dimanche 29 novembre 2009

Prime time chinois aux enchères

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CCTV, le secteur public télévisuel chinois met le 18 novembre de chaque année son espace publicitaire de prime time aux enchères (黄金资源广告招标) . Comme la vente upfront aux Etats-Unis, cette "ouverture de planning" constitue un test de la santé économique des entreprises chinoises. La vente a duré 13 heures pour récolter 10,97 milliards de yuans (1,36 milliard de $) : l'augmentation du chiffre d'affaires fut de 18,5% par rapport à l'année précédente (Source : CCTV9, CCTV Advertising Economic Indicator). Les présentateurs des antennes ont participé à la mise en scène des enchères.

Un millier d'annonceurs étaient présents dans le CCTV Media Center. Le premier investisseur fut la firme laitière Mengniu qui a dépensé 343 millions de Yuan. Viennent ensuite une autre firme de produits laitiers Heilongjiang Feihe, puis Gree (air conditionné) et Midea. Reculant à la 5ème place, Procter and Gamble a dépensé 256 millions.
Les émissions les plus recherchées furent le gala de nouvel an (festival du printemps), la coupe du monde de football et la météo. Un des spots les plus chers a été vendu 7,6 millions de dollars (compte à rebours du passage à la nouvelle année - 过年 - durant le gala du festival du printemps - 春节 - par Midea (équipement des foyers). Langjiu (boissons) a payé 4,8 millions pour parrainer les résultats de la Coupe du monde de football (classement des meilleurs buteurs). Le coût de l'espace a augmenté de 20%. La demande s'est accrue plus fortement pour l'espace des chaînes des agglomérations régionales : la montée du régional se confirme.
La télévision chinoise comme la télévision américaine réussissent à faire de la vente d'espace publicitaire un événement économique majeur. Cet événement procure à la publicité télévisée une visibilité et une notoriété auprès des entreprises que de nombreuses campagnes d'auto-promotion ne pourraient construire.

Les mécanismes du marché publicitaire français semblent figés et les groupes TV bien timorés en comparaison ; la régie de France Télévision a pourtant innové en mettant depuis une dizaine d'années une partie de son espace aux enchères (medi@exchange) mais le marché ne l'a pas suivie. Une ouverture de planning en France ne saurait être un événement dans un contexte commercial d'où toute surprise a été exclue : le marché de la publicité télévisée manque de supense. Ce que la vente aux enchères de 3 mn de pub par francetélévisions publicité dans le cadre d'un téléthon ne peut que souligner.
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mercredi 25 novembre 2009

TV: tivo the program and then google its audience

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Google a voulu apporter aux médias traditionnels sa méthodologie de médiaplanning et de vente d'espace. Après quelques mois, Google mit fin à l'expérience en presse et en radio car la mesure des audiences de ces deux médias ne permettait ni une approche opérationnelle du retour sur investissement ni la vente d'espace publicitaire aux enchères (CPM impressions).
En revanche, Google est toujours présent en télévision. Google TV Ads lancé en 2007 mobilise des données de plusieurs sources :
  • du bouquet Dish Network (Echostar ; 13,8 millions d'abonnés) pour exploiter les données foyers de la set-top box et vendre de l'espace publicitaire local sur une centaine de chaînes nationales dont ESPN (sport) et Lifetime (féminin)
  • de petits câblo-opérateurs
  • de 96 chaînes thématiques diffusées sur le câble, le satellite et les télécoms : des chaînes du groupe NBCU (CNBC, Oxygen, SyFy, Sleuth, Chiller, CNBC), Ovation, Game show Network, CBS College Sports, Bloomberg, Hallmark pour vendre de l'espace publicitaire national
  • et, depuis le 23 novembre, de TiVo, l'enregistreur numérique (3,6 millions d'abonnés). 
Google a acheté début novembre les données PRIZM (Nielsen) de segmentation socio-géographique des foyers américains et les a intègrées dans son module de médiaplanning TV pour le ciblage. Notons, à ce propos que les données de TiVo sont également mobilisées par TRA depuis juin 2008 ; TRA les fusionne avec des données de consommation issues de 70 millions de cartes de fidélité. L'ensemble vise à constituer une source unique (single source) de type média marché. TRA a également un accord du même type avec l'opérateur du câble Charter Communications. L'ambition avortée du projet Apollo trouve ici sa renaissance selon un modèle économique raisonnable et réaliste.
La collaboration avec TiVo apporte à Google des données comportementales sur l'enregistrement d'émissions et leur consommation différée. Si l'accord devait, à terme, concerner aussi TRA, Google accéderait à des données de source unique décisives pour les annonceurs.

