vendredi 18 novembre 2011

Smartphone, multiphone, polyphone

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Le téléphone portable, dans ses modèles les plus avancés, porte un nom devenu, après quinze ans, inadéquat. Téléphoner est désormais n'est plus sa fonctionnalité première. Du coup, il faut défaire ce nom de sa gangue d'étymologie technicienne et historique, comme le fit Apollinaire du cinématographe devenu ciné : c'est ce que fait le mot américain "smartphone", Smart connotant malin, débrouillard (street smart).
A la une d'un iPhone (iOS5)
On a comparé l'iPhone, premier des smartphones, au couteau suisse. Comparaison tentante mais inexacte.
  • Chaque élément miniaturisé du couteau suisse est généralement inférieur à l'outil à part entière, scie, ouvre-boîte ou tournevis. Restent la portabilité, la disponibilité dans la poche, au bout d'une chaîne, à portée de main (Zuhandenheit). Pour cet aspect, la métaphore est efficace (dont gardent trace, par exemple, l'allemand Handy, le chinois 手机). 
  • Au contraire, la plupart des applis d'un smartphone sont aussi efficaces et commodes, voire davantage, que l'outil analogique qu'elles remplacent : agenda, contacts, courrier, prise de notes, pense-bête (reminders), cartes et plans (dont ceux des lignes avec leurs horaires, des centres commerciaux, des hypermarchés), messagerie instantanée, musique (stockage, organisation, recherche, écoute, boutique), calculette scientifique, souris / pointeur, carte de paiement, porte-monnaie, météo, guide TV, télécommande, radio, dictionnaires, manuels de langue (compréhension écrite, orale, tests) et... téléphone (FaceTime). N.B. 75% des possesseurs de téléphone portable envoient régulièrement des textos, 50% prennent des photos, 23% surfent sur le Web (Source : Pew Research Center, 2011). Cette statistique confond tous les types de portables ; elles est certainement plus élevée si l'on isole les utilisateurs de smartphone. 
Quelques caractéristiques essentielles transcendent tous les usages qu'illustre la longue traîne des centaines de milliers d'applis ?
  1. Portabilité, miniaturisation
  2. Mobilité / synchronisation avec d'autres outils / plateformes
  3. Localisation (opt-in)
  4. Mémorisation. Fonction secrétaire ("secret"), fonction de mémoire à tout tenir et retenir (cloud), les messages, les numéros de téléphone, les paysages, les adresses, les musiques, les visages...
  5. Identification (paiement, couponnage, sécurité)
  6. Interaction, interopérabilté de la plupart des fonctions : le plan utilise le carnet d'adresses et l'agenda, la météo utilise la localisation, etc. 
Dans quel but une analyse aussi élémentaire, sorte de variation éïdétique sur le smartphone  (comme nous l'avons déjà esquissée avec la notion de "mobile immobile") ?
  • D'abord souligner l'écart considérable qui sépare les smartphones des téléphones simples (monophones). Nos statistiques ne les séparent guère.
  • Observer que toutes les fonctions du smartphone sont confondues sans discernement dans de nombreux agrégats courants (durée totale d'usage, audience cumulée des 30 derniers jours, par exemple).
  • Que signifie "utiliser" un smartphone ? Quel rapport entre lire un plan et photographier un ami, entre utiliser la télécommande et payer son café ?
  • Avec sa myriade d'applis, le smartphone bénéficie de rendements croissants d'adoption ("increasing returns of adoption", W. Brian Arthur).

2 commentaires:

Leslie Dulimon a dit…

Oui, un téléphone ne sert plus uniquement à téléphoner... L'arrivée des smartphones et notamment de l'Iphone a révolutionné le monde de la téléphonie et l'usage que l'on a habituellement d'un téléphone. Maintenant, on se concentre davantage sur le nombre de choses que l'on peut faire avec son smartphone plutôt qu'à la qualité de son du combiné lors d'une conversation... Mais cette évolution va de pair avec nos changements de mode de vie: les gens ont un besoin de mobilité. Tout avoir dans son smartphone (messagerie, agenda, carnets d'adresses...) permet à quiconque d'être opérationnel peu importe l'endroit. De plus, les intéractions et la complémentarité entre les différents outils mis à disposition dans un smartphone nous font penser que le smartphone est (presque) la seule chose dont nous avons besoin. Il est 'amusant' de
voir comme l'arrivée de cette nouvelle génération de téléphone a eu des implications sur plusieurs domaines: modification des sites internet pour les appliquer sur smartphones, obligation pour les entreprises de créer des applications et des nouveaux modes de paiement, essor d'un nouveau type de marketing (marketing mobile)... Même le monde de la communication est impacté avec par exemple les nouvelles campagnes de publicité de certains opérateurs téléphoniques qui 'jouent' de cet engouement pour les smartphones (cf campagne de publicité de « Simpleo »: « si une pioche sert à piocher, un téléphone sert à … téléphoner »). Comme le couteau suisse, le smartphone révolutionne le mode de vie des populations, mais jusqu'à quand...

CCHABAL a dit…

Si la comparaison avec un couteau suisse doit être faite, se serait surtout par rapport au fait que les smartphones sont de véritables petites boites à outils. C’est un peu la fameuse formule du « Tout en un » qui va du plus simple usage au plus complexe. : Calendrier électronique, lecteur mp3, météorologue, terminal bancaire… Bref, au fil des années et des technologies, les smartphones perdent de plus en plus la fonctionnalité principale de leurs prédécesseurs, qui était de téléphoner. En même temps, les terminaux qui multiplient leurs palettes de fonctions au-delà de leurs fonctions initiales,sont de plus en plus nombreux. Ajoutés aux smartphones, je pense notamment à la télévision et à l’ordinateur. A tel point qu’aujourd’hui chacun fait le travail de l’autre et eux tous, reprennent des fonctions similaires.