mercredi 7 mai 2008

Couvertures cumulées

Nielsen Online a mis en place TotalWeb qui associe, pour un même site, la mesure de son audience sur PC et sur téléphone. Sans surprise, les premiers résultats montrent une augmentation de l’audience cumulée à au moins 1 contact (+13% en moyenne, +22% pour la météo dont +46% pour AccuWeather.com, mais +1% seulement pour le e-commerce, 2% pour les moteurs de recherche). AccuWeather ? Site de météo présent dans les services d'un grand nombre d'opérateurs mobiles.

La méthodologie de TotalWeb reste mystérieuse qui collecte des données auprès des mobinautes membres du MegaPanel de Nielsen Online et associe Nielsen Online et Nielsen Mobile. On aimerait en savoir plus... fusion ?

Conclusions provisoires :

  • Intégrer la mesure de l'Internet immobile et de l'Internet mobile devient indispensable pour rendre compte complètement de ce qui se passe sur Internet, d'autant que les nouveaux PDA accroissent la propension à la mobilité, qui deviendra de moins en moins marginale avec des ergonomies et des écrans plus favorables, mais aussi avec les forfaits "illimités" commercialisés par les opérateurs. L'effet iPhone (techologie multi-touch) sur l'usage de l'Internet mobile est déjà observable en Allemagne (selon la FAZ), en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, selon StatCounter.
  • Actuellement, aux Etats-Unis, seuls 14% des abonnés à la téléphonie mobile sont utilisateurs de l'Internet mobile (mobinautes). Imaginons l'ampleur du phénomène quand une première moitié de la population sera équipée, d'autant que ce seront sans doute les consommateurs les plus riches en capital économique, culturel et social.
  • La part de marché du support traditionnel dans l'ensemble pluri-support d'un même média est encore rétrécie par une mesure comme TotalWeb, rendant plus nécessaire aux groupes média la construction de l'audience de la marque, et plus délicate.
  • L'association Internet immobile + mobile n'est que la première des étapes d'une mesure multi-plateforme. Il faut ensuite intégrer cette mesure et celle du média traditionnel (presse, radio, TV, annuaires, etc.). Voilà pour la quantité et la distribution des contacts.
  • Puis il faudra dépasser le stade des additions pour en venir au qualitatif. Dans quel ordre, selon quel rythme orchestrer ces trois types de supports ; quelles créations sont appropriées à cette cascade publicitaire, quelles relations entre ces créations (charte graphico-sémiologique) ? Une sorte de topologie de l'articulation et de l'optimisation des médias est à construire.
  • Les annonceurs attendent sur ces points des programmes de tests, si possible audités (ce qui nous délivrerait de l'autocélébration coutumière), tests rendant compte de la logique du rendement des investissements publicitaires. Grâce à ses outils de tracking et d'évaluation du ROI, Internet est le seul média permettant la mise en oeuvre de protocoles d'expérimentation appropriés. Cela sera plus convaincant que des calculs de quantités de contacts bruts (GRP) et de répétition moyenne car, du point de vue de l'annonceur, la notion d'effective frequency converge vers le ROI (la notion de effective frequency fut mise en place par l'Association of National Advertisers (ANA) en 1979).
  • Les médias traditionnels sont le maillon faible de cette fusion en chaîne : il importe, à terme, qu'ils trouvent le moyen de tirer profit de "leurs" mots imprimés ou prononcés. Ces mots déjà numérisés sur Internet ou numérisables via speech-to-text, permettront que s'appliquent les outils de tracking lexicaux et sémantiques, de marketing comportemental au travers des trois types de support. Rappel : une chaîne vaut ce que vaut son maillon le plus faible.
  • En attendant, beaucoup d'acheteurs d'espace sur Internet peuvent au moins se dire qu'ils ont obtenu 10% d'espace gracieux sur le mobile (emplacement préférentiel) ! Au moins.

jeudi 1 mai 2008

L'espace et l'image de la presse







La presse a un problème d’image, et d'espace. Gratuite, elle déborde quotidiennement des poubelles du métro, s’entasse à l’entrée des universités. Piétinée, abandonnée sur place.
Dans les points de vente spécialisés, sur des linéaires souvent encombrés, des centaines de magazines s’empilent, attendant la relève et le chaland fouineur. Trop rares occasions de voir ! Malgré tous les efforts du réseau de vente (exemple : la "certification merchandising" des diffuseurs par les NMPP, en cours), une extraordinaire richesse reste méconnue, invisible. L’esprit de la loi Bichet (loi qui fonde le droit à la distribution depuis 1947) doit être mieux défendu : la liberté de la presse et de sa diffusion (son fameux Article 1), c’est aussi la capacité d’être vue et feuilletée avant d’être lue. Offrir impartialement des occasions de lire !
La presse a besoin d’espace pour être vue afin d'être lue. A-t-on déjà conduit des études Vu-Lu (ou plutôt Vu-Feuilleté) sur le point de vente pour les titres distribués ? A quoi rime le droit de distribuer sans le pouvoir d’exposer ? Et que l'on nous épargne le topo, fort suspect, sur une nécessaire réduction du nombre de titres distribués (à ne pas confondre avec le légitime "plafonnement des quantités"). Pour faire plus d’un heureux, il faut plus d’un journal !
Il arrive que la presse prenne toute sa dimension, que lui soit donnée l’occasion d'exposer sa profusion. Par exemple.
  • Premier cas. Quand la presse magazine est présentée dans l’environnement commercial qui lui convient. Affinité spatiale, logique : la presse maison et bricolage dans les magasins de bricolage et décoration, la presse de beauté dans les parfumeries, près des linéaires de maquillage, la presse de glisse dans les magasins vendant rollers et planches… Quelques titres seulement, voire tous les titres du secteur (et l’on retrouve l’esprit de la loi Bichet) mais dans un environnement favorable. Ciblage parfait qui ne peut que convaincre les annonceurs de ces titres, captifs ou non.
  • Deuxième cas. Quand la presse fait salon. Il est des lieux de détente, de rencontre et de socialisation où la presse trouve sa place, où elle est mise en valeur : certains cafés, par exemple. Où elle participe de l’attente, de la flânerie, de la rêverie. Où le lecteur qui feuillette est bien vu (N.B. l'audience qui "feuillette"dans le point de vente est prise en compte par les études de lectorat).
Voici (cf. photos en tête de ce post) deux illustrations américaines. Le News Cafe avec terrasse le long d’une grande rue passagère (Miami, Floride), et un café plus modeste dans un centre commercial (mall) de la même agglomération.
En revanche, photo ci-contre (prise aussi au téléphone, mal éclairée), l'avertissement donné aux clients d'un point de vente de l'Est de la France : sur l'affiche jaune, en haut du présentoir, on lit : "Réservés à la vente // Pas à la lecture".
Opposition édifiante de deux modes d'exposition.
On peut songer aux cabinets de lecture d’autrefois, « boutiques à lire » (cf. le beau travail de Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac). Mais, pour aujourd'hui, on devrait d'abord penser au renouvellement du marketing de la presse dans des points de vente qui pourraient être aussi des lieux de vie, d'aventure intellectuelle et de curiosité.
Dans le cadre de la réflexion sur l’évolution de la presse, les éditeurs et la distribution devraient repenser la publicité sur les points de vente et d'abord autour : à quoi riment ces affiches enchaînées devant le magasin (cf. photo de gauche au bas de ce post), inesthétiques voire vulgaires (on est sur le chemin d'écoles maternelle et primaire), que le point de vente se voit imposer contre une rémunération parfois humiliante (espace accordé par la mairie) ? Tout le merchandising doit être revisité par les nouvelles technologies. Par exemple, quelle place donner aux écrans dans cet univers (cf. tout au bas de ce post : un distributeur de presse quotidienne avec écran numérique, dans un point de vente près de Boston), comment optimiser la circulation des clients, les rapides et les flâneurs, quel rôle confier à la vitrine (en connaît-on l'efficacité ?), quelle place pour le Wi-Fi, quelle efficacité des linéaires, des présentoirs ?

Il faut des lieux efficaces pour des acheteurs pressés, décidés, et d’autres propices aux lectures rêveuses, heureuses, suscitant un achat d'impulsion lente. Des lieux mixtes aussi. La variété et la qualité des modes d'exposition sont une dimension de la liberté de la presse, liberté vécue au jour le jour. Elles constituent aussi une riposte dans la concurrence entre médias alors que la télévision s'apprête à la portabilité et s'infiltre dans tous les lieux de vie hors des domiciles (cf. notre post ci-dessous : "la télé n'est plus seulement au salon"). Elles participent enfin de l'ambiance de la ville et de la rue.

dimanche 27 avril 2008

Dé-placement de produits




Charm! est le roman réel d’un personnage de fiction. L’ "auteur" est un personnage du soap opera, “All My Children”, diffusé depuis janvier 1970 sur le network ABC (Disney) en mi-journée mais aussi sur la chaîne thématique SoapNet (65 millions de foyers abonnés) en début de soirée. Ce soap a été "testé" par TF1 au printemps 2003, sous le nom de "La Force du destin" et abandonné.

