mardi 7 décembre 2010

Les enfants de la télévision et du CSA

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Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) publie un dossier composite sur les enfants et la télévision, "La protection des mineurs à la télévision". Ce dossier comporte son "Bilan de la protection du jeune public en 2009-2010". Exercice annuel, figures imposées. La partie consacrée à l'application de la loi et du réglement prête peu à discussion. En revanche, la notion de protection des mineurs en matière de télévision invite à quelques remarques générales. Nous en retiendrons trois.

Définition de la télévision
Le CSA retient celle qu'en donnent les diffuseurs patentés (les "grandes chaînes"). Il vaudrait mieux partir d'une observation des pratiques des enfants et construire une définition réaliste. Parions que pour nombre d'enfants de 11 à 14 ans (l'une des cibles standard du marché TV), YouTube, Dailymotion et la vidéo regardée via Internet sont "de la télévision". De même que les DVD dont le taux de circulation parmi eux est élevé. Télévision incontrôlable.

Variables explicatives
On s'en tient commodément à la variable "âge" alors que l'on sait bien quelles variables seraient autrement discriminantes : le capital culturel et linguistique de la famille (de la mère, notamment), la filière éducative de l'enfant et sa réussite scolaire, l'habitat, la place du domicile sur la carte scolaire, la taille de la fratrie, etc. Variables moins faciles à mobiliser et qui conduiraient à des explications dérangeantes.
Pour l'analyse de la durée de consommation, on pourrait reprendre la distinction entre télévision passion (choix positif), télévision tapisserie (média d'accompagnement) et télévision bouche trou (consommée faute de mieux, faute d'un environnement culturel, sportif, familial porteur). Cette distinction permettrait de dé-psychologiser l'analyse et de situer la consommation en fonction de la situation socio-économique des foyers : elle prend en compte les degrés de liberté dont disposent les enfants pour leurs loisirs.

Les ados
Il y a manifestement un flottement d'une dizaine d'années dans la perception de la classe d'âge et de ses pratiques sociales. Le "petit guide à l'usage des parents et des enfants" comporte des aspects gaguesques. Exemples :
  • "Evitez que vos enfants ne pratiquent trop le zapping d'un programme à l'autre". D'où sort une telle recommandation ? Sur quoi est-elle fondée ? Et surtout, comment fait-on ? On cache la télécommande ? 
  • Une signalétique à respecter par des adolescents ? Sérieusement, qui sait, qui peut faire respecter une signalétique par des adolescents ("moins de 18 ans") ? 
  • Autre recommandation du même tonneau : choisir avec un ado ce qu'il / elle va regarder à la télé ! Sur quelles planètes vivent les rédacteurs de tels paragraphes ? Sûrement, ils n'ont jamais vécu avec des ado en France ou alors il y a très, très, très longtemps. Regarder la télé avec des ados, c'est carrément contre-productif : presque toujours les ado veulent regarder entre eux. Et si des parents s'en mêlent, ils vont ailleurs. "Pas cool, tes parents". D'ailleurs, quels parents voudraient regarder la télé avec des ados sans y être invités ?
La vision implicite de la télévision qu'exprime ce dossier est celle de la télévision dans une famille de la petite bourgeoisie d'autrefois. Il est temps de remettre tout cela en chantier. Les recommandations valent surtout pour des élèves de maternelle et d'école primaire. Les bonnes intentions éducatives sont servies par une approche désociologisante des problèmes et une apparente méconnaissance de l'adolescence.
A priori, la télévision reste suspecte de corrompre la jeunesse. A qui donner la cigüe ?
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1 commentaire:

Jordan Mourjan a dit…

Je suis entièrement d'accord sur votre point concernant les ados. A cette période, ils me semblent en totale opposition avec les recommandations parentales. Comment mettre en oeuvre des conseils si utopistes, sans fondements, ni explications? De plus, il semble assez clair que les goûts en matière de programmes soient totalement différents entre les parents et leurs enfants. Comment trouver un terrain d'entente sans tomber dans une dynamique de conflit?

Le procès qui est parfois fait à la télévision est malheureusement le même que celui qui est fait aux jeux-vidéo, du fait d'un manque de compréhension associé, selon moi, à principe de prudence provenant d'individus qui ne saisissent pas le potentiel et les évolutions de ces médias.

@JordanMourjan