vendredi 16 novembre 2018

TV: L'heure, c'est l'heure. Après l'heure, c'est plus l'heure

Télé-Loisirs, Programmes du 10 au 16 novembre, p. 14

L'hebdomadaire Télé- Loisirs se fait l'écho de téléspectateurs qui se plaignent des retards des émissions : l'horaire de diffusion n'est pas l'horaire annoncé dans la presse (l'écart étant parfois d'un quart d'heure). Le magazine a collecté une pétition de 22 000 signatures et a comptabilisé la durée hebdomadaire perdue à attendre les émissions attendues...

Au moment où l'on évoque les succès de Netflix et du streaming à la demande (SVOD), où le binge-viewing semble une évidence partagée, il est intéressant d'observer qu'une partie de la population française vit toujours au rythme des chaînes traditionnelles, historiques même (TF1 d'abord). Et d'abord au rythme du prime time. L'expression peut sembler surannée, ringarde même alors que l'on affirme que "prime time is my time".
La banalité des arguments rapportés par le magazine doit être soulignée : "Je me lève à 5h30 et j'aimerais pouvoir vois un film en entier un soir" ; quand on se lève tôt, on ne peut pas se coucher trop tard. La France qui se lève tôt !

Au-delà des arguments et des récriminations, que nous apprennent cet article et cette pétition ?
Ils nous rappellent que pour une partie de la population vivant en France, la télévision est affaire d'horaire : on attend qu'elle soit ponctuelle, politesse des rois ! Oubli, négligence des chaînes ? Ignorance ? Mais que savent les "chaînes" des téléspectateurs actuels et potentiels ? Elles ont les données d'audience a posteriori : en plus d'inspirer des tarifs publicitairesces comptages, effectués à partir d'un panel, traduisent des choix, des préférences de la population à un moment donné, rien de plus ; elles ne peuvent déceler des mécontentements qui montent et des changements de comportement en gestation.
 Les chaînes cherchent-elles à le savoir ? Les téléspectateurs ne sont pas si "enchaînés" à leur grille qu'elles veulent se l'imaginer. Les services de streaming à la demande (SVOD) en savent plus long sur les comportements de leurs abonnés (de TOUS leurs abonnés, à tout moment). Les résultats de la pétition de Télé-Loisirs, comme un élément d'un cahier de doléance, peuvent être perçus comme une involontaire et convaincante publicité pour Netflix et Amazon Prime Video dont le prime time est, par construction, toujours à l'heure de leurs abonnés. Alors, est-ce l'heure d'OTT qui vient de sonner pour les grandes chaînes ?

Ne méprisons pas les usages traditionnels des médias traditionnels. Voyez Amazon qui imprime et envoie des millions de catalogues pour les achats (de jouets notamment) de fin d'année ou encore Facebook qui, aux Etats-Unis, fait connaître sa dernière innovation (Portal) à grands coups de GRP TV (50 millions de $ en un mois). Quant à Google, il fait la une de la publicité extérieure avec son téléphone Pixel.

16 commentaires:

Pauline Varnusson a dit…

Nous pouvons aisément comprendre le mécontentement des téléspectateurs quant au respect des horaires de diffusion. Les gens sont fatigués, et ne peuvent pas attendre après le travail leurs programmes éternellement, ou encore voir leur soirée télévisuelle se décaler.

Cependant, pour avoir travaillé en chaîne télé, les horaires de grille sont fixés 3 semaines voir 1 mois à l'avance, et communiqués à ces mêmes dates aux magazines de presse télé. Sachant que les grilles sont envoyées dans la matrice 3 jours avant la diffusion, cela laisse pas mal de marge d'erreur, sans parler des régies pub qui rajoute des coupures publicitaires toujours plus longues.
Il faut donc comprendre que la programmation n'est pas une science exacte, mais bien un travail d'humains.


Pauline Varnusson a dit…

Nous pouvons aisément comprendre le mécontentement des téléspectateurs quant au respect des horaires de diffusion. Les gens sont fatigués, et ne peuvent pas attendre après le travail leurs programmes éternellement, ou encore voir leur soirée télévisuelle se décaler.

Cependant, pour avoir travaillé en chaîne télé, les horaires de grille sont fixés 3 semaines voir 1 mois à l'avance, et communiqués à ces mêmes dates aux magazines de presse télé. Sachant que les grilles sont envoyées dans la matrice 3 jours avant la diffusion, cela laisse pas mal de marge d'erreur, sans parler des régies pub qui rajoute des coupures publicitaires toujours plus longues.
Il faut donc comprendre que la programmation n'est pas une science exacte, mais bien un travail d'humains.


Eva Hulin a dit…

Doit-on forcément y voir une mauvaise nouvelles pour les médias traditionnels ?

