jeudi 30 juin 2011

Fautes professionnelles ? News Corp., Viacom et MySpace

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Mis à jour le 22 octobre 2011
Facebook a fait perdre près de 2 milliards de dollars à News Corp. L'addition vient de tomber.
En 2005, le groupe News Corp., que dirigeait et dirige encore Murdoch, acheta, dans l'euphorie et l'impatience, MySpace, pour 580 millions de dollars. Durant six années, le site aurait perdu près de 200 millions de dollars par an. Il vient d'être revendu 35 millions de dollars au réseau publicitaire Specific Media (ad network).
Ayons une pensée teintée d'humour pour Tom Freston (MTV), licencié sèchement par Redstone, le patron de Viacom, pour avoir douté de l'intérêt de cet achat et n'y avoir pas succombé. Erreur qualifiée alors d'"humiliante" par cet autre grand visionnaire (octobre 2006). Redstone va-t-il s'excuser ? Rêvons !
Voilà un cas qui mérite une place de choix dans les manuels de sciences de gestion, à Harvard Business School (surtout) et ailleurs. Mais que faut-il apprendre d'un tel cas ?
Murdoch reconnaîtra en octobre 2011 avoir alors commis une énorme erreur ("I made a huge mistake") rappelant d'ailleurs que tous ceux qui ont ensuite participé à la mauvaise gestion (mismanagement) de Myspace ont quitté le groupe. Pas lui.
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mardi 28 juin 2011

Publicité commerciale et propagande politique

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2012, année d'élection présidentielle aux Etats-Unis, sera une bonne année pour les recettes publicitaires des médias ("Election Day" est le 6 novembre 2012). Moody prévoit une augmentation de 10 à 20% des recettes pour la télévision terrestre grand public, notamment au niveau local (stations). Plus la bataille électorale locale sera serrée, meilleur ce sera pour les recettes locales des stations.
En 2010, la télévision grand public avait bien profité des élections, en captant 75% des dépenses de publicité électorale, les chaînes thématiques n'en collectant que 8% et le Web, 4 % (Source : PQ Media). Cette répartition reflète l'importance du local selon les médias : la publicité sur les chaînes thématiques (spot cable) est encore peu localisée. Quant au Web, mobile ou non, devenant de plus en plus local, il devrait bénéficier de cette évolution tout comme de son affinité élective avec les plus jeunes générations d'électeurs (réseaux sociaux, mobile, etc.).
Pour tout arranger, dans le meilleur des mondes médiatiques possible, une décision récente de la Cour Suprême américaine (janvier 2010) laisse toute liberté aux entreprises de financer la propagande électorale, sans limite, sans obligation de consulter leurs actionnaires. Place aux plus riches, au nom du Premier Amendement ("freedom of speech").

En France, la publicité politique est interdite à la télévision et à la radio (loi ° 90-55 du 15 janvier 1990) ; de plus, dans les trois mois précédant l'élection, la publicité commerciale à fin de propagande électorale, même gratuite, est interdite sur tous les médias (L.52-1 du Code électoral).
Si, comme aux Etats-Unis, partis et candidats en France devaient payer leur passage sur les télévisions et les radios, quelles en seraient les conséquences ? Tout en améliorant le financement de ces médias, cela limiterait la présence des messages politiques sur les chaînes ; au moyen de leur politique des prix, elles devraient arbitrer entre publicité commerciale et publicité politique. Les conditions spécifiques faites à la communication audiovisuelle lors des campgnes électorales (Loi N°86-1067 du 30 septembre 1986, article 16) sont-elles encore nécessaires ?
En ce qui concerne le Web, la complexité - chaque jour croissante et renouvelée - des moyens qu'il offre à la communication politique, rend de plus en plus délicate l'application des textes actuels. Comment peuvent-ils prendre en compte et démêler cet écheveau d'innombrables innovations. Cf. à titre d'illustrations : Internet et communication électorale, 17 octobre 2006) et un exemple d'interprétation par le ministère de l'intérieur de décisions du Conseil d'Etat, à propos des mots-clés et liens commerciaux en période électorale.

