dimanche 3 novembre 2013

Economie de l'ennui et wait marketing

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"L'économie de l'ennui" (无聊), c'est l'expression utilisée par 子怡, étudiante de Master 226 dans son mémoire sur les écrans installés dans les immeubles des grandes villes chinoises, là où l'on attend : devant les ascenseurs, dans les ascenseurs (cf. Focus Media, notamment). Audience captive. L'expression "économie de l'ennui" traduit de façon créative la notion de "wait marketing" (cf. Diana Derval, 2006).

Où attendons-nous ? Où perdons-nous notre temps ? Où patientons-nous ? Chez le médecin, le coiffeur, le dentiste ; quand on fait la queue, à la poste, à la caisse des magasins, au musée, au cinéma... Temps mort, temps vide, dit-on... Qui peutt être du temps pour réfléchir, penser, divaguer...
L'économie de l'ennui et de l'attente s'empare logiquement des transports puisque l'on y attend vraiment beaucoup : on attend au départ, on attend à l'arrivée pour en sortir ou retrouver quelqu'un. Et il y a les retards, les pannes, les accidents, les arrêts pour des causes diverses...
Pour meubler l'attente, patienter, on a pensé aux écrans. Depuis longtemps déjà, les aéroports, où l'on perd de plus en plus de temps, sont en proie aux écrans (CNN Airport Network a plus de vingt ans). Mais le Wi-Fi, d'après mon expérience du moins, y est si peu ou si mal développé que l'on ne peut guère compter dessus.

Le métro a maintenant des écrans : il ne lui manque que le Wi-Fi qui désormais relève du service minimum à rendre au public de ses clients.
Dans plusieurs villes, les stations passent au Wi-Fi, à l'instigation des câblo-opérateurs qui trouvent là une extension de leur activité. Après Time Warner et Cablevision à New York, voici Comcast à Philadelphie. Comcast, premier opérateur du câble américain (MSO), contrôle aussi NBC et les studios Universal) ; c'est l'opérateur du câble de Philadelphie (DMA n°4) où se trouve d'ailleurs son siège social. Comcast y installe le Wi-Fi "gratuit" dans les stations de métro (SEPTA) : en échange de la "gratuité", l'opérateur affiche de la publicité sur les smartphones des clients du métro lorsqu'ils se connectent ; c'est un message vantant son service Xfinity qui les accueille. Le service fournira aussi une appli donnant accès à des informations voyageurs (horaires, retards, etc.). Le câblo-opérateur établit une continuité de service domicile / hors domicile. A quand, pour achever cette continuité, le Digital Signage ?
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mercredi 30 octobre 2013

Aereo TV et l'avenir du modèle économique de la TV américaine


Depuis plus d'un an maintenant, un spectre hante la télévision américaine : Aereo.
Source : Aereo
Aereo (IAC) permet la réception de la télévision locale terrestre, celle des stations du DMA où l'on se trouve, sur un support numérique quelconque : tablette, smartphone, ordinateur. Pour cela, Aereo installe des petites antennes qui captent les programmes que diffusent (brodcast) les stations locales et les retransmettent via Internet.
Pour le consommateur, pas de câble, pas d'équipement de réception spécifique, mobilité assurée simplement. Pour 80 $ par an (8 $ par mois), le consommateur peut accéder aux antennes Aereo et regarder une vingtaine de stations, tous les networks. De plus, Aereo offre l'enregistrement, donc le différé, sans appareil (cloud DVR). Pour Aereo, il reste un problème technologique : des coûts de retransmission élevés (électricité pour alimenter les antennes) qui pourraient menacer l'équilibre économique de l'opération.
Aereo étend son offre, DMA après DMA, en partant de la côte Est des Etats-Unis. 7 DMA couverts aujourd'hui, 22 DMA prévus pour la fin 2013 (mais Chicago sera en retard).
Aereo, surtout s'il est couplé à une offre OTT (Netflix, Hulu, Apple TV, etc.) peut dispenser de l'abonnement à un agrégateur (bundling) et inciter au désabonnement (cord-cutting).
  • Les groupes de stations (Sinclair, Hearst, etc.) et les networks mènent une bataille juridique constante devant les tribunaux pour que Aereo cesse ses retransmissions, en vain jusqu'à présent. Les plaignants ont maintenant saisi la Cour Suprême (SCOTUS). Le prétexte mis en avant est l'infraction au droit d'auteur (copyright infringement). Ils ont été rejoints en novembre 2013 par des ligues sportives, baseball (MLB) et football (NFL).
  • Les grands opérateurs du câble (MSO) et du satellite s'intéressent de près au modèle Aereo. En effet, s'ils adoptaient un modèle du même type, ils n'auraient à payer des droits de retransmission aux stations (donc aux networks) qu'ils retransmettent ; or, le montant total des droits de retransmission payés par les opérateurs du câble et du satellite s'élèvera, en 2014, à plus de 6 milliards de dollars.
  • De leur côté, des networks auraient envisagé, en mesure de rétorsion, de ne plus diffuser leurs programmes par voie terrestre (donc sans passer par des stations affiliées ou leur appartenant) et de revendre leurs fréquences.
  • Notons encore que, en 2013, CBS a pris une participation dans Syncbak, une entreprise qui travaille à un modèle homologue à celui de Aereo et permettant la diffusion de la télévision locale sur des supports numériques mobiles. Deux associations interprofessionnelles, la NAB (National Association of Broadcasters) et la CEA (Consumer Electronics Association), sont également actionnaires de Syncbak. Syncbak est testé par une centaine de stations.
L'enjeu de la bataille est donc d'importance puisque c'est tout le modèle économique de la télévision commerciale américaine qui est en question. Sarah Laskow, dans Columbia Journalism Review du 30 octobre fait justement remarquer que, si la presse économique a titré sur le sujet, sur Twitter, on n'y a pourtant accordé aucune visibilité (cf. "SCOTUS could change how you watch TV"). Limite des réseaux sociaux en matière d'information quand seul le lecteur décide des sujets à couvrir.
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dimanche 27 octobre 2013

Transports en commun, médias personnels

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Dans le métro, le média qui domine est le smartphone. Dans le bus, dans le tram, dans les trains aussi. Peu encombrant, gratuit, à portée de la main, le smartphone est commode.
Que font les passagers avec leur mobile ?
Chacun dans leur coin, ils utilisent leur écran : lisent leurs messages, y répondent, regardent une appli, lisent leur courrier, y répondent ("Envoyé de mon iPhone" !). Certains regardent un film, d'autres lisent les nouvelles du jour, beaucoup jouent à des jeux vidéo, écoutent de la musique, des podcasts peut-être. Il en est même, hélas, qui téléphonent, tonitruent leur vie privée au public. People à faible portée !
Les autres, minorité qui diminue, lisent des journaux, des livres, des notes de cours, des manuels, des magazines. Du papier encore mais tablettes et liseuses prennent de plus en plus les transports en commun.
Quel avenir pour la presse distribuée gratuitement à l'entrée dans le métro, à l'arrêt de bus, du tram, dans la gare ? La concurrence du smartphone est redoutable et elle sera encore plus à redouter quand la connectivité sera meilleure dans les transports en commun (Wi-Fi, 4G).

Pour affirmer ce changement, il n'y a pas encore de données objectives. Seulement des observations bi-quotidiennes, subjectives, pas d'OJD, pas de budget-temps. C'est dommage car il y a plusieurs millions de personnes dans les transports en commun chaque matin, chaque soir, cinq jours par semaine. Voyageurs réguliers... quels 7/9 ! Quelle Big Data ! Celles, ceux qui prennent les transports en commun savent tout cela, intuitivement.
Qui nous dira ce qu'est l'audience dans les tranports en commun ? Une autre manière d'envisager l'audience, data pour un médiaplanning contextuel.
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vendredi 25 octobre 2013

Le réseau et les médias. Echange inégal ?

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Un réseau social demande aux médias de placer fréquemment des contenus sur son site. Les médias, selon le réseau, y gagneraient le surcroît de trafic que leur renverrait le réseau social. Trafic qui serait vendu ensuite aux annonceurs clients du média. Le réseau serait-il philantrope ?
Si le contenu du média est placé ailleurs, sur un réseau, gratuitement, pourquoi alors les consommateurs retourneraient-ils le voir, le lire à nouveau, sur le média d'origine ?
Pourquoi un média payant qui a créé un contenu exclusif le mettrait-il à disposition ailleurs, gracieusement ? Le média serait-il philantrope ?
Comment, en toute rigueur, faudrait-il calculer le prix à payer par le réseau au média fournisseur, aux créateurs des contenus ?
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mardi 22 octobre 2013

Si le Web c'est le mobile, alors....

