L'événement télévisuel de ce tout début d'année est créé par Hulu, le service de VOD en ligne. Conçu pour distribuer gratuitement des séries et des films sur le Web, avec financement publicitaire (hors Hulu+), Hulu rompt avec un modèle de distribution pure et simple pour se rapprocher du statut des chaînes de télévision traditionnelles qui, elles, produisent et distribuent. Netflix, Vudu, iTunes, Redbox, Amazon se contentent de distribuer des produits off-network et des films. Jusqu'à présent, malgré de nombreuses tentatives, les acteurs du Web n'ont pas réussi à pénétrer le marché TV avec leurs "Web series".
- "Battleground" est une série classique, originale, avec scénario : "scripted original programming".
- Tournée au coeur du Midwest, à Madison (Wisconsin), dans ses rues, ses parcs et ses cafés, la série est peuplée de figurants de la ville. Elle est dirigée par J.D. Walsh et Marc Webb, des enfants du pays et de ses écoles. Les incitations fiscales mises en place par l'Etat du Wisconsin en 2008 ont sans doute joué un rôle dans le choix du lieu de tournage.
Les acteurs devant une image emblématique du Wisconsin : le pignon d'une ferme traditionnelle |
- "Battleground" est une sorte de "comedy-drama" ("dramedy"), un faux documentaire. La série compte 13 épisodes et prend pour prétexte la campagne électorale (la première diffusion bénéficiera de la conjoncture des primaires). Elle est tournée avec une seule caméra, conformément aux lois du genre. Chaque épisode de 30 mn est interrompu par des messages publicitaires selon le modèle des networks. Le premier épisode sera diffusé le 14 février, les autres suivront à raison d'un par semaine, tandis que Netflix propose plusieurs épisodes de "Lilyhammer" simultanément.
- "Battleground" inaugure en matière de marketing d'antenne : la promotion de l'émission recourt entre autres à une campagne de recommandation exploitant les données collectées auprès des spectateurs de Hulu. Médiaplanning Web comptant d'abord sur les effets de réseau et sur le ciblage comportemental. Il en va de même pour la mesure de l'audience qui échappe aux habituels taux évalués par Nielsen, leur préférant des indicateurs de participation, d'engagement, de buzz, etc.
- Fox fut à l'origine de la série (2010) mais s'en est détourné. On pense aux networks refusant des séries qui firent le succès de HBO, à "Mad Men", refusé par HBO. TV des "refusés" ou conscience lucide des effets de sélection des publics par le mode de distribution ?
S'agit-il de coups pour voir ou d'un virage significatif dans la logique de Hulu ? Quelles sont les intentions des actionnaires (Fox, NBC Universal, ABC/Disney) qui sont aussi les fournisseurs essentiels de ses concurrents (Amazon, Netflix, Redbox, Vudu, iTunes, etc.) ? NBC Universal / Comcast n'a-t-il pas mis fin à la production d'émission de télévision pour le Web, n'attendant de celui-ci qu'un rôle ancillaire et promotionnel (cf. NBC met le Web à son service).
- Hulu semble chercher prudemment un positionnement réaliste entre télévision traditionnelle (financement, rythme de diffusion) et Web (ciblage, promotion, connaissance des publics). "Internet TV network" ou "Netcaster" ? Ce vocabulaire bardé de définitions surannées n'aide pas à penser l'évolution numérique des médias.
- Le modèle des studios et des networks fait rêver le Web : Netflix (qui lance "Lilyhammer" en février, et ensuite "Orange is the new Black") se verrait bien en HBO... tandis que Yahoo! s'imagine en cinquième network. "Dream on" ! Le Web et son public inventeront autre chose, qui n'est ni l'un ni l'autre et que tente peut-être Hulu, en tâtonnant.