vendredi 30 octobre 2009

50 questions sur la loi informatique et libertés

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Le Cahier N°27 du Courrier des maires et des élus locaux (septembre 2009) est consacré à l'application de la loi informatique et libertés dans le cadre des collectivités locales. Ce cahier est didactique, clair ; il reprend les définitions principales, souligne les mises en garde de la CNIL. Parfait outil de sensibiliation.
Les médias, et les enquêtes qui en alimentent couramment le travail et la réflexion, les travaux universitaires (thèses, mémoires, etc.) dans ces domaines doivent évidemment prendre en compte la dimension "informatique et libertés" et respecter la loi : ce document qui ne les vise pas directement peut constituer néanmoins un outil de réflexion efficace et au moins propédeutique.
Exemples
  • (S')interroger sur la conformité avec la loi de la collecte de données de consommation médias, de données socio-démographiques ou "ethniques" ; on pourra en profiter pour vérifier avant de les recueillir que ces données présentent une pertinence scientifique indiscutable et pour évacuer ce qui n'est parfois que l'effet d'une inertie paresseuse ("on a toujours fait comme ça"). L'interrrogation juridique donne l'occasion d'une réflexion épistémologique, et parfois économique, salutaire. 
  • (S')interroger sur l'étanchéité des données (ne pas utiliser les données à d'autres fins que la mission pour laquelle elles lui ont été confiées), sur l'archivage des données, sur leur non-divulgation (éventuellement involontaire). Comment cela s'applique-t-il aux panels, plus ou moins constants, aux "viviers" ou bases multi-usages ? Comment peut-on acheter / vendre des bases de données ?
  • S'assurer de ce qui doit figurer sur un questionnaire (mention de l'identité du responsable du traitement, de la finalité du traitement, etc.), vérifier au cas par cas l'application d'une telle obligation selon les modes de passation (téléphone, face à face, auto-administré sur Internet ou postal, etc.). 
  • Vérifier l'extension de la définition d'une "donnée à caractère personnel" et son application au domaine d'enquête. Celle qui permet d'identifier directement ou indirectement une personne : un numéro de téléphone, le numéro de plaque minéralogique, mais aussi, plus inattendu, le nombre de repas à la cantine de l'école facturé aux parents d'élèves.
  • Quelles déclarations pour un site web (le document ne dit rien des cookies) ?
  • Quelle définition des "données sensibles" au regard de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 ("origines raciales ou ethniques, opinion politiques, philosophiques ou religieuses, appartenances syndicales, etc.). En conséquence, quels tris peuvent-être effectués sur une liste (électorale) ? Consonance des noms, les lieux de naissance ? Non. Or beaucoup de données de consommation média permettre de cerner une attitude politique, philosophique, une orientation sexuelle...
  • Le principe d'économie qui restreint l'enregistrement des données à l'indispensable sollicite tout particulièrement le travail d'enqête. Il impose, en amont et c'est tant mieux, une sélection rigoureuse des données alors que souvent un principe inverse est appliqué : "récupérons cette donnée, on verra bien après ce que l'on en fera...". Mais que fait-on pour les pré-tests, les pilotes, les pré-enquêtes ?
  • Alors que les questions de vie privée suscitent beaucoup de débats à propos des médias numériques, qu'en est-il pour les médias plus anciens, le marketing direct, les basses de données traditionnelles ? Comment l'esprit de la loi s'applique-t-il (données personnelles, opt-in, commercialisation de bases de données, etc.) ? Où commence le spam du numéro de téléphone et de la boîte aux lettres ?
  • La dimension informatique et libertés doit-elle être prise en compte par les audits interprofessionnels ?
Ce document fort clair sensibilisera à l'application à la recherche de la loi informatique et liberté et au respect des décisions et recommandations de la CNIL. Un travail et une publication consacrés plus particulièrement aux domaines de la recherche et des études seraient bienvenus (avec des cas, la jurisprudence éventuelle, etc.). Mais peut-être cela existe-t-il déjà ? Suggestions ?
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jeudi 29 octobre 2009

Moins de pub TV ? Plus de quoi ?