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L'avenir du Web est mobile. Si, comme il semble probable, le mobile doit prendre la place du Web, les tablettes et les smartphones celle des ordinateurs, alors ne faut-t-il pas, comme on dit, que tout change - pour que tout reste pareil* ?
  • Les outils de mesure ignorant les plateformes mobiles seront bientôt caducs ; ils doivent être remis en chantier.
  • Car il faut pouvoir combiner en une seule audience toutes les plateformes, mobiles et immobiles, et construire des analytics ("cross-device conversions", etc.) dans lesquels se fondront, fatalement, la télévision, une fois connectée, et le Digital Signage aussi. Avec un RTB et un retargeting multi-écran, des sortes de cookies multi-plateforme (UID)...
  • Le marketing mobile et ses applis demandent des formats publicitaires adaptés à une culture de brièveté, de localisation et d'avantages à prendre tout de suite, à la caisse (coupons numériques, promotions, réductions). 
  • L'approche mobile s'accompagne de la qualité opérationnelle du ciblage comportemental, d'affinité pratique allant bien au-delà de catégories socio-démographiques superficielles, inertes. La dimension pragmatique, d'utilité immédiate de la culture du mobile ne s'observe jamais mieux que dans l'intelligence de la localisation de l'utilisateur (distance, proximité). 
    • Le géomarketing s'approfondit d'une localisation à intérieur-même des bâtiments, indoor location déjà mise à profit par la grande distribution, centres commerciaux, grands magasins, hyper et supermarchés (localisation des rayons, produits dans les linéaires, in-store analytics) ; à terme, cette localisation concernera tout lieu public. 
    • Le ciblage par le contexte spacio-temporel, donc par l'intention active, obvie, s'appuie sur des technologies de type beacon (Bluetooth Low Energy, Wi-Fi, etc.). Marketing de proximité, on est trouvé plus que l'on ne cherche. Mobile et localisation produisent ensemble de nouveaux types de coor-données. Data enrichie bientôt par l'Internet des objets, le wearable, etc..

* répartie politique du roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard (1958) : "Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi".

dimanche 20 octobre 2013

Ecrans publics, écrans privés : du display online au Digital Signage

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Ecran public + écran privé, annonce Ströer Media AG, groupe européen de publicité extérieure, basé à Cologne.
Ströer a lancé en septembre un nouveau produit publicitaire cross-média, Ströer Primetime, qui associe (Vernetzung) les écrans de Digital Signage (DOOH : gares, centres commerciaux) et les écrans Web (mobile et immobile) : multiscreen scenario. L'ensemble de ces écrans diffuse de la publicité vidéo / rich media (Bewegtbildwerbung) : intersticiels, in-stream. Cette association concerne le planning, l'achat d'espace et le monitoring.
L'objectif déclaré est de maximiser la couverture des plans (Reichweitenpower) et la vitesse globale de cumulation d'audience qu'apporte le Digital Signage ; à terme, Ströer proposera des ciblages géographiques pour des annonceurs régionaux.

Quel est l'intérêt d'un tel montage ? Au gain en termes de couverture s'ajoute la commodité de transaction : une seule création pour plusieurs tailles d'écrans (responsive design ?), un seul adserver vidéo, un seul interlocuteur commercial. Ce qui est ainsi constitué s'apparente à un Ad Network mixte qui additionne (bundling) des couvertures sur cible sans toutefois encore, à ma connaissance, les combiner davantage. Pour aller plus loin dans l'optimisation, il manque les données de mesure qui permettraient la déduplication et le capping. La mesure d'audience individuelle des écrans publics (DOOH) est le goulot d'étranglement d'un marketing global du numérique.
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mardi 15 octobre 2013

Le différé fait de l'audience

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Du direct au différé, aux Etats-Unis, l'augmentation de l'audience mesurée (donc de l'audience commercialisable auprès des annonceurs) peut augmenter de 30 à 60%, par exemple : +58%, de 8,6 à 13,5 millions de téléspectateurs pour "Sleepy Hollow" (Fox), selon Nielsen pour la dernière semaine de septembre, ou encore, +35% pour "Person of Interest", de 12,4 à 16,8 millions (CBS). Bien sûr, il s'agit d'une audience observée sur les téléviseurs à l'aide du panel national d'audimètres ; il s'agit de l'audience différée grâce au DVR ou à la VOD (l'émission du network comporte les mêmes écrans publicitaires en VOD que lors de la diffusion directe).
  • Et cette mesure s'en tient à 7 jours après la première diffusion ! Au-delà de ces 7 jours, l'audience continue certainement de croître quelque peu (CBS réclame un Live +30 days)... Pour l'instant, l'audience publicitaire (commerciale) est celle dite "C3 rating" qui inclut le jour de diffusion plus trois jours. Le C3 n'est communiqué aux chaînes et aux annonceurs que 3 semaines après la diffusion (il n'y a pas de communication publique). 
    • Audience instantanée, Live +7, C3 rating, Live+30 : quel est l'indicateur le plus pertinent ? 
    • Faut-il séparer le mode de calcul de l'audience des messages publicitaires de celui de l'audience globale ?
Retenons que l'audience ne baisse pas, comme il est affirmé parfois un peu rapidement : elle se répartit différemment dans le temps, au fur et à mesure que les téléspectateurs gagnent des degrés de liberté (cf. le succès du "binge viewing" sur Netflix).
L'écart entre direct et différé semble augmenter d'une année sur l'autre, suivant, entre autres, l'évolution des équipements : actuellement, près de la moitié des foyers TV américains possèdent un enregistreur numérique (DVR) ; le différé est surtout consommé en fin de semaine.

Le différé constitue en acte, une rectification de la grille de programmes des chaînes par les téléspectateurs, c'est une optimisation par le téléspectateur qui donne davantage de chances aux nouvelles émissions de trouver leur public : il est plus commode de tester une émission en différé qu'en direct. Un nouvel habitus télévisuel se met en place.
Petit à petit, l'équipement des foyers et les guides de programmes numériques (applis) transforment la notion d'audience et sa chronologie ; ceci sera encore plus manifeste lorsque le mesure pourra prendre en compte et cumuler toutes les occasions de regarder une émission (on-line VOD, audience sur tablette et smartphone, OTT, hors domicile, etc.).
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dimanche 13 octobre 2013

La presse télé, du guide TV au magazine TV sans programme

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En juillet, le groupe Axel Springer a revendu toute sa presse TV, dont Hörzu, l'hebdomadaire emblématique de la TV allemande, lancé en 1946. Sa diffusion a été divisée par 3 au cours des trente dernières années. Finis aussi (juin 2013), les deux magazines que distribuaient "gratuitement" CanalSat et Canal Plus à leurs millions d'abonnés (les rédactionnels étaient réalisés par Prisma Creative Media) pour un lectorat total de 13,5 millions de personnes (Audipresse 2013). TV envie lancé en janvier 2004 par Auchan et distribué dans ses magasins s'arrête en décembre 2013.
Lancé en 1987, TéléObs a failli disparaître cet été ; finalement, le magazine devient bimestriel (un jeudi sur deux) ; son contenu évolue, les programmes faisant une plus large place au cinéma et à des sujets généraux ; en Ile-de-France, région capitale, il évolue encore plus pour devenir Paris Obs.
Télé Star (Groupe Mondadori) évolue aussi vers les sujets dits "de société".

Plutôt que les programmes (horaires, génériques, etc.), auxquels convient parfaitement l'ergonomie des applis, la presse TV papier se tourne vers l'actualité de la télévision : il est vrai que celle-ci alimente de plus en plus les rubriques people (cf. le Hors Série d'Intimité intitulé "La vie secrète des stars Télé", 26 octobre 2013). C'est également l'évolution suivie par le magazine TV Guide qui, après avoir longtemps règné sur le presse américaine, a été racheté cette année par le network de télévision CBS. En France, Télé coulisses, "magazine télé sans programme", annonce la même couleur éditoriale (c'est l'un des "80 magazines positifs" de Lafont presse, avec Entreprendre, Confidences, Stop arnaques, Jour de France et Question Philosophie, entre autres). Secrets de tournages, maquillage, bêtisier, "zapping sexy" (sic), indiscrétions... Un peu de cuisine, 2 posters, quelques jeux. Ce nouveau magazine, qui coûte 3,9 €, compte une seule page de publicité dans son premier numéro.
Prenant le contre-pied, certains titres se positionnent comme guides, pour un faible prix au numéro : Télé Z (100 chaînes, 0,40 €) ou Télé 2 semaines (1,5 €, "moins cher à la semaine !") qui propose un "nouveau" guide TV : "20 pages pour ne rien manquer".

Avec son sous-titre, Télé coulisses traduit une évolution inéluctale de la presse télévision sous l'effet du mobile. La presse télé a un problème de contenu : sans les programmes, en quoi se distinguera-t-elle de la presse magazine généraliste qui mêle, à taux variables, cuisine, santé, jeux de mots, people, loisirs créatifs et actualité ? Télérama (1947) avait en quelque sorte anticipé cette évolution en se positionnant sur l'actualité culturelle et artistique, le cinéma, les expositions, la musique. "Offrez-vous 1 an de culture", promet la promotion actuelle de l'abonnement, renvoyant les lecteurs à l'application Télérama Guide TV pour les programmes.
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lundi 7 octobre 2013

Lire la presse, c'est [pour ] faire : loisirs créatifs, déco, bricolage, cuisine, achat

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La presse constitue une catégorie générale confuse : catégorie juridique et fiscale aux contours précis, certes, catégorie matérielle assortie d'un modèle économique spécifique, certes, mais ce sont là des catégories ignorant l'usage. "Lire", "consulter", "feuilleter", disent les études pour définir audience et lectorat. Faudrait-il rajouter "faire", le terme "faire" permettant de ne pas avoir à distinguer entre travail et loisir, à démêler les constituants de ce "travail à-côté" (s'agit-il d'économie non marchande, d'auto-consommation) ?
Car que font les lecteurs avec les magazines qu'ils achètent ? A quoi leur servent-ils ?
Ne pourrait-on catégoriser les titres de presse selon les usages qu'ils suscitent, guident et accompagnent, selon l'activité à laquelle ils contribuent (les lecteurs sont des "actifs") ? On pourrait ainsi tenir compte de l'engagement pratique des lecteurs - en est-il d'autres ?

