mercredi 20 août 2008

Livres et lectures numériques


Kindle est le support de livres numériques lancé par Amazon, depuis novembre 2007. D'après un "expert" de la Citibank, il s'en sera vendu près de 400 000 fin 2008 (pifométrie ?). Selon Amazon, l'offre d'ouvrages numérisés est d'environ 160 000. L'utilisateur du Kindle peut s'abonner à des quotidiens (dont Les Echos, Die Frankfurter Allgemeine, Le Monde pour la presse européenne (15$), la plupart des quotidiens des grandes agglomérations américaines pour 13 ou 14$ (cf. photo : la pub, en noir et blanc publiée en 4 de couv du supplément hebdomadaire TV, début août), The Wall Street Journal, Investor's Business Daily et The Financial Times pour la presse économique anglophone, ainsi que le Shanghai Daily (en anglais) ; il peut aussi s'abonner à des magazines (TIME, Atlantic Monthly, Forbes), à des blogs, etc.
Si le prix des livres électroniques est généralement moins élevé que celui des équivalents papier, la différence de prix est souvent décevante, quand elle n'est pas révoltante puisque parfois les prix sont plus élevés que pour le papier. Mais l'on peut aussi télécharger des classiques à des prix imbattables (tout Shakespeare pour 5 $, Faust pour 1$ ...).



























Formidable
  • Légéreté, portabilité (mais l'étui est ringard et le design pour le moins conservateur)
  • Achat facile en ligne à la librairie Amazon, une fois l'enregistrement des coordonnées effectué (carte de crédit, adresse de facturation, etc.)
  • Téléchargement immédiat
  • Pas d'installation : cela fonctionne sans délai (seul livre offert : le mode d'emploi !).
  • Excellente lisibilité par tout éclairage (e-Ink). On peut choisir la taille des caractères
  • Téléchargement d'extraits d'ouvrage pour les tester avant achat
  • Possibilité d'insérer des signets, consulter un dictionnaire, annnoter, effectuer des extraits
  • "Writing You Own Ratings and Reviews" : le lecteur peut rédiger une recension, noter un ouvrage (objectivation du travail de "prescription" entre pairs)
  • Possibilité de mettre un fond sonore (MP3) ou d'écouter des audio-livres (avec audible.com, racheté par Amazon, non testé)
  • Accès à Wikipedia
  • Possibilité de faire éditer ses propres documents (Word, etc.) par Amazon pour les lire sur le Kindle.
  • Hotline téléphonique sympa, attentive (selon mon expérience, heureusement limitée !)
Décevant
  • La comparaison avec les fonctionnalités et ergonomies de la lecture sur ordinateur. Par exemple : sélectionner un extrait de texte s'effectue par ligne, et non par division naturelle (paragraphe, phrase, mot) et à l'intérieur d'une seule page. Ainsi, pour chercher un mot dans le dictionnaire, vous sélectionnez une ligne et vous obtenez la définition de tous les mots de la ligne. Anachronique. Quant au clavier, il est peu commode.
  • Modèle économique inspiré d'Apple. Le consommateur est prisonnier d'un standard fermé (hérité de MobiPocket, racheté par Amazon), coincé sur un seul appareil, avec un seul fournisseur. Pas d'interopérabilité, pas de portabilité des contenus. Insupportable.
  • Trop cher le matériel (359 $), trop chers les livres. On attendrait aussi d'Amazon de la publicité ciblée, choisie par le lecteur, par exemple. Publicité utile au consommateur, aux éditeurs et qui abaisserait le seuil d'accès. Aucune innovation dans ce domaine : les éditeurs recourent de plus en plus à la PLV pour la promotion des livres alors que s'essouflent et disparaissent les suppléments littéraires de la presse quotidienne.
  • A l'époque, tant célébrée, de la mondialisation numérique, le produit reste terriblement national (carte de crédit américaine uniquement et, pire, le voyageur même américain ne peut acheter et télécharger un livre hors des Etats-Unis !). Insupportable.
Bilan
Une bonne idée, un bon produit, évidemment améliorables mais trahis par un marketing conservateur.
Des solutions concurrentes existent. Sony qui vend un Portable Reader (ci-dessous sur un présentoir dans une librairie Borders, et affiché dans les aéroports aux Etats-Unis) vient d'ouvrir son appareil aux autres librairies électroniques, soutenant ainsi le format EPUB de l'International Digital Publishing Forum regroupant Simon & Schuster, Penguin Group, HarperMedia, Hachette, HarperMedia et Harlequin. De même, il existe une appli pour acheter et lire des livres sur iPhone (cf. eReader), des dictionnaires qui s'installent sur les téléphones. Le eBook de Sony est vendu en grande distribution spécialisée (Best Buy, COMP USA, Borders, etc.). L'appli iPhone, gratuite, est d'installation immédiate. La lecture est agréable mais ne propose aucune fonctionnalité autre que la stricte lecture (cf. photo). Microsoft propose aussi depuis longtemps un logiciel de lecture et des ouvrages pour ordinateur et Pocket PC. SFR teste un eBook depuis juillet 2008.












La question clé sera celle des relations avec les éditeurs. Sur ce plan, Amazon bénéficie d'un avantage grâce à son immense librairie plurinationale en ligne. Economie de "longue traîne" (140 000 ouvrages) alors que la promotion continue de mettre l'accent sur les "top sellers".






La distribution des livres sur support électronique est inéluctable
  • Les eBooks ne peuvent ignorer les acquis de la lecture Internet et le statut particulier du livre, différent en de nombreux points des supports musicaux (CD).
  • Il faut laisser le lecteur choisir son format de lecture et ses libraires.
  • Que peut-on attendre de Google Book Search ? Un android pour livres ?
  • Il faudra imaginer les librairies, les métiers d'édition et le marketing qui correspondent à cette nouvelle distribution de l'écrit. La solution ne viendra pas de la réglementation mais de l'invention, en marche, sans doute en rupture avec des modèles mis en place il y a quelques siècles. Où l'on retrouve la question du droit des auteurs et du rôle des éditeurs, celle des bibliothèques et du prêt en général.
El iPod de las escuelas
  • Belle formule, prophétique, du quotidien El Pais, pour décrire l'avenir du livre électronique ! A terme, il peut être le support pour les manuels et les outils didactiques en général (calculatrices, dictionnaires, atlas). Un marché existe dès l'enseignement primaire. On pourrait enfin ne plus voir des enfants de 4ème promener des cartables de 10 kg ou des étudiant(e)s accumuler des manuels chers et rarement à jour. Bonne occasion de repenser le travail scolaire, la relation aux documents, le "par coeur", l'imitation : vaste programme !
Quel habitus de lecteur développerait l'ebook en comparaison avec le papier et avec Internet ?

La portabilité est accrue (plusieurs dizaines d'ouvrages en un seul support). Mais on n'a pas un livre "de poche".
Le feuilletage subsiste, dans les deux sens. Il est même plus fréquent car on ne voit qu'une page à la fois et les pages sont plus petites. La lecture reste donc linéaire, plus encore même qu'avec le papier car on ne peut sauter des pages aisément.
Pas de souris, pas d'hypertexte, pas de surf. Alors qu'il y a tant à inventer pour activer la lecture, savante ou distrayante, et la rendre plus riche, efficace et passionnante.
Qu'est-ce qu'un livre à l'âge de ce que Alain Chartier appelle "la textualité électronique" ? L'écrit a connu toutes sortes de supports, lattes de bambou, rouleaux, tablettes, etc. : le livre actuel (codex) n'est que l'un d'eux, l'écran numérique aussi. Le support inculque une manière de lire, et d'écrire, dès l'enfance : comment croire à un eBook ignorant de l'habitus de lecteurs travaillés par l'iPhone, le SMS, le jeu vidéo et Internet ?
Le livre électronique n'est pas un gadget, c'est un des piliers d'une nouvelle fondation de la culture et de sa transmission.







mardi 12 août 2008

Tout marketing est géomarketing


Internet met la cartographie à la portée de tous, tout le temps, partout. Mobile ou immobile, la cartographie n'est plus seulement une information passive : elle est potentiel d'action. Repérer des points de vente pour un produit/service, en sélectionner un, obtenir ses coordonnées, des directions pour s'y rendre, etc. Cartographie interactive, personnalisable.