Avec ces différents types de plateformes, Google dispose d'une base de données provenant de plusieurs millions de téléviseurs, dont 4 de Dish et 1,6 de TiVo (parmi les abonnements directs seulement). Google Ads couvre 96 millions de foyers américains (sur 114,5). Les données seconde à seconde sont anonymisées et permettent d'évaluer l'audience des messages publicitaires, et pas seulement des écrans. Croisées avec des audiences Nielsen elles établissent des profiles socio-démographiques ; en effet, les données googlisées n'apportent au départ que des informations sur la consommation globale du foyer tandis que le people meter du panel Nielsen fournit des données individuelles (déclarées). Sur de telles quantités de données, le travail mathématique de modélisation devrait permettre le développement de catégories de ciblage plus pertinentes que les socio-démo. Chaque plateforme autorise des tests (split run), de plans, de créations... préludant à la mise en oeuvre d'un plan TV, national ou local. N.B. : ces données sont indépendantes de celles que produit TiVo sous le nom de Stop//Watch.
Pour l'instant, il semble que le succès de Google TV Ads soit encore modeste ; toutefois, Google aurait recruté nombre de nouveaux annonceurs, notamment des petits annonceurs qui n'avaient jamais encore acheté de télévision et faisaient surtout du hors-média (marketing direct, publi-postage).
  • TiVo et Google ont fait leur chemin dans la langue quotidienne des Américains au point de devenir des verbes : leur réunion est symbolique de l'attention que porte Google aux comportements culturels et commerciaux de la population. Au tableau, ajoutons Google Maps et la mobilité : l'ambition de Google apparaît totale, au sens où l'on parle de "fait social total" (Marcel Mauss).
  • Google apprend la télévision, lentement, prudemment, modestement. Transférant à la télévision numérique des techniques acquises et mûries sur Internet dans la mesure des audiences (Google AnalyticsYouTube Insight) et dans la vente d'espace et de liens (Google AdSense, DoubleClick), Google travaille à la connaissance et à la structuration de l'univers télévisuel unifié. Petit annonceur deviendra grand...

lundi 23 novembre 2009

Oprah, marque média

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"The Oprah Winfrey Show" s'arrêtera en 2011, 25ème et dernière saison d'un talk show distribué à 216 stations locales (donc couverture nationale). C'est l'émission la plus populaire de la tranche horaire de "journée" (daytime, diffusée généralement à 16H), qui apporte beaucoup d'audience et de revenus publicitaires aux stations, beaucoup de notoriété et de légitimité aussi (cf. OBprAMAh).

Oprah déclare qu'elle se consacrera ensuite à la chaîne thématique OWN (Oprah Winfrey Network) qu'elle lance avec  Discovery Channel (Joint Venture Harpo Productions / Discovery : 50/50) en janvier 2011, ce qui laisse du temps pour la promotion de la chaîne et permet d'attendre la reprise du marché publicitaire. Pourquoi OWN ? Au-delà de l'acronyme, la promotion suggère une réponse : "It's your life, Own it!"
On dit, vu de France, qu'il ne s'agit que d'une "chaîne du câble". L'expression peut induire en erreur : aux Etats-Unis, toute la télévision est distribuée par le câble, le satellite ou les télécoms. Le terrestre strict (exclusif, désormais numérique) concerne moins de 10% des foyers américains. Passant d'une émission diffusée en syndication nationale à une chaîne non terrestre bien implantée auprès des opérateurs câble-satellite-télécoms, Oprah perdra peu de couverture et gardera donc la faveur des annonceurs nationaux.

Modèle économique
La chaîne est commercialisée, dès maintenant, 10 à 15 cents par abonné / mois aux opérateurs. OWN remplacera Discovery Health Channel (74 millions d'abonnés actuellement) ; elle conservera une partie de programmation santé / médecine. OWN pourra donc compter sur 80 millions d'abonnés au lancement sur un marché national de 114,5 millions de foyers TV ; Discovery compte plus de 100 millions d'abonnés et OWN peut viser ce niveau. Le versement des opérateurs représentera près de 150 millions de $ à quoi s'ajouteront les revenus des écrans publicitaires.
En 2009, pour la syndication, les revenus publicitaires - en hausse - seront de l'ordre de 300 millions de $ (source : mes calculs, d'après TNS). On voit que la contribution des opérateurs câble/satellite/télécoms couvrira la moitié des revenus publicitaires. Changeant de distributeur, Oprah passe à un modèle économique moins dépendant de la publicité.
S'adressant aux femmes, OWN aura plusieurs concurrentes : Oxygen, Bravo (NBCU) et Lifetime Networks (Lifetime Real Women, Lifetime Movie Network et Lifetime Real) de AETN. Aucune n'a la force d'attraction d'Oprah.

Qui est touché par la décision d'Oprah ?
  • ABC qui diffuse le programme en syndication sur ses stations "O and O" et perd un excellent programme servant de lead-in pour les soirées.
  • CBS Television Distribution qui commercialise le programme en syndication
  • Chicago, la ville où Oprah a commencé et où se trouvent ses studios (le maire a marqué son mécontentement).
  • Les chaînes féminines concurrentes
  • Le marché de la syndication qui perd un de ses acteurs de référence au profit des réseaux câblés
OWN diffusera sans doute un talk show où interviendra plus ou moins régulièrement Oprah, ce qui raménerait à la chaîne les spectateurs réguliers de son émission. Tout ceci est possible parce que le personnage d'Oprah, son émission et ses produits dérivés ont une notoriété supérieure à celle des stations qui la diffusent (fussent-elles "O and O" d'un network national). Les produits dérivés du talk show sont des médias puissants : le Book Club, Oprah Radio sur Sirius XM, O The Oprah Magazine avec une diffusion payée de 2,4 millions d'exemplaires (ABC), The Oprah Store, etc.)


La marque média, c'est l'émission et ses médias dérivés, et non l'ensemble de stations ou la chaîne qui la diffusent : Oprah veut réussir  le transfert de ce capital d'image et de notoriété vers sa propre chaîne (d'où "own") maintenant que les chaînes thématiques peuvent accéder à l'audience nationale que recherchent les annonceurs nationaux. Avec OWN, la marque Oprah (contenu) et le distributeur ne feront plus qu'un : une marque média.
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dimanche 22 novembre 2009

Vers un Marché Télévisuel Unifié

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Les données de septembre 2009 produites par le panel américain de comScore Video Metrix (domicile, lieu de travail, établissments universitaires) révèlent une distribution remarquable. Malgré la circonspection qui doit en entourer la lecture (représentativité du panel, valeur d'agrégats mensuels, unique viewers, accréditation MRC toujours en cours, etc), les écarts sont tels que l'on peut commenter les parts d'audience sans trop de risque.