A parcourir les statistiques de la presse grand public publiées au cours des dix dernières années, une catégorie d'usages émerge : la catégorie pratique, celle des titres utiles pour faire et pour acheter. Il s'agit essentiellement de magazines, de publications qui font passer à l’acte (faire), et à l'acte d'achat.
Quel actes ? Bricoler, tisser, coudre, cuisiner, recycler, tricoter, encadrer, décorer, réparer, photographier, restaurer, crocheter, aménager, récupérer (upcycling), collectionner, configurer, échanger, jardiner, broder, ranger... et, toujours, créer. Ce sont, tout à la fois, des travaux domestiques et des loisirs (semi-loisirs ?), la plupart ont lieu à la maison et, souvent, pour la maison, pour la famille, les fêtes traditionnelles, les enfants...

On dénombre ainsi 1 100 titres centrés sur les loisirs créatifs, 350 sur le jardinage, 170 sur le bricolage, 800 sur la cuisine, 900 sur la décoration (maison), entre autres ; il faut encore y ajouter le maquettisme, les loisirs numériques, informatique, photo, etc. Cette presse montre comment "faire soi-même" ("do-it-yourself") ; didactique, elle énonce, pas à pas, un mode d'emploi, des recettes, des conseils, indiquant quel produit acheter, quel appareil utiliser, à quelle astuce recourir ("Système D", truc de grand-mère ou secret de professionnel), fournissant un patron, des fiches, des plans. Elle montre, décrit, illustre, explique des gestes ("500 gestes de jardinage", par Rustica). "Savoir tout faire" : en photographie, en plomberie, en électricité, en retouche beauté, avec tel ou tel logiciel... Le contrat de lecture de ces titres est sans ambiguité : il s'agit de "vie pratique" ("Déco à vivre")  et de création ("Noël Créatif", "Tricots créatifs") ; la publicité est partie prenante de la promesse.
De la lecture à l'achat, la distance est souvent franchie : ces magazines comportent presque toujours des guides d'achat (1 300 titres) : il faut acheter pour faire, et acheter le mieux possible. "Une question brico ? Une réponse produit", titre le hors série de "Bricoler du côté de la maison" (hors série du 28 mars 2014).
  • Loisirs créatifs et bricolage sont a priori le refuge de la valeur d'usage, du plaisir, de "l'artisanat facile" (Feutrine) ; le métier, c'est la valeur d'échange, le gagne-pain. Toutefois, la dimension valeur d'échange n'est jamais absente de ces pratiques qui permettent de faire des "économies". Parfois, cela peut aller jusqu'à Etsy ou Amazon Handmade...
  • La sociologie de ces pratiques permettrait une analyse plus fine des budgets-temps dans les familles (cf. Ménage, ménagère, manager) et permettrait de requalifier de nombreux titres classés dans la presse dite "féminine", catégorie faible qui mélange tout.
  • Cette presse des pratiques recourt à un large lexique technique et, par conséquent, à des actes de langage qui peuvent faciliter un ciblage en ligne précis, discriminant (souvent les termes technique sont expliqués (cf. "Debuter en couture", HS de Home Solutions de Oracom SA, mai 2014). 
  • La presse renoue avec son histoire : en 1831, aux débuts de la presse grand public, Émile de Girardin lançait le Journal des connaissances utiles (sous-titré Recueil encyclopédique de la famille). Petites choses (Little Things), dira-t-on plus tard  ! "Life's about the little things" proclame le site DIY lancé en septembre 2014, à New York.
  • Attention : la vidéo est un média concurrent, notamment avec YouTube (Google). Le how-to représente une partie importante et croissante de ses contenus (dont certains produits par des marques). Cf. "I want-to-do moments: from home to beauty". La presse doit apporter cette dimension éditoriale et publicitaire sur ses sites.
Source
Base MM (40 700 titres en novrembre 2018)
Ont été pris en compte pour cette analyse : les nouveaux titres et hors-séries publiés de 2003 à mars 2015 (plus de 15 000 titres grand public). N.B. A un même titre, peuvent être affectées plusieurs catégories, jusqu'à 4 ; par exemple : bricolage, décoration, guide d'achat.

Références

  • Florence Weber, Le travail à-côté. Une ethnographie des perceptions, éditions EHESS, 1989, 2009.
  • Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger, Ionela Roharik, "Les loisirs des actifs : un reflet de la stratification sociale", Economie et statistique, N° 352-353, 2002). Voir, notamment, la notion de "semi-loisir".
  • dimanche 29 septembre 2013

    Réformer ou révolutionner la mesure de l'audience TV (Etats-Unis)

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    Le comptage des contacts publicitaires de la télévision aux Etats-Unis est insatisfaisant : trop de contacts sont omis, échappent à la statistique, réduisant d'autant les revenus publicitaires des chaînes et des stations de télévision.
    La définition de l'audience télévision commerciale traditionnelle est surannée. Ses postulats pour la mesure ne sont pas compatibles avec la tranformation de la réception et de la consommation d'émissions de télévision. Formés par la publicité sur le Web et le mobile, les annonceurs attendent de nouvelles performances de la mesure.

    Quelles réformes possibles, prochaines ? 
    La télévision linéaire, celle qui est organisée en "chaînes", en networks, et que finance la publicité, peut être regardée sur diverses plateformes, en tout lieu, mais elle n'est mesurée qu'au domicile, sur des téléviseurs. Manquent à compter : la télévision hors du domicile, d'une part, et la télévision regardée sur des appareils portables, ordinateurs, tablettes et smartphones, d'autre part. Les régies publicitaires aimeraient consolider tous les contacts publicitaires épars pour mieux commercialiser leur audience.
    • La première réforme serait de mesurer l'audience hors du foyer en mobilisant, par exemple, une technologie de type PPM (Portable People Meter) : Nielsen, en rachetant Arbitron, accède à cette technologie mise au point, il y a plus de dix ans, et déjà accréditée par le MRC pour la radio. 
    • La seconde réforme, que promet le Nielsen Digital Program Rating (testé au cours de l'été), recourt à une mesure du type Online Campaign Rating (OCR) associée entre autres à des données socio-démographiques fournies par Facebook. Cela suppose une amélioration du panel (taille, mode de recrutement, représentativité, etc.) : est-elle seulement possible dans des conditions sociales et commerciales acceptables ? De plus, est-il souhaitable, dans une perspective holistique, d'additionner des contacts provenant de messages diffusés dans des contextes publicitaires différents, des tranches horaires / jour différentes ?
    Quelle révolution ?
    En comparant le marché publiditaire de la la télévision avec celui du Web, ce que permettra bientôt, en acte, la télévision connectée, d'autres insuffisances, radicales, surgissent, qui demandent plus que des réformes : une révolution. Quelles insuffisances ?
    • L'audience "inutile", superfétatoire, au-delà de la répétition nécessaire ("in-efficient frequency") reste prise en compte, malgré la meilleure des optimisations : à quoi le Web répond par un capping qui limite la campagne à la répétition strictement néccessaire.
    • Actuellement, le marché TV compte dans son audience les messages publicitaires TV diffusés mais non vus : à quoi le Web répond par l'analyse de la visibilité (viewability). Suffit-il d'être dans la même pièce que le téléviseur au moment de sa diffusion pour être dans l'audience d'un message publicitaire ? Avoir perçu le message est le niveau préalable de l'engagement.
    • La publicité télévisée ignore le ciblage géographique, interdisant tout géo-marketing.
    • La sécurité de l'emplacement publicitaire reste quelque chose d'intuitif.
    • Pour les annonceurs, le marché publicitaire tend vers l'automatisation (programmatique), le temps réel, l'immédiat (cf. RTB) ; il s'agit d'étudier les taux de transformation, d'en analyser l'attribution. La télévision connectée le permettra.
    • Ni Netflix, ni Amazon, ni Apple n'ont besoin de mesure d'audience, les données de vente leur suffisent (OTT). Pour le reste, les analytics de fréquentation des sites de vente (analyse des comportements) y pourvoient. Qu'est-ce qu'un "total TV", qu'est-ce que la part d'audience d'une chaîne ?
    La mesure de l'audience aux Etats-Unis, en attendant la télévision connectée, est un monopole que le rachat d'Arbitron renforce. Un monopole n'a jamais intérêt au changement.
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    mardi 24 septembre 2013

    Everybody lies

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    Voici une enquête de Y & R dont le résultat premier est, peut-être, qu'il faut douter des enquêtes, et surtout des déclarations des enquêtés. Intitulée "Secrets and Lies", elle a été conduite au Brésil, en Chine et aux Etat-Unis.