En auto, à pied, en tram, en bus ou à vélo... le téléphone est une boussole moderne dont le GPS et la cartographie font un outil marketing omniprésent : Google Maps, Yahoo! Local Maps, Mapquest, Live Search Maps (Microsoft), Nokia Maps (qui a racheté Navteq, s'allie à Lonely Planet), Garmin, TomTom... Les nouveaux terminaux téléphoniques (iPhone 3G, HTC Diamond, Nokia N95, Samsung Instinct, par exemple) y puisent un argument d'achat et de distinction (cf. illustration, dans une Apple Store, aux Etats-Unis)
Google y ajoute la plannification des trajets utilisant les transports en commun (transit functionality), accessible pour divers téléphones (BlackBerry, Windows Mobile, Symbian, Java). Une cinquantaine d'agglomérations sont concernées par le premier test, dont deux en France : Bordeaux (tram et bus, avec Tbc) et Maubeuge / Val de Sambre (bus, avec stibus).

Google a acheté à la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA) l'exclusivité des droits d'exploitation cartographique on-line du satellite GeoEye-1, indiquant l'importance que l'entreprise accorde à la cartographie. Satellite lancé le 6 septembre 2008.

Les données de comScore / M:Metrics indiquent une hausse des usages de la cartographie mobile de 82% aux Etats-Unis. En tête, le iPhone suivi du N75 de Nokia. Les utilisateurs ne représentent encore qu'une faible partie des abonnés à la téléphonie portable (moins de 3% en France, 7,5% aux Etats-Unis) mais la chute des prix des appareils et des services amplifiera les usages jusqu'à en faire un outil universel.
Pour l'Internet fixe, la pénétration est plus avancée. Plus du tiers en Europe, près de la moitié des internautes aux Etats-Unis recourent aux outils cartographiques. La carte, le plan sont moyens de recherche marketing, mais aussi des outils efficaces pour présenter et lire les résultats (map mashups, voir par exemple le mapmixer de Yahoo! ou Minimap Sidebar de Mozilla), outils qui appellent une sémiologie cartographique appropriée. Tous les sujets s'y prêtent : le ministère espagnol de la culture recourt à Google Maps pour fait valoir le patrimoine culturel des régions avec Geocultura (idée que devrait bien suivre la prochaine édition de l'inventaire communal de l'INSEE), SpaceFoot y recourt pour faire valoir et animer le patrimoine footballistique amateur français. Avec l'API Gears Geolocation, Google donne à un site les moyens de localiser ses visiteurs et d'y adapter son offre en utilisant l'adresse IP, les coordonnées de la cellule téléphonique dans laquelle ils se trouvent, des données de la connexion Wi-Fi, etc. Cf. Google Code Blog.
Tout annonceur peut être présent sur Local Business Center de Google qui constitue un annuaire cartographique gratuit avec photos, vidéos et informations essentielles pour les clients. De plus, le géo-marquage des photographies (geotagging) donne aux commerçants et aux clients des resssources marketing nouvelles. La bataille des annuaires promet d'être rude.

Enfin, le croisement de la lexicographie et de Street View, grâce aux technologies dites "text-to-image" (OCR, Optical Character Recognition) est explosif puisque les éléments langagiers (graphèmes) inclus dans les images photographiques du paysage urbain pourront être repérés et indexés par les moteurs de recherche. D'autres projets du même ordre sont en cours comme MARA de Nokia (Mobile Augmented Reality Applications).
"L'alphabet des enseignes", cher au poète russe Vladimir Maïakovski, rentre ainsi dans le rang des textes indexables.

jeudi 7 août 2008

Comment le Web change le monde


Francis Pisani et Dominique Piotet ont réussi une large synthèse donnant à percevoir et comprendre au grand public éclairé ce que devient Internet. Un bilan aussi, positif, optimiste. Ce travail de sensibilisation et d'explication a parfois, et c'est bienvenu, des allures de manuel. Exemples, interviews, biblio, on ne s'y perd pas (pour la prochaine édition, ne pas oublier l'index !). Pas de technologie, plutôt un essai de réflexions stratégiques.

La tonalité générale oscille entre didactique et célébration. Tout le credo Internet est là, avec ses "théories", ses miracles attendus, techniques et boursiers, ses illusions nécessaires. Tout ce qui meuble les topos des analystes financiers et des levées de fonds. Une sorte de consensus intellectuel de marché. Le sous-titre revendique tout cela : "l'alchimie des multitudes", alchimie sociale toujours surperformante avec ses réseaux, ses amateurs, ses longues traines, crowd sourcing ... on est loin de la "multitude vile" de Baudelaire !



Cet ouvrage témoigne d'une incroyable confiance dans le "Progrès" : parfois, les analyses semblent conjuguer à l'impératif des technologies du XXIème siècle avec une idéologie du 19ème, positiviste (Saint-Simon, Auguste Comte). La philosophie est toujours en retard, disait Hegel !
Assurément, les auteurs sont des fans d'Internet et de sa culture, avec ses héros, ses légendes, sa mythologie, son folklore. Et en lisant, on a envie d'en savoir plus, la curiosité est éveillée, on se prend à admirer ... et l'on passe subrepticement du "manuel" à la "célébration". Comment résister à un enchantement si communicatif ? Il faudrait un "malin génie" délibérément, hyperboliquement désenchanteur, pour douter d'Internet, en tout point. Par provision. Travail d'épistémologue. Redoutable. Pointons au moins quelques attentes.
  • Sur le plan de l'entreprise, y compris individuelle, et de l'université manque un portrait des nouveaux "assis" du numérique, "genoux aux dents", qu'il faudrait regarder avec les yeux de Rimbaud. Etre connecté en tout temps, en tout lieu ? A quoi ? Facebook, Twitter ? 
  • Manque aussi, au delà des idées générales sur l'organisation ("l'entreprise liquide"), l'effet des technologies numériques sur le monde du travail : du principe de plaisir qui gouverne peut-être le Googleplex au principe de réalité qui taraude sûrement les modestes startups. Qu'est-ce qu'un syndicat dans l'entreprise numérique, qu'est-ce qu'un patron, une grêve dans le numérique ? Comment s'arbitre l'idéal anarchiste d'Internet avec la nécessité de servir des clients, des actionnaires et un nouveau genre de petits chefs ? Internet, n'a peut-être guère changé le monde ... du travail. Qu'est-ce qui se mijote dans l'entreprise numérique, un Tiers-Etat d'ingénieurs et d'associés, un prolétariat ?
  • L'ouvrage exploite surtout des exemples américains. Ethnocentrisme spontané ? Les entreprises françaises sont peu présentes, tout comme celles d'Amérique latine que connaît pourtant bien l'un des auteurs, celles d'Asie, d'Afrique, etc. Comment fonctionne la géographie d'Internet : des centres de recherche aux Etats-Unis, des petites mains à la périphérie ? Assiste-t-on au pillage numérique du tiers-monde ? Où commence la périphérie ? Dites, c'est loin le tiers-monde ?

