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Un
soap opera s'achève, 14 000 épisodes et puis s'en va ; en septembre 2010, le network CBS arrêtera la diffusion de "
As The World Turns",
soap produit depuis 1956 par une filiale de Procter and Gamble (
TeleNext media Inc.). Déjà, un autre
soap de CBS et Procter and Gamble, "
Guiding Lights", lancé à la radio il y a 72 ans, s'est éteint en septembre 2009. Les
soaps doivent leur dénomination américaine aux savons et détergents qui les parainnent, produits de Procter and Gamble (comme
Ivory Soap, marque lancée en 1879, toujours commercialisée, ou la lessive
Duz), de Colgate-Palmolive, Lever Brothers... Les
soaps ont commencé par un format de 15 mn à la radio, passant à 30 à la télévision puis 60 mn dans les années 1970. Les écrans publicitaires des
soaps étant beaucoup achetés par le secteur automobile, secteur sinistré, les difficultés économiques actuelles des
soaps sont réelles.
Les héros ont vieilli d'épisodes en épisodes, l'audience aussi. Le
day time n'est plus ce qu'il était ; les ménagères, qui en étaient le coeur de cible, femmes d'extérieur devenues, travaillent désormais loin du foyer, et l'on regarde les
soaps sur les campus. Le modèle économique du
soap est altéré par l'érosion des audiences : "
As The World Turns" sera remplacé par un
talk show, au coût de production beaucoup moins élevé. Un morceau de la culture américaine change. Les rediffusions vont faire culte sous peu et les thèses ne manqueront pas sur le rôle des
soaps dans la fabrique de la vie américaine : des répliques, des gestes, des marques ont été popularisés, car le
soap est caisse de résonnance et de raisonnements, propageant tournures de phrases et traits d'hexis corporelle (gestes, postures, tons, etc.). Indémontrable. Mais ne doit-on pas à "
As The World Turns"
le premier baiser gay de la télévision américaine et des débats à l'infini à ce propos ?
De la grand-mère à sa petite fille, toute Américaine a son
soap, le regardant au premier degré, en parlant au second. Issus de la radio comme beaucoup de genres télévisuels, les
soaps ont leurs magazines dédiés, petit format,
Soap Opera Digest et Soap Opera Weekly. Depuis 2000, les
soaps ont aussi une chaîne spécialisée,
SoapNet ; appartenant au groupe Disney, cette chaîne compte plus de 70 millions d'abonnés (initialisés). Les
soaps ont aussi leur rubrique dans la presse quotidienne, même dans la plus prétentieuse, aidant à s'y retrouver ceux qui ont manqué un épisode. Dr House, dans la série éponyme, est un fan déclaré de
soaps ; il regarde "
Prescription Passion", parodie de "
General Hospital".
Les jours s'en allaient, les
soaps demeuraient... Mais la télé aussi change plus vite que "le coeur des mortels".
Espérons que d'autres chaînes accueilleront ces soaps... Un groupe milite pour cela sur
Facebook !
Nous assistons à l'évolution d'un genre, à la fois publicitaire et télévisuel (
soap opera,
telenovelas). L'art de raconter des histoires en séries ("
serial storytelling") s'adapte à tous les supports (on l'a vu avec le feuilleton et le
roman-photo). Ce genre se caractérise aux Etats-Unis par un type de narration (un suspense à chaque fin d'épisode), un type d'éclairage (
backlighting), un tournage presque exclusivement en intérieur, des décors symbolisant des classes riches, beaucoup de gros plans... Ce genre et ses conventions parfois théâtrales seront sans doute redéfinis par les tournages en HD qui touchent déjà "
General Hospital" (ABC), "
The Young and the Restless" (CBS) et, bientôt, "
All my Children" (ABC) et "
One Life to Live" (ABC).
Certains
soaps sont disponibles en
streaming ("
Days of our Lives" sur le site de NBC). Univision, le network hispanophone lance son propre studio de production de
telenovelas. Les
soaps sont passés de la presse à la radio (feuilleton), de la radio à la télé, ils auront encore une vie après la TV. C'est ici que s'observe l'effet du média sur un message qui raconte toujours la même histoire, "
As the World Turns".
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