Les fake news sont à la une de la presse couvrant les médias. Fake news ?
D'abord, le nom : que désigne "fake news" en anglais ? Des fausse nouvelles, délibérément falsifiées contrefaîtes, disséminées, partagées. Misinformation, désinformation. Leur fausseté conjuguée à leur viralité (cela se calcule et se programme) peut entraîner des conséquences électorales, politiques, commerciales...
Ce sont des nouvelles publiées non contrôlées, non vérifiées. Parfois des erreurs commises par omission, désir de scoop, par défaut de professionalisme (cf. Pascal Riché, "Les médias sont des tontons flingueurs", L'Obs, 3 mars 2015). Pour les médias, la diffusion d'informations présuppose leur contrôle, leur vérification préalables qui sont partie prenante de l'édition (d'ouvrages, de journaux, de sites web, de données, etc. ). Métier de journaliste.
Pour les réseaux sociaux, il s'agit d'un problème économique radical. Dans l'univers de l'information, les réseaux sociaux se ditinguent par le nombre des collaborations qu'ils mobilisent (User-Generated Content) ; elles se chiffrent en dizaines voire en centaines de millions (selon leur propres déclarations). De plus, la publication est immédiate, effectuée en temps réel. Contrôler une telle production de contenus supposerait le recrutement de milliers de journalistes diversement spécialisés et équipés, intellectuellement et techniquement, pour les tâches de vérification (à moins que l'on ne sous-traite ces tâches et fasse appel à des personnels peu qualifiés et sous-payés, comme il semble que ce soit le cas et qui n'est pas encourageant).
D'où la protestation incertaine de Facebook : we are not a media company mais a technology company. Toutefois, cette proposition est ensuite modalisée (cf. video 22/12/2016 ; 6:10), laissant entrevoir des ajustements à venir : “Facebook is a new kind of platform. It’s not a traditional technology company”;“It’s not a traditional media company. You know, we build technology and we feel responsible for how it’s used.” Manifestement, Facebook est à la recherche d'un nouveau modèle social et économique et éditorial. Notons la tournure de passivation : "we feel responsible for how it’s used" ("how it's used" et non "how we use it", "we feel responsible" et non "we are responsible").
Une curation rigoureuse supposerait aussi de renoncer au temps réel : il faut du temps pour vérifier. La curation est un travail éditorial complexe, délicat qui demande du temps et de l'expertise, elle relève de journalistes hautement diplômés et expérimentés, donc bien payés.
Le modèle économique des réseaux sociaux se situe à l'opposé de celui des médias. Les réseaux sociaux sont des distributeurs de contenus, de contenus produits gratuitement par des consommateurs et aussi de contenus fournis par des médias en mal d'audience aisément touchée (sans compter les relations publiques). Leur modèle économique semble, a priori, aux antipodes d'une curation rigoureuse, qui n'est pas leur métier.
Au contraire, les médias sont des producteurs et éditeurs de contenus et cette production / édition coûte cher : rémunération de journalistes effectuant la collecte, la rédaction, la vérification et la curation des contenus diffusés.
Quelle solution à cette contradiction entre contenus massifs et curation ? Quelle utopie ?
On peut imaginer de faire contribuer les "lecteurs" au travail de vérification (crowd sourcing), de faire effectuer ce travail par des algorithmes conçus pour débusquer les erreurs, volontaires ou involontaires mises en ligne. De tels algorithmes n'existent pas encore, pour autant qu'ils soient réalisables à court terme. La situation semble désespérée : les réseaux sociaux sont-ils condamnés aux plus ou moins fake news ? Par ailleurs, à partir de quand la curation s'apparente-t-elle à une censure, les fact-checkers s'apparentant à des gate-keepers ? Dans certains cas, certains politiques privilégient la communication directe unfiltered... et préfèrent publier sur Twitter ou Facebook ou Reddit...
De ce bref constat, on peut tirer plusieurs bonnes nouvelles :
- Le métier de journaliste a un bel avenir devant lui. La formation des journalistes aussi, notamment pour la formation au contrôle, à la curation. Les réseaux sociaux de leur côté ne devront-ils pas recruter des journalistes capables de trier les contenus publiés. A moins qu'ils n'acceptent de succomber aux fake news. La presse papier n'est pas à l'abri des fake news : un certains nombres de titres en vivent...
