lundi 26 mars 2018

Koï : l'Asie, proximité du lointain


Koï, 100 pages, bimestriel, Magazine de société des cultures asiatiques, bimestriel, 5,9 €. Abonnement : 30 €

"Koï" drôle de nom pour un magazine ! "Koï" signifie carpe en japonais, poisson dont on raffole en Asie et connu pour remonter le courant. Tout un programme.
Lancé en septembre 2017 au terme d'une opération réussie de crowdfunding (KissKiss BankBank), Koï traite des cultures asiatiques en France. D'abord, soulignons le pluriel, non exhaustif, et, ensuite, le fait qu'il ne s'agit pas d'exotisme, mais de cultures établies en France, parfois depuis longtemps. L'Asie, si lointaine, est proche !
Koï traite logiquement de la deuxième génération, intégrée. Loin de tout "communautarisme", prendre les questions de l'immigration par l'intégration ? "Deuxième génération. Culture fusion : ils sont le trait d'union entre tradition et modernité", titrait le N°1 qui consacrait un article aux "Cambodgiens de France".
Quelle est l'ambition culturelle du magazine ? Faire comprendre, faire valoir par touches légères, les cultures de grandes régions d’Asie en France : Chine, Viet Nam, Japon, mais aussi Thaïlande, Indonésie, Singapour "ville jardin du futur", Laos.
Cuisine et gastronomie, bien sûr, BD, cinéma, musique, urbanisme, tourisme, médecine. Présentation des fêtes et de leurs rituels : fête du Têt au Viet Nam, Nouvel An khmer, Hanami au Japon, Nouvel An lunaire en Chine (chunyun, 春运), fête chinoise des morts (Qing Ming, 清明)… Un soupçon d’exotisme mais pas trop. Volonté de faire découvrir, aimer ces cultures par un grand public non averti mais curieux. Donner envie d'y goûter, de lire, écouter, voir...
Koï ne craint pas d'être parfois utilement didactique : à propos du vocabulaire, de l’explication du symbolisme des fêtes, etc. A quand des approches des langues asiatiques, tellement stimulantes pour les francophones (décentrement), trop peu présentes dans les établissements scolaires et universitaires français, obsédés par l'anglais ? On trouvera dans le magazine des articles sur le Cambodge, la jungle et les éléphants ; sur la pâtisserie française revue par Mori Yoshida, un chef japonais qui donne sa recette du "Beige", un entremet séduisant ; sur les aromates asiatiques, les chocolats... Quelques pages de publicité bienvenues, en affinité, enrichissent le contenu éditorial... Koï présente également un agenda culturel et littéraire bien meublé. 

Au-delà d'un exotisme bon enfant, notons un article poignant sur les agressions racistes dont sont victimes, en France, des personnes d'origine ou d'allure asiatique, agressions qui n'ont pas - pas encore ? - attiré la solidarité méritée. Agressions, insécurité ne peuvent qu'augmenter les difficultés vécues par les immigrations asiatiques et nuire à l'intégration, et même au tourisme (cf. le travail doctoral de Simeng Wang (Illusions et souffrances. Les migrants chinois à Paris, Editions Rue d'Ulm, 2017). Sociologiser, c'est désenchanter mais c'est aussi dénoncer en énonçant.
Il y a déjà, en France, beaucoup de magazines traitant de l'Asie, la plupart sont spécialisés : s'adressant aux fans de culture japonaise (cf. Médias du Japon en France : animes, mangas et jeux vidéo), des magazines traitant de la Chine, de la K-pop... Koï, en revanche, qui se veut généraliste, occupe une place originale en visant le grand public mais aussi l'Asie en France. Pour se dépayser tout près de chez nous, car la Chine, le Viet-Nam, la Corée, c'est un peu ici aussi. Une partie de la richesse de ce pays, de son "patrimoine". Koï, introduction à l'Asie en France.

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