Le Media Rating Council américain (MRC) modifie son métier. Au lieu d'auditer après coup, et après coût, des mesures d'audiences nouvelles, l'équivalent américain du CESP forme une coalition d'intérêts et d'entreprises pour définir les "guidelines" des mesures possibles.
Dans cette coalition, la NCC Media dont Comcast, Time-Warner Cable et Cox Media sont actionnaires ("owners") et à laquelle sont affiliés de nombreux câblo-opérateurs ("affiliates"), mais aussi DirecTV (satellite) et Verizon FIOS (télécoms). Mais pas Dish Network (satellite), pas Cablevision (câblo-opérateur), pas AT and T Uverse (télécoms). La NCC est connue pour sa régie publicitaire de réseaux câblés locaux (interconnects, spot cable) qui depuis longtemps travaille à la réalisation d'outils informatiques de commercialisation de l'espace publicitaire (EDI). Toutes ces entreprises sont caractérisées comme "Multi-Channel Video Programming Distributors" (MVPD). L'objectif est la collecte de données (data) et leur mise en cohérence. Il s'agit pour les MVPD de s'accorder : sur des méthodologies de collecte ("definitions and calculations for accumulating digital viewership data"), sur des méthodologies de traitement de ces données, leur édition, leur diffusion et sur des règles de protection de la vie privée.
Le MRC a pour mission d'étendre ces recommandations (guidelines) aux fournisseurs de contenus pour la mise en place des instruments de mesure fiables, indispensables aux métiers de la publicité.
En clair, de mon point de vue :
- Les opérateurs traditionnels de télévision, qui sont aussi d'importants FAI, prennent la mesure de la valeur et de l'importance stratégique des données transitant par leurs set-top boxes qui distribuent la télévision, téléphonie et Internet. Notons qu'ils sont présents dans 90% des foyers américains (mais presque absents des lieux de travail, hors des foyers).
- Ces opérateurs veulent prendre en main leurs propres données alors que diverses entreprises (Nielsen, Kantar, etc.) prétendent effectuer, à leur propre profit, le travail de collecte et de traitement de ces données. A terme, ces données occuperont une place décisive dans le modèle économique des opérateurs (aux Etats-Unis, les opérateurs cabsat ont leurs propres régies publicitaires, locales et nationales).
- Ces opérateurs mettent en place une stratégie analogue à celle qu'Internet développe de manière non coordonnée au travers de quelques centaines d'opérateurs de transactions publicitaires en ligne (les organes interprofessionnels étant limités, au mieux, à des rôles de caisses d'enregistrement). Devant le dynamisme ébouriffant d'Internet, laissé aux initiatives disparates du marché, ils mettent en oeuvre, de manière défensive, une économie dirigée des données.
- Les opérateurs cabsat se préparent à la prochaine grande bataille des médias, celle des "données" (de consommation, de navigation, etc.).
- Dans cette perspective, les aspects socio-démographiques perdent de leur intérêt pour faire place à des profils et à des sommes et suites de comportements observés, de comportements prédictibles (probabilités). Ainsi se règle, sans problème, de manière mathématique, la question du respect de la vie privée et de la sûreté des personnes : les données personnelles s'avèrent pauvres et inutiles. En matière de marketing aussi, la vertu vient de la nécessité.
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