YouTube      40,2%
Hulu               2,2%
Fox                2,1%
Viacom          2%
Yahoo!          1,7%
Microsoft       1,6%
Turner            1,4%
CBS              0,8 %
AOL              0,8 %
ESPN            0,6%
  • Derrière YouTube (Google), qui détient plus de 40% de part d'audience, s'accumule une infinie longue traîne de sites de téléchargement... 
  • Toutes ensemble, les grandes chaînes de télévision nationale réunissent  moins de 10% de part d'audience. Les autres critères redisent la même logique : un grand média et une foule de petits.
  • La durée moyenne d'une vidéo regardée est de 3mn 48s signalant le bouleversement des formats que risque d'entraîner Internet dans les habitudes TV (mais il faut analyser cette distribution des durées, sans doute plurimodale, mêlant des formats très courts et des formats courants).
  • Un tel univers en miettes favorise - impose - le recours aux networks publicitaires (ad networks) qui agrègent des milliers de sites. 
  • Comparée à celle d'avril 2009, cette statistique est à la baisse pour tous les 10 premiers diffuseurs, mais les écarts entre YouTube et ses suivants ne baissent pas : la longue traîne accroît son importance et la valeur commerciale de la puissance du site de tête s'accroît. En conséquence, l'apport des networks publicitaires s'accroît également.
Ceci préfigure-t-il le marché télévisuel unifié vers lequel on s'oriente, lentement mais certainement ?
    Vivement que l'on dispose de mesures compatibles et simultanées et rigoureuses pour la télévision traditionnelle et pour la vidéo sur Internet. Alors on percevra les spécificités de consommation télévisuelle sur chaque support (modalités, quantité, thèmes, etc.). Pour cela, il faut que les clients de comScore et de Nielsen demandent une unification des agrégats (publications hebdomadaires, définition du contact, etc.). Qui a intérêt à l'incomparabilité ? Qui a intérêt à retarder la prise de conscience de l'avènement d'un marché télévisuel unifié ?
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    vendredi 20 novembre 2009

    Foot : à la télé, l'arbitre !

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    14 millions de téléspectateurs en France, selon Médiamétrie, des millions d'autres dans le monde ont vu la main de Thierry Henry sur le ballon.  Hélas, l'arbitre de la décision n'était pas devant son écran et il n'a rien vu. Tel Fabrice à Warterloo, placé au coeur de la bataille, il n'a rien compris à ce qui se passait. "Nous avouerons que notre héros était fort peu un héros en ce moment", commentait Stendhal.

    Voilà des années que l'arbitrage du football est en retard de quelques technologies et commet des erreurs que des millions de personnes contemplent. Or des millions d'euros sont en jeu puisqu'il y va de l'accès d'une équipe "nationale" à une compétition "mondiale" ; de cette sélection, dépend le résulat des chaînes de télévision qui ont acheté les droits. Ainsi ne s'agit-il plus seulement d'une erreur sportive mais aussi d'une erreur économique. Et comme les politiciens, en campagne électorale permanente, viennnent parader aux matchs, comme on engage, hélas, drapeaux et hymne nationaux, l'erreur peut même devenir diplomatique. Imaginons une situation similaire lors d'un match France-Algérie...
    L'image du football souffre de telles erreurs d'arbitrage : quelle leçon de morale sportive pour les enfants, les éducateurs et les amateurs qui chaque semaine sont sur les terrains ! Trichez, mentez impunément !

    Le foot veut l'argent de la télé mais il ne veut pas de son arbitrage : cette incohérence ne saurait durer. La FIFA, qui conçoit ces réglements, semble en être restée au temps de la radio, tandis que les fans de foot vivent au temps d'Internet et de la télévision numérique. En refusant l'arbitrage de la vidéo, la FIFA met les joueurs et les arbitres dans des positions intenables. Comment imaginer qu'un match comme celui-ci, qui se joue sur un terrain mondial (global soccer field, aurait dit M. McLuhan), puisse n'être arbitré que localement.

    Signalons ausi un événement médiatique discret mais riche de sens : Weborama, Spacefoot et Footeo avaient invité leurs supporters - dont quelques étudiants du Master 226 de Dauphine - à regarder le match, en numérique, sur très grand écran, aux Champs-Elysées (salle Publiciscinémas). On avait l'ambiance de fête et des images superbes : si l'arbitre avait été là, il aurait tout vu.
    Les salles de cinéma trouvent un nouveau débouché dans ces spectacles sportifs. Déjà, aux Etats-Unis, des salles diversifient leurs sources de revenu en rediffusant des opéras (cf. Metropolitan Opera Live in HD), des manifestations sportives, et même la messe.
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    mercredi 18 novembre 2009

    Brigitte Bardot, people et divertissement

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    Alors que leur place dans les tous médias est primordiale, les phénomènes people restent mal connus, comme la plupart des phénomènes d'imitation, de grégarisation, de panurgisme.... Une exposition consacrée à Brigitte Bardot par le musée de Boulogne-Billancourt (en 2010) ravive la conscience de nos ignorances en matière d'"effets people"des médias, pour peu que l'on effectue la visite "sans prévention ni précipitation".
    Photo prise à l'exposition. La Floride est une voiture de Renault (1958-1968)
    Une héritière
    Toute la vie publique de Madame Bardot est étalée sous nos yeux, le cinéma, la chanson, les amants, les mariages, les animaux qu'elle défend... People à tout prix, même pour la bonne cause. Née d'une famille de la bourgeoisie parisienne, élève au Conservatoire National de Danse, dès 15 ans elle est dans Elle, dont elle fit la couverture à 16 : la famille a des relations et une usine. Brigitte Bardot est une "héritière". Le miracle BB s'accomplit en terrain favorable. Pour objectiver la dimension sociologique du personnage, il faudrait comparer sa trajectoire sociale avec celle de sa contemporaine, Sheila, "petite fille de français moyen" (titre de l'une de ses chansons, en tête du hit parade de l'été 1968 !), qui vendait avec sa famille de la confiserie sur les marchés et séduisit une classe de fans différente, l'une commença par la chanson, l'autre par le cinéma...