Chaque épisode dure une heure. Le personnage et pseudo-auteur Kendall Hart est la fondatrice d’une entreprise de parfum qui se console dans l’écriture de la disparition de son mari. Charm! est son œuvre, roman écrit dans le même ton, avec les mêmes ingrédients que le feuilleton.

http://abc.go.com/daytime/allmychildren/index.html

http://soapnet.go.com/soapnet/show/path-showname_allmychildren

Publié par une filiale de Disney (Hyperion), le titre a fait sa place dans la liste des best-sellers du New York Times et aurait déjà vendu plus de 100 000 exemplaires dans les librairies réelles. Mais il est aussi en vente dans les librairies fictionnelles du feuilleton ! Kendall Hart a aussi son blog (http://www.kendallhart.com/) …

Un parfum, du même nom que le roman, "Charm!", a été en lancé en mars, distribué par Sears (comme les parfums de Victoria Beckham, de Céline Dion ou Britney Spears). Autour du flacon, pend un petit porte-bonheur (en anglais, "a charm").

Comment se lient pour le marketing le réel et le virtuel ? Comme le placement de produit fait vivre un produit du monde réel dans une fiction, Charm! donne une vie réelle, une "vraie vie" à un produit né de la fiction, dans la fiction : dé-placement de produit.

Pourquoi pas en généraliser le principe ?

Les émissions de télé-réalité, selon un script plus ou moins précis serviraient d’incubateurs de produits et de services, les meilleurs produits ou services franchiraient la frontière du feuilleton pour aller vivre leur vie sur les rayons d’un supermarché, d'une librairie ou d'un grand magasin. La "Star Ac", "Super Girl" ( "超级女声") ou "American Idol" appliqués au marketing.

mercredi 23 avril 2008

ComScore / Google : “Wovon man nicht sprechen kann …


darüber muss man schweigen". Je traduis cette fameuse phrase de Ludwig Wittgenstein, logicien et ingénieur, la dernière du Tractatus Logico-Philosophicus. Traduction littérale (la mienne) : "Ce dont on ne peut/sait pas parler, c’est justement à propos de cela qu’il faut se taire ». Traduction plus nette : "si l’on n’y connait rien, on se tait". Diable ! se taire, comme vous-y allez !
Donc ComScore a dit que ça descendait (les « paid clicks » chez Google) ; le cours de Google baissa fortement. Quelques semaines plus tard, Google a révélé que cela montait. Le cours remonta. Et celui de ComScore baissa. 

Posons la question autrement : de quelle information dispose-t-"on", dans une affaire comme celle-ci ? Ce qu’a fait Google en termes de nettoyage de clicks ("removal of some "low-quality" paid clicks") ? Seul Google le sait. La précision, la fiabilité de la mesure des audiences et des comportements dans un monde de panels jamais aléatoires ? Dans ce cas, seul ComScore le sait, qui d’ailleurs avait mis en garde contre toute sur-interprétation.
Solution ? Se taire plus souvent dans un monde de "com" ? L’éducation des Pythagoriciens qui réclamaient que l’on apprît d’abord à se taire, puis à écouter avant d’apprendre pour enfin parler, n’est plus de saison. L’ordre des facteurs est strictement inversé. Le temps n’est pas aux taciturnes et aux taiseux !

Restent les audits que demande l’interprofession des médias et de la publicité pour s’assurer que les mesures mobilisées sont fiables, et surtout dans quelles mesures elles le sont, et pour s’assurer que les études sont réalisées selon l’état de l’art.
Dans beaucoup de situations, le souci méthodologique, les exhortations à la prudence, à la circonspection n'attirent qu'impatience amusée (qui parfois dissimule beaucoup d'ignorance). Allez donc vendre avec des nuances !
Google s’en remettra et son cours n'en rebondira que plus haut, mais une startup, une PME ?

N. B. : l’IAB américain a réclamé des audits en septembre 2007, notamment de ComScore et Nielsen//NetRatings ; ils sont en cours, mis en œuvre par le Media Rating Council (cf. MRC, "Internet Services Under Review). En France, de tels audits sont réalisés pour l'interprofession par le CESP.

jeudi 17 avril 2008

Les règles du jeu sportif

Internet remet tout en cause et notamment le journalisme sportif. La Major League Baseball américaine met en place de nouvelles restrictions à la diffusion de ses images sur Internet. Pas plus de 2 minutes de vidéo ou d’audio par jour enregistrées dans les stades de la MLB. Pas de streaming en direct. 7 photos par match au plus et pas de galerie de photos. Et tout ce qui n’est pas texte doit être retiré du site 72 heures après.

Le baseball suit ainsi le football (américain). La NFL (National Football League) a instauré depuis mai 2007 une règle dite des 45 secondes selon laquelle un site ne peut pas mettre en ligne plus de 45 secondes de documents vidéo par jour ("non game " audio ou vidéo). Seuls les détenteurs des droits TV sont exempts de cette règle. Exemple : l’équipe des Red Skins (NFL, Washington D.C.) interdit la publication de documents photos ou vidéo des matchs, interviews, etc. dans tous les médias, à l'exception des stations TV de l'agglomération (DMA). Elle filtre rigoureusement l’accès à la tribune presse et met en situation les bloggers n'appartenant pas à un organe de presse accrédité (la NBA applique la même règle pour le basketball). Droits incontestables puisqu'il s'agit d'enceinte et bâtiments privés. La presse en ligne est particulièrement vulnérable à cette règlementation. Rappelons qu'une étude promue par Akamai Technologies évalue à 20% de l'audience potentielle d'une émission la perte due à une présence illégale en ligne pendant 72 heures. Plusieurs groupes de presse protestent contre ces limitations : Hearst, Gannett, Time Warner (Sports Illustrated) ; la MLB a seulement infléchi la règle concernant les slide shows (passe de 7 à "plusieurs").

L’objectif des équipes sportives est bien entendu de drainer toute l’audience qu'elles génèrent par leurs sujets people ou sportifs vers leurs propres sites, qui couvrent copieusement les matchs en exclusivité et en tirent de substantiels revenus (400 millions de dollars / an pour la MLB). Des solutions sont testées : partage de revenus entre les bloggers et les équipes, délimitation des droits de copie des bloggers, etc. Rappelons que ces débats ont déjà eu lieu en France, dans les années 1980 au début de la radio FM quand des équipes refusaient l'accès des tribunes de presse aux gens des radio libres sous prétexte qu'ils n'avaient pas encore de cartes de journalistes. Une jurisprudence s'est mise en place alors.

Le même principe de self-publishing est à l’œuvre pour la retransmission télévisée des matchs. La NFL qui a lancé sa propre chaîne (NFL Network, http://www.nfl.com/nflnetwork) se bat pour la reprise de cette chaîne en bonne place sur les réseaux câblés et les bouquets satellitaires, pour qu'elle se trouve dans la partie basique de l’abonnement et non dans un ensemble payant (premium tier) consacré au sport. La NFL a porté plainte auprès de la FCC, la commission réglementaire, contre Comcast. Bataille déterminante car elle affecte l’initialisation des chaînes. Les bouquets (Comcast, Dish Network, etc.) rechignent.

Ces tiraillements permettent de voir se profiler de nouvelles règles du jeu dans la couverture des événements sportifs : les équipes sportives qui détiennent un contenu de grande valeur commerciale n’entendent pas se laisser déposséder de la moindre partie de ces droits. Pas plus que les studios de cinéma, les éditeurs phonographiques ou les musées. Joueurs de foot, acteurs ou scénaristes (cf. post ci-dessous), même combat !

Le passage au numérique, la facilité de production et de distribution qui s’en suit révolutionnent les droits sportifs et leur exploitation. Une fois la brèche ouverte, d’autres types de droits s'y engouffreront. Comme toujours dans les médias, le sport devance et expérimente les problèmes marketing à venir.

Exercice de simulation : imaginons que les équipes de football françaises, européennes appliquent des règles homologues. Conséquences dans les médias ?

lundi 14 avril 2008

Auditeurs et écouteurs

Comment va la radio ? Plutôt mal, si l’on en croit les augures publicitaires. Démodée par les nouveaux modes de consommation de la musique, elle tarde à se faire numérique et mobile. Aux Etats-Unis ? Le numérique (HD Radio) s'installe doucement et la radio par satellite compte déjà 17 millions d’abonnés automobilistes qui paient 13 dollars / mois. Pour redorer le blason terni de la radio traditionnelle, les organismes interprofessionnels de la radio ont lancé à la mi-avril une campagne nationale d'image, plurimédia, vantant l'ubiquité sociale de la radio : Radio Heard Here .

Aux yeux des annonceurs,
cela ne suffira pas.
D’ici cinq ans, il faut que la radio soit présente dans tous les supports musicaux mobiles : c’est le programme que lui assigne le président du Radio Advertising Bureau américain. Selon lui, le développement de la radio passe par le téléphone portable et le balladeur. Etre partout où il y a des écouteurs, telle doit être l’ambition publicitaire de la radio.

Il y a du travail en perspective.
Jusqu’à présent le iPhone et le iTouch n’offrent pas de réception radio tandis que YouTube est d’emblée présent (tout YouTube est disponible sur l'Internet mobile). "Video Killed the Radio Star" chantaient les Buggles en 1981 au lancement de MTV : ce que MTV a commencé, YouTube pourrait bien l'achever.