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La télévision allemande rejoint la presse quotidienne dans la dénonciation de la "culture gratuite" ("Kostenlos-Kultur". cf. Bild et l'iPhone, mais aussi les applis du quotidien berlinois BZ. et Die Welt, le quotidien national). En effet, la télévision commerciale dépend presque entièrement des revenus de la publicité. Echaudés par la crise, certains groupes TV en viennent à envisager un modèle économique mixte, semblable à celui de la presse : publicité + ventes. Dans le cas de la télévision, ce serait des ventes d'émissions à la demande (VOD) ou des abonnements. Le patron du groupe allemand ProSiebenSat.1 déclare, au quotidien économique Handelsblatt, en attendre à terme jusqu'à 30% des revenus, espérant ainsi réduire sa dépendance à l'égard du marché publicitaire ("Wir müssen vom Werbemarkt unabhängiger werden").
Osé ! D'autant que le modèle économique de la VOD grand public, pour l'instant le plus prometteur, semble être publicitaire.
Osé, car ne perdons pas de vue, quand même, que le téléspectateur allemand paie déjà une redevance TV (17,03 € / mois) et que les chaînes commerciales grand public comme Sat1ou ProSieben exploitent des fréquences hertziennes qui sont un bien public rare.
Et comme on commence à parler aussi d'impôt pour la réception numérique par satellite des chaînes de la TNT allemande (via les satellites ASTRA), l'humeur télévisuelle des téléspectateurs allemands pourrait devenir maussade !

Dans cette interview, le patron de ProSiebenSat.1 évoque aussi, brièvement, une voie alternative : celle d'investir (dans) la création et la production télévisuelles. Voie plus politiquement raisonnable, économiquement plausible, et qui correspond exactement à son métier et au troc sur lequel repose, au moins tacitement, son contrat d'exploitation - optimale - d'un bien public rare.
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mardi 27 octobre 2009

YouTube, c'est de la télé

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Comment (se) mentir avec des statistiques ?
YouTube ne serait pas de la télé. YouTube et la télé ne joueraient pas dans la même catégorie statistique, ce seraient des médias différents. Donc l'audience de YouTube n'existe que comme celle d'un "site" Internet. Ainsi, la méthodologie de mesure définit le média. Hors panel audimétrique, point de télé.
Et c'est tant mieux pour la part de marché TV de chaque chaîne dans chaque marché national, tant pis aussi pour l'évaluation de la concentration des médias. Car il y a de la télé qui se perd : 1 milliard de streams / jour (YouTube représenterait 5% de l'ensemble du trafic Internet, selon sandvine) !

Et ce n'est qu'un début. La vidéo voit sa part d'audience globale, sa part d'attention augmenter considérablement, grâce à YouTube, Dailymotion et aux réseaux sociaux. Progressivement, toute la télé vient à Internet. Tout est sur YouTube, des concerts, des sketches, des matchs, des reportages, des clips... Et tout y est à la demande.
Et la télévision terrestre y vient, ainsi Channel 4 qui y délivrera bientôt gratuitement pour le marché anglais toute sa catch-up TV, toute sa VOD, moyennant un partage des revenus publicitaires (30% pour YouTube). Channel 4 y gagnera en notoriété, en couverture, en durée d'écoute, en inventaire publicitaire et en GRP TV. Mais pas encore en audience TV, pas en part de marché TV !

Révisons la définition de la TV. Cessons de la définir par son écran, par sa diffusion terrestre ou sa mesure. YouTube, c'est de la télé, une porte de plus ouverte à la création, à l'innovation et à son financement (cf. vidéo parrainnée). Que la mesure suive.

