Bernard Legras, Cléopâtre l'Egyptienne, Paris, Les Belles Lettres, 300 p., Index des sources (Sources littéraires grecques et latines, bibliques, néo-testamentaires et prophétiques. Sources épigraphiques, inscriptions grecques et latines, inscriptions hiéroglyphiques et démotiques. Sources papyrologiques (grecques et latines, hiéroglyphiques et démotiques. Sources numismatiques, iconographiques), Index des personnes, table des illustrations.
Voici un livre agréable et fort savant. On peut penser à Lucain qui voyait, dans la beauté de Cléopâtre VII, le malheur de Rome, et il la comparait à Hélène de Sparte. L'auteur s'appuie sur des sources, souvent nouvelles, pour raconter la vie et la mort de cette reine exceptionnelle. Polyglotte, lettrée, elle parlait et écrivait le grec, se débrouillait avec l'égyptien, l'éthiopien, l'hébreu qu'elle maîtrisait, l'arabe, selon Plutarque du moins, sans doute, mais pas le latin. Mais à Rome, lorsqu'elle y fut, l'élite intellectuelle parlait grec aussi.
Le livre raconte la vie compliquée de Cléopâtre VII ; son ascension au pouvoir dépend de Rome. Elle restaure ensuite son pouvoir, elle a un fils de César (à moins qu'il ne fût plutôt d'Antoine), Césarion, avec qui elle partage son pouvoir (co-souverain). Réaliste, elle rétablit progressivement le statut économique de l'Egypte. Mais quel était le prix des guerres, comment était-il payé?
Avec Antoine, une proximité (érotique ?) s'établit jusqu'à sa mort qui précède de peu celle de Cléopâtre. Alors l'Egypte passe sous le contrôle de Rome, et fait désormais partie de l'Imperium Romanum.
L'intérêt du livre, que je ne sais pas très bien rendre ici, ne tient pas aux événements qu'il raconte, dont il fait les hypothèses. Car le livre multiplie, prudemment, les hypothèses. L'intérêt majeur de l'ouvrage tient plutôt à sa méthode. Il y a du bricolage (et le bricolage, c'est positif, comme le disait Claude Lévy-Strauss !), des paris, des discussions, des hésitations, des doutes et des affirmations tentées. Des interrogations s'ajoutent aux premières hypothèses, car en fait on ne sait pas grand chose ou du moins, on en ignore tellement. Mais le personnage de Cléopâtre VII n'en est encore que plus mystérieux et plus banal après avoir refermé le livre.
A lire, pour connaître l'histoire de Cléopâtre, mais aussi pour mieux savoir que l'on ne la connaît guère. Car l'auteur sait à merveille mélanger les sources et les difficultés. L'épistémologie est constante dans le livre, sans le dire, prudente. Très beau travail d'historien.
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