    Il s'agit en fait d'une enquête double qui produit et confronte deux types de résultats : les résultats conscients, verbalisés, déclarés, calculés au terme d'une méthodologie traditionnelle, d'une part. Les résultats "inconscients", spontanés, issus d'une enquête du type "Implicit Association Test" (IAT), d'autre part ; ces résultats sont susceptibles de révéler, trahir des secrets, des attitudes tacites, non verbalisées habituellement.

    L'écart manifeste entre les valeurs conscientes et les valeurs inconscientes représente une sorte de taux de mensonge ou de taux de censure (quel sur-moi ?). Il mesure peut-être aussi l'artefact, le biais induit par toute situation d'enquête.
    Par exemple, les personnes interrogées aiment mieux Facebook qu'elles ne le déclarent, et moins Google et Apple qu'elles ne le prétendent. National Inquirer, tabloid hebdomadaire people qu'il est de bon ton de mépriser - ou de lire au second degré -, est placé inconsciemment plus haut que dans l'échelle des valeurs conscientes et déclarées.

    Source: Y & R, "Secrets & Lies", septembre 2013.

    Les Américains seraient plus compliqués qu'autrefois, explique le responsable de l'enquête. A moins que l'on ne sache tout simplement mieux aujourd'hui qu'autrefois objectiver cette complexité et la quantifier.

    Cette double enquête représente une sorte de psychanalyse sociale, une fenêtre sur le malaise ("Unbehagen", disait S. Freud) de la société américaine. A partir de quelles valeurs cible la publicité ? Le "ça", où vivent des valeurs refoulées, ou le "moi" ? Vielle histoire qui renvoie à celle de la publicité et à l'ouvrage canonique de Ernest Dichter (The Psychology of Everyday Living, 1947), d'où émanent des principes publicitaires que l'on peut voir mis en œuvre dans l'émission "Mad Men" !).

    Sécurité, satisfaction sexuelle et tradition dominent les valeurs américaines tacites, cachées, tandis que sont déclarées (revendiquées ?) l'entr'aide (helpfulness), l'autonomie ("Choosing your own path") et le sens donné à la vie ("Meaning in Life"). Bien sûr, on peut réfuter la méthodologie "automatique" de l'IAT permettant de dé-couvrir les valeurs inconscientes (les préjugés), on peut aussi contester la représentativité des personnes enquêtées... La morale de l'histoire est que, comme ne cesse de l'affirmer Docteur House : "Eveybody lies" ou, encore, que "Humanity is overrated" !
    C'est enfin une occasion de questionnner les questions et les questionnaires. On pense à la remarque de Philippe Descola : "Un anthropologue ne commence à faire du bon travail qu'à partir du moment où il arrête de poser des questions, où il se contente d'écouter ce que les gens disent, car poser une question c'est déjà un peu définir la réponse" (Diversité des natures, diversité des cultures, Paris, Bayard, 2010). 

    La collecte de data, dans certains cas, est conforme à cette exigence. Dès lors, ne faudrait-il pas distinguer les data recueillies par observation (sans artefact) de celles produites par interrogation ?
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    lundi 23 septembre 2013

    La langue française, avenir des médias français ?

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    La langue française peut-elle constituer une "opportunité de marché", un avantage compétitif pour les entreprises françaises de média ? Certainement, écrit un analyste financier...

    Le marché intérieur français de l'anglais
    Les générations récentes et prochaines auront toutes été formées à l'anglais, plus ou moins bien, généralement depuis l'enseignement primaire, soit durant une dizaine d'années, au moins. Lorsqu'il s'agit de domaines professionnels et techniques (sciences, finance, médecine, technologie, etc.), l'essentiel de l'information des cadres et techniciens est déjà en anglais et leur compétence en anglais est souvent suffisante pour y accéder (compréhension écrite, passive).
    Les universités, se pliant aux demandes du marché, proposent de plus en plus de cours en anglais. Phénomène accentué par les offres des universités en ligne (comme Coursera, qui, d'ailleurs, est en cours de traduction en chinois par Guokr -  果壳...). Sur le marché de l'emploi en France, nombre de profils de postes demandent désormais un "anglais courant".
    L'anglais devient langue "professionnelle" sur des marchés où se rencontrent, en un dialogue - inégal -, des anglophones (native speakers) et des locuteurs qui n'ont d'anglais que scolaire. Ainsi, par exemple, Rakuten, entreprise japonaise, en s'internationalisant, est amenée à faire de l'anglais la langue de l'entreprise.
    Pour le français, la bataille de la langue professionnelle internationale semble perdue.
    Cette tendance globale affecte également la consommation de divertissement. Beaucoup, parmi les nouvelles générations, téléchargent et regardent des films et des séries en anglais, joignant l'utile à l'agréable, l'amélioration de la compréhension orale et le plaisir du média. Par voie de conséquence, la compétence générale de consommation média des nouvelles générations (compréhension orale, bilinguisme passif) est de plus en plus tournée vers l'anglais. Le "français langue des pauvres", fulmine Miche Serres qui appelle à la grêve de l'anglais.
    En même temps, les autres langues européennes souffrent d'une sérieuse désaffection scolaire, même si elles acquièrent des bénéfices de rareté et de distinction (allemand, russe, notamment) que n'accorde plus l'anglais. Notons qu'en Chine, on réduit la part de l'anglais et retarde le début de son enseignement.

    Industrie linguistique / ingénierie linguistique
    Le Web est devenu une industrie linguistique. Les moteurs de recherche, le ciblage commercial reposent essentiellement sur l'analyse du lexique, la sociologie des mots l'emportant de plus en plus sur les socio-démos, ces dernières étant reconstituées à l'aide d'analyses linguistiques reposant davantage sur des statistiques lexicales que sur des études socio-linguistiques ou sémantiques.
    Le ciblage fait appel au traitement automatique des langues naturelles (Natural Language Processing), la traduction automatique aussi (AI-complete problem) : parti du test de Turing, on arrive au "deep learning" que pratiquent Google, Facebook, Baidu et Microsoft. Indispensables à l'analyse des contenus des pages Web, des réseaux sociaux ("sentiment analysis"), ces techniques d'intelligence artificielle sont essentielles. A terme, l'abaissement des barrières langagières est probable sous le coup des entreprises qui ont fait de la traduction automatique une priorité. L'avenir du français se joue-il en Chine, aux Etats-Unis ? En Europe, seule la langue russe semble résister à l'hégémonie américaine, avec, par exemple, Yandex (moteur de recherche) et vKontakt (réseau social).

    La francophonie est-elle un marché d'avenir ?
    Autrement dit, verra-t-on, comme l'imagine l'étude Natixis (o.c. infra), se substituer les marchés linguistiques aux marchés territoriaux ?
    On compterait 220 millions de francophones dans le monde (selon l'Organisation Internationale de la Francophonie qui définit comme francophone toute personne "sachant lire et écrire en français"). Les groupes média produisant des contenus en français pourraient en tirer profit : contenus de divertissement, d'éducation, entre autres, dès lors que ces médias se numérisent. Canal Plus, Lagardère, Vivendi, notamment, sont évoqués. On pourrait ajouter Dailymotion aussi, Orange... On mentionne la croissance d'une francophonie africaine, mais quid de la présence chinoise en Afrique ?
    Un anglais appauvri, devenu une sorte de koiné, souvent à base de créolisations (spanglish, chinglish, 中式英语, singlish, denglish, franglais), peut-il fonder une consommation média mondialisée ? Manifestement, oui. En tout cas, le doublage y suffit (où l'on retrouve l'ingénierie linguistique). En revanche, le français comme l'allemand et le russe gardent des atouts dans le cadre de modèles médiatiques alternatifs au modèle hollywoodien. Mais ne s'agit-il pas surtout de marchés de distinction, plutôt que de marchés de masse ? Enfin, quel sera dans vingt ans le statut du chinois et des médias numériques chinois ?


    Références
    Organisation Internationale de la Francophonie, La langue française dans le monde, Paris, Editions Nathan, 2010, 384 p. Bibliogr, Index.
    Natixis, "La francophonie, une opportunité de marché majeure", 11 septembre 2013.
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    samedi 14 septembre 2013

    Socio-démos : les étudiants, catégorie sociale illusoire

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    Appelons "étudiant" toute personne inscrite dans un établissement d'enseignement post-secondaire (privé ou public) et titulaire d'un baccalauréat (depuis 1808, examen universitaire d'entrée à l'université). L'étudiant se définit par une tranche d'âge et une fréquentation d'établissements de formation supérieure au-delà d'une douzaine d'années passées à l'école primaire et secondaire.
    Il y a mille raisons pour que le marketing cible un segment "étudiants" : il constitue une tranche d'âge mixte, jeune, urbaine, active, de plain-pied avec la culture la plus récente (numérique, musicale, mode). Propageant goûts, styles de vie, opinions, c'est bientôt une classe d'âge en cours d'installation et d'équipement, de fidélisation aux marques. C'est ce que livre l'intuition au marketing : les étudiants représentent essentiellement une tranche d'âge. De là à considérer qu'ils forment un groupe social homogène, une condition, il y a loin car le groupe "étudiants" recouvre des disparités de statut telles que l'on doit se demander si la catégorie "étudiants" est pertinente et féconde pour l'analyse socio-économique et le marketing.