Voilà ce qu'on pourrait aussi lire dans cette étude : les programmes d'Access ont du succès et en profitent justement pour faire durer leurs émissions encore plus longtemps !
Exemple : il y a quelques années les films de la 8 commençaient même 1/2h en retard à cause de TPMP, qui était au plus haut de son succès !

Et on peut aussi y voir un autre point positif pour les chaines : quand tous les films ont déjà commencé depuis plus de 15 minutes sur les autres chaines, autant rester sur celle qu'on est déjà en train de regarder, non ? Vous savez, pour suivre toute l'histoire et ne pas être perdu ...

Et est-ce que, finalement, ce ne serait pas aussi une manière pour les chaînes de mettre en avant leurs émissions de flux (qui n'existent pas encore chez les Netflix et les Prime Video) ? À voir ...



Roselaine Boudjellal a dit…

Selon vous, ce décalage est-il causé par une non maitrise du timing de certains acteurs du paysage audiovisuel ou par une peut être augmentation de la publicité entre les différents programmes?
La télévision reste-t'elle un rendez-vous ?
Avez-vous des informations quant au profil de ces signataires ? Une idée sur leur âge peut être.
Est-ce un phénomène récent ? Peut être que c'est le cas depuis plusieurs dizaines d'années mais que de part l'immédiateté qu'offrent des services comme Netflix (sans publicité en somme), ce souhait s'ancre en nous et reconditionne nos souhaits...
Au plaisir de vous lire à ce sujet.

seb a dit…

strategies 30 oct LE JUTEUX GLISSEMENT DES HORAIRES DE PRIME-TIME
http://www.strategies.fr/actualites/medias/4019389W/le-juteux-glissement-des-horaires-de-prime-time.html

Louise Goin a dit…

Le mécontentement des usagers de la TV est compréhensible mais doit être rapproché avec le concept "d'immédiateté" des nouvelles plateformes SVOD mais aussi de la VOD. Le consommateur a de plus en plus de liberté dans sa consommation de contenus, il peut aisément choisir ce qu'il veut regarder, et quand il veut le regarder. Ainsi, lorsqu'il est "obligé" par les grilles, il s'attend à ce que le programme débute à l'heure qu'on lui annonce (que ce soit dans les grilles TV papier et digitales, ou les magazines d'informations).
On peut aussi imaginer que les téléspectateurs voient dans ce retard une occasion pour les chaînes de diffuser toujours plus de publicités, sujet déjà sensible dans le milieu audiovisuel.

Corentin Durrleman a dit…

En 2008, Nicolas Sarkozy demandait la suppression de la publicité après 20h sur le service public, idée consacrée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Les primes devaient alors commencer plus tôt : 20h35, ainsi que des secondes parties de soirée pas plus tard que 22h30.

Mais cet horaire des débuts de soirées inscrit dans le cahier des charges de France Télévisions a vite été oublié par le groupe public, les programmes de prime time commençant parfois à 20h50. Le CSA avait même rappelé à l'ordre FTV en 2012, demandant "les mesures que la société entend(ait) prendre afin de fournir aux téléspectateurs une information fiable sur les horaires des programmes de soirée".

Aujourd'hui, malgré la fin de la pub, entre la fin du JT de 20h et le début du prime : tout un tunnel de programmes courts et de parrainages publicitaires (autorisés), et même depuis septembre un feuilleton quotidien d'une vingtaine de minutes "Un si grand soleil" qui retarde encore plus l'heure de début de prime.

On est bien loin de la campagne de pub affichée par France TV en 2009 montrant un réveil calé sur 20h35 avec pour slogan "Mettez-vous à l'heure de France Télévisions" !

Caroline Oury a dit…

Ce n'est pas la première fois que le mécontentement des téléspectateurs est exprimé au sujet du retard des émissions. En effet, le professionnel dans ce dépassement est comme l'indique l'hebdomadaire Télé-Loisirs Cyril Hanouna qui se croit tout permis avec son émission TPMP diffusée sur C8. Il peut avoir jusqu'à 17 minutes de retard...
En 2016, la chaine anciennement intitulée D8 a décidé de couper l'animateur durant son émission car il avait plus de 20 minutes de retard par rapport à la grille des horaires prévus...

Camille Desroches a dit…

Je pense que la raison des retards est principalement économique : c’est entre 21h et 21h15 qu'il y a le plus grand nombre de téléspectateurs devant leur écran. Les diffuseurs privés ont du coup tout intérêt à programmer un maximum de publicités dans cet espace.

Pour insister toujours un peu plus sur l’aspect légal du problème, on peut se demander si les émissions en prime-time ont-elles le droit de commencer en retard ?