Certes, il existe des accessoires pour capter la radio sur un iPod et de nombreux téléphones incorporent la radio (Nokia, Samsung, Sony Ericsson, etc.). Les nouveaux récepteurs HD Radio permettent le taggage par l’auditeur des musiques qui l’intéressent : il peut ensuite les acheter sur iTunes après synchronisation avec l’ordinateur. Clear Channel Radio viennent d’implanter ce service pour 345 de ses stations.

Certes, tout ce qui est disponible sur Internet l'est aussi en Wi-Fi sur tout bon PDA ou sur iTouch : AccuRadio vient de mettre 320 stations à disposition en streaming aux utilisateurs mobiles sur son site AccuTunes. Encore faut-il disposer en continu du Wi-Fi à

XM, l'un des deux bouquets re radio satellite déclare entamer une collaboration avec Apple pour être présent sur le "iPod front". Mais est-ce l'intérêt de Apple d'installer la radio sur tous ces récepteurs ?

Dans les années 1960, le transistor avait donné de la mobilité à la radio mais il fallut plus de 20 ans pour que la FM, longtemps hors la loi, se généralise en France. Décidément, la radio n’a pas de chance : la voici de nouveau en retard d’une technologie. Vivement la radio numérique : c’est le nom d’une association, optimiste.

En attendant, les générations collégiennes et lycéennes flânent l’iPod à l’oreille, écouteurs partagés, une oreille chacun, stéréophonie sentimentale, rejouant à leur manière les vers d’Aragon (« Il ne m’est de Paris que d’Elsa », 1964) :
"Des générations déjà comprennent différemment la flânerie
Qui s'en vont l'oreille au transistor sentiments et cheveux au vent".


mercredi 9 avril 2008

Equipement des ménages : l’âge de nos concepts média

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Le musée est le lieu où s’entrevoit l’avenir d’autrefois. Au musée de Boulogne-Billancourt (M° Marcel-Sambat), une exposition consacrée à l'"Esthétique médiatique" raconte le design des médias du siècle passé. Plusieurs centaines d'objets réunis par Jean-Bernard Hebey, homme de radio, se voulant "archéologue de la modernité". Téléphone, téléviseurs, caméras, ordinateurs, tourne-disques, projecteurs, micros, antennes pour auto-radio… tout n’y est pas (encore) : j’aurais aussi voulu voir l’audimètre du M.I.T racheté par Nielsen (1929), le Volksempfänger de Goebbels (1933), frère de lait de la non moins "populaire" Volkswagen, le téléphone avec lequel Proust écoutait "Pélléas et Mélisande"(Debussy, 1901) au théâtrophone, des lanternes magiques …

L’exposition rappelle combien les médias ont d’abord été des objets professionnels avant d’être domestiqués, investis par le foyer familial. Objets dont le design n'importe guère avant qu'ils n'habitent un "foyer radio" puis un "foyer TV" et ne trônent dans la salle de séjour, parfois déguisés en meubles classiques, comme si l'on avait honte de leur modernité bien provisoire.

Bonne idée d’exposition qu’il faut étendre, développer, organiser, enrichir, documenter. Allez-y avec des enfants ; ils vous étonneront de leurs étonnements condescendants, car il faut tout leur expliquer : les combinés téléphoniques et la TSF, le juke boxe et les 33 tours. Même le premier Macintosh 128k de Apple (1984) leur paraît antédiluvien. A ceux qui n’ont connu que le Web et le portable, allez donc expliquer le Minitel des PTT (1982), les cassettes ou le walkman (1979) !

L’exposition rappelle que l’avenir et l’innovation ont une histoire. Que notre présent qui se prend pour une modernité définitive aura bientôt la même allure désuète : le premier coup de téléphone sur mobile (Motorola) a eu lieu 35 ans avant l’iPhone… Obsolescence programmée ? Bientôt le tour du Blackberry, de l'iPOD, des calculettes, des CD...
Enfin, gardons à l’esprit que la plupart des notions que nous mobilisons dans le travail média d’aujourd’hui ont l’âge de ces étranges machines : GRP, couverture, répétition, playliste, soap opera, feuilletons, émission, journal télévisé, bandeaux et bannières, chaînes et grilles mériteraient aussi leur place au musée imaginaire du médiaplanning. Pensons que l’on réfléchit et calcule les plans de communication pour des objets contemporains avec ces concepts rempaillés, rétamés, rafistolés.

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jeudi 3 avril 2008

La télé n’est plus seulement au salon


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Aux Etats-Unis, il n’est plus guère de bars ou de restaurants où l’on ne trouve des écrans de télévision diffusant des chaînes de sports (ESPN), de variétés «musicales» (MTV) ou d'informations. Voilà longtemps, une vingtaine d’années au moins, que l’on désespère de cette audience non vendue, non vendable parce que non mesurée. Télévision sans télécommande, sans zapping.
De temps en temps, une enquête ad hoc évalue l'ampleur croissante de cette audience hors foyer. Arbitron a déjà montré avec son Portable People Meter (PPM) ce qu’il en était, puisque le PPM mesure toute télévision bien entendue. Nielsen reprend le flambeau et mesure à son tour cette audience avec Integrated Media Measurement : à l’occasion d’un événement sportif, le tournoi NCAA de basketball diffusé sur la chaîne nationale CBS, Nielsen situe le manque à gagner pour la régie à près de 25% de l’audience utilisée traditionnellement (overnight ratings).
Bonne nouvelle pour les chaînes, moins bonne pour les annonceurs qui finiront par payer ce dont jusqu’à présent ils bénéficient gracieusement.

La mesure effectuée par Integrated Media Measurement (http://www.immi.com) recourt à un panel de 2500 personnes équipées de téléphones portables modifés par IMMI pour capter le signal audio des chaînes. Un échantillon d’environnement sonore de 10 s est prélevé toutes les 30 s et confronté à une base de données centrale pour identification de la chaîne entendue ; un émetteur Bluetooth installé au foyer permet de distinguer l’audience foyer de l’audience hors foyer. La facture de téléphone des panélistes est payée par IMMI : incitation à entrer dans le panel, qui est loin d’être neutre.

Cette évaluation de l'audience TV hors foyer donne l’occasion d’évoquer deux types de problèmes lancinants pour la mesure de l'audience TV.
  • D'abord, celui de la multiplication des panels pour mesurer toute la variété des expériences télévisuelles (télé hors du foyer, VOD, télé sur téléphone, sur Internet, au jardin public comme à Hong Kong (cf. photo supra) ou chez le coiffeur (salon à Miami). Qui dit variété suppose une fusion de toutes les données recueillies, plus ou moins hétérogènes tandis qu'en amont on est confronté au difficile recrutement des panélistes : les quotas sont de plus en plus difficiles à établir, et plus encore à respecter. On parle de 360°, mesure synthétique idéale de tous les médias d'un même événement publicitaire : sait -on seulement mesurer l'angle aigu de toutes les composantes d'une "simple" campagne TV ?

  • Le second problème concerne la définition même de l’audience de la télévision. Ce que l'on voit, ce que l'on entend ou ce que l'on voit et entend ? Foyers seulement ou foyers plus hors foyer ? L'audimètre mesure l'audience au domicile, le PPM et IMMI mesurent l'audience de la TV partout où peut l'entendre l'oreille humaine (restaurants, magasins, transports, etc.). Mais ce n'est pas tout : jusqu’à présent, on pouvait ignorer la distinction courante en presse qui sépare audience primaire (celle qui a décidé de regarder l’émission) et audience secondaire (celle qui se trouve dans un lieu où la télévision est choisie par d’autres). Ignorance justifiée : en cas de consommation multitâche, la télévision était presque toujours le média premier, les études budget-temps l'ont montré. Avec la télévision hors du foyer, celle que l'on n'a pas choisie, pointe la notion d'audience secondaire (de son prix, etc.).
Mais toute audience de télévision regardée hors du foyer n’est pas audience secondaire, désengagée, indifférente. D'abord, il y a aussi l'audience primaire des résidences secondaires. Et puis, certains téléspectateurs fans de sport aiment retrouver leurs semblables au bistrot, y célébrer ensemble "leur" équipe favorite, et emportés par la dynamique du groupe y "refaire le match" (cf. supra : photo d'une bannière affichée à la vitrine d'un bougnat prise à Boulogne-Billancourt lors d'une coupe du monde de football, en juin 2006). Dans ce cas, il s’agit d’une audience décidée, motivée, attentive. Une sorte d’"audience conjointe", élargie aux copains des soirs de match!
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dimanche 30 mars 2008

Le taux d’intérêt de la presse


Le Wall Street Journal n'était pas encore acheté par News Corp., à l'automne 2007, que l'on trompetait déjà que la partie payante du site (plus d’un million d’abonnés) serait bientôt gratuite. Début janvier 2008, marche arrière : elle reste payante et plus chère (119 $, et 59 $ pour les abonnés à la version papier- écart qui laisse présumer de la valeur ajoutée de l'édition en ligne). On annonce des extensions gratuites (sport, politique politicienne, etc.), des ouvertures au gratuit (opinion, interviews vidéo, éditoriaux), peu importe, le modèle économique mixte reste en place. 
Quel raisonnement préside à ce revirement, outre le bon sens gestionnaire puisqu'un modèle mixte est moins vulnérable aux aléas du marché publicitaire ? Abordons plutôt la question sous l'angle du mediaplanning.

