, le tout est dirigé par un Professeur au Collège de France, Jean-Luc Fournet.De notre point de vue, l'exposition s'intéresse surtout au média, au support de la communication fabriqué à partir d'une plante que l'on trouvait dans les marécages, près du Nil, en Egypte, puis cultivée ailleurs, en Sicile, par exemple. C'est donc d'abord l'histoire d'un média, méditerranéen surtout, né dans l'antiquité et qui disparaît au Moyen-Age, remplacé                                                                                         par le parchemin, le papier et l'imprimerie.

Affiche de l'exposition
au Collège de France

 

Le livre commence par la plante, que l'on mange pour partie, dont on se sert encore pour construire des barques et qui va enfin servir surtout à la fabrication d'un papier à partir lamelles assemblées puis pressées et collées pour donner un rouleau (en grec : biblos, βύβλος). 

Avec les pharaons se développera une caste de scribes, surtout à partir de l'arrivée des Grecs et Romains, et à l'époque lagide ; la vie administrative se traduit par un grand nombre de documents écrits correspondant à des archives juridiques (optimisation des rentrées fiscales, entre autres). 

La multiplication des livres se traduit, notamment, par la création de la bibliothèque d'Alexandrie (qui comptait sans doute près de 500 000 livres). 

Et le catalogue se poursuit, passant à l'orient hellénistique et romano-byzantin, puis à la Grèce et l'Asie Mineure, à l'Italie et la France, au monde musulman enfin.

Pour terminer, le catalogue aborde la question des papyrus à l'époque moderne et celle de l'essor de la papyrologie puisque ce n'est qu'au XXème siècle que fut réinventée la manière de produire des papyrus de la qualité de ceux trouvés en Egypte.

Voici une excellente exposition et son catalogue. Peut-être, si l'on n'est pas soi-même égyptologue ou spécialiste de papyrologie, faut-il d'abord lire le catalogue puis aller ensuite voir l'exposition. Le bénéfice à retirer est important pour penser le rôle des médias à une époque donnée.

samedi 9 octobre 2021

epsiloon et l'actualité scientifique

epsiloon. Nouveau magazine d'actualité scientifique, 100 p., 4,9€

Voici un nouveau magazine de vulgarisation scientifique. Il nous met au courant de l'actualité scientifique. La rédactrice en chef déclare son fil directeur : "vous faire part de ce qu'en dit la science. En tout indépendance". Belle promesse, et qui ne sera pas facile à tenir. Ainsi dans ce numéro "une chercheuse en science politique" d'une université new-yorkaise (NYU) qui disserte vaguement sur Facebook (et il y aurait pourtant à dire sur un tel sujet)! Le magazine a fait l'objet d'un appel au  financement sur Ulule (crowdfunding) ; le groupe comporte également, entre autres, Disney Magazines, Fleurus, les catalogues Panini...

Ce numéro, le troisième, commence après des nouvelles étonnantes, par le paludisme. Quels pays l'ont récemment vaincu (la Chine, l'Algérie déclarés "malaria free"), quels pays restent vulnérables (l'Afrique, l'Amérique latine). On espère des vaccins...  Une page sur la "suprématie quantique", c'est bien peu. Un dossier sur la conquête de l'espace et son absence d'encadrement juridique... Et un dossier plus compliqué sur le chou et les fractales. On est dans Mandelbrot mais on en est bien loin avec la cryomicroscopie. 

Un article sympathique appelle à la protection des loups, des corbeaux et corneilles, des renards, des chacals et autres putois, tous ces animaux que l'on dit "nuisibles" ont une fonction écologique et s'avèrent plutôt utiles. Et un article sur le démon de Maxwell aussi, etc.

En fermant le magazine, on est un peu moins ignorant, mais il reste du travail. Peut-être en rendant les articles un peu plus denses, un peu plus longs aussi. Mais il y a déjà des progrès : par exemple, les deux pages de critiques par des lectrices / lecteurs, ou encore les quatre pages du "fil d'actus",  au début du magazine, ou encore la liste des 77 scientifiques interrogés par les journalistes pour ce numéro du magazine. Peu de publicité : le planétarium, l'université de Lorraine, mais deux pages pour le magazine et une pour un magazine du groupe. On peut mieux faire !

Voici en tout cas de beaux débuts pour un bon magazine d'actualités scientifiques.