La législation souffre de nombreuses exceptions : en cas de problèmes techniques ou d'un débat qui se prolonge lors d'une émission en direct par exemple, les chaînes ne dérogent pas à la loi. Ce sont les fameux "aléas du direct". Ainsi, les prime-time TRÈS tardifs de C8, dans Touche pas à mon poste ne sont pas répréhensibles. De même, un fait d'actualité exceptionnel comme un attentat ou la mort d'un artiste permet de modifier sa grille de programmes à la dernière minute ou de "casser l'antenne" en proposant des éditions spéciales.

Talel Habachi a dit…

Cet exemple montre bien la vision un peu trop généraliste que nous pouvons avoir concernant l'évolution de la consommation audiovisuelle.
Certes, les jeunes, les urbains, les CSP+ ont tendance à préférer de plus en plus les nouveaux outils de diffusion (je pense à Netflix ou Amazon Prime Vidéo notamment), mais nous ne devons pas oublier que la richesse de la France se traduit aussi dans la diversité de sa population.
La fameuse messe du 20h à encore quelques temps devant elle ...

Charles Leconte a dit…

Le nerf de la guerre reste la publicité. La couverture offerte par ces horaires de "prime time" font de ces écrans pubs des écrans très bénéfiques avec un coût/GRP très intéressant !
Mais à mesure que les utilisateurs se tournent vers des services de streaming tels que Netflix, leur niveau de tolérance envers la publicité diminue. En conséquence, les chaînes traditionnelles doivent selon moi trouver des moyens de réduire le nombre de pubs, sans pour autant réduire leurs revenus publicitaires. Aux états-unis, les networks comme NBC Universal et Fox réfléchissent à un nouveau modèle commercial et tentent de réduire ces niveaux.

Unknown a dit…

Ce mécontentement est tout à fait légitime... et il faut le prendre sérieusement en compte!
La télévision, qui est aujourd'hui en baisse au niveau des usagers, ne peut pas se permettre d'être en retard sur les différents programmes. Aujourd'hui, nous organisons parfois nos journées sur une emission, un programme spécifiques et ci ce dernier n'est pas à l'heure, c'est toute notre journée qui est pénalisée. Le client reste rois, il faut répondre vite à ce problème!!

Louise Pouchoulon a dit…

La télévision est un média qui rassemble. C'est, pour beaucoup, le moment de la journée après une journée de travail éprouvante, où la famille se rassemble et regarde le programme.
Petits et grands se retrouvent devant leur poste et calent souvent leurs horaires de diner et coucher sur le programme TV : On dine avant le prime, on couche les plus petits avant la deuxième partie de soirée.
La pétition de TV loisir et le mécontentement des téléspectateurs sont recevables et compréhensibles !

Valentine Tucoulat a dit…

Ce mécontentement envers les retards de diffusion des programmes rappelle également que les personnes attachées à la diffusion linéaire des programmes s'inscrivent dans un mode de consommation collectif et simultané. Ils sont attachés à la promesse que la télévision leur fait de les rassembler autour d'un programme à une heure donnée. Ce retard marque une sorte de rupture de la promesse qui était faite. Cela fait notamment écho au concept de télévision cérémonielle de Katz et Dayan. Ils notent que certains programmes télévisés se constituent comme des cérémonies notamment pour les téléspectateurs. Ils entendent montrer que des rituels et des interactions sociales se forment autour de ces programmes. Or si le programme n'arrive pas à l'heure indiquée cela remet en cause les interactions et cela pourrait expliquer en partie leur mécontentement.

Léa Bernabeo a dit…

Un mécontentement qui semble justifié et compréhensible. La télévision est un média qui rythme la vie de beaucoup de gens, elle est aussi pour beaucoup le seul lien avec l'extérieur, un changement d'horaire peut troubler le téléspectateur assidu qui a l'habitude d'adapter son emploi du temps à la grille des programmes.

Chez les plateformes streaming en revanche, cette contrainte horaire n'existe pas, et c'est peut-être aussi ce qui fait leur force...
Cette question de timing est peut-être une affaire de génération finalement ...

Mathieu Le Cossec a dit…

Cet usage "traditionnel" n'est-il réservé qu'aux médias "traditionnels" ?

Si le succès des plateformes de SVoD sont révélateurs d'un changement de comportement, il est intéressant de constater que cette "stratégie du prime-time" est loin d'être morte ! En effet, la plateforme de diffusion de jeux vidéos Twitch se base très largement là-dessus: les "streamers" donnent rdv aux "viewers" à une date et une heure précise.

Ces usages qui apparaissent comme désuets semblent finalement pouvoir convenir à un très jeune public... qui se détourne pourtant de la télévision !