samedi 12 décembre 2020

Récanati au Collège de France : à nous deux, la linguistique

François Recanati, Langage, discours, pensée, Paris, 2020, Leçons inaugurales du Collège de France / Fayard, 64p.

"Philosophie du langage et de l'esprit", tel est l'intitulé de la chaire de François Récanati au Collège de France et ce texte est celui de sa leçon inaugurale, prononcée il y a juste un an, le 12 décembre 2019.
François Récanati se décrit comme l'un des protagonistes de la pragmatique française des années 1970-80" et il revendique l'héritage de Emile Benveniste qui distinguait sémiotique et sémantique et affirmait ainsi sa philosophie contextualiste : "Le sémiotique se caractérise comme une propriété de la langue, le sémantique résulte d'une activité du locuteur qui met en action la langue". La langue est d'abord un instrument de communication, son expression est le discours. Les termes sont posés.
François Récanati commence par exposer les grandes lignes de la philosophie analytique européenne dont la philosophie du langage est un sous-domaine. J-L Austin aimait à dire d'ailleurs que la philosophie a, pour objet provisoire, "tous les résidus, tous les problèmes qui restent encore insolubles, après que l'on a essayé  toutes méthodes éprouvées ailleurs. Elle est le dépotoir de tous les laissés pour compte des autres sciences, où se retrouve tout ce dont on ne sait pas comment le prendre". Mais petit à petit la philosophie recule, les mathématiques, la physique, par exemple, constituant leur domaine propre et lui échappant, ne lui laissant que l'épistémologie.
La théorie des actes de parole, la pragmatique, s'est imposée progressivement ; la parole, activité qui est le discours et dont le langage est le répertoire des formes, s'imposant. Donc, il faut distinguer nettement langage et discours (ou l'énonciation, selon Benveniste).
La théorie des actes de parole est partie prenante de la théorie des divers actes sociaux (promesse, contrat, mariage, etc) et de l'ontologie sociale. La "théorie de l'esprit" attribue à autrui des intentions, des croyances, des désirs susceptibles d'expliquer ses comportements. L'indexicalité est à la fois mentale et linguistique : la valeur sémantique de "je", "ici", "maintenant" dépend du contexte. Et François Récanati conclut sa première leçon en citant Emile Benvéniste : "Les philosophes du langage et de l'esprit, donc, s'occupent des représentations, qu'elles soient mentales ou linguistiques, publiques ou privées, symboliques ou iconiques".

La lecture ou l'écoute de cette première leçon n'est pas facile. Le lecteur / auditeur peut s'y perdre aisément (et je m'y suis perdu !). Les affirmations de François Récanati se succèdent ; elles sont claires mais il est souvent bien difficile d'en suivre et d'en percevoir l'enchaînement. Alors, il faut écouter les leçons qu'il donne au Collège de France pour se familiariser davantage avec le style et les idées de l'auteur. On peut aussi lire son ouvrage sur La transparence et l'énonciation. Pour introduire à la pragmatique (Editions du Seuil, 1979) et celui sur la Philosophie du langage (et de l'esprit), qu'a publié Gallimard en 2008, pour comprendre les étapes de la pensée de l'auteur. En tout cas, lire et écouter François Récanati, est une bonne occasion de reprendre le travail linguistique et d'y confronter les balbutiements des essais actuels.

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