Ce n'est pas l'aspect le moins stimulant de la transformation du marché média que de voir se décomposer et se dissoudre dans le numérique les catégories qui président aux divers classements professionnels, laissant émerger dans un discret effondrement un univers dessiné et pensé autrement, un paradigme nouveau.
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vendredi 23 octobre 2009

Point de vente et décisions d'achat : questions de méthode

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Quelle part de l'efficacité d'une campagne publicitaire se joue dans les derniers mètres, les dernières minutes, les dernières mesures, autrement dit sur les linéaires, dans le point de vente ? Cette détermination en dernière instance par le lieu de vente de toutes les composantes de la publicité (kakémono, stop-rayon, caliquots, mobiles, théâtralisation, facing, fanions, animations, etc.) remet sur ses pieds un marketing global qui, de temps en temps, marche sur la tête.
La publicité crée la notoriété, l'envie, la mémorisation. Cela se joue à la maison, en famille, dans la rue, dans les transports. Mais le choix de la marque s'effectue sur le point de vente. Quelques secondes devant l'offre de produits et sont remis en jeu des édifices de calculs de pression publicitaire, de stratégie marketing ; "tout se passe comme si" la décision était un processus sans mémoire, toute au présent (markovien).

Le point de vente croule sous les supports de publicité, parmi lesquels une profusion plus ou moins bien calculée d'écrans plats investis par des messages de toutes sortes, adaptés à ce que l'on croit savoir du parcours consommateur. A tenter de rassembler "intégralement", au double sens du terme, cette somme de moyens, de moments, de variables, on saisit la désespérante interdépendance de tous les éléments de l'édifice décisionnel et le défi technologique et scientifique que représente son analyse. Poser ce problème en termes de concurrence entre actions publicitaires, d'analyse multivariée, de poids des contributions à la décision d'achat semble vain ; on empêtre le marketing dans cette "illusion du futur antérieur" dont se moquait Bergson. Le dernier moment emporte tout dans cette analyse trop simple des contributions.

Une enquête de National Research Network conduite en ligne en mars 2009 auprès de 999 acheteurs produit une évaluation de plus : la liste n'aurait pas le dernier mot. Les deux tiers des acheteurs viennent avec une liste mais effectuent le choix de la marque dans les linéaires. Au plus haut de l'échelle de l'efficacité déclarée, la tête de gondole, l'habillage des linéaires, la comparaison entre les produits effectuée par l'acheteur, plus ou moins facilitée par l'étiquetage, le bandeau de prix. Rassurant : on sait qu'on le savait !
Quelle méthode alternative ? Situons quelques repères.
  • Peut-on concevoir une approche pluri-média (360°, cross-media) sans le point de vente ?
  • Comment étudier la décision ? Demander à des acheteurs "interceptés" sur le point de vente (ou en ligne, quel est le pire ?), de déclarer comment ils décident suppose une foi aveugle dans la lucidité des acteurs et leur bonne volonté. La voie introspective collecte surtout des rationalisations, plus ou moins complexes (dissonances cognitives plus ou moins réduites). Toute bifurcation, toute impulsion lui échappe.
  • Pour rompre avec les méthodes déclaratives, nous avons besoin d'observations nombreuses, effectuées sur un point de vente dans la longue durée (supérieure à un an pour saisir les effets de saisonnalité), automatiques, respectant par construction l'anonymat des acheteurs observés, gage de non intrusivité autant que de légalité. Le calcul, l'ethnographie, le "sens pratique" feront le reste.
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mardi 20 octobre 2009

Digital out-of-home et bureaux

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Les médias numériques se développent hors des foyers, les écrans prennent place dans les points de vente, les espaces de loisir, les vitrines, les environnements de travail. Alors que les médias traditionnels semblent avoir du mal à épouser le numérique, des combinaisons originales trouvent leur public et des annonceurs.