- Il appartient aux lecteurs de se méfier, de se détourner des fake news. Pour que les lecteurs futurs en soient capables, il faut compter sur l'éducation scolaire, sur sa capacité à former des esprits critiques, aptes à douter, à distinguer le vrai du faux, le croire du savoir, le vraisemblable de l'invraisemblable, le mensonge de la vérité. Apprendre ce travail à l'école ? Cela commence par une formation à la rigueur et donc sans doute par une formation à l'esprit scientifique de tous les élèves, et tout d'abord de tous les enseignants. Question de service public. Nos sociétés en prennent-elles le chemin ?
- Un contenu contrôlé, vérifié, estampillé est un contenu très cher à produire : aux médias de se vendre cher aux réseaux sociaux ou de les laisser s'ébattre dans les eaux boueuses des fake news. Voilà qui repose la lancinante question de leur modèle économique.
5 commentaires:
Les fake news sont également des sites qui se font passer pour des sites d'information officiels à travers de leurs articles alors qu'ils ne le sont pas. Le terme fake news est encore très vaste et peu précis aujourd'hui.
Nathalie Goulet, une sénatrice, a d'ailleurs déposé une proposition de loi sur les fake news le 22 mars 2017 et qui devrait être étudiée cet automne. Elle propose notamment d'obliger les personnes qui publient ou diffusent des contenus numériques à vérifier la véracité du contenu. Si ce n'est pas le cas, elles seront soumise à des peines pouvant aller jusqu'à un an de prison et 15 000€ d'amende. Cela devrait aider les journalistes ou les médias à réguler un flot d'informations toujours plus important.
Une étude lancée par Yale a montré qu'il est très difficile de faire retirer une fake news sur Facebook. En effet, Facebook a mis en place une mention "mis en question par des fact-checkers indépendants" sur des articles de fake news. Cependant Yale met en avant que cette mention est a bien trop petite échelle par rapport à la quantité de fake news publiées. Il peut même se créer un effet négatif et inverse, les fake news ne portant pas la mention sont considérés comme plus véridiques qu'avant que cela ne soit inventé.
Il reste encore un bon nombre de progrès à faire et ils seront probablement engendrés par des changements de loi qui sont de plus en plus nombreux dans le domaine du numérique aujourd'hui.
« 146 millions d’américains exposés a des fake news postées par des acteurs étrangers sur facebook » précise un intervenant de l’émission « 28 minutes » sur Arte le 2 novembre.
Aujourd'hui, Facebook, Google sont-ils coupables des Fake News ? La viralité y est très importante, il existe une réelle particularité des réseaux sociaux correspondant au « dis-moi ce qui t’intéresse et je te l’apporterai ».
Depuis des mois, Facebook et Google multiplient les annonces sur leur lutte contre les «fake news» : échec total après la tuerie de Las Vegas en octobre.
- Google News, a fait la promotion de discussions sur le forum américain 4chan site qui n’a pas vocation journalistique et faisant souvent polémique, qui accusaient une personne d'être responsable de la fusillade. Cette information était fausse.
- Safety Check, censée donner des informations sur des événements dramatiques a été envahie par des sites militants d'extrème droite.
Les défauts des algorithmes :
Les algorithmes repèrent automatiquement les contenus les plus adaptés pour les utilisateurs dans un endroit donné. Par exemple, Google News est censé afficher des articles provenant de sources fiables et correspondant à l'actualité du moment.
La responsabilité des plateformes :
Google s'est excusé en affirmant que «ce résultat [4chan] n'aurait pas dû apparaître». Facebook a, lui, affirmé qu'il « regrettait terriblement la confusion provoquée » par l'apparition de fausses informations sur sa plateforme Safety Check.
Mais Google et Facebook ne sont pourtant pas hors de contrôle et façonnent leurs algorithmes. Or, certains sont surprenants. « Google et Facebook rejettent la responsabilité sur leurs algorithmes, comme s'ils ne contrôlaient pas leur propre code », écrit le site américain The Outline.
Le Sénat et la Chambre des Représentants aux États-Unis ont interrogé la semaine dernière Facebook, Google et Twitter. En cause : leur rôle face aux interférences russes dans l'élection présidentielle américaine. Les sénateurs leurs reprochant leur manque d'implication pour lutter contre les contenus biaisés par des intérêts russes. Le fonctionnement des algorithmes sur Internet et le choix des publicités politiques sont notamment remis en cause dans la propagation grandissante de ces fausses informations. Ira-t-on vers une modification du statut de Facebook donc un statut à mi-chemin entre celui d’éditeur de plateforme et d’hébergeur (son statut actuel) ?
« 146 millions d’américains exposés a des fake news postées par des acteurs étrangers sur facebook » précise un intervenant de l’émission « 28 minutes » sur Arte le 2 novembre.