Ce livre constitue un débroussaillage réussi, indispensable. L'enthousiasme y corrompt parfois l'analyse. Espérons de nouvelles éditions. Les "dispositifs" d'Internet n'ont pas encore suscité une science rigoureuse des changements numériques. La tentation du prophétisme socio-technologique qu'encouragent les demandes du marché menace chaque essai de généralisation.

dimanche 3 août 2008

La loi Bichet, façon Walmart

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MediaGuardian.co.uk (le site du quotidien anglais) publie un mémo interne adressé par l'enseigne de distribution Asda, filiale de Walmart depuis 1998 (Asda a racheté Sainsbury's en 2003) aux magazines anglais qu'elle distribue. Ce document envisage, comme base de discussion, une nouvelle forme de rémunération du distributeur pour les linéaires presse dans ses magasins : troquer cet espace contre des pages de promotion / publicité ou de couverture éditoriale (editorial / advertising space) gratuites.

Erreur commise par un débutant, selon le communiqué de Asda ! Le mémo prévoit aussi, outre la rémunération du mètre linéaire ("space contribution"), un bonus indexé sur les ventes (2% trimestriel), une compensation en cas de ventes inférieures aux prévisions ( "hurdle rate"), etc. Asda demande aussi aux titres de mettre en place des "linksaves" incitant le client à tester avantageusement un autre produit (avec réduction de prix, etc.).

Bien sûr, les groupes de presse crient qu'on leur fait outrage. De son côté, Asda rappelle au Guardian qu'établir une "liste de souhaits" comme point de départ avant une négociation est une procédure normale : "The email sets out a number of proposals aimed as a starting point to begin discussions. As with any negotiation, both parties have a wish list which will quickly change as middle ground is sought and an agreement that suits both parties is found."

Au-delà des discours d'usage, ce mémo doit donc être interprété comme un acte manqué révélateur de l'inconscient de la grande distribution, de la manière dont serait traitée la presse en l'absence de toute législation ou réglementation spécifiques.
Ce courrier, merveille de clarté (ce débutant a de l'avenir !), constitue une invitation à distinguer et calculer l'impact des législations européennes en matière de distribution (en France, la loi Bichet). Cette "wish list" est tout un programme.

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mercredi 30 juillet 2008

Des écrans dans le métro de Shanghai

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Le métro de Shanghai (11 lignes) installe 292 écrans de 42 pouces sur deux de ses lignes (8 et 9, soit 271 000 passagers / jour). VisionChina Media ( 华视传媒) qui a gagné l'appel d'offre obtient pour ces deux lignes la concession en exclusivité de l'ensemble du travail média : production, installation, mediaplanning, régie publicitaire). Les messages (15 s) sont diffusés durant 16 ou 17 heures par jour. A terme, l'ensemble des 11 lignes touchant plus de 26 millions de personnes (CTR Research, fin 2007) sera couvert par VisionChina Media.

Cette société est déjà présente dans plusieurs agglomérations chinoises avec près de 50 000 écrans installés dans les bus et trains de banlieue (Beijing, Changchun, Chengdu, Dalian, Harbin, Nanjing, Ningbo, Shenzhen, Suzhou, Wuhan, Wuxi, Zhengzhou). Elle collabore pour les contenus avec les stations locales de télévision.
Après Focus Media (分众传媒,ascenseurs, cf. "Focus Media : la publicité prend l'ascenseur", AirMedia (航美传媒, aéroports, coté au NASDAQ depuis novembre 2007), VisionChina est à son tour coté au Nasdaq (VISN) depuis décembre 2007.

Un nouveau média publicitaire se met en place, puissant autant par la couverture que par la fréquence. Il cumule les avantages de la télévision pour ce qui est de la création et de la flexibilité en médiaplanning, donc de l'impact. La rupture avec l'affichage papier est radicale, irrésistible. Média de la mobilité urbaine, gratuit, qui informe et fait passer le temps, il accompagne dans sa vie quotidienne la plus grande partie de la population active. Audience prévisible, modélisable.
Ce média est en phase avec les inéluctables transformations de l'économie et de l'urbanisme. Moins de papier et d'impression (à la différence de l'affichage), associé à un moyen de transport que ne menacent ni l'enchérissement de l'énergie ni la lutte contre la pollution, il est lié vertueusement à la restriction du transport individuel dans le centre des villes.
De plus, sa modernité lui permet de disposer d'une mesure passive des audiences et des contacts comme aucun autre média. Et l'on est loin d'avoir entrevu toutes les possibilités d'interactivité qu'il peut susciter grâce à la téléphonie portable et à l'Internet mobile.
Tous les indicateurs convergent pour faire du numérique dans les transports l'un des grands médias de l'avenir.

Plusieurs chantiers doivent encore s'ouvrir pour donner à ce média de masse sa pleine dimension : une création et une créativité adaptées aux conditions de réception et qui maximisent la mémorisation et l'intérêt (agrément, likeability), un marketing innovant qui construit des cibles adaptées aux annonceurs (rythme et durée des voyages, typologie d'itinéraires, horaires, point de départ / d'arrivée, etc.), son marketing peut aller bien au-delà des variables socio-démographiques, souvent réductrices.
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dimanche 27 juillet 2008

Quand Internet compense la TV : vers un marché média unifié

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Lorsqu'une régie TV garantit une audience à son acheteur (client direct, agence média), elle prévoit des mécanismes de compensation pour le cas où le niveau garanti ne serait pas atteint. La procédure est courante dans l'achat TV américain depuis des décennies (N.B. Seul l'achat upfront est assorti de garanties, l'achat scatter n'en prévoit pas).

La mécanique commerciale des compensations se propage désormais d'un marché publicitaire à l'autre, de la TV à Internet.
On a déjà connu des cas où une audience insuffisante sur les écrans de la chaîne généraliste donnait lieu, faute d'espace disponible sur cette chaîne, au transfert des compensations sur des chaînes thématiques du même groupe. Il est de l'intérêt commercial de la régie de mainterir une offre en scatter (généralement un tiers de l'offre totale) ; or les compensations assèchent cette offre publicitaire, provoquant une diminution de chiffre d'affaires que ne compense pas la hausse des prix de cet espace devenu plus rare (ce qui incite les annonceurs à acheter d'avantage sur le marché upfront l'année suivante, etc.).

La régie publicitaire de ABC (Disney), le network américain, met en place une garantie qui prévoit d'effectuer les compensations éventuelles (make-goods) sur les sites de streaming du groupe. Exemple (fictif) : une chaîne a garanti n GRP sur une cible 25-49 pour une émission du jeudi soir ; l'audience réalisée s'avère inférieure à cette garantie, la chaîne compense avec de l'espace publicitaire dans les écrans de streaming du groupe (sites du groupe, plateformes diverses).
On passe donc d'une gestion mono-support de l'inventaire publicitaire à une gestion pluri-support (ou multi-plateforme), intra-groupe. Car on peut aussi imaginer des compensations d'Internet en TV ou sur des réseaux d'écrans dans les hypermarchés, les transports (digital signage). Le marché publicitaire devient ainsi plus dynamique et flexible donnant davantage d'espace à la créativité commerciale.
  •  Cette pratique confère à la diversification  multiplateforme des groupes médias une importance stratégique.
  • Discrètement, un système d'équivalences entre différents supports de publicité se dessine, définissant implicitement un "équivalent général" entre actions publicitaires ("cristal qui se forme spontanément dans les échanges", comme l'appelait Marx). La compensation devient monnaie publicitaire courante. A terme, se profile un marché où seraient cotées les monnaies publicitaires, définissant des parités et permettant toutes les opérations monétaires usuelles. La métaphore peut mener loin : quid d'une banque centrale, de réserves obligatoires, etc. Un marché média unifié se profile.

mardi 22 juillet 2008

Réponse à DS sur la mesure multiplateforme

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Suite au post du 17 juillet sur la mesure multiplateforme, DS s'étonne de la difficulté à mesurer l'audience des nombreux sites retransmettant l'émission de CBS (CBS Audience Network) : "Je suis étonné que la mesure dédupliquée d'un même contenu diffusé sur des centaines de sites soit si problématique".