The Wall Street Journal Office Network (WJON) est un réseau d'écrans plats LCD (HD) placés dans 800 immeubles de bureaux (halls d'entrée, ascenseurs, lieux d'attente, etc.), dans quinze grandes villes américaines. La société qui a monté l'opération est Office Media Network ; elle associe Dow Jones & Company et Lake Capital.
Lancé en 2006, WSJON s'adresse aux employés et cadres des entreprises sur leur lieu de travail en affichant des éléments d'information extraits de l'édition en cours du quotidien économique américain ; il toucherait près d'un million de cadres chaque jour, dont beaucoup de décideurs d'achat (estimation du média WSJON). Bien sûr, une place sur les écrans est mise à disposition de l'immeuble pour l'information de "service public" : sécurité, orientation, événements qui s'y déroulent (Property Portal).
Les campagnes publicitaires peuvent être ciblées géographiquement, par type d'immeubles, associées à certains types de contenus (contextuelles). Elles peuvent recourir à des éléments vidéo (15 s) ou statiques (durée totale de la boucle : 2 mn).
Son point faible reste toutefois la mesure des audiences et des contacts qui demeure enlisée dans des enquêtes déclaratives et des estimations.

Mise à jour septembre 2013
En revanche, elle pratique le retargeting sur les ordinateurs des bureaux des immeubles avec Bizo, étendant ainsi la puissance du média et son efficacité publicitaire.

Empruntant de manière flexible à la publicité extérieure, au Web, à la TV, à la presse quotidienne spécialisée, au B2B, combinant local et national... ce média de synthèse est inclassable dans les catégories usuelles qui décrivent l'activité publicitaire des médias. Son succès souligne combien la réussite numérique des médias anciens passe par une remise en chantier des modes traditionnels de distribution, de mise à disposition de l'information et de l'action publicitaire.
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dimanche 18 octobre 2009

Everybody Speaks English

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La manie d'exhiber de l'anglais partout à tout prix fait des ravages dans les pays non anglophones. Tout - les enquêtes déclaratives, la fierté, les illusions- conduit à en sous-estimer les conséquences.
L'agence allemande endMark a publié les résultats d'une enquête sur la compréhension de slogans publicitaires diffusés en anglais en Allemagne : 75% de la population les comprend de travers ou pas du tout (enquête auprès de 1014 personnes de 14-49 ans, vivant dans les très grandes villes, la cible des slogans). Et pourtant, l'enquête porte sur l'Allemagne où l'enseignement de l'anglais n'est pas le pire, où la proximité linguistique avec l'anglais est plus grande. Que donnerait une telle enquête en France ?
Pareille enquête permet de rompre avec la sociologie spontanée des voyageurs (amateurs ou professionnels) qui concluent de deux ou trois brêves expériences, eux-mêmes n'étant pas anglophones et ne parlant pas la langue locale : "tout le monde parle anglais" (au choix : en Chine, Scandinavie, Allemagne, aux Pays-Bas, etc.).

Comment la publicité en est-elle arrivée là ? Tout y contribue : l'incorrigible ethnocentrisme de certains milieux publicitaires périphériques (non américains), l'internationalisation des campagnes, c'est à dire leur américanisation, la mondialisation des marques... Notons qu'aux Etats-Unis au contraire, le marché de la publicité et des médias est extrêmement attentif aux compétences langagières de la population (compréhension orale, écrite ; communication personnelle, familiale, professionnelle ; sensibilité aux acents). L'interprofession y multiplie les enquêtes... prend les résultats en compte pour les créations, mais aussi (non sans difficultés) pour établir les quotas de recrutement pour les panels, etc.

Au vu des résultats de cette enquête, pré-tester la compréhension des slogans et des textes publicitaires s'avère indispensable. La compréhension est au fondement de l'efficacité d'une campagne.