La France connaîtra bientôt une année électorale majeure. Quelle place y tiendront les médias numériques ? Il n'y a plus de rareté des moyens de communication : cela plaide en faveur de la liberté totale de la communication politique dans le cadre d'un financement rigoureusement contrôlé des candidats et des partis (à la différence de qu'autorise la Cour Suprême américaine), conformément à l'esprit de la démocratie.
Reste la question du cens politique : qui peut-être candidat, qui peut produire de l'opinion politique ? Le Web avec les blogs, Twitter, Facebook, les mots clés et tant d'autres moyens donnent à imaginer de nouvelles manières d'émettre des opinions, de candidater et de représenter des citoyens. Comme beaucoup parmi nos institutions, nos procédures électorales ont été conçues à l'époque des linotypes, du télégraphe, de la locomotive à vapeur et de la télévision d'Etat. Elles ont leur âge et leur rides. Anachroniques. Le Web peut être un facteur de démocratisation du financement électoral, ainsi que l'a laissé entrevoir la campagne d'Obama en 2008.
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dimanche 26 juin 2011

L'éducation à l'heure d'Internet

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Internet donne l'heure. Point de repère absolu du progrès des activités économiques. "Les vaches à l'heure d'Internet" interroge à la une La Voix de l'Ain, hebdomadaire d'actualité d'une région agricole. Excellent titre, que l'on peut décliner. Par exemple, en cette période d'examens et de concours, de passages de classe et d'orientation, de fêtes de fin d'année scolaire : l'éducation.
  • L'école primaire à l'heure d'Internet. Ecole première sur laquelle TOUT repose. Ces petites écoles sont les seules, les véritables "grandes écoles", les seules à être justement, exactement, centrales, polytechniques, normales, nationales et supérieures, les seules dont nous sommes, toutes et tous, anciens élèves. Internet et le numérique ne changent pas grand chose pour cette école, ses élèves, ses instituteurs et institutrices, sauf d'accroître infiniment le besoin de lire bien, vite, de comprendre vite, de raisonner juste, de calculer, de penser, de communiquer... Apprendre à lire, écrire, comprendre sa langue maternelle, et, si ce n'est pas la même, urgemment, la langue de son pays d'accueil. Savoir comparer, douter, savoir que l'on sait et savoir que l'on ne sait pas, pouvoir distinguer croire et savoir, juste et faux, exact et à peu près. Apprendre à communiquer, donc à écrire ; améliorer l'expression orale, corporelle, esthétique. Accroître l'envie d'apprendre, le goût de l'étude. A tous ces objectifs fondamentaux, Internet ne change rien, sauf d'agir en formidable multiplicateur et accélérateur d'investissement éducatif. Internet accroît immensément le besoin d'école primaire. Nos labos, notre économie, notre culture, notre morale, tout repose sur elle. C'est pourquoi j'ai gardé, sciemment, le beau mot d'"instituteur" plutôt que celui restrictif de "professeur" ; l'école primaire n'est pas une garderie : elle institue la République. Quand l'une va mal, l'autre, sombre, périclite. L'école primaire est un humanisme.
  • L'université à l'heure d'Internet. Si Internet et le numérique ne changent pas grand chose pour les objectifs, universels et éternels, de l'école primaire, il en va tout autrement de l'université aux objectifs plus restreints, presque conjoncturels. Qu'est-ce qu'une université à l'heure d'Internet ?
    • A quoi riment les grands amphis, à quoi correspond la forme même du "cours", qu'est-ce qu'un campus ? L'université doit-elle avoir des "murs" (M. McLuhan) ? Qu'est-ce qu'apprendre à l'heure d'Internet ? Qu'est-ce qu'un examen ? Que faut-il savoir par coeur et que faut-il savoir trouver ? 
    • Nul n'entre ici s'il n'est géomètre ! L'antique adage a du bon : pas de formation universitaire sans culture, sans composante scientifique. Question d'hygiène intellectuelle.
    • Quelle culture minimum de programmation (programming literacy) faut-il maîtriser, que l'on soit en médecine ou en chimie, en gestion ou en journalisme, ou simple citoyen interanute ?
    • L'université doit moins enseigner directement qu'apprendre à apprendre : Internet et les outils didactiques numérisés peuvent remplir beaucoup des tâches d'enseignement
    • L'université doit vérifier et certifier les savoirs et savoir faire. Fonction indispensable au marché de l'emploi que guettent, sinon, les erreurs coûteuses, le chômage, sans compter le népotisme, le copinage et autre réseautage qui démoralisent, favorisent les "sociétés de cour" et les privilèges
    • Rechercher, innover, inventer. L'université doit préparer, inciter à la recherche, accompagner les chercheurs. La fonction d'incubation est primordiale, donc la relation aux entreprises qui est tout sauf de fournir de la main d'oeuvre au rabais. 
    • On classe et déclasse les universités et les diplômes. Sur quels critères ? Quels sont les diplômes de Steve Jobs ? D'ailleurs, quels sont les diplômes, les inventions, les créations de ceux qui classent les universités ? Ni Brin et ni Page, créateurs de Google, n'ont terminé leur thèse. Schmidt, si. Beau sujet de thèse en sciences de gestion ! Quant à Gates ou Zuckerberg, l'université les a laissé filer sans les diplômer pour qu'ils développent Microsoft et Facebook. Echecs ou réussites de ces universités ? Réussites. Thèses sur travaux ? "Quelques études que l'on fasse, elles doivent être faites rapidement. Il y a très peu de choses à apprendre d'un professeur". J'emprunte cet aphorisme à Pierre Boulez. L'université n'est ni un parking ni une salle d'attente