Le payant est doublement payant : il est signe d’un meilleur taux d’intérêt des lecteurs, d’où la valeur primordiale accordée en mediaplanning à la Diffusion Payée). La Diffusion Payée situe un lectorat primaire (qu'il faudrait plutôt appeler "premier", comme "primary"), qui a décidé de lire, et pour cela, d’acheter. Les lecteurs qui paient ne sont ni des lecteurs «en passant» ni surtout des passants qui lisent ; ils ne sont pas de ceux que Nietzsche appelait "les oisifs lisants" (je traduis littéralement "die lesenden Müßiggänger", que d'autres traduisent "ceux qui lisent en badauds"). Lecteurs engagés. Coeur de cible que recherchent annonceurs et mediaplanners, car il garantit la justesse de l’achat média.
Faire payer les lecteurs, leur proposer des contenus dont ils ont besoin, c’est les convaincre d’investir (les lecteurs mettent leur argent où il voient leur intérêt, il font, dans les deux sens de l’expression, crédit au média, crédit renouvelé, numéro après numéro). C’est aussi assurer une valeur supérieure à ces lectures et aux espaces publicitaires qu’elles découvrent. De plus, quand les lecteurs sont abonnés, il ont confié au titre des informations pertinentes que la régie peut utiliser (opt-in) pour leur proposer en plus des informations commerciales adéquates.
Cercle vertueux : le payant est payant car le payant valorise l’espace publicitaire.

Pour instruire plus avant cette affaire, prêtons attention à une décision récente de l’organisme d’audit de la presse américaine, ABC (Audit Bureau of Circulation, équivalent européen de l’OJD). L’ABC a décidé que sera considéré comme contribuant à la Diffusion Payée (paid circulation, DFP en France), tout exemplaire acheté, quelle que soit la part du prix facial payé (c’est déjà la cas pour les magazines). Jusqu’à présent, un quotidien devait indiquer pour le rapport d'audit la part des exemplaires payés au moins 50% de leur prix facial et la part entre 25 et 50%. A cela s’ajoutent d’autres modifications ; n’entrons pas dans les détails : retenons que la notion de payant s’étend notamment à des exemplaires que le lecteur obtient gratuitement (grâce aux compagnies aériennes, aux hôtels, aux cabinets médicaux, etc.).

C’est ainsi qu’une notion claire pour le mediaplanning, précise, qui différentiait la presse que l’on prend et que l’on paie de celle que l’on vous met en mains, s’évanouit. On a dissocié le paiement de la lecture. D'autres notions techniques indispensables chavirent en cascade : taux de circulation, lectorat secondaire (pass-along readers)... Qui audite les auditeurs ?
Revenons encore au coût de transaction : peut-on affirmer que plus un lecteur accepte un coût de transaction élevé plus il est motivé ? Ainsi pourrait-on ordonner les lecteurs : d’abord celui qui se rend dans un point de vente presse, au jour et à l’heure de sortie du titre, paie et emporte son quotidien ou son magazine, puis celui qui s’abonne pour n’en manquer aucun, jusqu’à celui, enfin, lecteur d'occasion qui n’a rien demandé et à qui l’on met dans la main un titre et l’abandonne sur place, ou encore à celui qui le reçoit malgré lui dans sa boîte aux lettres. 
Entre ces extrêmes : Internet, car on paie l’abonnement global à un fournisseur d’accès, Internet qui demande que l’on recherche le titre ou l’article, et que parfois l’on paie en confiant ses coordonnées pour recevoir une information commerciale choisie (lectorat hautement qualifié).
Bien des notions que nous avons ânonnées méticuleusement en agences média et en régies se trouvent aujourd’hui chamboulées par les nouveaux modèles économiques des médias (le modèle mixte existe aussi en radio, TV, musique, etc.). Sur quelles études fondera-t-on les nouvelles notions ? Faut-il encore distinguer "achetorat" et "lectorat", selon quelle arithmétique les combiner ? Un beau chantier à ouvrir : réparation, construction.

vendredi 28 mars 2008

L'exception chinoise : note de lectures


Bruce Dover, Rupert’s Adventure in China. How Murdoch Lost a Fortune and Found a Wife, 2008, Tuttle Publishing, 302 p. Index

Ce livre est une fable : celle du patron d’un groupe multimédia international qui voulait aller en Chine. Agréable à lire, sans prétention théorisante, écrit par un briscard de l’armée de Rupert Murdoch. Donc, Murdoch voulait implanter News Corp. en Chine pour disposer d’un réseau satellitaire mondial (avec DirecTV aux Etats-Unis, BSkyB et Sky Italia en Europe, et Star TV en Asie) et, partant, d’un formidable network publicitaire mondial. De l’intérieur, l’auteur raconte toutes les opérations, les stratagèmes imaginés, la politique des petits pas et des grands repas. Il décortique l’art de collectionner les relations intéressées (guanxi, 关系) et celui, méticuleux, de les mobiliser opportunément : tout ceci dans l’espoir qu’administration et gouvernement autoriseront les foyers chinois à s’équiper d’antennes paraboliques pour recevoir du ciel les bienfaits de la télévision occidentale. Rien n’y fit. Les gouvernements successifs ont littéralement baladé, au prix fort, News Corps et ses missi dominici

Les médias Chinois aux Chinois : application de la "doctrine Monroe" à ses promoteurs américains. Manifestement, comment s’en étonner, la Chine a retenu la leçon des humiliations et des souffrances des années de colonisation occidentale (guerres de l’opium, Révolte des boxeurs, etc.). Et elle ne s’en laisse pas conter par ceux en qui elle ne voit plus que des « tigres de papier » (紙老虎). Et dans Google et Facebook et que des tigreaux numériques.

Ouvrir sa télévision aux étrangers, c’est risquer une partie de sa souveraineté. Les médias, rappelle cette fable moderne, ne sont pas des produits d’importation comme les autres : que faire pour que cette indispensable ouverture ne soit pas une abdication culturelle ? Prudents, les gouvernements chinois attendent, semble-t-il, que les médias chinois soient en état d’affronter la concurrence à armes égales. 

Pour tous ceux qui s’imaginent encore que la "Chine est proche", que la mondialisation est "un dîner de gala", la leçon de ce livre sera salutaire. Elle recoupe d’ailleurs celle d'une autre expérience, savoureuse elle aussi, de la distance qui sépare la culture de gestion occidentale de la chinoise, exposée dans un livre fameux, Mr China, de Tim Clissold : les tribulations d’un banquier de Wall Street en Chine. Le récit de toutes ces erreurs constitue un superbe cours de gestion, « par l’exemple négatif », comme dit justement l’expression chinoise.

mercredi 19 mars 2008

Focus Media : et la publicité prit l'ascenseur

Ecran près d'un ascenseur à Shanghai. Photo FM
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Focus Media Holding Limited, 分众传媒, est une entreprise chinoise encore mal connue en Europe (NASDAQ : FMCN). Spécialisée dans l’affichage numérique, elle a commencé en 2003 par installer des écrans dans les immeubles d’affaires des plus grandes villes chinoises. Les écrans sont placés près des portes d’ascenseurs surtout : visibles, inévitables car que faire d’autre, lorsque l’on attend l’ascenseur ? Audience de passants mais surtout d'employés facile à évaluer et à caractériser en des termes permettant un ciblage minimum. Plus de 110 000 écrans, divisés en chaînes thématiques, en groupes cibles.

La diversification de Focus Media s’est effectuée en direction des points de vente où se trouvent près de 50 000 écrans : Focus a racheté son principal concurrent, CGEN. Focus Media investit le hors foyer (Digital-Out-Of-Home) et la mobilité : affichage dans les immeubles résidentiels et commerciaux (poster frame network), publicité dans les multiplexes de cinéma, sur les téléphones mobiles puis affichage urbain (LED, à Shanghai pour l’instant). Enfin, Focus a pris logiquement le contrôle de la première régie Internet chinoise (Allyes).

E juillet 2018, Alibaba prend une participation minoritaire dans Focus Medi dans la perspective d'une intégration avec Uni Marketing.

Le média numérique s'empare du hors média et de la publicité extérieure mais les instruments d’évaluation, qui réduisent le marché à ce qui se mesure clairement et se formule aisément, et avantageusement, laissent cette évolution encore peu lisible au plan publicitaire.  Les données vont changer tout cela.  Alibaba en est garant.
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samedi 15 mars 2008

Révolution discrète dans la mesure de l’audience TV

Un panel local de 320 000 foyers (soit un million de personnes et 3 millions de téléviseurs) vient d'être mis en place dans le marché de Los Angeles. Il permet l’observation automatique anonyme des comportements de consommation TV via la “set top box” (STB, décodeur numérique).

En comparaison, le panel audimétrique national de Nielsen compte environ 10 000 foyers (30 000 personnes) recrutés par quota.