Profitons-en pour élargir le débat aux compétences langagières.
  • Des tests honnêtes de compréhension de la langue nationale nous vaudraient sans doute de belles surprises. Les entreprises font chaque jour l'expérience de la situation de l'expression écrite chez des personnes qu'elles emploient, y compris chez des personnes diplômées occupant des postes d'encadrement. Le test de rédaction pour le recrutement des cadres ne saurait tarder à s'imposer. Avec Internet, on écrit au moins autant qu'avant, et plus vite, souvent sans relecture et que ce que l'on écrit est beaucoup plus largement diffusé, propagé. 
  • L'enseignement, à tous les niveaux, devrait distinguer enseignement de la littérature et enseignement de la communication (écrite, orale, etc.) et ne pas renoncer à l'un pour l'autre.
  • Osons imposer et non seulement proposer l'apprentissage de la langue nationale aux immigrant(e)s, ce qui n'implique pas un renoncement à la langue maternelle, qu'il faut maintenir et enrichir, pour des raisons personnelles évidemment, mais aussi et surtout pour des raisons économiques. Cf. "Langue, diplômes : des enjeux pour l'accès des immigrés au marché du travail" (Olivier Monso, Frnçois Gleizes, INSEE Première, N° 1269, Novembre 2009). Que l'on n'enseigne pas - ou si peu - l'arabe en France est désolant.
  • Méconnaître la méconnaissance des langues est à court terme plus commode. Avons-nous intérêt à (nous) dissimuler la faible rentabilité des investissements scolaires dans l'apprentissage de la langue nationale d'abord, et des langues étrangères ensuite ? Le travail que l'institution scolaire n'a pas accompli avec l'argent public, les entreprises doivent l'assurer à sa place, ou en pâtir. C'est un impôt de plus sur l'entreprise, payé deux fois par les citoyens. Politiques de Gribouilles. 
Rappel documentaire sur la langue française dans la publicité
Loi Toubon N° 94-665  (cf. article 2 de la Constitution)
Circulaire du 19 mars 1996 en application de la loi Toubon
Le bilan 2009 "Publicité et langue française" publié conjointement par l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF).
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vendredi 16 octobre 2009

Internet, agence de presse

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Internet est en passe de devenir l'agence de presse de nouveaux journaux papier. La version papier devenant un produit dérivé d'Internet. En quelques années, la proposition s'est inversée : tous les journaux sont sur Internet, quelques uns ont aussi une version papier.

Le 16 novembre 2009, deux étudiants allemands lancent niiu, "le quotidien individualisé" ("die indiualisierte Tageszeitung", "täglich für dich gedruckt"). En fait, tout cela revient à une revue de presse personnalisée ; les contenus parmi lesquels l'abonné peut choisir sont variés : presse nationale, de Bild (quotidien populaire) à Handelsblatt (quotidien économique et financier), la presse régionale, notamment berlinoise, la presse internationale (deux journaux américains, le New York Times et le Washington Times, deux journaux russes dont la Pravda) mais aussi des blogs, des sites d'information plus ou moins spécialisés. La sélection des articles par les abonnés s'effectue sur le site Internet.
La publicité est ciblée en fonction de données fournies par les abonnés (payeurs). Taux d'affinité 100% ! A terme, on peut imaginer du ciblage comportemental à partir des choix rédactionnels, voire de la publicité à la demande.

Le journal est imprimé sur papier journal et livré à domicile, à Berlin pour commencer.
Presse sans journaliste, dont l'éditeur-agrégateur est le lecteur. Tous les avantages d'Internet (variété des sources, personnalisation) et ceux du papier (support, livraison à l'heure exacte du premier café : "pünktlich zum ersten Kaffee"). A suivre.
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mercredi 14 octobre 2009

Lecteurs et payeurs

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Il y a des lecteurs qui paient pour lire la presse et il y a des lecteurs qui lisent la presse sans la payer.
Ni la "presse gratuite" ni Internet n'ont inventé la lecture gratuite. La presse payante, surtout lorsqu'elle est vendue au numéro, génère un nombre élevé, parfois très élevé, de lecteurs gratuits. Sans doute davantage que la presse gratuite. L'habitude de gratuité est ancienne et bien ancrée dans les comportements des lecteurs. Emprunter, lire hors du foyer (bistro, bureau, coiffeur, médecin...), différer la lecture, lire et relire des numéros anciens : autant de ruses de lecteurs.