En fait, cela tient à l'hétérogénéité des supports :
  • une chaîne de télévision nationale mesurée avec un audimètre individuel (du type people meter) et tenant compte de la consommation différée à J+3,
  • des sites Internet de streaming mesurés par des panels en ligne (Nielsen et comScore), et mesurés aussi par divers outils dits Webanalytics (pas de standard commun) ; les mesures obtenues par les uns et par les autres diffèrent grandement,
  • des services de vidéo à la demande sur le câble faisant l'objet d'une mesure particulière,
  • des chaînes sur téléphone portable avec des outils de mesure spécifiques.

Dans ces conditions, il est impossible de dire si un téléspectateur regardant l'émission sur la chaîne a aussi regardé les mêmes messages publicitaires sur Internet (répétition), autrement dit, quelle est le duplication internautes / téléspectateurs / mobinaute (duplication). La discontinuité est absolue entre ces 4 plateformes techniques.
A cela s'ajoutent plusieurs problèmes techniques qui alentissent la mise en place d'un standard pour la mesure de la vidéo, indifféremment au support.
  • Quel laps de temps prendre en compte pour totaliser les contacts (GRP) ? Il aura fallu des mois pour dégager un consensus sur la prise en compte de l'audience différée sur le téléviseur (effet des enregistreurs numériques, DVR et autres TiVo). L'accord sur un standard commun on et off line sera long car tout le médiaplanning télé reste fondé sur un principe suranné, celui de la diffusion unique et simultanée de l'émission : il faut aligner le médiaplanning TV sur celui d'Internet, qu'il en acquiert la flexibilité et la richesse.
  • Comment sommer des contacts provenant de supports hétérogènes ? On cuisine alors, comme l'on dit, des choux et des navets ... ce qui peut être une bonne recette, mais on ne peut donner de distribution de ces contacts globale. Ceci ne sera possible que lorsqu'une source unique alimentera en ligne téléviseur, ordinateur, console, téléphone (n tuple play). Une innovation de télé-achat comme celle de TiVo avec Amazon qui associe un site Internet avec une connection TV (mot de passe, identificateur communs) va dans ce sens. De même, l'association sous l'égide d'une filiale de Comcast (ThePlatform, la bien nommée) d'un service offrant les vidéo on-line pour les plus grands opérateurs du câble américain (Time Warner, Cablevision et Cox Communications, plus Comcast) va aussi dans ce sens. Dans ces deux exemples, la continuité télévision / vidéo en ligne est possible, donc la déduplication.
  • Enfin, peut-on admettre sérieusement l'équivalence, du point de vue de l'impact publicitaire, de contacts réalisés sur grand écran (téléviseur), sur petit écran (ordinateur) ou sur très petit (téléphone) ? La notion de contact doit être remise en chantier pour le médiaplanning du numérique : les contacts sont inégaux.
Pour finir, signalons, qu'une étude ad hoc publiée aujourd'hui par Magid Media Labs (menée pour CBS auprès de 50 000 streamers) établit que nombre d'internautes spectateurs de l'émission en ligne vont ensuite la regarder sur le téléviseur. Cette enquête établit aussi que l'âge moyen des spectateurs on line (38 ans) fait baisser l'âge moyen de l'audience de la chaîne TV (54 ans). 46% des internautes téléspectateurs de CBS regardent les émissions en ligne : l'audience Internet devient donc décisive pour la chaîne qui distribue les émissions comme elle l'est pour les scénaristes et les acteurs (d'où la grève de cet hiver). La distribution en ligne ne concurrence guère la distribution traditionnelle (câble, satellite, terrestre, télécoms), au contraire.
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samedi 19 juillet 2008

Baidu : l’exception culturelle 百度更懂中文

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Baidu est le premier moteur de recherche de l’Internet chinois : 60 % des recherches en Chine sont effectuées avec Baidu. La Chine est le premier pays au monde pour Internet, devant les Etats-Unis.
Comment Baidu a-t-il résisté à Google alors qu’en France, par exemple, Google détient plus de 90% de part de marché, ne laissant que des miettes aux moteurs issus de cultures européennes ?
Pour expliquer cette réussite, la direction de Baidu rappelle l’origine de la marque "Baidu" : mot à mot, Baidu signifie « très nombreuses fois », (百度 évoque un poème classique de la dynastie Song ("青玉案·元夕", 960-1279), écrit par 辛弃疾 (Xin qiji). Le poème décrit la recherche de l’âme sœur par un jeune homme, qui finit par la retrouver, après de nombreuses recherches, dans le chaos de la vie et de la ville. Imaginons un moteur de recherche européen qui devrait son nom à Du Bellay ou Pétrarque...

百度更懂中文 : "Baidu sait mieux le chinois" 


Baidu sait mieux le chinois que les Américains : c’est le thème d’un message publicitaire de Baidu diffusé à la télévision chinoise et sur Internet. Ce message illustre un tournant symbolique dans les rapports de forces culturels. 
Dans ce message, un jeune lettré du XVème siècle (Tang Bohu, (唐伯虎 de la dynastie Ming) s’oppose à un Américain. Le duel littéraire consiste à ponctuer un texte en vue d’une récompense. Ce duel de lecteurs suppose une maîtrise parfaite de la segmentation. Google et Baidu se sont affronté sur la question du segmenteur.
L’Américain, tout droit sorti d’un western, propose une lecture simpliste ; le jeune lettré entre en scène, s’esclaffe et administre, pinceau à la main, une leçon de segmentation : la segmentation est un problème clé pour un moteur de recherche en chinois où le même espacement sépare les "mots" et les caractères qui composent les mots (中文分词技术). Le texte affiché juxtapose trois fois en quatre colonnes les expressions "Je sais / Tu ne sais pas" (我知道你不知道). Avec ces caractères, sans changer leur disposition, on peut former nombre d'énoncés différents, selon la segmentation : "Moi, je sais ; toi tu ne sais pas. Je sais que tu ne sais pas, etc."
Baidu revendique la tradition culturelle au service du numérique, la culture particulière plutôt qu'une méthode universelle. Résistance culturelle et positionnement marketing vont de pair.

Universalité et uniformité
Comme l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert fondait les Lumières, les moteurs de recherche, outils de classement et d’exposition (indexation), universalisent l’accès aux cultures. Mais une culture ne peut être séparée ni de son organisation ni de sa langue. Un moteur de recherche ne peut se penser hors d'une langue et d'une culture, culture qui ne peut sans dommage être réduite à un stock lexical, tout comme le font également les outils de traduction automatique associés aux moteurs de recherche.

La solution : multiplier les moteurs au service de la diversité langagière. Dans ce domaine, comme l'établit François Jullien : "le châtiment de Babel, c'est la nécessité de traduire qui met au travail les cultures entre elles"(De l'universel, de l'uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures, p. 248). Cette affirmation vaut pour les moteurs de recherche dont l'objectif n'est pas d'effacer les différences mais plutôt d'en rendre compte (de même que traduire doit faire valoir les différences et non les abolir).

La part de marché de Google dans les recherches effectuées par les internautes est un symptôme : un même moteur de recherches, hégémonique, applique à des langues différentes une seule et même méthode, issue d'une seule langue. Le châtiment de Babel s'avère ainsi une bénédiction, une opportunité. Il invite l'organisation sociale à construire la concertation des différences plutôt que l'uniformité.