mercredi 22 juin 2011

Vices publics et vertus privées

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L'équipe de hockey de Vancouver (Canada), les Canucks, a perdu la finale de la Stanley Cup contre celle de Boston (Bruins). Des "fans" et d'autres profitent de l'occasion pour saccager des quartiers de la ville de Vancouver (incendies de véhicules, vols, etc.). Cf. documents mis en ligne par Mashable.com.
Banal ! Combien de villes françaises ne connaissent-elles pas régulièrement de tels comportements qui leur donnent, certains soirs de matchs de football, des allures de villes assiégées.
Ce qui semble remarquable dans le cas de Vancouver est la demande officielle, adressée par la police et la mairie de Vancouver, aux personnes témoins de ces "manifestations" : prière, à ceux et celles qui ont filmé et photographié, de ne rien effacer et de faire parvenir à la police toutes photos et vidéos de "manifestants", "casseurs" (rioters) en action. Ces documents seront exploités par la police pour retrouver les suspects et effectuer des arrestations. Twitter (#riot), Facebook et Tumblr sont mobilisés à cet effet.

La banalisation des outils de photo et vidéo, leur disponibilité continue grâce aux téléphones portables rendent possible une sorte de crowd sourcing des enquêtes. Les vices publics font l'objet de témoignages privés. "Private vices, public benefits", dit la fable de Mandeville. Le téléphone portable, par nombre de ses attributs, secoue la définition de la vie privée, plus certainement sans doute que les cookies. Quant au droit à l'image....
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mardi 21 juin 2011