    Icône pluri-média
    Quelle place occupe BB dans la société française ? L'exposition ne propose pas de réponse, mais elle impose la question en juxtaposant les "faits" qui sont "faits" par des images et des "unes" par centaines. Images de libération féminine, d'érotisme qui indisposent plaisamment fâcheux et Tartuffe. Entrée dans le Larousse à 24 ans, De Gaulle en fit la Marianne des 36 000 mairies en 1968. BB fut aussi le faire-valoir des marques pour des créations publicitaires qu'elle écrasait de sa présence : Pschitt (soda), Simca (automobile), Paris-Presse, Les Laines du Chat Botté, Radio Luxembourg, Yamah (moto), Air France, BNP... Images de films, affiches, photographies avec les uns et les autres. Et des chansons, des émissions de télévision.

    Devant le phénomène de la peopelisation, la sociologie de la culure semble démunie. BB n'a pas été de ces "intimate strangers" dont parle la sociologie des "célébrités" (Richard Schickel) et Roland Barthes ne nous apprend rien sur cette mythologie. Pour s'y retrouver, c'est peut-être vers la "psychologie économique" de Gabriel Tarde qu'il faut se tourner, qui a identifié le rôle de la presse dans la quantification de la célébrité, de la popularité, de la gloire et de la réputation (Psychologie économique, publié en 1902). Sans cette quantification, pas de people. Mais son intuition n'a pas été développée et n'a pas été adaptée aux médias plus récents et à leur contribution à la peoplisation. Pourtant avec les médias numériques, avec les réseaux sociaux, les bruits courent plus vite, plus haut.

    People, "opium du peuple, soupir de la créature opprimée" ?
    Pourquoi avoir baptisé cette exposition "les années insouciance" ? Insouciance du milieu où BB est mise en scène, le show business ? Sans doute. D'ailleurs Claude François chantait aussi "cette année là", 1962, une année sans histoire ! Pour d'autres, ce furent des années de guerre coloniale : 400 000 appelés du contingent font leur "service". Guerre civile : massacre d'Oran, massacre des harkis. C'était aussi l'époque de la loi Debré contre la laïcité, les avortements criminalisés, bien avant la loi Weil (1974)... A tous ceux que l'époque opprimait dans leur vie la plus quotidienne, BB parlait d'autre chose, justement, et divertissait.
    "A quoi sert la beauté des femmes", s'interrogeait faussement Théophile Gautier. Ne cachez pas ce sein... Certes, mais on ne comprend toujours pas très bien le miracle people.

    Durant l'été 2014, pour ses 80 ans, BB revient à la une avec des photos d'autrefois : Ici Paris titre en couverture d'un hors-série sur "les années Bardot" ; à la une de Paris Match, BB illustre "l'éternel féminin" : c'est la quarantième couverture de Paris Match consacrée à BB...
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    lundi 16 novembre 2009

    Marchés de l'information

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    L'information généraliste sur le papier se porte mal et ne se vend pas sur Internet. Pour l'instant, cette proposition générale est indéniable. Qu'est-ce qui est en question, l'information ou le papier, ou les deux ? La meilleure réponse semble être l'information payante. En effet, la presse gratuite se vend aux annonceurs qui achètent de la lecture gratuite dans les transports ; la radio se vend aux annonceurs qui achètent de l'écoute gratuite dans la voiture, et la télévision se vend aux annonceurs qui achètent de l'écoute gratuite au foyer. L'information dure, sérieuse, politique et économique, constitue une part mineure de tous ces contenus.