    D'abord la démographie
    On compte en France près de 2,4 millions d'étudiants (année universitaire 2012-2013) ; on n'en comptait que 310 000 en 1961, il y a cinquante ans.
    Avec les élèves de 15 et plus, les étudiants représentent plus de 8% de la population française ; cette catégorie est un peu plus large que celle des éudiants telle que l'entend le ministère de l'éducation car elle inclut les élèves de 15 ans et plus non étudiants, encore scolarisés dans des établissements secondaires. L'INSEE inclut cette catégorie globale, élèves et étudiants (CS 84) dans le Groupe 8, intitulé "Autres personnes sans activité professionnelle" (Cf. tableau ci-dessous et INSEE, Guide analytique, p. 617).

    En un demi-siècle, on est passé en France d'une université restreinte à une université élargie. Le taux de réussite au bac est de 92% en 2013 : on compte 678 000 candidats (une génération représente un peu moins de 800 000 personnes). 72% des bacheliers s'inscrivent dans l'enseignement supérieur à la rentrée suivante. Etre étudiant semble désormais une étape normale de la vie, entre 18 et 24 ans.
    Devenant banale, la catégorie des étudiants est de plus en plus féminine : à 20 ans, 50% des femmes sont étudiantes, 40% des hommes, traduisant la meilleure réussite scolaire des filles (INSEE, "Diplôme le plus élevé selon l'âge et le sexe en 2011"). Selon l'OVE, 56% des étudiants sont des femmes (57% des inscrits à l'université selon l'INSEE en 2011).

    Des inactifs ?
    On qualifie les étudiants d'"inactifs" ; l'INSEE les classe dans les "inactifs divers autres que retraités" (cf. tableau ci-dessous). Cette catégorie d'inactifs, classe résiduelle et hétéroclite, semble sans fondement économique et sociologique. Qui de moins inactifs aujourd'hui que les étudiants qui associent, tout au long de l'année, activité universitaire (cours et examens) et activité salariée ?
    • 70% des étudiants effectuent des stages (on parle de 1,2 à 1,6 millions de stagiaires, cf. Génération Précaire). De plus en plus souvent rendus obligatoires par la formation et le diplôme, les stages sont également décisifs pour la recherche d'un emploi ; figurant en bonne place sur la C.V., ils constituent de plus en plus souvent une première étape avant un hypothétique CDD. Les stages et leurs variantes instituent de facto une alternance emploi salarié / études : horaires d'entreprises, faible rémunération, précarité souvent... D'ailleurs, observe l'INSEE, "les apprentis et stagiaires en entreprise" ne devraient pas être classés parmi les étudiants mais "parmi les actifs".
    • Près de trois étudiants sur quatre exercent un emploi rémunéré au cours de l'année, dont un quart en été (Source : Observatoire national de la vie étudiante- OVE, 2010).
    • Stages et emplois procurent l'essentiel des ressources de beaucoup d'étudiants.
    Les étudiants dans la nomenclature INSEE (2003). Mise à jour le 20 février 2012. 
    Définition des inactifs selon l'INSEE : "personnes qui ne sont ni en emploi (BIT) ni au chômage : 
    jeunes de moins de 15 ans, étudiants, retraités, hommes et femmes au foyer, personnes en incapacité de travailler..." 
    Etudiants "héritiers" ?
    Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dénonçaient, au début des années 1960, l'illusion sociologique et journalistique qui aimait à voir dans les étudiants "un groupe intégré et une condition professionnelle" (Les héritiers. Les étudiants et la culture, Editions de Minuit, 1964). L'illusion s'est perpétuée et consolidée dans la catégorisation. Pourtant, les variables socio-économiques classiques divisent toujours le groupe "étudiants" ; l'origine sociale se perpétue dans le choix des filières, dans l'habitat (un tiers des étudiants habitent chez leurs parents. Source : OVE) et dans les revenus (les étudiants bénéficient de versements, inégaux, de leurs parents) mais aussi dans les loisirs, les séjours à l'étranger...
    Surtout, le type d'études menées reste corrélé à la PCS des parents : les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures sont sur-représentés dans les études de gestion, d'ingénieur, de santé (études qui débouchent immédiatement sur un emploi). Comme dit l'étude de l'OVE : "rappel de l'origine". Les femmes sont sous-représentées dans les filières scientifiques et d'ingénieurs mais majoritaires en Lettres et sciences humaines, études qui donnent un accès difficile au marché de l'emploi. Après "les héritiers", vient "la reproduction"...
    Ainsi, les étudiants se distinguent et se définissent d'abord par leur origine sociale (capital culturel et capital humain s'en suivent), mais, surtout, ils se définissent par leur sortie, le groupe social auquel ils vont appartenir au bout de leur formation et qu'anticipent déjà, peu ou prou, les stages. "Avenir de classe et causalité du probable" (Pierre Bourdieu), amor fati.

    Du point de vue des sciences sociales et du marketing, ne serait-il pas plus rigoureux et efficace de classer les étudiants dans la catégorie sociale de leur parents ou dans la catégorie où ils deviennent actifs plutôt que d'en faire une catégorie socio-professionnelle autonome qui n'ajoute guère à la tranche d'âge ? La catégorie sociale "étudiants" est illusoire.


    Autres posts socio-démos :

    mardi 3 septembre 2013

    Wi-Fi everywhere, a battle for data and privacy

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    The battle for Wi-Fi in the city is a battle for data; it is becoming a new element in urban planning.
    Soon Wi-Fi will be everywhere: stadiums, malls, movie theaters, airports, subways, stores, universities, cabs, train stations, parks, museums, convention centers, cities, you name it.... All public places with more or less captive audiences, at least captive for a while. Public places that may sometimes form location-based ad networks (cf. Premier Airport Network by MediaShift))... Major media operators are already present: Google, MSOs, telcos, BSkyB (The Cloud), Facebook (Facebook Wi-Fi), Apple (WiFiSlam).... Recent examples:
    • Google is replacing AT&T in Starbucks, supplying free Wi-Fi in the 7000 US stores. Google will also offer free Wi-Fi in public places (parks, etc.) in San Francisco. 
    • Cable-operators Time Warner Cable and Cablevision are partnering with the City of New York to develop Wi-fi hotspots in public places. 
    • Comcast, the major American cable-operator, "turns Xfinity customers' home wireless gateways into Wi-Fi hotspots". Comcast also sells Wi-Fi services for stadiums in Denver, Boston and Philadelphia. For MSO, Wi-Fi is part of the job.
    • The new San Francisco stadium (NFL 49ers') will be equipped with Wi-Fi for the public: "We see the stadium as a large data center," says the IT director of the San Francisco stadium.
    • CNN Airport Network provides live streaming of its channel (simulcast) with the Advanced Wireless Group at the Miami Airport for tablets and smartphones. AWG is therefore coupling two kinds of audiences, at the airport and at home. 
    • Subway stations in New York get Wi-Fi (by Transit Wireless) which will become a "backbone for digital advertising".
    • Apple acquired WiFiSlam for indoor location.
     

    With the Wi-Fi comes a new kind of marketing: the visitor may agree to download an app that connects their smartphone (or any location aware wearable like a watch, a wristband) to the store, the mall, the museum, the station or the stadium. The visitor must first register. It is opt-in and from then on the reconnection is automatic each time the visitor comes to the place. No more check-in. In fact, it works like a traditional loyalty card - an improved version.

    This kind of marketing will only work if both the consumer and the public place benefit from the exchange. It is and can only be a barter; the consumers gives their data in exchange for rewards: digital coupons, news, promotions, new offers, way-finding... and a free connection. All along, shopping is enhanced for both: customers can easily showroom (making comparisons, looking for coupons,, discounts, reviews, localizing products in the store, using shopping lists) and interact with the store, with brands. Not surprisingly, visitors prefer places with Wi-Fi.
    A store is neither on-line nor off-line: now, it is both.