Démographie 2009 : redessiner les cibles média et marketing

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L'INSEE publie situation démographique de la France en 2009. Quelles conséquences pour le travail média ?
  1. Vérifier la définition de la population de référence (champ), notamment dans les mesures d'audience : soit la France métropolitaine exclusivement, soit l'ensemble outre-mer comprenant les départements (1 870 000 personnes) et les collectivités (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, Wallis-et-Futuna,Saint-Martin, Sant-Barthélémy: 780 000 personnes)
    1. Total outre-mer : 2 650 000
    2. Total métropole : 64 670 000
  2. Un pays parmi tant d'autres : la France ne représente que 13% de la population de l'Union européenne. Cette Union, en revanche, avec plus de 500 millions d'habitants, occupe une position démographique significative auprès de l'Amérique du Nord et des puissances asiatiques (Chine, Inde, Japon)
  3. Fécondité : les mères accouchent de plus en plus tard 
    1. En moyenne, l'âge moyen à l'accouchement est de 30 ans (29,9 ans en 2009)
    2. La fécondité des femmes de moins de 30 ans diminue et celle des plus de 30 ans augmente
    3. Une génération compte maintenant plus de 820 000 personnes (793 500 naissances en France métropolitaine et 31 000 outre-mer) 
  4. Vieillissement ? Derrière cette notion se cache celle, plus confuse qu'il y paraît, de population dite "active" qui inclut une part de plus en plus significative des 60-75 ans. Cette évolution est riche de conséquences sur les retraites, le patrimoine, les consommations (loisirs, santé)
    1. La population des 15-49 ans, cible préférée des grands médias, est stable depuis 1991 (près de 30 millions de personnes) mais son poids dans la population totale décroît régulièrement : de 50,4% de la population totale en 1991, elle est passée à 45,7% en 2009
    2. Les moins de 15 ans sont en légère augmentation (+ 200 000 personnes)
    3. La tranche des 60 ans et plus a gagné 3,5 millions de personnes ; celle des 75 ans et plus a gagné plus de 1,8 million. Quelle part de ces personnes est active, à quel taux ?
  5. Mariage + PACS : 425 000 cérémonies par an. La presse et le marketing de ces unions ont encore un bel avenir
    1. 251 000 mariages classiques par an
    2. Le nombre de PACS (pacte civil de solidarité) croît : 174 000 en 2009
    3. L'âge moyen des promis au premier mariage augmente (primo-nuptialité) : 31,7 ans pour les hommes, 29,8 pour les femmes. Depuis 1994, cet âge a augmenté de 3 ans pour les femmes comme pour les hommes.
    4. Trente ans représente un tournant dans les âges de la vie. Autrefois, c'était vingt ans. Après l'adolescence, plus d'une dizaine d'années constituent une période intermédiaire, plus ou moins active (emploi, études, loisirs) sans engagement sérieux (couple, enfant, imobilier, emploi). Cet âge définit une cible socialement hétérogène  : modes de vie, niveaux de vie
  6. Féminisation ? 
    1. Non, au contraire. Depuis 1991, le poids des femmes diminue pour les plus de 60 ans ; pour les 20-59 ans, il est passé, en 18 ans, de 50,0 % à 51,6% 
    2. Les générations âgées sur-représentent encore les femmes (63,2% des 75 ans et plus). Cf. graphe ci-dessous.
Conclusions : redessiner les cibles média et marketing
  • Importance d'une période allant de 18 à 30 ans, mal connue, peu appréhendable avec les outils traditionnels qui dissimulent encore cette tranche d'âge au profit des sacro-saints "15-24" et "25-34" ans. Cible à préciser avec les taux de diplômés, d'emplois, d'activité, les rites de passage, etc.
  • Croissance des effectifs de la population âgée de plus de 60 ans. Déjà, la référence des 50 ans est obsolète (enfants à charge bien au-delà de cet âge, éloignement du départ à la retraite, etc.). Où placer la nouvelle barre pour constituer une cible pertinente ? Croiser âge et santé (déficiences, handicap, dépendance, incapacités) pour définir la probabilité d'activité (au sens étendu du terme, incluant les loisirs, les responsabilités familiales, les participations sociales diverses) ?

dimanche 19 juin 2011

Vidéo et compteur Internet

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Time Warner Cable, le second câblo-opérateur américain (MSO), testerait actuellement une tarification calée sur la consommation Internet des abonnés, en lieu et place d'une tarification forfaitaire. Internet facturé comme l'électricité et le téléphone.
Une telle politique des prix concernerait, de façon primordiale, les clients des fournisseurs de services vidéo (VOD, etc.), et notamment de Netflix, réputés gros utilisateurs. D'une manière générale, les forts consommateurs de vidéo se trouveraient devoir payer davantage.
Généralisé, un tel principe ne manquerait pas d'avoir des effets sur des entreprises comme YouTube, Hulu, etc. Il pourrait également affecter le recours à la publicité vidéo.
  • Une telle mesure pose un problème de concurrence : Time Warner, câblo-opérateur, pourrait être soupçonné de favoriser ses propres services. Quid, alors, de la neutralité d'Internet ? 
  • Elle pose la question de l'économie globale d'Internet : qui paie la bande passante, qui en profite ?
  • Ces questions s'imposeront bientôt, inévitablement, à propos des smartphones et de la vidéo.