谢谢,岚
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jeudi 17 juillet 2008

You're watching "Big Brother"

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CBS diffuse l'épisode estival de Big Brother depuis le 13 juillet. Les téléspectateurs américains ne manquent pas de choix pour regarder cette dixième édition du reality show de Endemol. Le network a mis en oeuvre une stratégie multiplateforme tous azimuts :
  • la chaîne nationale (network), bien sûr
  • son site national cbs.com
  • la chaîne payante parente Showtime pour "Big Brother After Dark" (après minuit et demi) sur laquelle il y aura un talk show ("House Calls") et un streaming vidéo continu en direct (avec RealNetworks).
des plateformes de distribution vidéo sur Internet :
  • AOL, Microsoft, CNET Networks, Yahoo, Comcast (câblo-opérateur) Joost, Bebo, Netvibes, Sling Media, Veoh, entre autres
  • Automattic, Brightcove, Clearshipring, DAVE Networks, Goowy Media, meebo, MeeVee, Musestorm, Ning, RockYou, Slide, ViedoEgg, Voxant et vSocial.
et puis encore les sites Internet de médias locaux :
  • ceux des 29 stations de CBS (O&O), des 183 stations affiliées au network et de 144 stations radio
et la téléphonie :
  • sur le téléphone portable avec CBS Mobile Network ou MediaFloTV avec un jeu interactif en direct mis en place par CBS et AirPlay permettant la participation au Big Brother Live TV Challenge (gagnant un voyage pour la finale à Los Angeles). Sur les sites des partenaires publicitaires, des produits dérivés de toutes sortes : vidéo, photos, alertes, papier peint, sonneries, résumés, ...
Au total, près de 400 plateformes de distribution.

Quelques conclusions
  • Dispersion, émiettement des offres et sans doute, des audiences. Contrepartie logique d'une télévision offerte à la demande, omniprésente. Dispersion et omniprésence sont inséparables. Leur affecter séparément un signe, négatif à la dispersion, positif à l'omniprésence est sans intérêt.
  • Sans doute aussi, augmentation de l'audience globale (non mesurable actuellement).
  • Offre linéaire et délinéarisation totale coexistent (et ne s'excluent pas, comme on le rabâche parfois) et sont peut-être en synergie.
  • Notons l'absence de quelques plateformes dont Hulu, iTunes, YouTube (où pourtant se trouvent des extraits du même reality show diffusés dans d'autres pays).
  • Le plus complexe est bien sûr la commercialisation de l'espace publicitaire, de cette audience aux contacts multiples, dont il est difficile d'évaluer les GRP, faute d'une mesure d'audience multiplateforme capable d'observer les répétitions.
  • Et des contacts de nature variable, tant sociale que physique.

Voici l'avenir. Ce n'est pas l'enfer mais il faut pour l'instant laisser ses illusions statistiques en entrant dans cette nouvelle ère.
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lundi 14 juillet 2008

La TV publique et le Web : quel financement

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Les impôts (redevance, etc.) doivent-ils, peuvent-ils servir à payer les développements de la télévision publique sur le Web ? Est-ce la lettre et l'esprit de la loi ?
  • PBS.org, le site du network de la télévision publique américaine semble dépasser en audience les grands networks commerciaux. Selon Hitwise, PBS.org aurait une part d'audience hebdomadaire de 24% des visites (Semaine 3, juin), devant ABC (19%), NBC (18%), CBS (18%) et Fox (17%). Le network de secteur public attribue ce succès aux nombreuses heures de vidéo mises à disposition ainsi qu'à la qualité sans cesse améliorée de son référencement naturel.
  • La BBC programme un investissement de 85 millions d'€ d'ici 2013 pour la réalisation de 65 sites Internet couvrant la totalité des régions de Grande-Bretagne, BBC Local. La BBC prédit pour la vidéo locale une audience cumulée hebdomadaire de plus de 11% des foyers d'ici 2013. La BBC déclare qu'elle ne concurrencera pas les sites commerciaux et mettra ses contenus vidéo à disposition des autres médias locaux.
  • En Allemagne, les médias commerciaux (presse, TV) demandent au législateur de limiter le développement des chaînes publiques (ARD, ZDF) sur Internet : ils y voient une concurrence déloyale (distorsion de concurrence, Wettbewerbsverzerrung) de médias financés par l'impôt ("Rundfunkgebühr", cf. l'article du quotidien Handelsblatt).
Internet, média des médias, brouille les frontières entre médias et invite à un redéploiement à 360° du débat politique sur les financements publics des médias (télévision et radio publiques mais aussi "aides à la presse").

NB : Hitwise (groupe Experian) recourt à une méthodologie dite "network centric" pour évaluer les audiences à partir des données transmises par les FAI (Fournisseurs d'Accès Internet).
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mercredi 9 juillet 2008

L'avenir média de la météo

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On attribue au romancier américain Mark Twain la phrase qui donne la clé du succès médiatique de la météo : "Everybody talks about the weather but nobody does anything about it" (tout le monde parle de la météo mais personne n'y change rien). La météo est l'un des contenus les plus recherchés par les médias (Weather.com a une audience voisine de celle de CNN.com). Aux informations et prévisions, s'ajoute un aspect documentaire et vulgarisateur : réchauffement climatique, incendies de forêt, tremblements de terre, environnement, etc. Comme le sport et la bourse, la météo se repaît de statistiques mais aussi de cartographie, contenus automatisables, personnalisables, localisables. De plus, les événements météorologiques, presque toujours dramatiques, ne manquent pas et les présentateurs de la télé ont quelque chose de romantique : "Levez-vous orages désirés !" D'ailleurs, la météo a ses stars : James Cantore (The Weather Channel), Catherine Laborde sur TF1.

Aux Etats-Unis, la bataille pour la première chaîne météo, The Weather Channel (TWC), s'achève. Le groupe NBC (General Electric) l'acquiert auprès de Landmark Communications pour 3,5 milliards de $, associé à la Deutsche Bank, General Electric et des hedge funds de Bain Capital et The Blackstone Group. CBS, Comcast et Time Warner qui avaient fait connaître leur intérêt se sont désistés (mais Comcast rachètera NBC). Le prix de 35 $ par abonné est supérieur à celui de l'acquisition, par NBC, de Bravo (chaîne culturelle, 22 $ en 2002) et de Oxygen (chaîne Femmes, 12 $ en 2007). Sundance Channel (chaîne cinéma) a été achetée en 2008 par Cablevision Systems pour 19 $ / abonné (NBC en détenait un tiers).
L'acquisition comprend la chaîne TVC (crée en 1980, 97 millions de foyers abonnés), le site Weather.com (35 millions de visiteurs uniques en juin, selon comScore), Weather Services International (services de prévisions, 5 500 clients), Electronics Corporation (radars météo) et une participation dans Pelmorex (météo canadienne).
Quelle évolution après l'acquisition ? Trois évolutions semblent primordiales :
  1. Les contenus météo pourront être exploités par toutes les chaînes d'infos de NBCU (NBC, CNBC, MSNBC, stations O&O et affiliées, etc.) et par Internet. Cette acquisition consolide la puissance de NBC sur Internet et en téléphonie au moment où se cumulent les audiences tous médias.
  2. En 2004, NBC avec ses stations affiliées avait lancé NBC Weather Plus, qui décollait difficilement (la chaîne est toujours dans le rouge). Une fusion des moyens semble inévitable.
  3. NBC devra augmenter progressivement la contribution des réseaux câblés et opérateurs satellite qui ne versent que 11 c pour retransmettre TWC (selon les standards du marché, on attendrait 25 c).
TWC n'aura qu'un seul grand concurrent sur le marché américain, The Local AccuWeather Channel souvent présent en marque blanche dans les stations TV, les réseaux câblés et leurs sites. Signalons une initiative qui devrait inspirer des imitations : le Denver Post, quotidien de Denver, publie une comparaison des prévisions météo, après coup, le Weather-O-Meter.

Et en France ? Lagardère a vendu La Chaîne Météo (bénéficiaire) en 2006 au groupe Meteo Consult (Prosodie)... stratégie mystérieuse.