Ce panel est le résultat d’une alliance entre Nielsen et Charter Communications (câblo-opérateur américain et fournisseur de Triple Play, TV, téléphone, haut débit, http://www.charter.com). Le service sera commercialisé par Nielsen dès le deuxième trimestre 2008 pour les achats d’espace publicitaire local et des tests ; comme il existe un panel audimétrique local géré par Nielsen, les confrontations entre les deux méthdodes de mesure seront aisées.

Nous voici revenu au temps des audiences foyer, certes. Mais nous avons aussi quitté le terrain des échantillonnages par quotas, plus ou moins bricolés et inévitablement inadaptés à une période de changements rapides de technologies et de comportements. De plus, le panel est passif : aucun accord, aucune collaboration des foyers n’est nécessaire.

A terme, l’association de ces données issues des STB avec des données d’autres provenances est envisagée, notamment avec des données démographiques (recensement) et commerciales (achats). On peut surtout imaginer une source unique de données numériques saisissant les consommations de télévision et d’Internet. Evidemment, dans un pays où toute la télévision sera numérique dans moins d’un an et où 90% des foyers reçoivent la télévision par abonnement , un panel national aléatoire de quelques millions de foyers est prévisible.

D’autres panels du même type se mettent en place aux Etats-Unis : avec des opérateurs du câble ou du satellite (Nielsen et Google avec Dish Networks, TNS avec DirecTV), avec des opérateurs d’enregistreurs numériques (TiVo, Stop||Watch, https://stopwatch.tivo.com/).

Des panels constants de très grande taille (données temporelles et individuelles) permettent seuls la prise en compte des changements incessants d'équipement, des effets de générations technologiques, etc.). Surtout, ils permettent l'évaluation fiable de l’audience des chaînes aux thématiques étroites, des chaînes démographiquement spécialisantes, des stations locales, etc.

Une révolution est en marche qui changera l’économie des médias publicitaires : des audiences encore plus précises en télévision creuseront l’écart avec les médias restés analogiques (radio, affichage, etc.). Inversement, le passage au numérique de la mesure de la télévision la rend compatible avec la mesure d’Internet : cette convergence des mesures lui permettra de profiter des avancées d'Internet (liens sponsorisés et mots clés, notamment). Des approches numériques pluri-média deviendront dès lors évidentes.

L'économie publicitaire de la télévision s'en trouvera affectée, les coûts de transactions (planning, achat) étant fortement réduits. La mesure actuelle des audiences fonctionne comme une barrière à l'entrée des petites chaînes sur le marché publicitaire (trop peu de leurs téléspectateurs sont dans les panels) ; elles pourront trouver, grâce à de très grands panels et à une mesure mixte (Internet + TV), un modèle économique semi-publicitaire réaliste sans être vassalisées par une grande régie.

lundi 10 mars 2008

Internet, média performatif

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Les annonceurs et les éditeurs australiens réclament des investissements (10 millions de dollars) pour que soit établie une mesure permettant à Internet d’être sur un pied d’égalité avec les médias traditionnels, TV, presse, notamment. Internet est selon eux sous-investi : 10% de part de marché publicitaire contre 18% de part de durée média (« share of media time and our share of advertising revenue »). C’est l’occasion d’introduire un peu de doute à propos des usages de la durée par le marketing des médias. La durée est une notion ineffectuable pour comparer des médias hétérogènes.
  • Lire un journal et passer devant une affiche ne relèvent pas de la même activité psychique, pas plus que regarder la télévision ou passer devant un écran dans un centre commercial, entendre et écouter la radio, etc. Avec une mesure aussi floue, le journal ou Internet perdront toujours au jeu de la part de durée. La durée n’est pas le dénominateur commun des médias. Ou alors il faut au moins lui associer un coefficient correcteur pour prendre en compte l’attention.
  • Comment traiter la dimension multitâche de la consommation médias ? Des durées simultanées peuvent être inégales. Par exemple : écouter la radio en travaillant sur Internet. Les deux médias font l’objet d’investissements d’attention différents de la part des auditeurs internautes. Pour la radio, il s’agit d’un fond de tâche, pour Internet, d’une tâche.
  • La durée est une donnée ambiguë. Par exemple, la durée d'écoute d'un auditeur en compagnie d’une station musicale indique une affinité avec la programmation de la station : elle situe approximativement l’intérêt de l’auditeur. En revanche, sur un site transactionnel, brièveté peut signifier efficacité. La notion de stickyness (cf. taux d’assiduité, DEA) peut être un indicateur fallacieux et celle de bounce rate sans pertinence. La durée passée sur un site n’a de sens que mise en rapport avec la transaction, la conversion (jusqu’où, quel montant, etc.). La durée moyenne de la conversion est alors un indicateur d’efficacité du site (usability), de sa conception, de ses ergonomies. Un site d’information ou de commerce qui améliore son design voit sa durée d’usage par internaute diminuer. La durée, en revanche, est pertinente pour des sites comme YouTube qui font de la TV.
  • On ne mélange pas des occasions de voir ou d’entendre avec des occasions de faire. Il y a des publicités d’accompagnement et des publicités d’action (d’inter-action). Ne les confondons pas dans une nuit de la mesure où toutes les vaches sont noires. Souvent ce qui importe pour un annonceur, ce n’est ni l’audience ni la durée, mais l’accomplissement d’une transaction.
En avril 2001, l’IAB a décidé de changer son nom, substituant Interactif à Internet pour se distinguer des autres médias. En effet, quel média publicitaire est aujourd’hui interactif, quel média permet de passer im-médiatement d’une information à une action (recommander, acheter, demander, comparer, dénoncer, vendre, voter, faire passer, opiner, "like", etc.) ? 
Puisque l’on se complaît à classer les médias, déjà séparés arbitrairement du vaste « hors médias », empruntons aux linguistes la notion de performatifs pour qualifier des médias dont la consommation est de l’ordre du faire et les distinguer des médias inactifs (constatifs, diraient les mêmes linguistes !), dont le faire éventuel s’exécute hors média. Les premiers ont des acteurs, les autres des spectateurs, des passants, des auditeurs. Internet, immobile ou mobile, a aussi des spectateurs et des passants, mais c’est le seul média qui ait des acteurs. D'ailleurs, quand les médias traditionnels veulent se faire inter-actifs, ils se développent sur le Web ou sur des écrans mobiles (multiscrentasking).
On peut en débattre car, manifestement, il n’y a pas consensus sur le rôle de la durée dans la mesure (cf. les modifications introduites récemment par comScore) ; deux points sont susceptibles de faire achoppement :
· Internet (dont l’Internet mobile) est-il aujourd’hui le seul média inter-actif ?
· Que faire de la notion de durée dans les médias ? Quand, à quelles conditions présente-t-elle un intérêt ? N'est-elle qu'un pis-aller, un plus petit commun dénominateur de tous les médias.

mardi 4 mars 2008

Ecrans des villes, vidéo ou non ?

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La Commission des transports du Texas vient d’autoriser, à l’unanimité, les panneaux d’affichage numérique ("digital boards" ou, plus exactement, "changeable electronic signs") le long des voies de circulation, en agglomération ("within city limits"). La réglementation stipule que les images doivent être sans mouvement, statiques, renouvelées toutes les 8 secondes, pas plus rapidement, et visibles dans un seul sens de circulation. Toutes précautions prises au nom de la sécurité routière, afin d’éviter de distraire les automobilistes. Pour l’instant, l'affiche numérique est donc réduite à une sorte de Power Point géant, à la dimension urbaine.

Les panneaux pourront aussi servir pour diffuser des alertes, en cas d’urgence (Amber Alerten cas de disparition d’enfants), d’intempéries ou des informations simples lors d’événements (résultats d’élection, ou de matchs, par exemple).
  • Combien de temps faudra-t-il pour que la vidéo soit autorisée sur les écrans, comme au cinéma ? Rappelons que les auto-radios furent d'abord interdits pour des raisons de sécurité car le législateur de l’époque estimait qu’il fallait choisir : écouter ou conduire. Or nous avons appris qu’un nouveau média éduque toujours son public et transforme l’économie de l’attention et ses habitudes perceptives. Mais, dans l'intérêt du travail publicitaire, les annonceurs ont besoin de tests rigoureux pour comparer l'impact d’une image, fixe ou animée, sur des spectateurs mobiles. Tests qu'il faut étendre aux centres commerciaux, aux gares, au stations de métro, aux aéroports, sur les trottoirs, par exemple, où le passant se déplace.
  • Lorsqu’un nouveau média passe au numérique, nous savons que s’en suit une meilleure gestion des contenus, qu’il s’agisse de publicité ou de services publics, une commercialisation plus fine et plus flexible de l’inventaire, optimisée par tranche horaire ou selon la météo, la circulation (par exemple). Commercialisation ouverte aux enchères (RTB), promise aux places de marché. A court terme, la mesure d’audience sera inéluctablement affectée (grâce au téléphone mobile, au GPS, etc.). On peut aussi en attendre une pige plus précise, sans délai, parfaitement synchronisée avec les données d’audience. Cette communication urbaine rejoint ainsi, dans ses méthodes de travail, le Web et la télévision. Elle rompt avec l'affichage papier, dont elle est souvent prisonnière et qui l'entrave. Les synergies entre médias avec écrans s’en trouveront facilitées, jouant sur les messages délivrés au foyer, en route et sur les points de vente.
  • Etant donnée la taille de ces écrans urbains, la qualité de la création sera plus que jamais décisive, tant pour l’efficacité que pour l’esthétique du paysage urbain, déjà si mal traité. « Les affiches qui chantent tout haut », dans lesquelles Apollinaire voyait de « la poésie », devront être à la hauteur.