samedi 18 juin 2011

Vidéo en France : Video Futur entre Netflix et LOVEFiLM

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Video Futur, qui dispose d'un large réseau de magasins de location de DVD en France, a mis en place une offre commerciale qui ajoute à l'envoi de DVD par voie postale un accès vidéo sur le Web. L'abonnement Pass Duo propose les films sur DVD 9 mois après leur sortie en salles pour 6,99 € et des films plus récents en téléchargement VOD (2,99 € / film).
Canaux de distribution vidéo de Video Futur  : comparaison  avec de quelques grands groupes 
La question de la "chronologie des médias" est évidemment au coeur de ce dispositif. En France, il faut un délai de 4 mois pour les DVD et la VOD payante à l'acte, 36 mois pour qu'un film soit diffusable sur le Web (VOD avec abonnement), 10 mois sur les chaïnes payantes comme Canal Plus (arrêté du 9 juillet 2009). L'offre de Video Futur bouscule donc, légalement, cette chronologie dont la logique résiste mal aux poussées d'une économie numérique et déçoit les attentes des consommateurs. Cette chronologie complexe rend d'ailleurs les offres commerciales peu lisibles pour les consommateurs, ce qui ne facilite rien.
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Tableau comparatif (ci-dessus)
Video Futur, suite à diverses acquisitions, couvre quatre des cinq composantes de la distribution de cinéma hors exploitation en salles : magasins, automates, Web, poste. Video Futur ressemble en cela à Blockbuster que vient d'acheter le bouquet satellite américain Dish Network. Son offre multicanal est plus diversifiée que celle de LOVEFiLM en Grande-Bretagne que vient de racheter Amazon et qui représente sans doute la concurrence potentielle immédiate la plus dangereuse. Sur l'évolution de  l'offre multicanal aux Etats-Unis : "Video : la grande distribution du DVD à la VOD".
On peut aussi lire ce tableau simplifié comme une visualisation des potentialités stratégiques des acteurs (fusions, acquisitions, etc.)
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mardi 14 juin 2011

TV américaine. Station contre network. Etude de cas N°1

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Dernière mise à jour 5 octobre 2011
Au Etats-Unis, une chaîne nationale n'est que le résultat, plus ou moins stable, de la reprise par plus de 200 stations locales, affiliées ou contrôlées directement (O and O), d'un ensemble d'émissions achetées ou produites, puis agrégées en une grille, par un fournisseur de contenus.  Ces 210 stations distributrices constituent un réseau ou network ou, encore, dit autrement, d'une syndication nationale basée sur le troc (programme contre espace publicitaire).
Le network NBCU (groupe Comcast) est confronté cette semaine au refus par KSL-TV (Salt-Lake City), l'une de ses stations affiliées, de retransmettre l'émission, "The Playboy Club". La station estime que le contenu de l'émission n'est pas en phase avec la ligne éditoriale de la station ("objectionable") : cette station est contrôlée par les Mormons  ("Church of Jesus Christ of Latter-day Saints").
Par conséquent, le lundi à 21 heures, à partir de septembre, la station remplacera cette émission par une autre, de son choix. "The Playboy Club" sera repris par une autre station du marché (DMA N°32). Cf. le communiqué de KSL-TV (vidéo, après la pub !). C'est KMYU-TV, station affiliée à MyNetwork TV qui diffusera l'émission de NBC.

L'émission (drama) est consacrée à l'histoire de ce club de Chicago durant les années 1960. Elle se veut à la fois provocatrice et documentaire, un peu à la manière de "Mad Men". Elle est produite par les studios de 20th Century Fox.

Ce type de désistement est rare mais emblématique ;  il souligne l'originalité de la structure d'un network américain et sa vulnérabilité. La notion de chaîne nationale n'a pas le même sens aux Etats-Unis et en Europe : sans stations affiliées, pas de couverture nationale, pas de publicité nationale (network time). Effectuée
pendant les ventes publicitaires upfront, cette annonce de KSL-TV peut faire mauvaise impression auprès des annonceurs. A moins qu'elle n'attire leur attention sur une émission qui sent bon le soufre et peut attirer une audience curieuse - et intéressée.