    Introduire une nouvelle variable dans l'analyse peut aider à discriminer entre les variables explicatives. Voyons ce qu'il en est sur les chaînes d'information.
    L'audience de CNN aux Etats-Unis est en baisse cette année sans élection. L'élection présidentielle est un événement qui génère de l'information politique et des débats économiques mais aussi beaucoup d'info people et de publicité politique (payante). Pour la population active (25-54 ans), CNN (202 000 téléspectateurs) est passé derrière Fox News (qui ne compte toutefois que 689 000 téléspectateurs), derrière CNBC et même HL (Headline News, version résumée de CNN). Pour résister à son déclin, CNN développe une stratégie multi-plateforme (Internet, mobilité), éditoriale et publicitaire : CNN en quelques minutes sur Internet, à la demande mais sans les revenus des opérateurs câble et satellites.
    Quels signes cliniques retenir de cette symptomatolgie ?
    1. L'info se consomme de plus en plus rapidement et à la demande.
    1. La dramatisation de l'info ne fait plus recette. Copiée sur la théâtralisation des infos nationales du soir ("Evening News") lancée dès la fin des années 1940 (le 20 heures en France), elle ne répond plus aux modes de consommation de l'info par un grand public suralimenté en infos.
    1. Le cycle de l'info est discontinu. Créer des événements artificiels ne suffit plus pour attirer les chalands pendant les périodes vides. Le consommateur d'information a appris à consommer l'information et ne prend plus l'anniversaire d'un événement pour un événement. Le marronnier ne paie plus. Quant à peopliser l'information, stratégie de Fox News (personality-driven), on finit par n'avoir plus d'info mais de l'opinion par du people. Les doxosophes règnent. 
    1. La mesure de l'audience de ces médias est insuffisante. Peu opérationnelle, mal adaptée à la longue traîne des petites audiences, elle est incapable de gérer rigoureusement l'approche multiplateforme dont se réclament les médias tels que CNN (plus puissant que Fox News sur le Web). Les annonceurs apprennent chaque jour à mieux discuter l'audience, le ciblage comportemental, les mots clés et à gérer leur pression publicitaire avec toutes sortes d'analytiques "user centric", loin de tout panel. La mesure de la concurrence commence par la concurrence entre les mesures de ces médias d'info.
    Pour comprendre les problèmes que connaissent la presse d'information et les chaînes d'information, il semble que l'on sous-estime deux variables : la forme et le format de l'information d'une part, la mesure de l'audience, d'autre part. Internet a bouleversé ces deux aspects de manière irréversible.
    La première victime de ces tendances est l'info sur les chaînes spécialisées et dans la presse, viendront sans doute ensuite l'info sur les chaînes généralistes puis sur les stations locales généralistes.
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    dimanche 15 novembre 2009

    Appauvrir ou enrichir ? Paradoxes de la traduction

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    Google, et bien d'autres, proposent sur Internet divers outils de traduction instantanée. Gratuits. Tous simplificateurs et pour l'instant encore peu performants. Quels sont les effets d'une traduction probablement faible sur la gestation du texte d'orgine, à traduire, éventuellement, dans n'importe quelle langue (51 langues pour Google Translate, incorporé dans Google Docs) ?

    Pour espérer une traduction la moins fausse possible, s'il ne peut recourir à un travail de traduction de qualité, l'auteur doit écrire son texte avec des mots simples (peu de syllabes), ayant une fréquence d'usage élevée ; il doit recourir à une syntaxe restreinte, à des phrases courtes, sans subordonnées, sans tournures idiomatiques... Ce sont là, en moins strictes, des consignes que donnent les entreprises de traduction à leurs clients... Ces consignes sont proches de celles données aux journalistes pour les médias internationaux (Special English de "Voice Of America", français facile de Radio France International) et parfois aux journaux grand public pour les médias en langue nationale.
    Ainsi, la probabilité d'une traduction faible - comme d'une lecture par de piètres lecteurs - exerce un effet de simplification par anticipation, conformément à la "causalité du probable" observée en sociologie de l'éducation.
    L'internationalisation que propagent les outils de traduction automatique est facteur d'érosion culturelle, de simplification. Elle est à l'opposé de la traduction qui donne à comprendre un texte en assimilant sa culture d'origine. Une traduction enrichit le texte traduit, observait Walter Benjamin (qui traduisit Proust, Baudelaire, etc. en allemand. Cf. Die Aufgabe des Übersetzers). Une traduction automatique l'appauvrit. 

    Pour un moteur de recherche, la traduction est fondamentale puisque le moteur doit fournir des résultats indifférents à la langue ("any language", par défaut dans Google à moins que l'utilisateur ne le modifie dans "advanced search").
    Paradoxalement, les traductions simplifiées de discours stéréotypés en vue de la traduction, en faussant la statistique des tournures, des néologismes, altèrent et appauvrissent la traduction automatique (via "machine learning", "pattern matching", selon Google), à laquelle elles enseignent de médiocres modèles (pattern), tandis que les traductions riches enrichissent l'apprentissage des machines. Ici affleure le débat entre la traduction massive par machines apprenantes (machine learning) et les approches sémantiques, artisanales jusqu'à présent. Ceci plaide pour des solutions mixtes (computer assisted translation, CAT) ?
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    lundi 9 novembre 2009

    Test média en vraie grandeur

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    Voici une bonne nouvelle pour la recherche média. Le groupe News Corp. (Wall Street Journal, The Times, The Sun, Fox News, etc.) déclare vouloir rendre ses sites d'information invisibles aux moteurs de recherche (traités de "content kleptomaniacs") car, estime-t-on dans ce groupe, les moteurs de recherche dérobent les contenus des médias d'information (stories) pour les mettre à la disposition gratuite des internautes (cf. l'interview de R. Murdoch sur Fox News Australia, diffusée sur YouTube !).
    Les médias d'information de News Corp. seraient donc désindexés (via robots.txt) et les internautes désirant accéder aux contenus des sites des médias d'information devraient payer.

    Ainsi, saura-t-on ce qu'il en est : les moteurs de recherche drainent-ils une audience utile vers les médias d'information (comme le prétend Google) ou, au contraire, ruinent-ils leur modèle économique en proposant une alternative gratuite (comme le prétendent de nombreux patrons de média d'information) ? Quel lectorat réuniront encore les sites des médias d'information une fois qu'ils seront hors de portée des moteurs de recherche ? Quelle variation de revenus publicitaires et de la vente aux lecteurs s'en suivront ?
    Finie la spéculation : il ne restera qu'à observer. A moins que News Corp. change d'avis, une nouvelle fois.
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    Visiteur unique : les démons de l'analogie

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    La notion de "visiteur unique" ne fait pas l'unanimité lorsqu'il s'agit d'apprécier la place des médias sur Internet. Pourtant, c'est une notion banale en média, sous la dénomination d'audience cumulée. Pourquoi sa manipulation sur Internet pose-t-elle problème ?

