lundi 2 février 2009

Opinion publique à la demande


Internet facilite les sondages d'opinion, abaisse leurs coûts. On en est inondé.
Internet facilite le sondage mais pas l'opinion.
 
La faculté d'opiner n'est pas universelle, pas plus en ligne qu'ailleurs. La faculté d'opiner reste liée à une compétence. Mais le sondage présuppose que, tous, nous détenons, sur tout, un stock d'opinions "personnelles", prêtes à être "données" pour être vendues par paquets comme "opinion publique".

La faculté d'opiner reste liée à une motivation à un moment donné : il faut que le problème qu'impose le sondeur corresponde à un problème que l'on se pose déjà, que l'on a déjà rencontré, qui a mûri et formé une opinion. L'élection, le référendum demandent une campagne électorale pour instruire l'électeur. Il n'existe pas de question universelle, que tout le monde se pose et à laquelle tout le monde est prêt à répondre.
Or le sondage demande une réponse instantanée. Cliquer tout de suite, penser plus tard, si l'on y pense.

C'est le sondage en ligne qui fabrique l'opinion publique en ligne, qui la précipite. Donnant l'illusion démagogique de l'égalité devant la formation des opinions, donnant l'illusion qu'il y a des questions qui "se posent" à tous (notez la passivation), il fabrique à la chaîne des jugements publics. Artéfacts et contenus à bon marché qui dégénèrent en gloses. 
En fait, les spécialistes le savent : dans le sondage d'opinion en ligne, les résultats les plus révélateurs restent souvent les taux de non réponses. Et l'abstention en dit long aussi.
L'opinion publique en ligne n'existe pas. 

2 commentaires:

Anonyme a dit…

comme pour des milliers de panel de consommateurs, opinion publique est basée sur des statistiques peu fiable selon la taille d'échantillon :-)
l

Paul LG a dit…

Votre post datant d’il y a presque 10 ans reste plus que jamais d’actualité. A l’ère des réseaux sociaux, tout le monde a voix au chapitre et tout le monde a et doit avoir son avis sur tout. Or, comme vous le soulignez, un avis se forge dans le temps, et repose sur des compétences. Se taire n’est donc pas synonyme d’inculture mais plutôt de raison, celle qui nous pousse à réserver notre jugement à ce pourquoi on est vraiment compétent. Vous citez à dessein Bourdieu pour qui « L’opinion publique n’existe pas » (1973). Outre les critiques classiques que l’on peut faire l’égard de l’outil lui-même, une lecture attentive de ce texte nous rappelle les postulats très critiquables au fondement des sondages : tout le monde est d’accord sur les questions qui méritent d’être posées, tout le monde a une opinion sur les questions posées, et toutes les opinions se valent. Cela génère une opinion publique artificiellement produite, en agrégeant des choses qui n’ont rien à voir, sous couvert d’une méthode soi-disant scientifique.