lundi 3 mars 2008

Quotidien d’extrême local

Revenons pour quelques lignes à la question des contenus et des lecteurs. Le 29 janvier, Le Télégramme, quotidien de Bretagne, a redessiné sa maquette qui désormais place clairement le nom de l’édition à la une (en haut à droite) : Quimper, Brest, Lorient, Saint-Brieuc, Guingamp, etc. Objectif : clarté et lisibilité.
http://www.letelegramme.com/pdf/pdf3.php
Mais une maquette n’est qu’une organisation, une suggestion de voies de lecture, de feuilletage, un plan de circulation, le lecteur n’en faisant finalement qu’à sa tête. La maquette doit surtout donner à voir les contenus (d’où le rôle des photos, ponctuation, attracteurs des regards).
A l'occasion de cette nouvelle maquette, le rédacteur en chef rappelle sa politique de contenus : "L’ensemble de la rédaction s’est remobilisée autour de la recherche d’informations dans tous les secteurs", "L'objectif est d'avoir chaque jour au moins un sujet d'investigation dans le journal", cf. la dépêche AFP-Google, illustrée d’une photo de 2005, avec l’ancien logo ! (???).

http://afp.google.com/article/ALeqM5gLoYhJc58nMPud_kRuY_bVnFTQAA)

Ouf ! le journal va faire son travail ! Que ceci puisse s’énoncer est formidable. En principe, cela devrait aller sans dire, comme il va de soi que le pharmacien vend des médicaments et que la pluie mouille. Pléonasme ! On en est là, tant il est de journaux sans investigations, sans inscription dans le local. Le rédacteur du Télégramme en chef peut prendre le risque de cette proclamation, qui signifie que le quotidien sera encore plus local, lancera encore plus d’investigations… car Le Télégramme est un quotidien qui marche, dont la Diffusion Payée augmente régulièrement.
Le Télégramme se veut extrêmement local, "hyper local", animateur de tous les moments de la vie locale, dont il alimente la « conversation ». "Extrême local", slogan parfait, (« extremus » est à l’origine le superlatif du latin exter, « extérieur ») : pousser le local jusqu’à ses limites intérieures, voire repousser ses limites extérieures ... à l’intérieur de celles de Ouest France. Conquête intérieure et extérieure de lectorats.
Il n’y a de contenu original, de conversation que si le journal est local, à l’extrême de l’intérieur, au cœur de ses pays. Investigation locale et contenu original vont de pair.
Pour le reste, Le Télégramme est aggrégateur, puisant lucidement dans ses partenariats avec la presse magazine (Psychologies magazine, Pédagogies magazine, Science & Vie, etc.).

Voir l'article de Didier Falcand dans Stratégie, de juin 1998, (http://www.strategies.fr/archives/1062/106205201/dossier_le_succes_du_telegramme_en_cinq_lecons.html) et celui, plus bref, et récent, de Chrisitine Monfort dans La tribune de la Vente (N° de mars 2008, avec la bonne Une).

samedi 1 mars 2008

Starbucks : Wi-Fi Mocha Latte


AT&T et Starbucks Corp. s’accordent pour fournir le Wi-Fi dans la plupart des Starbucks américains, au printemps 2008. 7 100 cafés, 12 millions de clients. Réaction à la concurrence, certes, mais surtout transformation progressive des cafés et de leurs usages sociaux. Lieux publics où l’on se remet de ses émotions, professionnelles, sentimentales, où l’on travaille, où l'on attend. Points de départ et d'inflexion de réseaux sociaux réels. Pause, pour recharger, dans la vie des villes «tentaculaires». Sur l'évolution numérique de Starbucks, voir Starbucks, expérience média totale.

« Cosy, friendly, home away from home », Starbucks réinvente le café. Dans les cups, recettes complexes, personnalisables, café « to go », brûlant ou glacé, complice de mobilité. Dans les salles, pour l’atmosphère, Starbucks a joué d’emblée sur la musique, allant jusqu’à commercialiser ses playlistes ou des CD gravés à la demande (« Hear Music Coffee House »). PlayNetwork fournit environnements sonores et compiles. Starbucks a également passé un accord avec Apple pour les téléchargements : connexion gratuite pour acheter musique ou vidéo sur iTunes (« iTunes Wi-Fi Music Store »). Occasion de constituer une base de données des audiences et des présences.

Internet prolonge logiquement cette stratégie de fidélisation. Désormais, le client qui paie avec la carte de fidélité Starbucks bénéficie de deux heures de connexion gratuite. Les clients "infidèles" doivent payer 3,99 $ pour deux heures ou disposer d'une carte mensuelle AT&T à 19,99 $ qui donne accès à tous ses hotspots (70 000 dans le monde). Ce nouveau modèle est deux fois moins onéreux que le précédent (mis en place avec T-Mobile, dont le contrat s'achève : "Connect over coffee").

Hors du foyer, les médias se multiplient. Les Américains "actifs" passeraient près d'un cinquième de leur temps dans un espace intermédiaire entre travail et domicile. C’est cette durée transitoire que travaillent à meubler simultanément Internet et Starbucks mais aussi tous les médias de points de vente, de transport et de lieux de vie. McDonald’s Corp. a installé le Wi-Fi dans 9 500 restaurants américains donnant l’accès gratuit à certains abonnés AT&T, les autres payant 2,95 $ pour deux heures. Cette stratégie Wi-Fi fait école : Kinko (impressions en tout genre) s’y met aussi (10$ par jour ou 6 $ l’heure avec T-Mobile, et propose aussi le café), les centres commerciaux (malls) également (certains pour 3$ par jour). Société mobile qui réinvente ses relais. Evolution de l’offre de l’opérateur télécom qui mise de plus en plus sur Internet et de moins en moins sur la téléphonie fixe (landline phone service).

L’exigence d’Internet partout et gratuit ou selon un forfait simple et définitif fait son chemin dans la tête des consommateurs mobiles. Smartphones, iPods et iPhone accentuent cette demande. Les universités y sont passées, les collectivités locales y viennent.
Le modèle payant à la demande est anachronique, insupportable, incommode : dans un hôtel ou un aéroport, le client a l'impression d'être racketé pour le Wi-Fi, comme s'il s'agissait d'un luxe superflu. Le modèle gratuit, publicitaire ou via une carte de fidélité, semble inévitable.
A propos, qui mesure les audiences de ces internautes mobiles, hors du foyer, décidément mauvais "gibiers de panel" ?
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mercredi 27 février 2008

News You Can Use

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La presse locale est obligée de remettre en chantier son métier. Les médias numériques ne la menacent pas, ils menacent la routine dans laquelle elle s’exténue. Quel métier ? Il faut s’interroger d’abord sur les demandes des lecteurs et, plus encore, des non-lecteurs. Sans a priori
Un rapport vient d’être publié par The American Press Institute : "Making the Leap Beyond 'Newspaper Companies". Constitué d’études de cas et de recommandations générales, il invite à redéfinir les objectifs de l’entreprise de presse locale, compte tenu de l’évolution globale du marché de l’information.

«News you can use» dit un ancien slogan (« informations qui servent à quelque chose »). Slogan de plus en plus pertinent, selon ce rapport : le lecteur d’un journal attend d’abord des fonctionnalités et des contenus utiles. Quelle est la fonction d’utilité associée au lecteur ? Comment maximise-t-il le rendement de son investissement de lecture ? Où vont ses préférences ? Que veut-il ? Quelque chose qui l’aide, dans la vie courante la plus triviale. Il lui faut savoir ce qui se passe, ici et maintenant, dans l’espace étroit où se déroule sa vie, tous les jours. Il a besoin d'une information pour communiquer, être en relation avec les autres, les services, les administrations, les commerces, pour partager, comme l’exprime l’exacte étymologie de «communiquer». Et il faut que tout cela soit disponible de diverses manières, chacune technologiquement adaptée aux situations dans lesquelles se trouvent les lecteurs, selon les moments de leur quotidien. 

La revendication d’utilité locale vaut de la même façon pour les contenus publicitaires. Qu’est-ce qu’une intervention publicitaire locale, dans un magazine, un quotidien ou un site Internet si ce n’est la première étape d’une transaction, d'une mise en relation qui se terminera sur le point de vente, virtuel ou réel ? Et la mesure des lectorats prend un tout autre sens.

Dans la demande du public, à en croire ce rapport, la part de l’information générale, nationale, non localisable, est mince, car cette demande est - ou sera - bientôt satisfaite par d’autres moyens. 

