lundi 8 août 2011

Soldes, promotions et saisonnalité


Les soldes, jusqu'à présent, contribuaient à définir la saisonnalité commerciale et aussi sociale. On en a parlé comme d'une fête, d'un événement. L'évolution législative récente en matière de calendrier commercial leur confère un statut plus banal. La saisonnalité s'estompe, les achats de vêtements s'effectuant toute l'année, au gré des soldes et des promotions. En termes de médiaplanning, cette évolution évoque le "continuity planning". Devenus flottants, les soldes défont la saisonnalité.
Rappelons les faits établis par des travaux du CREDOC et de l'Institut de la Mode. Un article de Yvon Merlière, qui publie régulièrement sur ce sujet et dirige désormais le CREDOC, dresse un bilan des soldes en France. Il confronte les comportements des consommateurs envers les soldes et envers les promotions. Clair, précis, concis :
  • Yvon Merlière, "Vers la fin des soldes", Consommation et modes de vie, CREDOC, N°241, juillet 2011, 4 p.
Voici quelques unes des conclusions de cet article, utiles sinon indispensables pour le médiaplanning et le ciblage publicitaires, surtout si l'on travaille pour des marques de vêtement ou des marques de grande distribution concernées par les vêtements.
  • Pour plus de la moitié des Français, les soldes sont primordiales dans la gestion du budget familial, plus encore pour les couples avec enfants et les familles monoparentales. 
  • L'habillement représente 3/4 du chiffre d'affaires total des soldes.
  • Les chiffres d'affaires des promotion et des soldes se situent à peu près au même niveau, mais les promotions semblent prendre le pas sur les soldes.
  • La recherche de prix les plus bas est orientée aussi bien vers les soldes off-line que on-line.
  • Les achats d'habillement se désaisonnalisent sous le coup des "soldes flottants" (cf. Loi de modernisation de économique, 4 août 2008, 2008-776, Art. 98) et de la multiplication des collections au cours de l'année : la nouveauté est continue. Cette désaisonnalisation, liée à une nouvelle gestion des stocks, diminue la pertinence des ciblages temporels (calendrier) au profit des ciblages comportementaux. Elle renforce le besoin d'actions publicitaires continues, épousant immédiatement les comportements observés, plutôt que d'une marketing ponctuel à partir de quelques grands événements publicitaires.
  • La désaisonnalisation commerciale constitue-t-elle un symptôme de ce que Zygmunt Bauman décrit comme avènement d'un temps "liquide" ("liquid times") ?
Attendons une suite à ces travaux (cf. biblio, ci-dessous) et une confrontation approfondie, juste évoquée ici, des comportements en magasins avec les comportements sur le Web. Quels seront les effets sur les calendriers commerciaux des pratiques d'achats groupés à la Groupon ?
Comment évoluera la recherche des prix bas par les familles les plus modestes si leur maîtrise du Web n'est pas suffisante, à moins que le Web mobile ne leur permette cette maîtrise (deux hypothèses raisonnablement construites, à tester scrupuleusement).

L'approche globale des comportements de consommation on et off-line est indispensable pour les comprendre rigoureusement et ne pas tomber dans le piège d'une célébration désociologisée à laquelle se laissent souvent aller les tenants du Web et du e-commerce. Méthodologiquement, une telle analyse, diachronique, on et off-line, n'est assurément pas commode... Plus facile, comme je le fais ici, de la réclamer que de la mettre en oeuvre !

N.B. Le mot "solde" est effectivement un nom commun masculin, souvent utilisé, abusivement, au féminin.

Biblio :
  • Yvon Merlière, Dominique Jacomet, Evelyne Chabalier, "Limpact du commerce électronique en matière de soldes et promotions", CREDOC, Institut de la Mode, avril 2011 (en PDF sur le Web).
  • Sur la "Mission soldes flottants", voir le rapport de Yvon Merlière, Dominique Jacomet et Evelyne Chabalier, en PDF sur le Web.
  • Sur  le "continuity planning", voir les travaux de John Philip Jones et al., par exemple : When ads work. New proof that advertising triggers sales, 1998, second edition, 2007..