Mises à jour octobre 2008
  • Gulli et Tiji, deux chaînes TV pour enfants de Lagardère, mettent en place une météo adaptée à leur public.
  • Le Groupe Figaro acquiert Meteo Consult (10,2 millions de VU /mois selon Nielsen Netratings.
La météo est aisément multimédia et multi-support : pas de média sans météo, pas d'info sans météo. Elle est présente sur les téléphones, encadre le prime time, trône dans les portails. Chaque pays a sa chaîne météo, chaque région, chaque agglomération l'aura. La météo se combine au sport, à l'agriculture et à la pêche, au jardinage, aux vacances, au voyage, au tourisme. La météo, c'est du quotidien, du local de chaque instant, pour les loisirs et pour le travail. Montesquieu avait raison de voir dans l'homme un être du temps qu'il fait et des climats.
L'avenir média de la météo est au beau fixe !
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mercredi 2 juillet 2008

Football : audiences TV et construction de l'Europe


Demi-finale Coupe du Monde 2006 (France-Portugal) : 22,2 millions de téléspectateurs (audience mesurée) pour TF1
Finale Euro 2008 (Espagne-Allemagne) : 11 millions de téléspectateurs (audience mesurée) pour TF1
Finale Coupe du monde 2006 (France-Italie) : 22,1 (audience mesurée) pour TF1

Source : Mediamat, audience mesurée car une importante partie de l'audience, différée, sur ordinateur, hors foyer n'est pas mesurée
  • Les 11 millions de téléspectateurs en direct pour une finale sans l'équipe de France indiquent le nombre des passionnés de foot en France. Ce noyau dur rassemble licenciés et anciens licenciés (FFF, scolaires, etc.), pratiquants et anciens pratiquants, passionnés sans carte (loisisrs, vacances, etc.), sports voisins (beach soccer, foot de rue, etc.), grossis de fans quelque peu chauvins...
  • Les 11 millions manquants indiquent les téléspectateurs d'occasion, ceux qui ne viennent au football que stimulés par un événement débordant le foot. Pour un rendement optimum, l'événement doit réunir plusieurs conditions : une finale + une équipe nationale qui peut gagner + des joueurs idolâtrés (type Zidane). Formule rare. Achetée 50 millions € par les deux grandes chaînes commerciales, la Coupe d'Europe n'a sans doute rapporté que la moitié de cette somme (seuls les chiffres d'affaires bruts étant publiés, il s'agit d'une approximation). Le manque à gagner traduit le déficit d'événementialité. Il reste encore trop d'incertitude sur l'audience ; cela inquiète les grands annonceurs dont l'aversion au risque freine les investissements publicitaires.
Si l'on compare cet événement avec le Super Bowl américain, la différence majeure consiste en l'absence de compétition publicitaire en Europe, de spectacle publicitaire (notre post du mardi 5 février 2008 "Super Bowl, super pubs"). Un annonceur ne prend pas de risque avec le Super Bowl alors qu'il en prend avec une compétition européenne comme l'Euro (UEFA). S'il est bon pour le spectacle et l'audience, le supsense ne l'est guère pour le marché publicitaire. Où se manifeste l'inadéquation des mécanismes de ce marché.

L'Europe n'est qu'un patchwork politique et administratif : on y est de "sa" région (Allemagne, Grèce, France, etc.) avant d'être Européen. "Son" pays éliminé, un téléspectateur sur deux déserte les retransmissions. Les audiences de l'Euro 2008 constituent un indicateur inattendu de l'intégration européenne, de l'écart entre l'Europe "légale" et l'Europe "réelle", "vécue".
D'ailleurs, il n'y a pas d'équipe européenne de football. Erreur politique ! Alors que beaucoup parmi les sélectionnés jouent durant l'année dans un club européen "étranger", ils regagnent leur "région" d'Europe d'origine pour la Coupe du monde.
Qu'est-ce qu'un pays qui n'a pas d'équipe de football ?

vendredi 27 juin 2008

La loi d’airain de l’automatisation

Google vient de rappeler, en 3 actes, à ceux qui voudraient les ignorer encore, les principes de l’économie numérique, tout ce qui fonde son métier, son modèle : la transaction automatisée, payée sous forme de troc indolore pour les internautes (des données individuelles contre un service individuel, moyennant des cookies), la mise aux enchères de l’accès à cette audience immense vendue au détail. Tout instrument ou service de Google se paie en information capable de qualifier des audiences (refusez les cookies : plus de service !).
  • Premier acte. On avait les Google Analytics, AdSense, AdWords (dans ses versions Internet, radio, presse, TV), voici maintenant un Google Ad Planner, autrement dit une mesure opérationnelle des audiences et des comportements à fin de médiaplanning (Google Ad Planner peut renvoyer, entre autres, sur MediaVisor, l’outil média de DoubleClick, qui appartient à Google).
  • Deuxième acte. Voici Google Trends pour comparer l’audience des sites : c’est encore rudimentaire, mais ne le restera certainement pas.
  • Troisième acte. QDQ, les PagesJaunes espagnoles passent un accord avec Google pour le développement de la publicité locale. Illustration d’une composante majeure de la stratégie Google, qui consiste à "encercler" les grands acteurs de la publicité et des médias à partir de ce que l’on a jusqu’à présent confiné dans le non-être publicitaire : dit hors média (below the line). Longue Marche à la Google, logique de Go.

  • En résumé : long tail (des dizaines, des centaines de milliers d’annonceurs), gratuité des outils média pour tous (petits et grands annonceurs, amateurs et professionnels), mobilisation du local.

    Tout se passe, de plus en plus, comme si Google fournissait un service public, indispensable comme les transports ou l’électricité, gratuit comme l’école publique ou la voirie (c’est une lecture de l'essai de Nicholas Carr dans The Big Switch. Rewiring the World, from Edison to Google, W.W. Norton, 2008). Le monopole n’est pas loin... (Google aurait plus ou moins 90% de part des recherches en France). Si l’on accepte ce type de métaphore pour penser cette situation, deux ensembles de questions s’en déduisent.


    • Question 1, de gestion. Que reste-t-il aux agences média, et à leurs fournisseurs de données d’audience ? Où est désormais pour elles le métier média, sa valeur ajoutée ? La réflexion stratégique, sans doute, d’où l’importance à terme des outils issus du 360°, indispensables à cette réflexion. Mais aussi l’articulation stratégique puis tactique des différents média mis en œuvre (comment enchaîner les médias, dans quel ordre, pour optimiser le retour sur investissement). Contre l’industrialisation (désintermédiation), l’artisanat média, contre le prêt à penser et dépenser les médias, le sur mesure et la haute couture des plans ?
    • Question 2, de droit. Comment maintenir la neutralité et l’impartialité de l’Etat vis-à-vis de tous les acteurs de l’économie numérique ? Comment assurer l’égalité des chances entre Google, les entreprises audiovisuelles, ou la presse, par exemple ? Quel pouvoir politique peut imposer en Europe quoi que ce soit à Google ? Que deviennent sur Internet les fameuses "exception" ou "expression" françaises ? Si l’on ne peut imposer à Google l’équivalent des contraintes que connaissent les plus anciennes entreprises de média, faut-il aligner ces dernières sur l’absence de réglementation dont profite Google ? La question relève des parlements (la Chambre des Lords l'évoque dans un rapport du Communications Committee, 27 juin 2008).

dimanche 22 juin 2008

Part d'audience et part d'écran

Selon Ipsos MediaCT, le PC gagne sur le téléviseur et la salle de cinéma. C’est la part d’écrans (share of screen) pour la consommation vidéo : téléviseur, cinéma, téléphone, lecteur de DVD portable.