    As a website uses cookies, a place equipped with Wi-Fi collects audience data from its opt-in visitors. This information can be used to target them and to personalize messages and their experience at the place.
    • With individual data one can build real-time analytics describing the activity in the place: cumulated traffic / reach, frequency (deduplication), total and average dwelling time, bounce rate, all of this according to the time (day parts), the place, habits, frequency of the visits, coupon redemption, consumer path, products bought, etc.). From there, one can predict intention (to buy, to subscribe, to unsubscribe, to recommend).... The visitor is treated off-line as on-line ; even retargeting is possible. One can imagine segmentations, variables and clusters never used before to analyze and explain visitor behavior. One can influence the consumer at the Point Of Sale ("Werben Sie dort, wo die Kaufentscheidung fällt": advertise where the buying decision is made, says ECE flatmedia).
    • It is possible to draw maps visualizing, totalizing traffic and dwell time, designing hot and cool zones while following the shopper's path in the store (cf. retail analytics by RetailNext). 
    • One can figure out how many of the people who click on a mobile ad visit the related place (click-to-visit analytics by Sense Networks) or "place visit rate" (PlaceIQ).
    Such a digital loyalty card would solve the privacy issue. The visitors agree to give data and the bargain they participate in is transparent: data against benefits (cf.Target. No anonymous data is collected: no risk.
    This is very different from what is done without consent by companies like Renew London, which started a controversy because, in fact, they were "stealing" data.
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    jeudi 29 août 2013

    Concentrations dans la télévision américaine

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    Rappel : la télévision américaine est locale, un network réunit plus de 200 stations locales pour tendre vers une couverture nationale des foyers TV. Si elle est affiliée à un network, une station locale diffuse l'essentiel de la grille de ce network, à quoi s'ajoutent des productions locales (information) et des émissions (programmation enfant, séries, talk shows, etc.) choisies et achetées par la station elle-même et diffusées simultanément par plusieurs stations (syndication).

    La concentration dans la télévision locale s'accroît : des groupes contrôlent directement un nombre plus grand de stations locales. Cette concentration vise la mise en commun des outils d'administration, des moyens techniques et des rédactions (devenant pluri-médias). Elle vise surtout l'accès à un niveau de puissance permettant de négocier à armes égales avec les distributeurs (réseaux câblés, télécoms, satellite). Elle doit aussi permettre de résister à l'effet d'initiatives comme Aereo.
    Deux groupes procèdent à des acquisitions importantes : Gannett Company et Tribune Company vont contrôler plus de 40 stations chacun.
    Ces deux groupes sont des groupes média mixtes : télévision locale et presse locale et régionale. Ces deux groupes sont aussi engagés sur le Web. Gannett contrôle USA Today et 82 journaux locaux dans des grandes agglomérations ; Tribune contrôle le Chicago Tribune, le Los Angeles Times et plusieurs quotidiens, etc
    Pour chacun de ces deux groupes, renforcer la part de la télévision rééquilibrera le modèle économique. La fusion leur donnera aussi davantage de poids pour les négociations de retransmission-consent avec les opérateurs du câble et du satellite (Time Warner et DirecTV essaient d'ailleurs de bloquer la fusion Belo-Gannett).
    • Le groupe Tribune rachète le groupe Local TV Holdings pour 2,725 milliards de $ ; l'achat ne sera effectif qu'à la fin de l'année 2013, si la FCC donne son accord. Local TV compte 19 stations qui s'ajoutent aux 23 détenues par Tribune.
      • Après fusion, Tribune détiendra 42 stations dont 14 stations affiliées à CW, 14 à Fox, 5 à CBS, 3 à ABC, 2 à NBC et 4 stations indépendantes. L'ensemble couvrira 44% des foyers TV américains (ce qui dépasse la limite établie par la FCC, 39%) et constituera le premier groupe de stations affiliées.
      • Cela devrait faciliter la distribution de WGN, sa chaîne du câble (retransmission consent)
    • Le groupe Gannett rachète le groupe Belo (20 stations) pour 2,2 milliards de $. Avec 43 stations, l'ensemble deviendrait, après acquisition, le 3ème groupe de télévision locale, couvrant près du tiers des foyers TV américains. Cf. le dossier de la transaction à la FCC. Cf. infra aussi carte des stations.
    Ces mouvements de concentration en cours indiquent que la télévision locale, pour être efficace et rentable, doit reposer sur un modèle pluri-local, voire même, à terme peut-être, national (cf. PQR66). En effet, si les annonceurs sont locaux, si l'information est locale, les infrastructures numériques automatisées peuvent s'amortir au plan national et nécessiteront de moins en moins d'implantations locales dispersées. L'économie publicitaire numérique pousse également à la concentration des moyens, mais peu à la concentration géographique des contenus. En revanche, elle permet et stimule les concentrations pluri-média.

    Comparer à la situation européenne ? En Europe, les groupes de presse régionale contrôlent peu (ou pas du tout) de télévision régionale et ne peuvent donc guère espérer amortir le travail d'information et de régie publicitaire sur plusieurs médias.

    Cette évolution de la concentration locale suscite aux Etats-Unis des débats sur la révision de la réglementation  (cross-media ownership) : la réglementation devra être redéfinie par la FCC pour tenir compte du Web et des nouveaux acteurs omniprésents sur les marchés locaux comme Google ou Facebook.
    Source : USA Today, June 13 2013

    lundi 26 août 2013

    Interférences politiques du journalisme

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    Médias et politique : comme le titre à la une le dauphiné dans son édition de dimanche (article de Xavier Frère, p. 30), on assiste à un recyclage de compétences, à des reconversions même. Il y en eut de célèbres, Ronald Reagan, journaliste sportif, devenant président de la République, Sarah Palin animant une émission après son échec aux présidentielles américaines. Combien d'anciens journalistes de la télévision française font une "carrière politique" ?

    Politique et médias exploitent donc les mêmes talents d'animation, mobilisent un même capital social accumulé lors de semblables fréquentations, de relations communes. Politique et médias exploitent les mêmes compétences de rhétorique générale ("polémiste", bateleur). Une même propension à la people-isation les caractérise : aller de la politique aux médias (en attendant) et retour permet d'entretenir une notoriété qui ne souffre pas l'absence.
    L'information sportive a donné l'exemple depuis longtemps en recyclant des champions retraités pour analyser et commenter les événements sportifs.
    Tout ceci s'organise en un mercato médiatique et il en va des animateurs radio et TV comme des footballeurs professionnels. Les médias s'achètent des politiques, pour faire du spectacle, pour faire de l'audience.

    Cette confusion des genres compromet l'indépendance du discours des médias, leur objectivité. Cette collusion dé-professionnalise l'image du journalisme d'information et le fait s'apparenter à une activité d'amateur (pro-ams). Elle accentue et généralise la people-isation de la représentation politique... Politique spectacle qui dévalorise l'élection, la république et le métier de citoyen.


    jeudi 22 août 2013

    Achat d'espace publicitaire : de l'upfront au progammatic

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    La vente traditionnelle de l'espace publicitaire prime time de la télévision américaine s'est accomplie pour cette année 2013-2014, comme pour les précédentes, d'une manière traditionnelle, inchangée depuis près d'un demi-siècle. Au total, près de 20 milliards de $ d'espace publicitaire a été réservé.
    Depuis quelques années, les ratios essentiels n'ont guère varié, malgré des audiences quelque peu en baisse, surtout les audiences en direct :
    • l'augmentation de CPM, légèrement inférieure à celle de l'an passé, se situe entre 6 et 7,5 %.
    • le part de l'espace vendu upfront tourne autour de 75% (50% pour les chaînes du câble), 
    • la part  de marché des chaînes du câble dépasse 40%, pour un chiffre d'affaires voisin de celui des networks terrestres généralistes.
    L'upfront dont les chiffres restent flous (déclaratifs) est un indicateur de l'intérêt que présente la télévision grand public aux yeux des annonceurs. La bourse, sensible à cet intérêt, a réagi positivement : les grands groupes de télévision ont gagné 30% au cours de l'année écoulée (quand le NASDAQ a gagné 17%).

    Seule CW, dont le coeur de cible est jeune (18-34 ans), innove et, pour la troisième année, pratique une vente "convergente", multiplateforme, intégrant espace classique sur la chaîne et espace numérique sur le Web fixe et mobile.

    Et, pendant ce temps là, sur le Web, les annonceurs achètent des data ; les cibles sont configurées automatiquement, les prix sont fixés mathématiquement, en temps réel (RTB). C'est le règne de l'algorithme.

    En ce qui concerne l'achat d'espace à la télévision, rien de "programmatic" : pas d'Adexchange, de RTB (Real Time Bidding), pas de DMP (Digital Management Platform) ; sans doute par crainte de voir les prix s'effondrer, la télévision résiste à l'automatisation. Pour combien de temps encore ?
    Le groupe Interpublic Mediabrands vient de lancer un pavé dans la mare. Avec quelques groupes média, radio et télévision (Clear Channel, Tribune, A&E Networks, Cablevision, et, depuis fin septembre, ESPN), Interpublic teste une commercialisation automatisée.
    L'objectif premier est de s'aligner sur les pratiques du Web, de proposer de meilleurs ciblages et d'améliorer la transaction commerciale, actuellement laborieuse, lente et coûteuse. Il ne serait pas encore question d'enchères, toutefois. La plateforme serait réalisée avec Adap.tv, la plateforme vidéo que vient de racheter AOL. A suivre.

    mardi 20 août 2013

    The end of 3D TV?

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    How is 3D TV doing ? Not well.
    ESPN 3D has said it was stopping 3D production for sporting events by the end of 2013. The BBC also is stopping production and will not launch a 3D channel: why ? "lack of public appetite for the technology". In 2013, the French tennis open (Roland Garros) was not broadcast by France Television in 3D anymore.