Suite. Juillet 2011. L'association Parents Television Council demande aux stations affiliées au network NBC de ne pas diffuser "The Playboy Club" : "I am writing to urge you, on behalf of the Parents Television Council's 1.3 million members, to preempt the program in your community". Elle promet également de demander aux parents de déposer une plainte pour indécence auprès de la FCC.
Et fin. Octobre 2011. NBC déprogramme l'émission en raison de sa faible audience (1,2%, 18-49 ans) après 3 épisodes.

lundi 13 juin 2011

De la TV sur Internet

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Les chaînes de télévision américaines prennent le Web au sérieux. Le Web devient l'un des lieux de diffusion de leurs émissions. La pression publicitaire des émissions diffusées sur le Web se règle progressivement sur celle de la diffusion terrestre, pas aussi simplement encore que le permettent le câble ou le satellite certes, mais c'est en bonne voie.
A terme, inévitablement, c'est le même signal qui sera distribué, sur tous les supports, Web, câble ou satelite... Cela facilitera et améliorera les comptages d'audience publicitaire ainsi que la vente d'espace, les audiences réalisées par les émissions sur le Web étant comptées comme les audiences TV. Audience TV multicanal dont on voit les prémices lors des ventes upfront (cf. Des nouvelles de l'upfront. Affrontement des cultures commerciales).


Qui gèrera dès lors cet espace publicitaire ?
  • Sans doute les régies TV qui finiront, même lentement, par adopter des méthodes élaborées, testées, mises au point pour le Web. Attention ! Un message Web et un message TV, même de durées égales, ne sont pas strictement équivalents : les messages Web peuvent être vendus plus cher que les messages traditionnels parce que plus riches d'information pour l'annonceur, et plus riches de capacité d'interaction pour le consommateur. 
  • Un message de 30 secondes, habituel en TV sur les networks américains, risque de paraître insupportable sur certains supports Web (tablette, ordinateurs, smartphone). Le Web imposera sans doute à la télévision des formats plus courts. Des recherches devront montrer ce qu'il en est, support par support, du nombre de messages regardés jusqu'à la fin, selon les durées d'émission, l'emplacement de l'écran (completion rate). Ce travail n'en est qu'à ses débuts (cf. FreeWheel, entre autres).
  • Comment réagiront les téléspectateurs Web devant l'encombrement croissant des émissions ? Se tourneront-ils vers une consommation "illégale", sans interruption publicitaire ? Le charme actuel des séries regardées sur le Web reste leur très faible encombrement publicitaire. Au contraire pour une série d'une heure diffusée à la télévision, il faut compter un quart d'heure d'encombrement publicitaire, réparti en plusieurs écrans (pods). Ce confort de vision et ce gain de temps qui font le plaisir du téléspectateur constituent un manque à gagner pour les chaînes. Sur YouTube, selon YouTube, 30% des messages avant programmes (TrueView pre-roll ads) seulement seraient zappés (skipped).
A terme, tout cela converge vers la télévision connectée qui établira les égalités fondamentales de la dynamique vidéo. L'égalisation des durées, l'identité des modalités d'insertion publicitaire (adserving, ciblage) semble inévitable. Derrière la technique, les compétences, les métiers se trouve un enjeu considérable : qui vend l'espace ? Qui l'achète ? Les agences média auront-elles encore un rôle à jouer dans cet univers unifié ?
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dimanche 12 juin 2011

#DSK : Twitter a la parole

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Twitter #DSK, via TweetDeck
On n'a rarement vu pareille créativité dans la communication publique. L'affaire DSK ("a" minuscule) déclenche sur Twitter une énorme éclosion de blagues, d'indignations, d'ironie et de fureurs exprimées en moins de 140 caractères : grivoiserie, politique politicienne, haine de classes, économie mondiale, féminisme et droits de l'homme, sexologie... les tweets font feu de tout bois ! Des jeux de mots en tout genre, de l'Almanach Vermot à l'"album de la comtesse", en toutes langues, argot et verlan inclus, sont mis à contribution pour exprimer tout cela.
Quelque politicailleur s'en plaint-il ? "Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits"... #DSK (lire "hashtag DSK") a des airs de révolte. Il y faudrait Freud et Lacan pour interpréter, derrière le plaisir des "Witz", l'envie de revanche sociale, d'abolition des privilèges, le refus des autorités, le retour du refoulé... Parfois, on semble y percevoir, comme un refrain, le "ça ira", version Piaf. Gouaille et révolution : "ça parle où ça souffre".

