La première saison de "Mr. Robot" vient de s'achever (10 épisodes). Ce fut un succès d'audience et de notoriété pour la chaîne USA (Comcast / NBC Universal). Quelle audience, quelle notoriété pour ce psychological thriller ?
Beaucoup de différé (VOD, iTunes, etc.), deux fois plus que d'audience en direct, beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux. Presque cent mille followers sur Twitter. Désormais, la réussite d'une série ne se mesure plus seulement aux GRP TV de Nielsen, mais aussi en retentissement sur les média sociaux. Faut-il y voir une indication indirecte du déclin social de la télévision, mais aussi, simultanément une indication de la prééminence des contenus, donc des studios ?
Avant le lancement, une campagne de promotion de la série a été effectuée sur un grand nombre de plateformes numériques, par exemple, la plateforme de jeux vidéo Twitch (rachetée par Amazon en septembre 2014) : USA proposait d'effacer les dettes de participants en direct (cf. infra) indiquant ainsi, à la fois l'importance du thème de l'endettement et le cœur de la population en affinité avec la série.
"Affiche" de la série |
La série de Sam Esmail reviendra pour une nouvelle saison en 2016. Elle a tout pour devenir une série culte comme Mad Men. Elle sera disponible en streaming sur Amazon Prime en 2016.
Le sujet : le piratage informatique, son univers, ses personnages. Elliot Alderson, le héros de la série, est un informaticien génial travaillant dans une entreprise new-yorkaise de sécurité informatique, Allsafe. Paranoïaque, accro à la morphine, il est recruté par FSociety, un groupe d'"anarchistes", pour attaquer une grande entreprise multinationale, E-Corp, symbole du mal. E-Corp est client de AllSafe pour sa cyber-protection.
Elliot semble atteint du syndrome de Asperger, une sorte d'autisme, dont les principaux symptômes sont notamment la difficulté du rapport aux autres. La série peut être comprise aussi, au-delà de l'intrigue, comme une observation clinique de la maladie. On assiste d'ailleurs à des séances de psycho-thérapie ; l'interprétation psychanalytique est suggérée : le "père sévère", "les noms-du-père /non-duppes errent ? On évoque aussi les personnages du film "The Fight Club" (roman de Chuck Palahniuk).
Le microcosme du piratage (Subculture ?) semble évoqué de manière réaliste et exacte, tant sur le plan technique (vocabulaire, code, écrans, etc.) que social. La série dresse le portrait robot du hacker, de ses habitudes, de ses gestes, de sa manière d'être (hoodie noir et sac à dos pour transporter un PC peu portable), de son habitus. Cliché ? Le rapport au monde de notre hacktivist passe par le piratage, il se représente le monde comme un monde à pirater. Ainsi, pour faire connaissance avec quelqu'un, il pirate les réseaux sociaux, les serveurs de courrier, les communications téléphoniques, les transactions bancaires... Anticipation rationnelle d'une société future ?
Mr. Robot constitue un tournant dans la culture des séries américaines. Ancrée dans la culture la plus contemporaine, la série fourmille de citations, d'allusions, à des films, des séries, des musiques. Sam Esmail, le réalisateur, cite, entre autres influences, celles de films comme "Taxi Driver", "American Psycho", "A Clockwork Orange", "Blade Runner", etc. L'esthétique est délibérément glauque.
La série illustre la dépendance technologique de nos sociétés, leur vulnérabilité ; elle illustre la fragilité de la société numérique américaine (européenne bientôt ?) sur-déterminée par les drames de l'endettement ("prisons of debt" : 40 millions de personnes avec des emprunts étudiants). Les allusions à des événements américains récents sont nombreuses : le téléspectateur pensera aux subprimes, au NSA, à Ellen Pao et la situation des femmes ingénieurs dans l'économie numérique, à Occupy Wall Street, Anonymous, aux innommbrables vols de données récents (data / security breach) touchant de grandes entreprises (Target, Sony, iTunes, Akamaï, etc.), à la révélation publique d'éléments de vie intime (Apple et "the celebrity photo hack", Ashley Madison piraté par The Impact Team, etc.)... Les DDoS évoqués dans la série sont courants (Distributed-denial-of-service).