3 commentaires:

Arthur Virapin CMI a dit…

En cette période de Thanksgiving, synonyme également de "Black Friday" chez nos amis américains, cette étude sur l'évolution des comportements des consommateurs par rapport aux Soldes est très interessante.

En effet, d'un coté comme l'illustre le phénoméne du "Black Friday", les consommateurs calquent encore largement leurs
habitudes de consommation sur les promotions "push" des différentes enseignes. Aux Etats-Unis comme en France, les consommateurs sont en attente de ces périodes de Solde inscrites dans l'inconscient collectif.

Ainsi, la vraie évolution est plutot une co-existence de ces soldes Physiques, et de nouvelles promotions sur le Web marchand.
L'exemple du Black Friday, nous montre par exemple que les ventes en ligne ont grimpé de 36% durant cette période par rapport à l'année derniere.

Il est vrai que les consommateurs sont aujourd'hui de plus en plus habitués à recevoir des offres promotionnelles pour différentes marques. Le succès de sites promotionnels comme Ventes Privée ou Showroom Privé illustre bien cette pratique croissante.
Les Soldes physiques, beaucoup plus normées et réglementées, ne suscitent donc moins "l'évenement" que par le passé, car le consommateur est plus habitué aux -50% ou autre -70%...

Rymou_ a dit…

Je suis d'accord avec Arthur Virapin, sur le fait que les consommateurs soient de plus en plus sollicités à la fois par un nombre de marques plus conséquent et par des offres promotionnelles plus récurrentes.

Cependant, je ne pense pas que les soldes physiques en "paient le prix" pour cette raison. A mon avis, la seule raison pour laquelle les soldes physiques rencontrent aujourd'hui un succès plus mitigé qu'auparavant est que les marques optent toutes pour la technique des pré-soldes.

De nombreuses marques françaises de prêt à porter, par exemple, lancent des promotions une semaine avant la date imposée par la loi sous la forme d'évènements "journées privilèges". La grande majorité du chiffre d'affaires saisonnier est alors réalisé quelques jours avant les soldes, ce qui minimise ainsi leur impact.

Rymou_

Morgane a dit…

6 ans plus tard le constat est toujours le même (voir même encore plus criant) : les soldes n’ont fait que perdre un peu plus leur impact d’antan. Ne nous méprenons pas, nous préférons tous payer moins pour un produit dont on a vraiment besoin (disons plutôt « envie »).
Or le fait est qu’aujourd’hui le rapport au temps a changé. Depuis toutes ces années l’offre de soldes n’a fait que se banaliser tout bonnement parce que les promotions ne sont plus un évènement. Les réductions, c’est un peu tout le temps maintenant ; en magasin avec les ventes privilèges (plus uniquement consacrées aux clients fidèles soit dit en passant) ou online avec des sites comme vente privée (comme pré-cité) mais aussi grâce à des sites intermédiaires comme (petit tuyau toujours utile) Radins.com qui donnent accès à des codes promo toute l’année.

Peut-être aussi cette frénésie des soldes a t-elle perdue de son intérêt à cause du besoin des consommateurs, non plus forcément de posséder les objets, mais plutôt de les utiliser. La preuve avec ce nouveau service « LeCloset » qui propose, en échange d’un paiement mensuel, d’envoyer des tenues personnalisées chaque mois à ses clientes qui pourront, en renvoyant ces dernières une fois lassée, en recevoir de nouvelles.

A mon sens les soldes ne pourront retrouver de leur intérêt qu’en retrouvant la dimension festive, ludique et surtout sociale qu’elles avaient. Peut-être faudrait-il que les marques connaissent réellement leurs consommateurs et leur proposent des promotions en fonction de leurs goûts et de leurs besoins. Les réductions doivent être intelligentes et ciblées, faire découvrir au consommateur de nouvelles choses.