Sur Twitter, la langue de bois passe mal, il faut appeler un chat un chat, mettre un "bonnet rouge au vieux dictionnaire". Irrespect radical qui devrait être par défaut le ton des médias d'information : en comparaison, ceux-ci paraissent tellement compassés, neutralisés, fades, bien trop polis... Sur Twitter, il fait bon se moquer de tout, des médias, des politiciens, des journalistes, des puissants, des "riches" et même de soi. Esprit de sérieux, s'abstenir. Quelques courtisans viennent pourtant y accomplir leur service "nulmérique" commandé. Bien essayé !
Twitter réalise une sorte d'écriture collective, de "cadavre exquis" à thème ; c'est "L'imagination, tapageuse aux cent voix" (Victor Hugo). Le montage est bref, télégraphique, on a exclu les "mots outils" pour introduire, en liens raccourcis, des citations, des illustrations. Ce style collectif, tissu de contributions individuelles à forme fixe, produit parfois une détonnante "défamiliarisation" créatrice, une "résurrection des mots" (Victor Chklovski) qui fait s'étonner. En 1968, les murs avaient repris la parole des étudiants. Avec Twitter, ça parle. Qui parle ?
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jeudi 9 juin 2011

Life without a TV set

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You pay for a highspeed Internet connection, you access VOD, you subscribe to Netflix, Lovefilm or another service. With the Web, you have Hulu, YouTube and iTunes and many more. At home, there is an HD screen, a DVD player, maybe Apple TV, a videogame console, a Wii or a PS3, and of course you own a Smartphone (with a subscription) and maybe an iPad.
Under the TV set : PS3, Wii, set-top box, VCR, DVD player
Do you still need a TV set? Do you still need to subscribe to cable or satellite? Do you still need a set-top box or satellite antenna? Many people start to seriously wonder. They do the math, they compare, and they decide to cut the cord.
And if you live in Europe, where you pay a tax on TV sets ("redevance" in France, TV licence fee in UK, GEZ in Germany), you also save on that cost.

When asked which equipment they would be most likely to give up, if they had to, the majority of people, especially the most active, answer they would give up the TV set. There is really no choice: they absolutely need the phone and the Web. But they can easily do without a TV set.
What is TV exactly nowadays? It is what you see on a digital screen, small or big. It is connected TV, programs coming from the Net. TV is the Web. It does not have anything to do with a TV set anymore.

Is this a trend?
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lundi 6 juin 2011

Des nouvelles de l'Upfront. Affrontement de cultures commerciales ?

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Mise à jour 13/0/11
La télévision américaine connaît une ouverture annuelle de planning majeure où se vend l'espace commercial de la télévision pour la saison à venir. Cette vente upfront se déroule en mai-juin pour l'année télévisuelle suivante (septembre-mai). Elle s'accompagne de garanties d'audience (GRP /cibles). Ce qui n'est pas vendu alors est vendu plus tard par trimestre (scatter market). Il n'y a pas de tarifs, et seules les chaînes connaissent le volume d'espace mis en vente en avance (entre les 2/3 et les 3/4) des disponibilités. La cible est généralement celle des 18-49 ans ( à l'exception de CW qui commercialise une cible féminine 18-34 ans). L'ensemble des transactions upfront de la télévision représente plus de 20 milliards de dollars (toutes chaînes confondues, prime time).
Les performances upfront des régies publicitaires constituent des indicateurs de la valeur de la publicité télévisée. Où en est-on pour les principaux networks grand public ? La hausse moyenne des CPM serait de l'ordre de 10 à 11%. La hausse fut de 7% en 2010.
  • Pour Fox, la hausse du CPM serait de l'ordre de 11% . La chaîne vend également des espaces dans les émissions regardées sur le Web (via Hulu et Fox.com). Les émissions  incluent plus ou moins le même nombre de messages (network time).
  • CBS aurait objenu des CPM en hausse, entre 13 et 15% grâce à une grille de programmes qui a réuni les meilleures audiences de la saison achevée.
  • NBC/Comcast a commencé ses ventes avec un CPM en hausse de 9%
  • ABC aurait obtenu une augmentation de 11%
  • CW aurait obtenu une augmentation de 11%. Comme Fox, CW vend ensemble, pour une même émission, espaces network et espaces Web.
  • Univision vend avec un CPM en hausse de 10%
  • Les chaînes thématiques (câble, satellite) obtienntraient une hausse moyenne souvent supérieure à 10%
La culture commerciale de l'upfront, que l'on aime tant décrier- chaque année, on annonce que c'est la dernière fois - conquiert-elle les médias numériques ? Depuis 2010, il y a un Mobile Upfront : Jumptap, Mocean Mobile, Mojiva, DataXu, MobileFuse etc. y rencontrent les agences média. Efficient Frontier propose un social upfront, Digitas un NewFront...
Tout se passe comme si deux cultures commerciales, deux conceptions de l'action publicitaire s'affrontaient. Soutenant ces cultures se trouvent, d'un côté, les studios et les networks, de l'autre,  Google, Facebook, etc. L'une des clés de cet affrontement sera la mesure de l'audience.
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dimanche 5 juin 2011