L’industrie multiplie l’offre de tuyaux à volume constant de contenus, tuyaux parmi lesquels les consommateurs arbitrent plus ou moins rationnellement (disponibilité, prix, convivialité, etc.). Cette évolution constitue une incitation pour les régies TV à prendre en main cette partie de l’inventaire publicitaire potentiel. Incitation aussi à rompre avec la notion paresseuse de "média de complément".

En s’éparpillant, les contenus augmentent leur probabilité d’être vus et regardés (ODV), mais ils rendent le travail de régie publicitaire plus difficile voire impossible avec les outils classiques. Au passage, des notions tenues pour universelles volent en éclats (audience TV : selon quel différé ? 3 jours (C3) ? pourquoi pas C5 ou C15 ? c'est à l'annonceur de choisir !), chronologie des médias (les écrans sont-ils en concurrence ou en connivence ?), d’autres notions prennent un coup de jeune (vitesse de cumulation des contacts). Et quelle notion de contact retenir ? Un contact sur téléphone vaudrait un contact au cinéma ?

Cela plaide pour des outils de transaction automatisés, places de marché, TV analytics immédiats, ad serving performants, etc. Cela plaide aussi pour des modalités de création publicitaires adaptées à cet éparpillement, et moins au Festival publicitaire de Cannes !

Cela plaide enfin pour un bêta de mémorisation (Morgenzstern) modernisé, étendu et complexifié, outil toujours à l’ordre du jour pour confronter et comparer les médias (Armand, au travail !).

Bien sûr, les plus jeunes générations sont mieux orientées vers l’ordinateur : question d’espace, de budget, de style de vie. Elles finiront avec un grand écran HD, un de ces jours, une fois moins "pauvres", clouées au domicile par la fatigue, la famille... En attendant, elles sont mieux orientées cinéma. Mais encore faudrait-il croiser cela avec le capital culturel légitime (le diplôme, l’héritage culturel), le revenu disponible. Et définir les conditions de la propension à mémoriser, conditions matérielles et culturelles (habitus perceptif).

NB : on notera que pour certaines consommations les effectifs sont ténus. Où sont la console de jeux, le iPod / iTouch ?

lundi 16 juin 2008

Quel service public numérique ?

Depuis qu’en janvier le Président de la République a demandé à son gouvernement de reconsidérer le financement de la télévision française de secteur public, celle-ci fait l’objet de discussions en vue d’un projet de loi pour la prochaine session parlementaire. Le chantier mobilise talents, lobbies, analystes et politiques.
Vu de l’intérieur du microcosme télévisuel français, dans la griserie législative, l’enjeu est primordial. Vu de plus loin, cela semble diversion, si loin du front : la grande bataille culturelle se livre ailleurs. Bataille formidable et muette, presque invisible, qui touche aux langues, aux savoirs essentiels des nouvelles générations comme de celles qui sont actives, aux outils de tout travail culturel, aux manières mêmes de "s'orienter dans la pensée" ("im Denken"). Bataille où se risque la partie la plus essentielle de notre vie quotidienne. "Internet come il pane", anticipait-on, aux tout débuts d'Internet ... quand les petits prophètes de l'aujourd'hui ne juraient encore que par le GRP télé.
Le spectre du numérique hante les institutions culturelles européennes.
De mieux en mieux équipée, au travail comme au domicile, une partie (une partie seulement) de la population n’accédera bientôt plus aux informations (politiques, commerciales), à la musique, aux spectacles, à la communication que par Internet et les télécoms, elles-mêmes en voie d' "internetisation". En entreprise, les outils de documentation, de commercialisation, de communication relèvent d’Internet et des télécoms, court-circuitant "patrons" et petits-chefs. La formation suit le même chemin : contenus et outils didactiques sont sur Internet, bientôt mobiles et portables, "googlisés", court-circuitant les enseignants, interrogeant silencieusement mais définitivement l'école et ses murs.
L’hégémonie culturelle d'Internet est indéniable, et ce n'est qu'un début.
Bien sûr, il faut affiner et enrichir le diagnostic, évaluer les écarts bientôt infranchissables qui séparent "héritiers" et "relégués" du numérique, inventer un nouvel avenir aux dictionnaires, aux bibliothèques, à la radio, aux musées. Toute la culture et ses institutions sont affectées, dans leurs fondements mêmes.
Nos réflexes de production, de consommation et de communication, tout ce qu'inculquent les usages sont formés par Microsoft, Apple, les OS de téléphonie, Google, les jeux vidéo ; à terme, tout cela ne sera qu'Internet. Car tout y passe : l'histoire, "le Bailly" et "le Gaffiot" (dictionnaires de langues anciennes) ou le plan des villes, les encyclopédies et les grammaires, les manuels de math et de programmation, les annuaires et les partitions, notre histoire médicale, la recherche d’emplois ou de logements, la gestion et la création. Internet désormais va sans dire et installe le consentement où se déploient les formes acceptables de tout débat.
Dans ce cadre, que devient la formation, que faut-il enseigner, comment, quelles évaluations ?
Au vu d’un tel chantier, de son importance stratégique, de ses conséquences (dont dérivent production et consommation de films, de séries, de littérature, etc.), la question du financement et de l’existence même d'une télévision publique est seconde.
Quel rôle doit jouer l’Etat, comment ? Quel service public imposer ? Quel secteur public développer pour l’époque d’Internet et des médias numériques ?
Et puis, quand même, préalablement, car cela conditionne toute réponse française et européenne au défi numérique, comprendre comment des entreprises américaines ont pu en quelques années prendre la main dans ce secteur sans intervention visible de l'Etat américain ?

mercredi 11 juin 2008

L’upfront : engagement publicitaire et marché efficient

Pour les quatre grandes chaînes, le marché publicitaire TV upfront s’achève (il est loin d'être terminé pour les autres chaînes, la syndication, les enfants, mais la tendance est la même). Les annonceurs américains et leurs agences conseils ont fait connaître d’avance (upfront) leurs engagements d’achat télé pour l’année à venir : c’est une sorte de grande ouverture de planning.

Malgré des anticipations irrationnelles dissuasives ("c’est la dernière année", "l’upfront va s’effondrer", etc.") et malgré une grève des scénaristes hollywoodiens qui mit les networks en jachère pendant cent jours, les privant de plus de 200 épisodes de séries (cf. notre post du 19 mai), les résultats de l’upfront 2008 pour les quatre grands networks américains (ABC, CBS, NBC, Fox) sont excellents (le marché total upfront devrait dépasser 22 milliards de $). Les CPM (Coût Pour Mille contacts) ont progressé de 8 à 10% : près de 9 milliards de $ ont donc déjà été engagés pour l’année télévisuelle prochaine (75 à 80% de l’inventaire de chaque chaîne, en moyenne). De nombreux acheteurs craignent que le scatter market (marché trimestriel des emplacements restants) soit encore plus cher, comme ce fut le cas 18 fois au cours des 20 dernières années (plus de 40% au-dessus des tarifs pratiqués upfront, cette année).

Le prime time de la télévision grand public avec ses événements sportifs, ses variétés et ses séries confirme son rôle publicitaire primordial pour la plupart des grands annonceurs. Parions qu’ils savent ce qu’ils font (ils "connaissent" intimement leur retour sur investissement). Rien ne mesure mieux l’importance d’un média qu’un tel engagement. Mieux que l’audience mesurée, dont on ne sait pas toujours ce qu’elle signifie, ni ce qu’elle vaut.

Les investisseurs éclairés du prime time dessinent un marché efficient, au moins pour la période de quelques semaines durant laquelle ce marché est ouvert. La plupart des conditions qui définissent un marché efficient (au sens classique de E.F. Fama) semblent réunies : intégration de tous les éléments d’information à un moment donné, atomicité des investisseurs, liquidité, libre circulation de l’information, absence de coût de transaction direct, etc. On retrouve même la discussion sur le coût d’analyse de l’information surabondante et le rôle des experts (S.J. Grossman, J. Stiglitz). En revanche, si l’on évoque le marché télévisuel français, le principal obstacle semble être l’information imparfaite sur les prix : on connaît le tarif brut, mais pas le prix net pratiqué (le fameux « net fin d'ordre»).