Illustration (rappel)
Prenons un exemple théorique, mais réaliste. Soit un titre qui vend 100 exemplaires (Diffusion France Payée, donnée OJD, procès-verbal de diffusion) et qui compte 600 lecteurs (enquête déclarative sur la lecture de la veille, dite lecture dernière période, LDP) : le titre a généré 500 lecteurs gratuits (audience secondaire, secondary ou pass-along readers). Le taux de circulation (readers-per-copy) est un multiplicateur de lecteurs (dans notre exemple, Tc = 6). Il représente le rapport audience totale / audience première (primary). Ces lecteurs gratuits sont de diverses provenances (salles d'attente, emprunts, dépôt dans les universités, lecture sur le point de vente, au bistro, à la bibliothèque, etc.). Ce taux de circulation sous-estime encore la réalité puisqu'il ne prend en compte que la période dite de référence, correspondant à la périodicité du titre ; certains titres s'apparentent au livre et sont conservés, lus et relus bien au-delà de cette période de référence, certains sont gardés très longtemps, collectionnés même (l'éditeur commercialise des reliures à cette fin).
  • Le taux de circulation peut varier de 3 à plus de 20. 
  • Notons que le payeur n'est pas toujours un lecteur, ni même un prescripteur d'achat. 
  • Souvent, un taux de circulation faible est compensé par un nombre élevé de reprises en main (exemple : presse TV) ; en revanche, les reprises en main sont, hélas, rarement prises en compte dans le médiaplanning (on ne prend en compte que le lecteur "unique" comme ailleurs le visiteur unique - VU).
La publicité achète les contacts avec tous les lecteurs, dont ces lecteurs gratuits ; la presse met en place les études qui lui permettent de valoriser ce lectorat gratuit auprès des annonceurs et des agences média.
  • Selon les pays, le coût pour mille lecteurs gratuits (CPM) vaut une fraction plus ou moins grande du CPM lecteurs payants (primaires). 
  • Cette structure de lectorat payant / gratuit traduit une structure de chiffre d'affaires (revenu direct des ventes / revenu publicitaire, indirect). Le revenu publicitaire est en général plus volatile, plus sensible à la conjoncture économique que le revenu des ventes (numéro ou abonnement).
A verser au dossier de la gratuité et de la lecture gratuite dont l'existence n'a pas attendu Internet.
  • Peut-on transférer à Internet le couple notionnel "lecture primaire / lecture secondaire" ? Peut-on assimiler l'audience de la presse sur Internet à un lectorat secondaire ?
  • Quelle est la pertinence sociologique, et donc commerciale, du primat accordé au lecteur "unique" et instantané (couverture à au moins 1 contact) ? Acceptable pour des gratuits quotidiens que l'on jette une fois parcourus, ce primat a moins de sens pour la plupart des titres de plus longue durée : pour les magazines notamment, les reprises en main sont significatives et importantes, elles sont gages d'engagement, d'un taux d'intérêt élevé, d'un contrat de lecture riche.
  • Le lecteur qui feuillette sur le point de vente, au bureau ou au bistro (lectorat secondaire) ne se différencie du lecteur sur Internet que par le contexte publicitaire. A publicité égale, pourquoi ce dernier vaudrait-il moins cher ? D'où tient-on qu'un message vu gratuitement (ODV d'un écran, dit "page") sur Internet est beaucoup moins efficace qu'un message vu gratuitement sur papier (ODV dans un numéro) ?

dimanche 11 octobre 2009

Les magazines voient Rouge



Il n'est de jour que l'on n'entende : la presse va mal. Bonne campagne de communication sans cesse relayée... par la presse. Cela porte quelques fruits, sans doute vénéneux : des subventions. Pas bon pour l'indépendance d'un média qui ne cesse de revendiquer son indépendance. Pendant que certains tendent la sébile, de grands annonceurs font et défont les médias. 
Et prennent en main les médias de leur publicité.