En résumé, toutes les informations, les contacts, les solutions, partout, tout le temps.
L’entreprise de presse locale à venir est décrite comme une « nouvelle sorte de service fournisseur d’information locale et de connexion » ( « a new kind of local information and connection utility »). Cette nouvelle entreprise qui « rend service » est indifférente aux technologies, aux supports : papier journal, sites Internet, magazine, annuaire, vidéo, blogs, podcasts, flux RSS, suppléments, newsletter, site mobile, SMS, affichage numérique, il faut de tout pour faire un lecteur... et pour faire un journaliste.
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mardi 26 février 2008

Apollo, atterrissage en catastrophe

Testé depuis 2005 sur le marché de Houston (Texas, DMA N°10), le projet Apollo consistait en une énorme enquête de type source unique (single source), une de ces enquêtes où l’on obtient pour un même consommateur des informations sur ses achats de produits et sur sa fréquentation des médias (« consumer-centric vision »). Pour cela Nielsen fournissait des données de consommation (HomeScan) et Arbitron des contacts média radio et TV (Portable People Meter), à quoi s’ajoutaient des informations collectées en ligne sur les lectures de presse. Superbe théorie. Soutenue par de grands annonceurs de la grande consommation (dont Procter & Gamble, Kraft, Wal-Mart, Pepsi, Pfizer, SC Johnson, Unilever). Budget astronomique.

Conduit simultanément par les deux puissances légitimes de la mesure d’audience aux Etats-Unis, Apollo devait livrer des outils définitifs en termes de médiaplanning et des réponses opérationnelles quant au retour sur investissement publicitaire. Utopie cross-media de l’approche dite «360°». Tentation lancinante.

Devant la promesse d’un tel édifice, chacun y est allé de son discours de célébration, obligé, intéressé («Conceived as a breakthrough service for the next century», http://us.acnielsen.com/pubs/2004_q4_ci_media.shtml).

Et la langue de bois déversa ses power points.

Et pourtant, à y regarder de plus près, « sans prévention ni précipitation », ce projet conjuguait tous les traits d’une splendide usine à gaz, riche en tuyaux qui fuient et robinets qui coulent, en quotas introuvables et statistiques osées.

Et même sans le secours d’un très «malin génie», aux exigences de rigueur «hyperboliques», on aurait pu douter davantage : d’abord le budget, alors que beaucoup d’acteurs professionnels rechignent à payer la mesure de base, ensuite l’hétérogénéité de la collecte, la complexité du travail statistique qui s'en suit (fusion, modélisation, etc.) auraient dû inquiéter. Et puis, quand même, quelques médias étaient tenus à l’écart, Internet, la publicité extérieure, une grande partie des médias hors foyer (out-of-home), le marketing direct, etc. tout cela représentant bien plus de la moitié des investissements publicitaires.

Projet média pharaonique, dispendieux, aux nobles ambitions, qui était au marketing ce que le France et le Concorde furent à l’économie des transports grand public. Très grand panel (11 000 personnes dans 5 400 foyers, preque autant que le panel audimétrique national) pour un tel montage, mais si petit au regard de ce qui se peut pratiquer dans les médias numériques (TNS Media Research met en place un panel de 100 000 foyers avec DirecTV, par exemple). De plus, l' échantillonnage par quotas est si délicat qu’il est difficilement plausible : qui donc accepte de participer à ce type d’enquêtes, quelle représentativité, quelles études de calage adéquates au rythme des changements à prendre en compte ?

Cet atterrissage en catastrophe devrait signer la fin de ce genre d’aventures. Une époque des études publicitaires est en train de s’achever. Le numérique rend possibles d’autres approches associant consultations des médias et comportements d’achat, des tailles de panels passifs autorisant les échantillages aléatoires, des statistiques plus raisonnables.

Comment penser les conditions de l’erreur, l’épistémologie de tels fourvoiements : pourquoi une telle cécité de la part de si grands professionnels qui, mieux que nous, savent tout des limites nouvelles des formes traditionnelles d’enquête ? Difficulté de sortir des habitudes, de penser la rupture, même évidente, que consomment et l’évolution des médias et l’évolution des modes de vie. Peut-être aussi qu' à force d'être dans le feu de l'action, comme l'observe le Fabrice de Stendhal à Waterloo, il arrive que l'on n'y voit plus rien. En tout cas, ce sera une "erreur positive".

mardi 19 février 2008

ESPN The Magazine, en ligne avec la télé

Le magazine bimensuel du groupe de télévision sportive américain ESPN, (filiale de Disney) est en ligne. Un site à son nom, pour son dixième anniversaire.

Le site s’ouvre sur un planisphère interactif en plein écran permettant de situer d’un seul regard l'ensemble des plus grands événements mondiaux du sport à un moment donné, titrant à la manière d’Eratosthène et des géographes d’autrefois « THE WORLD (ACCORDING TO US) ».

http://sports.espn.go.com/espnmag/index

En ligne, le magazine s’affirme quotidien (ESPN The Mag. Daily). Truffé de blogs et de sujets vidéo, il s’essaie à prendre des airs de chaîne de télévision. Et y réussit. Robbyn Footlick, le rédacteur en chef parle de « lunchtime programming » pour évoquer la grille de ce type de média consommé de plus en plus souvent au bureau, au moment de la pause repas sur un écran d’ordinateur, et bientôt sans doute sur un écran de téléphone via Wi-Fi (cf. iPhone). Nielsen Online (VideoCensus) a effectivement distingué un prime time pour les sites de TV entre 12H et 14H en semaine. La Une, page d’accueil, ne comporte que peu de texte, hormis les grands titres, liens et menus déroulants. La publicité est pour l'instant en bandeau de haut d'écran (full banner) ; premier annonceur, Porsche (Cayenne), avec un lien vers son site.

Deux marques ou une seule ?

Le statut, le positionnement d’un site par rapport au média antérieur de même marque restent confus tant du point de vue du marketing de la régie que du marketing de la rédaction ou de l’antenne.

A son lancement, ESPN The Magazine apparut comme une extension de la marque télévision ; il s’agissait d’ailleurs du second lancement d’un magazine par ESPN après l’échec retentissant, en 1988, de TV Sport. Depuis, le magazine était réduit en ligne à une entrée dans le site espn.com : « The Sports Guy’s World ». Une déclinaison de la marque existait déjà en radio. Pour ESPN donc, il y a plusieurs supports et une seule marque. Et le magazine semble comme une marque dans la marque, puisqu'il a son site à part.

Pourtant, les contenus, la ligne rédactionnelle du site soulignent l’évolution de la presse lorsque Internet s’en saisit. Mais faut-il encore parler de presse ? Pourquoi ne pas comprendre plutôt que le magazine est la version papier, arrêtée, simplifiée, statique d'un site ? Ni le support, ni l’organisation des contenus, de plus en plus souvent audio-visuels, ni les ergonomies de lecture et de recherche, rien sur le site ne ressemble plus à un magazine. Et surtout pas la publicité, pour partie, croissante, interactive, ciblée et personnalisée à la volée selon les comportements modélisés.

Reste la marque qui les unit, justifie des additions d’audience et de notoriété. Les médias ont bien du mal à concevoir la liberté du lecteur, qui n’en fait qu’à sa tête et conjugue et décline à sa manière la relation éventuelle du papier et de l’écran.

La grammaire des consommations média est encore à imaginer.

lundi 18 février 2008

quadrantOne, couplage Internet plurimédia

Quatre groupe médias américains s’allient en une joint venture pour constituer un réseau publicitaire en ligne (online ad-sales network) : Gannett Co., Tribune Co., Hearst Corp. et The New York Times Co. Au total, 120 titres régionaux et plusieurs stations de télévision locale. 50 millions de visiteurs uniques / mois selon Nielsen, répartis dans 27 des 30 premiers marchés locaux (DMA). Quelques semaines plus tard, trois nouveaux groupes de presse rejoignent l'opération, McClatchy Co., A.H. Belo Corp. et Media General Inc. Désormais, le couplage réunit 250 quotidiens.

http://quadrantone.com/

Chacun des médias associés met des emplacements de qualité, dédiés, dans le pot commun. quadrantOne n’est pas exclusif : d’autres partenariats de ce type existent déjà pour la presse régionale, Yahoo Newspaper Consortium (634 titres dont 425 quotidiens, mais pas les titres de Gannett ou Tribune) et Google Print Ads (avec le Los Angeles Times et le New York Times).

L’ensemble permet le ciblage géographique, comportemental et contextuel (thématiques larges correspondant aux sections des journaux), tout en gardant l’image de marque et la notoriété construites par les versants off-line des médias : « Trusted Brands. National Reach », « Marques de confiance, couverture nationale ».

http://quadrantone.com/files/quadrantONE_Affiliate_List.pdf

Quelle est la logique économique d’un tel couplage ?

Tout d’abord, il réalise un produit qui n’existait pas auparavant. Chaque support support peut vendre, en plus, de l’espace national, régional ou pluri-local. Pour les annonceurs, il permet d’accéder à un média en ligne sur mesure, à portée nationale. Montage classique (cf. le récent couplage, Cox Cross Media, de Cox Television). En revanche, ce qui est nouveau dans le produit quadrantOne est l’association, grâce à Internet, de médias jusqu’à présent hétérogènes, papier et télévision. D’autres médias locaux peuvent d’ailleurs rejoindre quadrantOne, stations de radio, médias numériques de point de vente ou de transport … stratégie et mesure 360° !