    Définition
    Revenir à l'audience cumulée et à la couverture à au moins 1 contact, pendant une période donnée, pour un segment identifiable de population (cible) : ce sont des visiteurs uniques.
    A partir de là se composent les agrégats adéquats. Par exemple, suivant le rite procterien, la couverture cumulée à au moins 3 contacts, au bout d'une semaine de campagne. Ou encore, pour une audience télévision, sa sensibilité à la durée de contact (1 seconde / 1 quart d'heure) selon des durées de cumulation des contacts (les premières mi-temps de match de foot avec l'équipe de France).

    Remarques
    • Pour être opérationnelle, cette notion de visiteur unique doit préciser la période de référence, durant laquelle le visiteur est considéré comme unique, et la courbe de cumulation des contacts. Au bout de combien de temps la courbe sature-t-elle parce que le média ne recrute plus de visiteurs nouveaux ? A quel rythme s'effectuent les revisites ? 
    • Au sens strict du terme, un visiteur unique ne présente guère d'intérêt, et surtout de sens. C'est peut-être quelqu'un qui est venu par erreur, s'est trompé en configurant sa recherche (artefact des moteurs de recherche, du référencement naturel ou artificiel). Quelqu'un qui ne reviendra pas, une fausse conquête. Ainsi, lorsqu'une radio proclame qu'elle a tant de millions de visiteurs uniques par mois de plus qu'une autre, pour mieux apprécier cette audience, et ne pas trébucher sur les pièges du communiqué de presse, il faut en revenir à la fidélisation. Combien de réguliers (nombre de visites par mois, sur combien de jours différents) ? Quelle durée d'écoute par auditeur DEA) ? Combien parmi ces centaines de milliers de visiteurs uniques sont restés quelques secondes, n'ont rien écouté, ne reviendront jamais ?
    • Un visiteur unique n'est intéressant que lorsqu'il n'est plus unique, lorsqu'il devient régulier, tout comme un client d'hyper. Nous retrouvons la notion canonique d'effective frequency, seuil de répétition en-deçà duquel la communication est inefficace, au-delà duquel on commence à gaspiller. Toute l'optimisation d'un plan consiste d'abord à déplacer la distribution des contacts vers un niveau optimum (défini par le client, tenant compte de la création, du capital de notoriété accumulé, de la mémorisation, etc.) à n contact (3, 4, 5) dont se déduit le capping.
    • Plus longue la période de référence, plus élevé le nombre de visiteurs uniques égarés, visiteurs de peu d'intérêt (audience cumulée à un contact, strictement). D'où l'importance d'une référence temporelle pertinente (filtre) : pour un quotidien la réferénce mensuelle ne l'est guère. Il faut plutôt, dans ce cas, que le média diffusé sur Internet se rapproche de notions classiques comme la lecture du numéro moyen (LNM) ou la lecture dernière période (LDP, la veille pour un quotidien). L'approche "pages vues / visites" que pratique l'O.J.D. rend compte plus certainement de la puissance d'un site média, mais tout ramener au mois est moins convaincant.
    • On ne devrait jamais, pour l'interprétation d'une audience, isoler la courbe des visiteurs uniques de celle des visiteurs et des visites à n contacts (2, 3, 5...).
    • Quand on annonce, par exemple, sans plus de précision, que sur Internet les quotidiens perdent des visiteurs uniques sans spécifier la définition de ces visiteurs uniques en fonction du média, on ne sait pas ce que l'on dit, ni ce qu'il faut comprendre. La définition devrait inclure la durée de référence pour laquelle on estime cette unicité pertinente mais aussi le lieu origine de cette unicité (domicile, bureau, université, téléphone, etc.) ou plusieurs de ces lieux à la fois (ou, au moins, préciser, c'est souvent le cas, que l'on n'en sait rien). Notons, en passant, que le lieu d'origine de l'audience se pose aussi en télévision (domicile, hors domicile, en mobilité, etc.).
    Les sites média ont un rythme "naturel" de consommation, lié à l'événement (ce qui est construit comme tel) que ne peuvent ignorer et suspendre les comparaisons. Le "visiteur unique" ne permet pas d'apprécier la puissance utile d'un site média, ni sa puissance rédactionnelle, ni sa puissance publicitaire. Les comparaisons, les analogies, forcément réductrices, permettent  quelques "spécialistes en généralités" d'avoir opinion sur rue, mais pas de travailler.
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    jeudi 5 novembre 2009

    GRP, contact et vidéo

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    Le syndicat des régies TV françaises (SNPTV) relance le débat sur la définition du GRP parce qu'une agence média spécialisée dans Internet compare, favorablement, GRP vidéo sur Internet et GRP TV. Le débat a déjà eu lieu déjà à propos d'Internet (IAB / UDECAM, 2002) mais aussi, depuis toujours, à propos de l'affichage, un GRP TV étant déclaré bien meilleur qu'un GRP affichage. On enseigne dans les agences média que l'on on ne saurait additionner les GRP de médias différents, les choux et les carottes, etc. 
    Rappels
    • Définition des GRP d'une campagne : somme des contacts d'une campagne pour un média donné. Autrement dit : produit de la couverture à au moins 1 contact (i.e.audience cumulée) par la  fréquence (répétition) moyenne (pour une population - "cible" - donnée). 
    • Qu'est-ce qui fait la différence entre les GRP ? La définition du contact et la manière dont on les compte.
    • Le contact TV est défini par la présence du panéliste dans le pièce où se trouve le téléviseur allumé lorsque le message publicitaire est diffusé, présence dont témoigne l'audimètre ("déclaration" du people meter). 
    • Le contact Internet est défini par le contact de tout internaute avec le mesage publicitaire vidéo diffusé (stream, etc.). Cf. Guidelines IAB.
    Chacune de ces définitions a sa part d'arbitraire, et toutes sont discutables : elles partent d'une occasion de contact (ODV) et non d'un contact vérifié (visuel ou auditif), elles ne prennent pas en compte l'attention, elles dépendent le cas échéant de la qualité des panels (cf. audits du CESP), etc.
    Dès lors que l'on dénombre des contacts, on peut calculer des GRP. Comparer des GRP, c'est d'abord comparer des définitions de contact et des méthodes de comptage. Aucun média n'a le monopole du GRP. Une campagne recourant à des messages publicitaires vidéo produit des GRP, qu'elle soit diffusée par une chaîne de TV ou par YouTube. 