    Last year, Canal+ (France) stopped broadcasting its 3D channel in France. In Australia, Foxtel will stop broadcasting 3D programs next week. ESPN 3D will close at the end of the year, BT Sport calls 3D "a waste of time".
    There are still 3D channels: in the US, DirecTV still has 3D lineup (with ESPN 3D and 3net), but for how long? ; in Turkey, 3D exists within Digiturk's package (with Discovery); in France, Orange offers 3D on canal 333 as well as some VOD and there is still a Canal+ 3D in Spain. And there is Sky3D in the UK.
    Among the reasons mentioned by operators against 3D TV: the price of a 3D TV set, lack of programming, the need to wear special glasses at home...
    Being "smart" for TV will not include 3D.
    3D was supposed to be the next big thing for TV, people were supposed to buy expensive 3D TV sets... It will not happen.
    For the time being, you can still watch 3D movies in theaters...

    dimanche 18 août 2013

    Le sport, limite du modèle économique de la TV

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    Les opérateurs de télévision américaine (câble, satellite, telecom) doivent limiter les hausses du prix de l'abonnement au câble et au satellite et maintenir leur marge. Pour cela, ils leur faut réduire le prix payé pour la retransmission des chaînes, et notamment des plus chères, les chaînes sportives. La bataille est constante :
    • Dish Network se fâche avec Disney à propos de ESPN (98 millions d'abonnés) : le contrat expire fin septembre 2013. Dish déclare être prêt à envisager de ne plus retransmettre les chaînes de Disney. ESPN facture 5,71 $ par abonné, par mois (pour deux chaînes, selon SNL Kagan).
    • DirectTV refuse de retransmettre PAC-12 Network, un ensemble de 7 chaînes sportives dont 6 régionales.
    • Fox semble avoir eu du mal a convaincre les opérateurs de retransmettre ses nouvelle chaînes sportive FS1 et FS2 : DirecTV, Time Warner Cable, Dish Network et Bright House Networks se sont finalement mis d'accord. Ensemble, ces opérateurs représentent 50% des abonnés potentiels. FS1 remplace Speed qui coûtait 31 c / abonné / mois, Fox en aurait demandé 80 pour FS1.

    • DirectTV, AT&T (U-verse) et Suddenlink refusent de retransmettre CSN Houston (la chaîne des Astros et des Rockets) qui demande $3,40 $ par abonné, par mois. En revanche, ils proposent de la vendre à la carte, ce que CSN Houston n'accepte pas.
    • Le coût du sport est évoqué dans le désaccord entre Time Warner Cable et CBS (retransmission-consent).
    Comme le sport est responsable de la hausse des abonnements ; certains opérateurs voudraient le sortir de la vente groupée en bundle et le vendre à part. Hors bundling, la plupart des chaînes disparaîtraient car elles ne trouveraient ni abonnés ni annonceurs. Quant à ESPN, elle devrait être facturée une trentaine de dollars / mois aux abonnés. Le nombre des "abonnés" diminuant, les revenus publicitaires diminueraient aussi.


    Le spectacle sportif représente 50% des coûts de programme payés par les "abonnés" mais 25% des contenus consommés seulement : les contenus sportifs sont donc payés deux fois trop cher, en moyenne (on parle d'un "impôt sport"). Sans cet "impôt", certains abonnements pourraient baisser de moitié pour ceux qui ne consomment pas de sport, d'autres doubler, au moins.
    Une partie des téléspectateurs qui s'intéressent peu au spectacle sportif ne veulent plus payer aussi cher et se désabonnent (cord-cutting : près d'un million de foyers au cours des 12 derniers mois) ; les nouvelles générations ne veulent pas d'abonnement (cord-nevers) préférant des modalités commerciales à la carte (iTunes) ou des forfaits non agrégés (Netflix).
    Certains agrégateurs comme Verizon (Fios) ou Cablevision (MSO) commence à réclamer de pouvoir payer les chaînes en fonction de leur audience, c'est à dire, pour la plupart, rien.

    Avec la critique radicale du bundling, le modèle économique de la télévision est remis en question. Le bundling, c'est à la fois l'agrégation de contenus qui fait les chaînes et l'agrégation de chaînes qui fait les bouquets (forfaits). Pyramide d'agrégations caractéristique de la culture des médias analogiques, déjà mise à mal dans le domaine de la musique et de la presse.
    • La télévision actuelle, issue d'une culture analogique, est une agrégation d'agrégations 
    • La culture numérique donne un accès direct au contenu primaire et peut facturer à l'unité
    Certains économistes estiment que la fin du bundling télévisuel (désagrégation liée d'ailleurs à la délinéarisation) se traduirait pour l'industrie télévisuelle américaine par une chute des revenus de 50% tandis que survivraient moins d'une vingtaine de chaînes (au lieu de plusieurs centaines aujourd'hui). Si seul le sport était touché par la désagrégation, la chute des revenus seraient moindre mais importante pour ce secteur des programmes.
    Aux consommateurs comme aux annonceurs, la désagrégation apporterait la vérité des consommationset des prix, et la transparence des coûts : on n'achète que ce que l'on désire regarder, et l'on ne regarde que ce que l'on achète. Aurait-on encore besoin de mesure d'audience ?

    lundi 12 août 2013

    Le téléviseur, la tablette et le multiscreentasking

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    Que retenir de la dixième étude annuelle de l'OFCOM consacrée à l'évolution du marché de la communication en Grande-Bretagne : Communications Market, Report 2013, Research Document, 1 August 2013, 434 p. ?

    Tout d'abord, quelques éléments de cadrage
    Quatre heures de télévision par jour, en augmentation pour tous les groupes d'âge, sauf les 25-34 ans, presque trois heures de radio dont un tiers via des plateformes numériques. 50% des personnes utilisent un smartphone, 53% des foyers utilisent un DVR, 79% un ordinateur. Par voie postale, les ménages envoient 8 courriers par mois et en reçoivent 8 par semaine. Un quart des foyers possèdent au moins une tablette. Moins de 5% des foyers possèdent et ont branché un téléviseur connectable.

    Première conclusion. L'impact télévisuel limité du multitasking télévisuel
    Le multitasking est globalement pratiqué régulièrement par deux adultes sur trois : 62% "multitaskent" avec des appareils numériques, à quoi s'ajoute le multitasking ordinaire, non pris en compte par cette enquête : lecture de magazines, du guide de programmes TV, loisirs créatifs, discussions familiales, etc.).
    L'essentiel de ce multitasking s'effectue en dehors de toute relation avec l'émission regardée, donc sans effet publicitaire ou promotionnel. Les deux écrans restent la plupart du temps dissociés, n'induisant guère de social TV.
    Le mérite et l'originalité de l'analyse du multitasking télévisuel par l'Ofcom consiste à distinguer en effet deux types d'activités ayant lieu durant la consommation de télévision : celles qui sont en relation avec le programme de télévision regardé (meshing) et celles qui ne le sont pas (stacking).
    • Plus du tiers des personnes (36%) recourt plus ou moins régulièrement à au moins deux écrans, simultanément (multiscreentasking ou meshing), principalement avec un smartphone. D'abord en recourant au téléphone (voix, message). Ensuite, de manière moindre, en recherchant des infos sur le Web ou en utilisant des réseaux sociaux. Les possesseurs de tablette multitaskent plus que les autres. Le multiscreentasking touche davantage la population féminine et jeune. Peu d'interactivité directe avec l'émission.
    • Quant au stacking qui représente l'essentiel du multitasking (56%) et qui est consacré à une activité numérique sans rapport avec l'émission regardée, il est surtout consacré à parcourir le Web, à tenir des conversations téléphoniques, traiter ses e-mails et être actif sur des réseaux sociaux. 
    Deuxième conclusion. L'importance télévisuelle croissante de la tablette
    La tablette apparaît comme un appareil tout terrain, utilisé pour tout mais surtout pour la télévision et le cinéma pour lesquels elle supplante le smartphone. La tablette devient un support essentiel de la télévision, linéaire ou catch-up, utilisée avec des applis : c'est un véritable téléviseur connecté et portable. C'est aussi un appareil partagé par tous les membres du ménage, notamment avec les enfants. Comme le téléviseur. De par toutes ses propriétés, la tablette est accélérateur de multitasking.


    mercredi 7 août 2013

    Socio-démo : ménage, ménagère, manager

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    Un ménage peut être défini comme un ensemble d'unités de consommation (UC) : dans cettte évaluation, un adulte compte pour 1, les autres personnes de plus de 14 ans pour 0,5, les personnes de moins de 14 ans pour 0,3. Par exemple, un foyer composé de deux adultes et deux enfants de moins de 8 et 11 ans compte 1 + 0,5 + 0,3 + 0,3 = 2,1 UC (échelle OCDE, recommandée par l'INSEE) ; cette échelle, qui succède à l'échelle dite d'Oxford, est critiquée pour sous-estimer le coût des enfants.

    Selon l'INSEE, un ménage est composé des personnes vivant dans la même résidence principale. La notion de ménage est indifférente aux liens de parenté ; le ménage peut ne compter qu'une personne. Pour appartenir à un ménage, les membres doivent faire "bourse commune" (contribution et partage).