Ensuite, il s’agit d’une association de quatre groupes pour la mise en place d’une plateforme technologique qui leur sera propre, au lieu de recourir à celle de Google ou Yahoo, concurrents potentiels de leurs régies. Pour être efficace, cette plateforme devra garantir aux annonceurs la réduction globale des coûts de transaction… L’objectif déclaré de quadrantOne est effectivement de permettre une transaction simple (un seul acte d'achat pour plusieurs supports), un bilan de campagne global et standardisé (reporting).

On voit à l’œuvre, dans ce couplage, le travail homogénéisateur des technologies Internet, qui créent une monnaie publicitaire unique, divisible, et qui en abaissant les coûts de transaction (cf. le débat théorique sur le théorème dit de R. Coase) conduisent des régies publicitaires à confier à des entreprises extérieures des activités qu’elles auraient autrefois développées en interne.

Internet dissout la notion de média pour ne garder que celle de support.

mardi 12 février 2008

Internet sort vainqueur du conflit studios / scénaristes

Internet ne veut plus faire média à part

Une élection discrète mais qui concerne indirectement tous les Américains, et, mondialement, tous les téléspectateurs, a réuni 10 500 électeurs aux Etats-Unis. Le scrutin concernait de la poursuite ou de l’arrêt de la grève des scénaristes syndiqués (Writers Guild of America), entamée il y presque 4 mois contre les studios (Alliance of Motion Picture and Television Producers). L'arrêt de la grève après 100 jours a été décidé par 92,5% des votants : les scénaristes retournent au bureau écrire la suite des aventures de "Grey's Anatomy", "House" et autres "Uggly Betty".

La raison de la grève : la rémunération des scénaristes lorsque leur travail est diffusé, streamé, téléchargé sur Internet (fixe ou mobile). La règle est qu’ils reçoivent une rémunération pour les scenarii exploités par les chaînes et stations de télévision, à quoi s’ajoutent des droits résiduels (residuals) pour les marchés secondaires (ancillary markets), VHS, DVD notamment mais pas Internet. Les scénaristes s’étaient déjà fait gruger par les studios dans le cas des cassettes puis des DVD. Cela ne devait pas passer avec Internet. Rappelons que en 1988, sur une question de residuals déjà (diffusion à l'étranger notamment), la grève des scénaristes avait duré plus de 5 mois !

Les grévistes ont obtenu 2% sur les revenus encaissés par les studios pour toute exploitation de leur travail sur Internet (et non un montant forfaitaire comme l’escomptaient les studios), 1,2% des paiements effectués par les internautes pour les téléchargements (et inversement lorsqu’une série réalisée pour Internet est diffusée en télévision). Ils ont obtenu les mêmes conditions (assurance santé, retraite) pour les scénaristes travaillant pour Internet que celles des scénaristes travaillant pour la TV traditionnelle. Ils accèdent aussi aux données financières de l’exploitation des séries (pour vérifier leur dû). Enfin, ils obtiennent une augmentation de 3,5% des salaires (3% seulement pour le travail distribué en prime time).

Une nouvelle négociation est prévue en 2011 : rythme triennal inadéquat à un univers médiatique qui change si vite. Auparavant, sur le même sujet, une autre négociation est à venir pour les studios : avec les acteurs (Screen Actors Guild) dont le contrat expire le 30 juin 2008.

A long terme, l’enjeu apparaît formidable, si l’on admet que la distribution des émissions (scripted shows) via Internet deviendra significative. La notion de "droits résiduels" et de "média ancillaire" est surannée, tout comme le fut en France, en télévision, celle de "chaînes de complément". Internet est devenu un média stratégique.

Qu'importe le mode de distribution, ce qui compte c'est l'émission. Il faut désormais mettre en en oeuvre une comptabilisation complète des audiences d'une émission, tout mode de distribution inclus. Et peut-être concevoir aussi des modalités d'intervention publicitaire transversales, également indépendantes des supports.

mardi 5 février 2008

Super Bowl, super pubs

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Depuis le 15 janvier 1967, où triomphèrent les Green Bay Packers, le Super Bowl est la finale du championnat de football américain. C’est aussi, désormais, la finale d'une sorte de championnat de la publicité télévisée américaine de l'année.

Cette année, la régie de Fox a vendu 63 emplacements de 30 s à 2,7 millions $ pièce (prix net), en moyenne (au total, 45mn10s de publicité, parrainage et autopromotion compris, selon TNS). Les messages étaient aussi placés sur le réseau social MySpace ce qui en a plus que doublé l'audience) puis, dès le lendemain, les messages étaient visibles sur de nombreux sites Internet, dont ceux de la presse. Parmi les messages, 8 concernaient des films en salles. Parfaite synergie de trois médias audio-visuels. USA Today, le seul quotidien national américain généraliste, a mis en place depuis longtemps un AdMeter pour évaluer la réception des messages et donne à regarder sur son site les messages agrémentés des taux d’intérêt de téléspectateurs. Voir YouTube aussi et son AdBlitz, et bien d'autres.
  • Evénements télévisuels et Internet vont bien ensemble. Pour peu que l’on en conçoive, en amont, la complémentarité et l’interaction. Car dans cette affaire Internet n’est pas un média ancillaire. La création triomphe donc, et l’on en oublierait les clichés obligés sur l’encombrement publicitaire (clutter), l’art d’éviter les écrans publicitaires, intrus et intrusifs (zapping, skipping, zipping, etc.) à coup de PVR, de TiVo, de télécommande. TiVo, qui, pour l'occasion, sert à revoir la pub, encore et encore : ainsi, dans les ménages équipés de TiVo, regarde-ton plus la publicité que le match. L’intrusion, c’est la pub médiocre qui s’impose au mauvais moment, à la mauvaise cible, à haute fréquence. D'ailleurs, la meilleure audience de l'événement télévisuel revient à un spot publicitaire, celui de Victoria's Secret (103, 7 millions de personnes contre une moyenne émission de 97,5, selon Nielsen). Très fort taux de rétention donc et aussi excellente mémorisation (recall), avec des taux supérieurs à 66%.
  • Quand la pub est bonne, placée où il faut, quand il faut, le téléspectateur en demande. Et il en redemande, sur Internet, où, si l’on en croit une enquête de comScore, il se rend autant pour consulter une information sportive que pour regarder la publicité. Pour 26% des téléspectateurs (35% des femmes, 16% des hommes), la pub est l'un des meilleurs moments du Super Bowl (« What is your favorite part of watching the Super Bowl? Watch the ads »), loin devant l’intermède de variétés diffusé à la mi-temps. 
Bravo les annonceurs ! Ils attirent l’audience, notamment l’audience féminine, suscitent son engagement, et, en plus, ils paient très cher. Le taux global de répétition, que l’on ne sait guère évaluer - pas mieux que l’engagement - doit être spectaculaire.
Selon Akamai, qui traque les audiences Internet pour la plupart des annonceurs du Super Bowl, le pic d’audience Internet est lié à la diffusion par Fox d'un message pour un site Internet : les visiteurs sont venus sur GoDaddy.com regarder le spot refusé à la télé !
Selon Nielsen, qui mesure les audiences télévisées, Budweiser l’emporte en nombre de téléspectateurs (spot créé par DDB Chicago). Mais le téléspectateur internaute, qu’a-t-il vu, combien de fois ? La création en matière d’évaluation de l’audience est encore à la traîne.
L’an prochain, le 1er février, c’est au tour du network NBC de retransmettre le 43ème Super Bowl. Mais d’ici là, nous aurons l’Euro 2008. La compétition publicitaire aura-t-elle lieu, en France ?
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samedi 2 février 2008

Lapsus télévisuel et corruption de la langue

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En direct à l’antenne, une jeune présentatrice de PRO 7, l’une des principales chaînes privées de télévision allemande (dans l'émission "Nightloft"), s’adresse à un téléspectateur qui a téléphoné : “Allons, tu dois être un peu enthousiaste, et ... travailler ... le travail rend libre”, suivi d’éclats de rire (“Ja aber komm, da musst Du ein bisschen enthusiastisch und... yeah arbeiten... Arbeit macht frei"). Cette répartie, d’où elle se trouve drôle, reprend le slogan qui surmontait la grille d’entrée de nombreux camps de concentration et d'extermination nazis. Cette présentatrice n’en savait sûrement rien. 

Ignorance satisfaite et béate de la présentatrice, qui s’excusera à la fin de l’émission invoquant le direct pour se justifier, "call-in Sendung" et “live moderation” ! Comme si le direct à bas prix donnait le droit de mettre et dire n'importe quoi à l'antenne.

Mise à jour 9 juin 2012 L'enregistrement de cette partie d'émission a été retiré de YouTube.

Au-delà de ces sinistres éclats de rire, tout ceci rappelle la force des mots, qui parlent à notre place, bien au-delà de ce que l’on pense. Car l’on parle toujours plus que l’on ne pense, surtout dans les médias. Et qui rappelle aussi le travail de “dénazification” d'une langue allemande empoisonnée que se proposaient, par exemple, le poète de langue allemande Paul Celan, mais aussi l’observateur méticuleux de la langue nazie, Victor Klemperer (LTI. Notizbuch eines Philologuen, 1957, Reklam Verlag, Leipzig). 

La langue est notre média de base, et les mots la matière première même des médias.