    Faut-il introduire la durée du contact ? Pour les campagnes avec messages publicitaires vidéo, pourquoi pas ? Dans ce cas, la définition du contact doit intégrer le pourcentage du message qui a été perçu (vu ou/et entendu ?) avec un principe de calcul, arbitraire : à partir de quelle proportion du message vu considérera-t-on qu'il y a contact ? 30%, 50%, 100% ? Ce pourcentage doit-il varier selon la durée du message (format), selon qu'il s'agit d'un 8 secondes ou d'un 30 secondes ?
    Faut-il additionner les plateformes de diffusion vidéo (Internet, téléphonie, TV, console de jeux vidéo) ? Bien sûr, c'est nécessaire mais ce n'est pas encore faisable actuellement, faute de savoir dédupliquer les contacts entre supports différents. ll faut attendre une mesure unique.
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    mardi 3 novembre 2009

    Payer l'information en ligne ?

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    Heureux de payer ! Le consommateur serait heureux de payer pour des informations générales en ligne (general-interest news) ! Telle serait la conclusion d'enquêtes menées par sondages en Australie, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, à la demande de News Corp. Conclusion : "If we get the the product and the delivery system right, people will happily pay for news content online" (publié par The Sidney Morning Herald). Une enquête Harris Interactive en Grande-Bretagne estime en revanche à 5% la proportion d'interviewés prêts à payer. Toute la différence tient sans doute à la méthodologie ! A quoi sert un tel sondage  sinon à  créer un peu de bruit favorable sur le mode de "l'opinion publique est avec nous" !
    Le patron de News Corp. - qui aura tout dit et son contraire sur ce sujet - et dont le groupe détient un grand nombre de médias gratuits (télévision notamment) a décidé que le consommateur paierait son information, en commençant par le Wall Street Journal sur iPhone ou The Times (Londres) sur Internet. Il faut en finir avec le "free is good" enchaîne un autre qui précise : "I fundamentally believe readers are willing to pay for quality journalism". Voilà un énoncé limpide. Il croit. Il sait ce qu'est un "journalisme de qualité". Payer combien ? 

    A quelles conditions, un internaute accepte(ra)-t-il de payer pour des informations en ligne ?
    • Il faut que l'information soit demandée, corresponde à un besoin de consommation exprimé. Et non qu'elle soit rencontrée ou proposée (vue plutôt que lue).
    • Il faut que cette information ne soit pas disponible gratuitement, ailleurs sur le net
      • Quelle information publiée en ligne par des sites de la presse d'information n'est-elle pas accessible gratuitement sur plusieurs sites concurrents fonctionnant selon un modèle publicitaire ? Accessible signifiant que l'on peut trouver par un moteur de recherche (y compris les blogs et les twits) ? Accessible dans quels délais ?
      • Pour de nombreux lecteurs, notamment pour l'information financière, économique, médicale, etc., la concurrence provient aussi de sites gratuits en langues étrangères. 
    • Ce qui n'est pas disponible ailleurs, ce qui est par définition exclusif, ce sont surtout des commentaires
      • Qui veut payer pour des opinions ? Qui n'a pas d'opinion ? Des opinions, voire même des idées s'épanouissent et s'échangent sur les blogs, les réseaux sociaux... qui valent celles des journalistes. Pour l'opinion, les amateurs souvent surpassent les professionnels.
    • Que le coût de transaction soit indolore et les ergonomies adéquates (claires, rassurantes). Plutôt l'abonnement que le micro-paiement (tel celui que propose Google à la presse), dit la rumeur (des sondages, encore!). 
    • Quel modèle écomique payant ?
      • Apple a imposé un modèle à la musique, aux applications (iTunes Store). Est-il adaptable à la presse ? Relay (Lagardère) permet à l'internaute de configurer ses propres alertes presse, de feuilleter des magazines en ligne, où se trouvent des réponses, avant d'acheter un numéro complet. Mais ceci ne vaut que pour des magazines de niche, publiant des informations rares et spécialisées, s'adressant à des "amateurs-professionnels" (point de croix, collections, jeux vidéo, "petits sports", histoire, etc.). Sur  iTunes, on achète un morceau de musique, pas un CD complet. En presse, cela signifierait acheter un article, pas un numéro complet. Ce qui ne manquerait pas d'affecter le modèle publcitaire. On dit que Time Inc. travaillerait à un kiosque électronique également. C'est aussi ce que promet maggwirre.com : "The iTunes of Magazine". Mais on s'est éloigné de l'information générale. 
      • Modèle freemium  (free + premium) développé par le marché des jeux vidéo : accès gratuit d'abord, puis les niveaux suivants, les versions améliorées sont payants. Le lecteur régulier de The Times paie 50 £ pour accéder à des contenus spécifiques (Times +, comme Sky +, sur le bouquet télé).
      • C'est un modèle à deux étages qui semble inspirer la presse : le déjà connu, le rassis est gratuit, l'info fraîche est payante... En langue de bois, cela s'euphémise ainsi : "free entry for a mass audience, with a charge for more up-market, high-quality data". Mais la valeur publicitaire de l'espace dans un contexte d'information gratuite risque de tendre vers le prix de l'info... Notons que l'exclusif d'aujourd'hui sera connu de tous demain, ce qui peut aussi conduire beaucoup de lecteurs à surseoir à leur lecture. Mais, comme chantaient déjà les Rolling Stones, "Who wants yesterday's papers? Nobody in the world"...
    "Hypocrites lecteurs, mes semblables, mes frères", quelle information êtes-vous prêts à payer ?
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    dimanche 1 novembre 2009