    En 1982, l'INSEE est passé de la notion de "chef de ménage" à celle de "personne de référence du ménage", ainsi définie :
    "La personne de référence du ménage est déterminée à partir des seules 3 personnes les plus âgées du ménage. S'il y a un couple parmi elles, la personne de référence est systématiquement l'homme du couple. Si le ménage ne comporte aucun couple, la personne de référence est l'actif le plus âgé (homme ou femme), et à défaut d'actif, la personne la plus âgée".
    Même modernisée, cette définition rend mal compte de la réalité économique et culturelle, de l'économie domestique.

    Une journée moyenne en métropole, en 2010.  Source : INSEE, Layla Ricroch et Benoît Roumier, o.c.
    Quelle est la réalité de la vie des ménages ?
    On peut l'approcher par le budget-temps des membres d'un ménage. C'est l'objet du travail de recherche effectué par Layla Ricroch et Benoît Roumier (cf. "Depuis 11 ans, moins de tâches ménagères, plus d’Internet", INSEE Première, N°1377, novembre 2011). Comment évolue la répartition des tâches domestiques dans les ménages ? Le temps passé à la cuisine diminue, comme celui passé au ménage et aux courses. Les hommes bricolent moins et s'occupent davantage des enfants. Mais, surtout, principal résultat de cette enquête, les femmes assurent toujours la plus grande partie des tâches domestiques. Elles y consacrent moins de temps qu'avant, mais toujours beaucoup plus que les hommes (une heure et demie de plus). Notons toutefois, "l'invisibilité du travail domestique masculin" (cf. Florence Weber, Le travail à-côté. Une ethnographie des perceptions, Paris, editions HESS, 1989, 2009) et la notion, délibérément imprécise, de semi-loisir, rebelle au calcul (cf. Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger, Ionela Roharik, "Les loisirs des actifs : un reflet de la stratification sociale", Economie et statistique, N° 352-353, 2002).

    Qui décide de quoi dans un ménage, de quels achats ? Qui est "Principal-e Responsable des Achats" (RDA, PRA) alors que le nombre de ménages comptant deux actifs devient la norme et que les femmes sont plus diplômées que les hommes (cf. INSEE, Diplôme le plus élevé obtenu en 2011, selon l'âge et le sexe) ? Quel achat fait l'objet d'une décision collective, négociée, "familiale" (problème d'attribution) ? 
    Pour l'essentiel, les femmes sont majoritairement responsables des achats domestiques ("main shopper") dont elles sont les principales prescriptrices et utilisatrices (FMCG, alimentation, etc.). D'après Kantar (Worldpanel, "Le shopper version homme"), dans 15% des cas, les hommes sont responsables des achats. Dès lors, en toute logique, les femmes ne sont-elles pas par défaut personnes de référence ? Si dans un ménage il y a des femmes, la plus âgée devrait être "personne de référence du ménage"... Pour le reste, la définition usuelle de l'INSEE s'applique (le plus âgé, etc.). Plutôt que de ménagère, ne vaudrait-il pas mieux parler de managers du ménage, voire même d'auto-entrepreneur, entrepreneur de soi-même (Michel Foucault) ? Ne parle-t-on pas parfois aux Etats-Unis des femmes comme "household CEOs", PDG du ménage ?

    En attendant que la terminologie épouse l'évolution des moeurs, et que l'appliquent les questionnaires de recrutement des panels et les enquêtes de cadrage, la télévision continue de vendre des cibles "ménagères". Désormais, on parle même de "ménagères numériques" : moins de 50 ans, responsables des achats et qui se connectent à Internet au moins une fois par semaine, selon Media in Life. Pourquoi moins de 50 ans, alors qu'un nombre croissant de femmes accouche après 35 ans (cf. INSEE) ? Pour l'étude de référence de la presse, One / Audipresse, est ménagère "la femme qui dans le foyer se définit comme telle" : mais quelle femme aujourd'hui se définit comme ménagère ? Prudente, l'étude donne des statistiques pour chacune des trois catégories : ménagère, personne de référence, responsable des achats... 

    dimanche 4 août 2013

    Presse, le début de la fin du papier ?

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    Le groupe allemand Axel Springer AG vient d'abdiquer. La presse papier, c'est presque fini.
    Le groupe vient de vendre à Funke Medien Gruppe (édition papier et édition numérique), pour 920 millions d'euros, sa presse régionale, sa presse féminine et sa presse de programmes TV. Une société de commercialisation associera les deux groupes (cf. communiqué de presse).

    Ce regroupement de titres ne se fera pas sans réduction d'effectifs : le syndicat des journalistes allemands Deutsche Journalisten-Verband (DJV) s'en alarme déjà. La transaction doit encore être approuvée par les organismes réglementant la concurrence et la concentration.

    Vendus :

  • deux quotodiens régionaux : "Berliner Morgenpost", "Hamburger Abendblatt"
  • des magazines généralistes : 
  • des guides de programmes TV : "Hörzu”, "TV Digital”, "Funk Uhr”, "TV Neu!”, "Bildwoche"
  • des féminins : "Bild der Frau”, "Frau von Heute
  • en France aussi, le groupe a vendu en juillet des magazines (Vie Pratique, Télé Magazine) à Reworld Media. Le groupe possède en France des sites tels que aufeminin.com, seloger.com (cf. activités en France), Smart AdServer et divers titres automobiles.

  • Restent dans le groupe Springer les quotidiens nationaux "Bild" et "Die Welt" ainsi que des magazines spécialisés tels "Auto Bild", "Computer Bild" et "Sport Bild".
    Que peut-on comprendre ? Les deux quotidiens nationaux, l'un populaire et l'autre pas, opèrent une transition radicale vers le numérique (cf. l'alliance pour le mobile de ces deux titres avec Deutsche Telekom). La presse magazine spécialisée semble, à court terme, moins vulnérable que la presse magazine généraliste qui ne publie aucun contenu exclusif (ou presque), ne présente aucune barrière à l'entrée ; la coexistence des supports papier et numérique peut durer encore un peu pour des centres d'intérêts spécialisés et populaires (automobile, sport, informatique).

    Les titres cédés sont encore profitables (pour combien de temps ?), et sont de véritables emblèmes qu'il a été difficile de vendre : "Hörzu", créé en 1946, fut le magazine de la télé grand public, comme le fut, en son temps, aux Etats-Unis, le TV Guide américain ou, en France, Télé 7 Jours. Quant au Berliner Morgenpost, lancé en 1898, c'est un emblème de la capitale et de l'histoire de la presse allemandes.
    "Axel Springer va / veut devenir l'entreprise média digital leader" (page d'accueil du site Axel Springer AG.
    Revirement, réorientation stratégiques : le groupe Axel Springer n'est plus un groupe de presse papier, il devient un groupe de médias numériques. L'action Springer (MDAX) a monté de 11% suite à la publication de cette cession.
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    jeudi 1 août 2013

    Facebook passe à l'attaque de la télévision

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    En tant que support de publicité, Facebook s'attaque au marché publicitaire de la télévision. Ce n'est pas une surprise : Facebook l'avait annoncé dans le document rédigé pour son entrée en bourse.
    Cette stratégie se développe, bon gré mal gré. Les étapes en sont visibles comme la collaboration avec Walmart, par exemple.
    Plusieurs signes récents semblent concrétiser les intentions de Facebook.
    • La simplification des CGV et de l'achat d'espace
    • La mise en place d'un format publicitaire pour les annonceurs TV : le 15 secondes dont le prix unitaire pourrait atteindre 2,5 millions de dollars (on approche les tarifs les plus élevés de la télévision, ceux du Super Bowl). Les possibilités de ciblage seraient limitées : sexe / âge ; le message serait vendu à la journée avec un capping de 3 : un même spectateur ne serait pas confronté plus de trois fois au même message ; ce capping limite le gaspillage du budget de l'annonceur et le sentiment d'encombrement (clutter) du spectateur (pour des raisons techniques, la télévision ne peut pas actuellement pratiquer de capping).
    • La confrontation des audiences
      • Segment des 18-24 ans, cible pour laquelle la télévision est la plus vulnérable : auprès de cette catégorie d'âge, selon une enquête de Nielsen commanditée par Facebook aux Etats-Unis (juillet 2013), Facebook l'emporte sur les networks TV durant le prime time. 
      • La part de marché de Facebook durant la journée (daytime) dépasserait 50% des 18-44 ans. 
      • Sa performance est moindre auprès des segments de population plus âgée. 
      • L'utilisation simultanée de Facebook et de la télévision (multiscreentasking), importante, permettrait d'assurer de bons niveaux de répétition.
    Même format, mêmes cibles, même puissance que la télévision (couverture et répétition). Il ne manque qu'une mesure consensuelle et certifiée pour asseoir une comparaison opérationnelle TV / Facebook. Nul doute que Nielsen, qui assure la mesure de référence de la télévision aux Etats-Unis s'y emploie.
    La concurrence de Facebook constitue un risque pour la télévision commerciale.
    Et pour les agences média ? Les annonceurs ne pourraient-ils pas être tentés de s'entendre directement avec Facebook... Car quelle compétence particulière et nécessaire apporterait une agence à un annonceur lors d'un achat sur Facebook ?
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