Il s'agit du film Gran Torino (sorti en décembre 2008 aux Etats-Unis, fin février 2009 en France), tourné à Detroit, au coeur de l'industrie automobile américaine (l'Etat de Michigan a mis en place des incitations fiscales pour les tournages).
Que voit l'Amérique d'aujourd'hui dans ce film qui parle de celle d'hier, de son Histoire. Que voient les spectateurs français ? Un film réduit à une histoire ? Un film n'est que ce l'on "reçoit". Tout ici invite l'étranger au contre-sens. La banlieue américaine n'est pas la "banlieue" française, etc. Ce film est tellement américain que la plupart des Français ont dû voir (et aimer) un autre film. Lequel ? Quel film ont-ils construit à partir de leur propre expérience, de leur propre Histoire ?
- La fin d'un monde. Le personnage principal est un ouvrier, d'origine polonaise, ancien combattant de la guere de Corée, retraité de l'industrie automobile américaine (Ford). Américain du Midwest, de ceux qui ont "fait" les Etats-Unis (les guerres plus ou moins coloniales, les "belles américaines", etc.) et que l'Amérique a faits (patriotisme commercial -"Buy American Act" - christianisme, petite maison de banlieue avec pelouse, pick-up, etc.). Ses rituels mis en scène : la bière sur le porch, le cooler où l'on puise, la pelouse que tond son propriétaire, la rhétorique ritelle d'agression jouée, politiquement très incorrecte, forme euphémisée, acceptable, de l'acceptation du melting pot. Du sport à la télé. Lecture désabusée et sceptique du quotidien, partagée avec son chien. Téléphone qui sépare.
- Tout métier fait un homme et ses vertus. L'usine et la société de services ne font pas les mêmes hommes. Habileté manuelle d'un côté, carnet d'adresses et téléphone de l'autre. Un fossé culturel sépare ces générations en conflit. Les nouvelles générations de la famille sont intéressées, sans intérêt pour lui, à la recherche d'un avantage pécuniaire. Le personnage négatif est une adolescente, téléphone portable greffé aux doigts, mâchonnante, toute à sa suffisance entretenue par les parents.
- A la fin de sa vie, la grâce touche ce retraité sous la forme de voisins venus d'Asie. Cette famille traditionnelle "étrangère" vit selon les vertus américaines d'autrefois, neighborliness. Voisin à qui il peut fièrement transmettre ses outils et ses tours de main. Son héritage, son capital (humain). C'est à eux que reviendra l'automobile, la Gran Torino Sport (sortie en 1972), exposée et astiquée sur le driveway, chef d'oeuvre de sa carrière mécanique. La Ford Torino, muscle car, qui donne son titre au film a été beaucoup vue aux compétitions automobiles NASCAR mais aussi dans la série Starsky & Hutch. C'est un véhicule populaire, une légende américaine aussi. Inconnue en France.
- Ce film monte et montre en 116 minutes les éléments d'une ethnographie du changement social. Film du déclin de l'industrie automobile américaine, de la fin de la culture ouvrière. Suite de clichés, révélateurs d'un environnement culturel qui se défait (Cf. M. McLuhan, From Cliché to Archetype). Le film montre aussi, de manière juste, le réseau des interactions entre voisins et le réglage progressif de l'économie non marchande qui s'institue entre eux (don, contre-don).
- Pour se convaincre de l'irréductible américanité de ces images, essayez de traduire en français : "Sitting on his porch, he pulls a beer out of the cooler".
2 commentaires:
After delving into deep and serious thought to decide whether or not I should tackle this translation, I shied away from the challenge and resorted to the next best thing after an expert human brain: online machine-translation; what a delight to note that the underlying background of this casual yet culturally-charged sentence was so “beautifully” captured and rendered by two free online translators available to all. Enjoy!
http://www.worldlingo.com/en/products_services
« Se reposant sur son porche, il tire une bière hors du refroidisseur ».
http://babelfish.yahoo.com/
" Se reposant sur son porche, il tire une bière hors du cooler".
En poursuivant l'exercice de traduction par clin d'oeil au commentaire précédent, on rend la traducteur automatique de plus en plus cocasse:
En partant de "Sitting on his porch, he pulls a beer out of the cooler", on a donc:
« Se reposant sur son porche, il tire une bière hors du refroidisseur ».
Et puis dans l'autre sens:
« Relying on his porch, it draws a beer out of the coolant ».
Et encore :
«En comptant sur sa véranda, il retire de la bière de l'agent de refroidissement».
puis après:
« By counting on his veranda, it withdraws some beer of the agent of cooling ».
On ne s'en lasse pas, mais on ne retrouve jamais la phrase initiale!
Réjouissant! It makes your day doesn't it?
SG
Enregistrer un commentaire