    Téléphonie : les exclusifs immobiles

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    La description des populations à fin de segmentation prend de plus en plus souvent en compte la situation des panélistes au plan de la téléphonie (Nielsen vient de l'introduire aux Etats-Unis dans le panel TV). Mais caractériser cette situation s'est compliqué avec la généralisation de la téléphonie mobile. Aux enquêtes exploitant les annuaires comme bases de sondages, on a ajouté des quotas d'exclusifs mobiles (mobile-only). Aujourd'hui, la présence ou l'absence de téléphonie fixe dans un foyer ne disent plus rien, elles ne constituent plus ce presque universel sur lequel on basait les sondages. L'usage de la téléphonie fixe comme moyen de communication vocale est désormais minoritaire, quantitativement, socialement et affectivement. La situation statistique et sociologique est telle qu'il faut inverser le point de vue : dans un univers de téléphonie mobile généralisée, subsiste une minorité d'exclusifs immobiles, ceux qui n'ont pour toute téléphonie vocale qu'une ligne fixe (sans doute un signe plus général d'exclusion sociale).
    Conséquences ?
    • La mobilité contribue à désarçonner le foyer comme base d'observation des comportements média. La téléphonie est désormais personnelle (il y a plus de 57,1 millions de lignes actives, selon l'ARCEP, en juin 2009, soit 89% de la population, tous âges confondus). Plus du tiers de la population vivant en France a une activité multimédia avec son téléphone portable (même source). 
    • La téléphonie personnelle ignore les tranches d'âge, comme la télévision
    • La téléphonie personnelle ne se distingue pas de la téléphonie professionnelle. Rares sont encore les personnes disposant de plus d'un numéro de mobile -personnel, professionnel- mais cet aspect ne peut être ignoré des études concernant les cadres supérieurs et assimilés.
    • La téléphonie personnelle ignore les tranches horaires. Ce n'est plus une téléphonie "assise" au domicile ; elle "nous suit dans tous les moments de la vie". Il n'y a plus de "bonne" heure pour appeler : on dérange tout le temps ou l'on ne dérange jamais, c'est selon, l'horaire n'y est de rien. D'autant qu'il est des voies de communication alternatives, non intrusives, continues, où ne se distinguent plus communication et collaboration : Facebook, Google Talk, MSN, Google Wave, etc. Voies à portée du téléphone personnel.
    • Cette téléphonie personnelle présente des fonctionnalités d'évitement plus efficaces que celles du répondeur traditionnel et de la liste rouge : identification des appels "amis", stigmatisation des appels masqués et restriction de l'accès public au téléphone personnel, donc définition par l'usager du spam téléphonique. La liste rouge (unlisted number) est par défaut et personnalisable.
    • Les avenirs proches de la téléphonie (Google Voice, par exemple, en test aux Etats-Unis, et déjà Skype), qui introduisent de nouvelles capacités de gestion des appels et des numéros enrichiront encore cette situation, notamment en faisant passer la gestion téléphonique de l'écoute au visuel : 
      • portabilité : un "Google number" n'est pas attaché à une ligne mais à une personne
      • convergence des appels sur un numéro unique
      • gestion visuelle des messages comme des emails (généralisation du répondeur visuel)
      • transcription (lisibilité) des messages vocaux, lecture des messages "vocaux" sur ordinateur
      • personnalisation des messages d'accueil, blocage de certains appels, enregistrement des conversations, filtrage
      • gratuité : une appli Skype permet de téléphoner gratuitement depuis un iPhone, entre autres.
      Une ethnographie permanente des pratiques de "téléphonie" s'impose pour y voir plus clair dans cette "téléphonie" élargie (ethnographie d'observation et non enquête déclarative au téléphone !). La voix (φωνή) n'est qu'un aspect de la puissance de communication de ce téléphone de plus en plus mal nommé puisqu'il est vecteur plurimédia et multifonction : photographie, texte, bureautique, vidéo, marketing interactif (lecture de code-barres, paiement, couponnage...), console de jeu, calculette, GPS, balladeur, à l'infini des applications que choisit de lui ajouter l'usager.
      Le téléphone a débordé son étymologie grecque (1809) ; le fait qu'il soit tenu dans la main, à la main, ce qu'énoncent de nouvelles dénominations (cf. handset en anglais, das Handy en allemand, 手机 en chinois - mot qui commence par le signe de la main) est déterminant. Cette caractéristique outrepasse la portabilité, elle dénote la disposition à être toujours sous la main, à portée de la main (cf. les notions de Zuhandenheit, Vorhandenheit des philosophes), connote l'intimité, la proximité, sa valeur d'outil. Aristote ne rapporte-t-il pas que, selon Anaxagore, l'homme est le plus intelligent des êtres vivants car il a des mains ! (Diels, 102).