mardi 17 juillet 2018

Tendance vintage. Des styles de vie et des choses du passé remis au présent


Styles  Vintage / Tendances Vintage, mensuel,  éditions LVA. 116 p., 5,90 €, abonnement annuel : 12 numéros pour 49 €.

Nouveau magazine mensuel. Le magazine se cherche encore, et c'est tant mieux, comme en témoignent les deux Unes successives ci-contre. On est passé en deux mois de la simple nostalgie comme hobby (numéro 1, juin) à son exploitation pour inspirer, guider aujourd'hui : "Inspirations d'hier pour aujourd'hui", résume parfaitement le sous-titre. Le format a été modifié également, à partir du numéro 2 (juillet), le magazine est légèrement plus petit, plus commode, plus maniable et plus épais, dos carré, 116 pages au lieu de 100 ; son contenu est aussi plus opérationnel, proposant à ses lecteurs des articles articulant habilement documentation et shopping.

Vintage, en anglais, renvoie à l'idée, importée de la viticulture, d'une bonne année, d'un bon cru, de la vendange d'un vin de qualité. Le mot vient sans doute de l'anglo-français vendage (latin vindemia). Le nom, et l'adjectif, s'étendent désormais à tout ce qui est un peu ancien (retro-vintage) et reste de très bonne qualité, qui en a au moins la réputation, et qui peut être modernisé, en associant au look rétro une technologie récente. Les choses de la vie quotidienne et des loisirs d'autrefois remis au goût d'aujourd'hui, conjuguées au passé présent. Le magazine rend compte également de l'actualité des festivals : Langres, Tours, Narbonne, Saumur,"Anjou Vélo", vintage partout.


Qu'a-t-on appelé "vintage" dans la presse magazine au cours de ces dernières années ? Des styles de vie et des objets. Des automobiles surtout (voir "La presse automobile entre dans l'histoire par la nostalgie"), mais aussi des montres, des guitares, des tracteurs, des scooters, et même des loisirs créatifs ("quilts and crafts")... Voici le goût des "défuntes années" et des "robes surannées" (Charles Baudelaire, "Recueillement"). "Laudator temporis acti" (Horace) : non pas qu'avant c'était mieux qu'aujourd'hui, mais qu'autrefois c'était bien - aussi !

Le magazine Tendances Vintage est centré sur les styles de vie passés et les objets qui les accompagnaient, dont ils sont le signe, l'emblème : la mode ("l'indémodable"), le macramé, l'automobile, la moto, les montres, le maquillage, le tatouage et, au-delà, la décoration, l'électro-ménager (cafetière, moulin à café, étagère, etc.)...
Epicer le présent d'un peu de passé récent pour se distinguer, les années cinquante, soixante, quatre-vingt revisitées, nostalgie : retour vers le passé proche. Donc de l'histoire, celle de la coupe du monde de football et de ses équipementiers, celle des séries télévisées ("Magnum") et l'influence de E.T, le formica, le tourisme d'alors, de la 2CV (bel article sur l'histoire de cette "automobile rurale"), les "objets de mai 68" (affiches, presse contestataire, actualité musicale, "Les Shadocks"), l'étagère String (excellent dossier par Lélanie Vassart), les lampes Jieldé nées dans les années 1950, la vaisselle Arcopal, le sac en osier, l'imprimé Vichy (la juppe à carreaux certs et blancs de Brigitte Bardot), les canotiers... Histoire de la consommation, sans condescendance, avec tendresse souvent et sans sémiologie ni "mythologies".
Les articles sont parfois séparés par des pages de publicité (intitulées Shopping) : brèves présentations de produits, liens pour acheter. Tout produit s'accompagne d'un lien commercial. Publicité partout ou nulle part, sans hypocrisie ? Parfaite affinité, association contextuelle incontestable !
Tendances Vintage prend le parti des choses, il réinvente le catalogue et lui donne une âme. "Le parti pris des choses " : on pense bien sûr au poète Francis Ponge (1942) plutôt qu'aux Mythologies quelque peu condescendantes de Roland Barthes (1957). Atmosphère de collection : style néo-rétro (néologisme paradoxal, renaissance) des montres, des jeux vidéo (rétrogaming), des récepteurs radio mais aussi les prénoms anciens, le mariage... Tout est culte, tout est nouveau, et tout est rétro ! Magique !

Un style de vie se dégage de ce magazine, une esthétisation à partir de choses, des objets. Pascal décrivait la passion comme une sorte de naufrage dans les choses : “Nous sommes pleins de choses qui nous jettent au-dehors. Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur hors de nous. Nos passions nous poussent au-dehors, quand même les objets ne seraient pas là pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d'eux-mêmes et nous appellent quand nous n’y pensons pas”. Une idée que développera Georges Perec dans son roman, Les choses (1965), d'abord sous-titré "Une histoire des années soixante". La vie apparaît comme une accumulation progressive de choses que l'ancienneté, l'inutilité dotent de valeur esthétique, distinctive. Le plaisir "capital" de la collection, de la fréquentation d'un code partagé, d'une époque que l'on décode tacitement. Plus que jamais, l'inutile est beau.
Cette nostalgie est également observable aux Etats-Unis : une série d'émissions de USA Network des années 1980 est aujourd'hui redécoupée, remontée pour être diffusée en VOD. "Night Flight-Plus" témoigne de la passion actuelle pour les années 1980 (cf. "Building a Video Business: Night Flight - A Passion for the 1980s Culture"). Les médias d'autrefois prennent place dans la culture d'aujourd'hui. Histoire des médias sans cesse recommencée. Re-présentation. Le consommateur est une "passion inutile".

Au premier degré, voici un magazine agréable, distrayant même ; au second degré, il met en scène une histoire passionnante des objets et des modes de consommation courante, loin du luxe. Illustration de la créativité tellement sous estimée voire ignorée de la presse magazine.

1 commentaire:

Paul LG a dit…

J’ignorais que le mot vintage provenait du lexique viticole. Le terme prend alors tout son sens. De la même manière que l’on aime à exhiber une bouteille de champagne – de Dom Pérignon – vintage issue de sa cave, sans forcément la boire, on ressort nos vieux vinyles sans forcément les écouter. Autant d’artefacts de la culture populaire patinés par le temps, et qui ressurgissent depuis quelques années, alimentant le « c’était mieux avant » (la nostalgie, ce regret d’un passé perdu qui fait mal ou réconforte, étymologiquement le mal du pays). On ressort la DS de Barthes, les Polaroid de nos parents, les téléphones à cadran de nos grands-parents… Cette tendance rétro se retrouve aussi en télévision : on ne compte plus les reboots et les revivals d’émissions, de séries voire de films. Comme pour mieux occulter le manque cruel d’imagination et de nouveauté ?