Le héros aide des personnes en difficulté, se bat pour des causes qu'il estime justes : pirater pour changer le monde, le sauver, le rendre meilleur, le rendre à tous ("democracy has been hacked") ? Le piratage se met ainsi au service de la justice sociale et du Bien, comme dans le cas des héros de "Person of Interest", la série de CBS. La révolution par l'ordinateur et le piratage (hacktivism, cyberinsurgents), certes, mais quand même, cette révolution est télévisée (cf. le dernier épisode) !
Copie d'écran de Twitch à propos de Mr. Robot |
3 commentaires:
Très bon article pour cette série qui a remporté un succès inattendue.
On arrive ici dans un nouveau genre de série, un nouveau type d'anti-héros. Le retournement de situation n'arrive qu'au bout de 8 épisodes, le téléspectateur est ainsi trompé et tout prends un sens différent. Comme vous l'avez dit, cet événement nous rappellera Fight Club : on regardera le film une seconde fois avec un nouveau regard. A ma connaissance, aucune série n'avait osé faire la même chose, en particulier à un point si tardif de la saison.
Cependant, ce n'est que la cerise sur le gateau tant les autres éléments auront conquis le téléspectateur bien avant : le réalisme, le parallèle avec la société américaine et les événements récents (les masques d'Anonymous, le monopole des grands groupes, les dettes aux Etats Unis)... Vivement la 2ème saison !
Dans le même genre, il y a également la série Black Mirror où chaque épisode provoque un sentiment de malaise tant on sait que la réalité n'est vraiment pas loin. Netflix vient d'ailleurs de commander une troisième saison !
En effet, la série Black Mirror vient parfaitement compléter le sujet abordé par Mr. Robot : nous sommes aujourd'hui complètement dépendant des technologies qui nous entourent et des sociétés qui nous les proposent. Si Mr. Robot nous propose une solution par le hack et la destruction de ces données qui nous tiennent à la gorge, Black Mirror nous offre une vision plus pessimiste où les technologies ont pris le dessus et ne nous apportent que malheur... Et l'actualité ne fait effectivement que confirmer ces deux visions (on pointera notamment l'histoire récente du Premier Ministre britannique et du cochon).
Il semblerait donc que la technologie (et ses dérives?) soit un sujet qui tienne à coeur à Netflix ! Et on attend avec impatience les saisons suivantes de ces deux séries.
Cet article résume parfaitement les problématiques qui se dégagent de cette série américaine (que je viens tout juste de terminer) ! En effet, la série ne se contente pas de retracer le quotidien d’un hacker, et ne se base pas uniquement sur la vie d’un seul individu. La série va bien plus loin, en donnant un point de vue sur la société dans son ensemble, sur les dérives de celle-ci et sur certain comportements, que l’on retrouve à travers les différents personnages (certes, il y a Elliott,le personnage principal, mais également les différentes copines de celles-ci, les employés de « E-Corp », les membres de « F-society etc.) Le fait que la diffusion du dernier épisode ait été déplacé montre bien le rapport étroit entre fiction et réalité dans ce type de contenu. En effet, ce n’est pas la première fois qu’une série se rapproche fortement de la réalité. Plus récemment, dans le dernier épisode de la série Homeland, diffusé quelques jours après les attentats du 13 novembre à Paris, on pouvait lire un message en début d’épisode « À la lumière des événements tragiques du week-end à Paris, nous rappelons à nos téléspectateurs que certaines scènes peuvent être bouleversantes ». Le scénario de la saison 5 recoupant les événements militaires actuels en Syrie, Homeland ne pensait pas être autant dans l’air du temps.
La série Mr Robot est tout aussi actuelle et évoque de manière tout à fait réaliste le monde du piratage, du hacking et de tout cet univers du « dark net ». Il semblerait également que les producteurs de la série émettent une certaine critique de la société d’aujourd’hui, en évoquant la dépendance que nous avons à la technologie. Cette série est toutefois très intéressante dans la mesure où elle permet au spectateur de découvrir un univers qu’il ne connaissait pas forcément, et la place croissante des hackers, comme en témoigne le groupe Anonymous par exemple.
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