dimanche 13 février 2011

Borders empêtré dans la transition numérique

b.
Borders est, avec Barnes and Noble, l'une des grandes chaînes de librairies américaines ;  incapable de refinancer sa dette, elle est en dépôt de bilan (Chapter 11). Résultat d'une accumulation d'incompétences des directions et de mauvais choix (exportation, gestion financière, immobilière, etc.) ; en période de transition, ces incompétences ne pardonnent pas.
Constituée dans les années 1970 à partir de Ann Arbor (Michigan), Borders a compté plus de 1 200 librairies ; aujourd'hui, elle en compte 509 grandes et 169 petites (dans les aéroports, etc.) passant de 35 000 à moins de 20 000 employés, et sans doute moins à l'avenir (on parle de la suppression de un tiers des magasins et de 6 000 emplois).
Storytime et Wi-fi dans une librairie Borders (Waterford, Connecticut)
Cet effondrement constitue un cas édifiant de passage mal piloté d'une économie matérielle à une économie partiellement numérique.
Entre autres erreurs de Borders, la plus incroyable aujourd'hui, est d'avoir confié ses activités numériques à Amazon en avril 2001, pour ne les reprendre qu'en 2008. Pendant ce temps, la concurrence développait des lecteurs électroniques (e-reader) : Amazon, le Kindle (2007) et Barnes and Noble, le Nook (2009). Depuis Borders a passé un accord avec Kobo pour la distribution d'un e-reader et de e-books. Le retard de Borders suite à cette malheureuse décision ne se rattrapera pas aisément.


Mise à jour octobre 2011
Après le dépôt de bilan de Borders, ses activités numériques ont été rachetées par Barnes and Noble pour 13,9 millions de dollars : le site Web, les activités Twitter et Facebook, et le fichier clients.


Bien sûr, on évoque les effets des transformations technologiques, comme pour le marché de la musique et de la vidéo. Mais ces effets sont sur-déterminés par d'autres aspects propres à la librairie :
  • Le déclin des outils traditionnels de la culture scolaire (dictionnaires, encyclopédies) ;
  • Le prix de livres dont on ne comprend pas qu'ils ne soient pas publiés immédiatement en livres de poche (paperback) pour attirer le très grand public ;
  • Des partenaires (édition) et des prescripteurs (enseignants, presse) souvent conservateurs freinent l'évolution numérique ;
  • Un urbanisme commercial mal adapté. La plupart des petites librairies se contentent d'offrir des best-sellers au grand public et se diversifient dans les gadgets. Les acheteurs plus exigeants demandent une offre plus large (les grandes surfaces de type Borders et Barnes and Noble ont 100 à 170 000 titres en stock). Ne trouvant pas ce qu'ils cherchent, les clients se tournent vers la vente par correspondance, Amazon (plus de 2,5 millions de titres), Barnes and Noble (plus d'un million de titres) mais aussi vers de nombreuses petites librairies spécialisées).
Aux Etats-Unis, ces grandes librairies font tout ce qui est possible pour atttirer et retenir la clientèle, et notamment la clientèle familiale ; elles offrent des coins confortables pour lire (certains clients les utilisent comme des bibliothèques), des connections Wi-Fi, des sections adaptées aux jeunes enfants et aux parents, des animations (conférences d'auteurs, lectures pour enfants), de vastes linéaires presse, des sections musique (CD) et vidéo (DVD), de la papeterie (calendriers, posters, cartes de voeux, etc.), un rayon scolaire (required readings) et des toilettes propres avec un endroit pour changer les bébés. Le système de commandes est efficace (on peut commander pour voir, sans obligation, recevoir les livres achetés dans la librairie ou à domicile). On y trouve un coin café avec boissons, sandwichs, pâtisseries (accord Starbucks / Borders). Tout traduit la volonté de reconstituer des lieux de vie accueillants (cosy), une ambiance propice à la lecture, à la rencontre, à la flânerie dans les rayons, favorable à l'achat. Il y a un public pour cela.
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