Il y a des lecteurs qui paient pour lire la presse et il y a des lecteurs qui lisent la presse sans la payer.
Ni la "presse gratuite" ni Internet n'ont inventé la lecture gratuite. La presse payante, surtout lorsqu'elle est vendue au numéro, génère un nombre élevé, parfois très élevé, de lecteurs gratuits. Sans doute davantage que la presse gratuite. L'habitude de gratuité est ancienne et bien ancrée dans les comportements des lecteurs. Emprunter, lire hors du foyer (bistro, bureau, coiffeur, médecin...), différer la lecture, lire et relire des numéros anciens : autant de ruses de lecteurs.
Illustration (rappel)
Prenons un exemple théorique, mais réaliste. Soit un titre qui vend 100 exemplaires (Diffusion France Payée, donnée OJD, procès-verbal de diffusion) et qui compte 600 lecteurs (enquête déclarative sur la lecture de la veille, dite lecture dernière période, LDP) : le titre a généré 500 lecteurs gratuits (audience secondaire, secondary ou pass-along readers). Le taux de circulation (readers-per-copy) est un multiplicateur de lecteurs (dans notre exemple, Tc = 6). Il représente le rapport audience totale / audience première (primary). Ces lecteurs gratuits sont de diverses provenances (salles d'attente, emprunts, dépôt dans les universités, lecture sur le point de vente, au bistro, à la bibliothèque, etc.). Ce taux de circulation sous-estime encore la réalité puisqu'il ne prend en compte que la période dite de référence, correspondant à la périodicité du titre ; certains titres s'apparentent au livre et sont conservés, lus et relus bien au-delà de cette période de référence, certains sont gardés très longtemps, collectionnés même (l'éditeur commercialise des reliures à cette fin).
- Le taux de circulation peut varier de 3 à plus de 20.
- Notons que le payeur n'est pas toujours un lecteur, ni même un prescripteur d'achat.
- Souvent, un taux de circulation faible est compensé par un nombre élevé de reprises en main (exemple : presse TV) ; en revanche, les reprises en main sont, hélas, rarement prises en compte dans le médiaplanning (on ne prend en compte que le lecteur "unique" comme ailleurs le visiteur unique - VU).
- Selon les pays, le coût pour mille lecteurs gratuits (CPM) vaut une fraction plus ou moins grande du CPM lecteurs payants (primaires).
- Cette structure de lectorat payant / gratuit traduit une structure de chiffre d'affaires (revenu direct des ventes / revenu publicitaire, indirect). Le revenu publicitaire est en général plus volatile, plus sensible à la conjoncture économique que le revenu des ventes (numéro ou abonnement).
- Peut-on transférer à Internet le couple notionnel "lecture primaire / lecture secondaire" ? Peut-on assimiler l'audience de la presse sur Internet à un lectorat secondaire ?
- Quelle est la pertinence sociologique, et donc commerciale, du primat accordé au lecteur "unique" et instantané (couverture à au moins 1 contact) ? Acceptable pour des gratuits quotidiens que l'on jette une fois parcourus, ce primat a moins de sens pour la plupart des titres de plus longue durée : pour les magazines notamment, les reprises en main sont significatives et importantes, elles sont gages d'engagement, d'un taux d'intérêt élevé, d'un contrat de lecture riche.
- Le lecteur qui feuillette sur le point de vente, au bureau ou au bistro (lectorat secondaire) ne se différencie du lecteur sur Internet que par le contexte publicitaire. A publicité égale, pourquoi ce dernier vaudrait-il moins cher ? D'où tient-on qu'un message vu gratuitement (ODV d'un écran, dit "page") sur Internet est beaucoup moins efficace qu'un message vu gratuitement sur papier (ODV dans un numéro) ?
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