Une analyse du marché publicitaire qui mobiliserait des spécialistes des marchés financiers serait sans doute éclairante et riche en suggestions opérationnelles. Si l'on se contente d'y rêver, Google l'aura fait.

lundi 9 juin 2008

Economie de la télévision locale

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Le GIE Les Indépendants (111 radios locales et régionales) a remis en jeu, deux ans plus tôt que prévu, son contrat de régie ; la régie était assurée depuis 1992 par Lagardère Publicité
Mise à jour 20 juin 2008 : TF1 Publicité a gagné l'appel d'offres estimé entre 50 et 75 millions d'euros de recettes publicitaires nettes (environ 150 en brut tarif).

TF1 Publicité compte une trentaine de stations de télévision, locales ou régionales en régie (octobre 2007). En même temps, francetélévisions publicité, NRJ Group et le Groupe Hersant Média, éditeur de Paru Vendu, ont créé Uni TV Publicité, régie de télévisions locales et régionales (novembre 2007).
Finalement, les grandes régies télé s’intéressent au local. Depuis un an, le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) distribue les fréquences TV locales et publie une brochure intitulée "Créer une télévision locale hertzienne terrestre en mode numérique" : la France finira par être couverte de stations locales et régionales de télévision (stations TNT, IP ou canaux locaux du câble). La révolution numérique est donc l’occasion en TV d’un sérieux rattrapage culturel.

Jusqu’à présent, les opérateurs publicitaires français n'ont vu dans la télévision locale qu’une bizarrerie américaine, ne valant que pour un vaste pays : comme si l’espace de vie quotidienne défini par les administrations courantes, la scolarisation, les soins, le commerce, le travail et le domicile variait selon la taille du pays (cf. la recherche de Albert-László Barabási , Marta C. González, César A. Hidalgo, “Understanding Individual Human Mobility Patterns” publiée en juin 2008 dans Nature, qui montre, à partir d’un exemple européen, la stabilité des déplacements, presque tous accomplis dans un rayon de 10 km) ! Il aura fallu le numérique pour que la TV s’éveille de son sommeil jacobin. Pourtant le succès constant du couplage de la presse quotidienne régionale 66.3 (PQR66) constitue depuis 1991 un signal positif. M6 s’est bien essayé au réseau local, en collaboration avec la PQR, mais la réglementation qui interdit le financement des décrochages par la publicité locale ne lui laissait que peu de chance de succès.

Barter syndication
Mais de la régie nationale de médias locaux à un modèle économique d'une télévision de type network, il y a loin. Car le modèle américain est fondé sur le troc en réseau (barter syndication) : la station paie une partie de sa programmation en espace publicitaire local, que le producteur de programmes revend en l’agrégeant en espace national, devenant ainsi régie publicitaire nationale. La station échange son audience locale contre des programmes en affinité avec cette audience, laissant à la "main invisible" du marché de l'audience le soin de faire de justes prix. Attention : la syndication de l'échange ne fait que compléter une programmation locale déjà ancrée dans la vie locale, à base d’information locale, et qui assure la formation d'une audience locale. On est encore loin de ce système en France.
Si le modèle économique du network est simple en son principe, son réglage géographique ne l’est pas. Quelle est la dimension adéquate, l'"optimum local" ? Aux Etats-Unis, le réglage des zones de chalandise télévisuelles et publicitaires (DMA) s’affine régulièrement, depuis des décennies, au comté près (l’équivalent d’un canton français). Pas si simple ! Le Washington Post s’essaie à l’hyperlocal --"l’hyper proximité" comme dit TF1 -- avec un site Internet visant Laudoun county : un an après son lancement, la situation du site reste délicate pour avoir sous-estimé l’information locale continue, sans laquelle il n’est pas de média local. Pas si simple de couvrir une agglomération et de mobiliser sa population et des contributions journalistiques locales.

"Quant à moi, je suis de mon village"
On ne fera pas de télévision locale sans journalisme local, sans localiers de terrain, dans leur village comme des poissons dans l’eau, spécialistes du menu de la cantine, des travaux de voirie, des concours de boule et des conseils municipaux… Américains ou Français, nous sommes tous du "côté de chez nous" : quelques rues, un village dans la ville ou dans la campagne : rien n’a changé depuis Diderot, encyclopédiste et pourtant indécrottable langrois, qui clamait : "Quant à moi, je suis de mon village".
L'oubli du local aura privé la télévision, et notamment les producteurs français, d’un gisement publicitaire important, et les PME d'une capacité de communication commerciale à leur échelle. La télévision américaine doit une grande part de sa réussite à ce gisement local. Aux Etats-Unis, TF1 et M6 seraient des réseaux de stations locales, auxquelles ils fourniraient des programmes nationaux. C’est de cette structure mixte que naissent les « Ugly Betty », « 24 » et autres « House ». Pas de network national sans implantation locale. La régie pourrait constituer une étape dans cette direction.
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lundi 2 juin 2008

The Googlization of the Advertising Market

Google is the leading worldwide sales rep in number of clients and in turnover. The first one to be deliberately worldwide (cf. the language and transliteration tools, the number of languages covered, and so on). Any major resistance comes from a Chinese search engine (Baidu, 百度). Nobody can avoid Google anymore.

Google’s most important impact is indirect. Adsense and Adwords are training advertisers and sales forces to acquire new professional habits while buying keywords, optimizing websites for search (SEO), analyzing traffic, landing pages, quality scores, PageRank … Moreover, Google ergonomics, user interfaces, vocabulary, etc. permeate our culture. Google has become a “habit-forming force”, building a habitus (“principle that regulates the acts”), which in turn paves the way to generating mindsets and actions that conform to Google’s grammar (sort of affordances or "action possibilities"). Planners and buyers employ the same modus operandi when using the numerous Google tools (Maps, Apps, Docs, YouTube, Search, Gmail, android, etc.).

We now all speak “google” more or less fluently.

Then comes the Google syllogism:

  • Internet is the model for all digital media
  • All media are becoming digital (switchover)

Ergo …

What works for the net will sooner or later work for all media.

The digital advertising market is based on two main principles: automatization of the advertising chain (creation, planning, buying, adserving, analyzing) and self-service. All of this is nothing but the reduction of transaction costs (cf. R.H. Coase about the emergence of the very small firm, and about barter). It translates into an ad market place (auction-based, no more rate card) and opens the advertising market to a wide number of new advertisers: small, hyper-local, niche companies and SMEs (the “long tail”). Almost no barrier at the entry: pros and amateurs (Pro-Ams) can come to the market.

So it should be no surprise that Google tests the water by joining the American ad market for print, radio and TV. Europe is probably next. And the Mobile Internet. Same tools, same methods, same reasoning. A new generation of planners and buyers, Internet geeks, Web 2.0 aces: all Google natives accomplish the mutation from the GRP culture to Internet culture: it is less about reach and frequency, more about interaction, call to action, behavioral targeting …

Should we worry? Should we start a conservative crusade against Google? We could, but it would be hopeless since it is not just about Google; it is about the Internet and we cannot fight the Internet. Instead, let's take advantage of what Google has done and reinvent the advertising profession.


About these concepts see Erwin Panofsky, Gothic Architecture and Scholasticism, 1951 and the Postface of the French translation by Pierre Bourdieu, 1967; see also Noam Chomsky, Aspects of the theory of syntax, 1965 and James J. Gibson, The Theory of Affordances, 1977.

(Some of these ideas were presented at the EGTA conference in Dublin for European Television and Radio Sales Houses, May 30, 2008).