Modèle économique : Témoignage Chrétien

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TC, juin 1944. Source : Archives de la vie littéraire sous l'occupation, 2011Ed. Taillandier, IMEC, p. 369
Témoignage Chrétien (TC) est un hebdomadaire sur papier journal, se positionnant depuis toujours à "gauche" ("l'info qui résiste", "la résistance spirituelle"). Titre issu de la Résistance, lancé dès novembre 1941 (Cahiers puis Courrier français du Témoignage Chrétien) quand une bonne partie des chrétiens, des médias et des journalistes français collaboraient sereinement. Après la Libération, l'hebdomadaire ne trahit pas ses principes et prit position contre la colonisation. TC fut aussi à l'origine de Télérama dès 1947. Peu de titres peuvent se vanter d'autant de lucidité politique et d'anticipation média.

Changement de modèle économique
Pour ses 70 ans, à partir du 17 juin, TC renonce à la distribution en kiosque ; il ne sera plus guère accessible que par abonnement (111 €/an). Le titre compta 80 000 abonnés dans les années 1950, il en compte actuellement 8 000 plus 4 à 500 exemplaires vendus au numéro (source : TC). Avec 48 numéros, ce sont quand même, chaque année, plus de 400 000 exemplaires achetés et payés par des lecteurs.
Absent des points de vente, TC compensera le déficit de visibilité, dit la rédaction, par sa présence sur le Web et dans quelques librairies.
La réussite de ce modèle économique passe, à tout le moins, par le travail de référencement sur le Web et par l'invention d'interactions de lectures entre journal et Web, journalistes et lecteurs. Un contrat d'information ? Le Web pourrait apporter bien plus que de la visibilité à un tel titre qui sut, dans des situations dramatiques, constituer un "lien" (cf. supra, son sous-titre).

Qui peut s'inspirer d'un tel modèle ?
TC vit de ses lecteurs, directement, pas de leurs consommations. Sauf cas particuliers, annonceurs et conseils média l'ignorent.
L'abonnement postal est commode, il est subventionné (tarifs préférentiels). Le fichier des abonnés permet, éventuellement, des opérations de marketing direct ciblées. Finis les invendus : tirage = diffusion payée.
TC, juin 2011
Ce modèle, "tout postal", est déjà celui d'une grande partie de la presse professionnelle (B2B), pour laquelle, il constitue sans doute une étape vers le "tout numérique". Presse militante et presse professionnelle présentent des points communs : précision du ciblage, caractère indispensable et exclusif de l'information pour les lecteurs, régularité et fidélité du lectorat.
Pour la presse militante, qui dépend peu de l'événement, qui ne fait pas d'effets de manchette,  le kiosque apporte peu. Déjà, cette presse n'est présente que dans un nombre restreint de points de vente, et, lorsqu'elle est présente, ces points de vente ne lui apportent guère de visibilité car ses titres sont relégués aux confins des linéaires, attendant que le chaland les débusque ou les demande.

Vive l'abonnement ?
C'est le modèle économique le plus transparent, le plus vertueux pour l'économie des médias : le lecteur achète sa lecture, son concert, son film...
L'abonnement, c'est aussi une lecture de la loi Bichet. Comment faire pour qu'il participe à la visibilité qu'installe cette loi ?
Reste, le Web l'a mise au goût du jour, la question des fichiers. L'abonnement comme l'adhésion impliquent un fichage (opt-in), en comparaison duquel le cookie du Web paraît inoffensif. Associées, adresse postale + adresse IP constituent un fichier marketing (ou politique) d'une rare qualité : l'adresse est nécessairement mise à jour chaque année, au moins. Qui veut être discret, prudent, achète en kiosque, paie en liquide au lieu de payer un abonnement par chèque ou carte.
Quid d'un abonnement qui serait pris et servi en kiosque ?
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