Parlons de Rouge, le magazine. Pas celui de la la Ligue Communiste, celui de Procter and Gamble. Ce Rouge là ne veut pas changer le monde mais plutôt l'interpréter à la mode de ses produits. Son sujet n'est pas la révolution mais la "beauté" des femmes (les surréalistes y voyaient un rapport, mais Procter probablement pas !).
Le magazine est testé au Canada (bilingue) et aux Etats-Unis. Son champ de concurrence : Marie Claire ou Allure, inStyle, voire Elle. "Crowd sourcing" oblige, le titre en appelle aux "mommy bloggers" et propose des coupons de réduction. Selon la presse spécialisée, le magazine comprendrait 60% de pages liées aux marques de Procter and Gamble (Clairol, Venus, Tampax, Always, Pantene, Olay, etc.), 20% de publicité classique et 20% sans références à des marques (unbranded editorial). Donc 80% de publicité. En 2008, Procter et Gamble aurait investi 1,4 milliard de $ en publicité pour ses marques "beauté" (femme et homme ; source : Nielsen).
Déjà publié en français pour le Canada, un tel magazine s'adaptera(it) aisément au marché francophone européen...
7 millions d'exemplaires chaque trimestre, gratuits (fabriqués par Javelin, le département consumer de Redwood).

Ainsi l'annonceur s'adresse directement au consommateur et constitue seul sa base de données, délaissant les groupes de presse traditionnelle. La publicité enfante le média au lieu d'acheter de l'espace pour contacter le consommateur sur un média né d'un contenu éditorial vendu. Faut-il comprendre que le contenu éditorial préféré des consommateurs ce sont les informations sur les produits à consommer ? On observe déjà que les contenus éditoriaux les plus fréquents dans la presse françaises sont les conseils et guides d'achat (source : base MM, septembre 2009).


Alors : quelle crise ? De quelle presse ? De quelle partie de la presse ?
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N.B. : "rouge" n'est pas en anglais un terme (verbe ou adjectif) désignant en cosmétique un produit de maquillage qui fut d'abord rouge (lip rouge, blush rouge).
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lundi 5 octobre 2009

ANR : moblité et ubiquité

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Patrick-Yves Badillo, Franck Tarrier, Mobilité et Ubiquité : vers le nomadisme numérique, Cahier N°1 de l’Agence Nationale de la Recherche, Paris, juin 2009, 124 pages (papier ou PDF).


Ce N° 1 des Cahiers de l'ANR établit le bilan de projets scientifiques innovants financés par l'Agence Nationale de la Recherche concernant la mobilité et "l'émergence d'une société ubiquitaire". Quatre thématiques sont identifiées, chacune rassemblant les fiches détaillées de chaque projet (au total, 85 projets) : technologies génériques pour la mobilité, objets communiquants, liens sociaux et communicationnels ubiquitaires, dimension humaine. Ensemble, ces projets représentent des aides pour une somme de 85 millions d'Euros.
Ces projets, tous transverses, sont présentés dans leur dimension technologique et dans leur dimension sociétale / humaine. De plus, l'ANR évalue leur impact en termes d'emploi. Pour chaque projet, on dispose de quatre parties descriptives :
  • objectif et caractère innovant, 
  • démarche scientifique et système développé, 
  • impacts et résultats majeurs, 
  • production scientifique et brevets.
Pour tous ces secteurs de l'innovation, ce Cahier permet de saisir les grandes lignes de la recherche en cours et de comprendre ses multiples domaines d'application à la vie quotidienne (déplacements, paiements, sécurité). La clarté de la présentation, l'organisation très commode, le souci d'expliquer sans compromettre la rigueur des projets en font un document de synthèse efficace.
Ainsi, à titre d'exemple, le domaine des objets communiquants (Internet of things) rassemble des projets concernant la RFID, la NFC (Near Field Communication) et l'intelligence ambiante. Ces projets mobilisent la perception artificielle, la cryptographie, les SIG, etc. Beaucoup des projets dans ce secteur concernent les transports et la sécurité des piétons et des véhicules.

Ce premier Cahier constitue un excellent outil de travail et d'information pour les chercheurs et pour les entreprises des secteurs étudiés.
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