Aujourd'hui, Facebook, Google sont-ils coupables des Fake News ? La viralité y est très importante, il existe une réelle particularité des réseaux sociaux correspondant au « dis-moi ce qui t’intéresse et je te l’apporterai ».
Depuis des mois, Facebook et Google multiplient les annonces sur leur lutte contre les «fake news» : échec total après la tuerie de Las Vegas en octobre.
- Google News, a fait la promotion de discussions sur le forum américain 4chan site qui n’a pas vocation journalistique et faisant souvent polémique, qui accusaient une personne d'être responsable de la fusillade. Cette information était fausse.
- Safety Check, censée donner des informations sur des événements dramatiques ou des catastrophes, a été envahie par des sites militants d'extrème droite.
Les défauts des algorithmes :
Les algorithmes repèrent automatiquement les contenus les plus adaptés pour les utilisateurs dans un endroit donné. Par exemple, Google News est censé afficher des articles provenant de sources fiables et correspondant à l'actualité du moment.
La responsabilité des plateformes :
Google s'est excusé en affirmant que «ce résultat [4chan] n'aurait pas dû apparaître». Facebook a, lui, affirmé qu'il « regrettait terriblement la confusion provoquée » par l'apparition de fausses informations sur sa plateforme Safety Check.
Google et Facebook ne sont pas hors de contrôle et font des choix en façonnant leurs algorithmes. Or, certains sont surprenants. « Google et Facebook rejettent la responsabilité sur leurs algorithmes, comme s'ils ne contrôlaient pas leur propre code », écrit le site américain The Outline.
Le Sénat et la Chambre des Représentants aux États-Unis ont interrogé la semaine dernière Facebook, Google et Twitter. En cause : leur rôle face aux interférences russes dans l'élection présidentielle américaine. Les sénateurs leurs reprochant leur manque d'implication pour lutter contre les contenus biaisés par des intérêts russes. Le fonctionnement des algorithmes sur Internet et le choix des publicités politiques sont notamment remis en cause dans la propagation grandissante de ces fausses informations. Ira-t-on vers une modification du statut de Facebook donc un statut à mi-chemin entre celui d’éditeur de plateforme et d’hébergeur (son statut actuel) ?
Le comité d’éthique conseillant la Première ministre recommande une révision des statuts des grandes plateformes comme Facebook et Google. Cette révision les positionnerait ces acteurs comme des éditeurs et les rendrait responsable du contenu diffusé.
Ces plateformes hébergent majoritairement de l’UGC, cette modification de statut anti liberté d’expression, va-t-elle renforcer le pouvoir de Facebook et Google ?
Ce post évoque pertinemment la relation entre les fake news, le fact-checking et le journalisme. Il invite par là même à revenir à la conception originelle du fact-checking : né aux Etats-Unis dans les années 1920, celui-ci consistait en la vérification systématique et a priori de tous les articles par des journalistes de la rédaction. Le fact-checking est donc une étape dans le parcours de l’information entre sa collecte et sa diffusion. Puis, la crise économique et les réductions d’effectifs dans les rédactions voient l’émergence d’un nouveau type de fact-checking, celui que l’on connait et qui devient un travail de vérification ponctuel et a posteriori de propos publics. Aujourd’hui, ce travail de vérification est essentiellement effectué par les médias traditionnels, qui y voient un moyen de se différencier et d’affirmer leur légitimité. Mais au vu de leurs difficultés économiques et leur perte de crédibilité auprès des citoyens, n’ont-ils pas plus à perdre qu’à gagner à consacrer quelques journalistes à la vérification de quelques faits ? A qui se rôle doit-il donc être dévolu ? Aux juges des référés, qui auront le pouvoir de faire supprimer des fausses informations dans le cadre de la loi relative aux fausses informations ? A mon sens, les plateformes ont une vraie responsabilité à ce sujet car elles ne sont pas seulement des hébergeurs de contenus, mais aussi des éditeurs.
Mais mieux que la curation, c’est la prévention qui est la plus efficace. Et en cela l’éducation aux médias et à l’information est primordiale. Je déplore que rien ne soit réellement fait en ce sens, hormis quelques initiatives isolées. Et cela va de pair avec une éducation civique ambitieuse. J’ai été choqué de voir, pendant l’épisode des « gilets jaunes », tant de fausses informations à propos du fonctionnement de nos institutions, massivement relayées.
C’est donc à nous tous de lutter contre ces fake news. Aux médias, aux plateformes, aux politiques, aux chercheurs et aux simples citoyens utilisateurs des réseaux sociaux.
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