jeudi 30 juillet 2015

Interaction with a screen. Could beacons make it smarter?


Screens are all over the place. Indoor and outdoor. Out of home, they invade retail stores, subways, restaurants, malls, universities, museums, stadiums, train stations... For the time being, communication goes mostly one-way: from an organization, an advertiser, an administration to a passer-by, a prospect, a client. Advertisers use them for branding, to build and increase awareness. Of course, we would like these screens to be smart. Above all, we would like them to be able to gather data, smart data, and by so doing, become smarter. Data, only data, will make a screen smart. How?
How to make a screen, a shelf, street furniture, smart ? Adding Wi-fi, NFC, Bluetooth, QR...The screens used for Digital Out Of Home (DOOH), outdoor and indoors, are part of the Internet of Things. They can be monitored to save energy, manage content and advertising, measure audience (reach, demos, dwell time, frequency capping, etc.).

But, since communication with a screen takes place in a public situation, there are nevertheless some obvious limitations to interaction. Even if a message can be somehow personalized for a given passer-by according to gender, age (face recognition), or according to what she or he did just before or where (a precedent location), there remains a serious question of privacy and discretion.  There could also be a risk with crowds and security: no store, no transport facility wants too many people lining up in front of a screen.

Then come the Beacons for communication and location awareness. First Apple's iBeacon, and now Google's Eddystone. A beacon, as a wireless sensor, uses a battery to broadcast a signal around the beacon (via built-in antenna) ; that signal can be identified (Universal Unique IDentifier) and received by any device entering the range. The beacon leverages Bluetooth Low Energy to estimate the user proximity (distance between the responding app and the beacon). The beacons are therefore perfect for retail environments. The interaction is personal, intimate: the passer-by's device receives a notification and does or does not do what is suggested: looks at a product, purchases an article, shares information with a friend, etc.
You need an app designed to communicate with the beacon. You can configure apps to trigger events once you enter or leave the beacon's range (opt-in /opt-out). With beacons, advertisers can also broadcast the URL of their website (pushed in iOS Notification Center). In a retail store, when a customer picks up a product with a beacon or a sticker attached, the screen nearby shows a commercial about the product in question...

Beacons are bringing proximity and context to mobile, in a way that is simple and cheap. It works like geolocalization, allowing location-based actions. The beacon can trigger actions on the screen: suggest a coupon, show transit information, schedules, weather, traffic, nearby stores (maps), maps (path finding)... For instance, someone close to a screen, watching movie trailers may receive a coupon to visit the theater next door... Screens become smart.

Physical Web is on its way

N.B. Screens can also communicate with smartphones using Aware, a new Wi-fi standard that enables communication between Wi-Fi devices.

dimanche 26 juillet 2015

Amazon devant Wal-Mart ?


La capitalisation boursière d'Amazon (248 milliards de $) est passée devant celle de Wal-Mart (233 milliards de $). La presse et la bourse en ont parlé, beaucoup.
Si le sens économique de la capitalisation boursière est discutable, au plan des symboles (image), en revanche, ce dépassement est remarquable. Premier distributeur mondial, la marque Wal-Mart est une institution de la vie quotidienne américaine, et notamment de la population la plus modeste. Wal-Mart, c'est l'Amérique profonde. Wal-Mart, il y a 50 ans, transforma la grande distribution ; Amazon qui vient de fêter ses 20 ans avec amazonPrime, la transforma à son tour.

Wal-Mart en seconde position ?
Globalement, les chiffres d'affaires d'Amazon et de Walmart sont incommensurables, mais Amazon domine Wal-Mart en matière de e-commerce pour le plus grand bénéfice des marchands utilisant sa place de marché qui représentent plus de la moitié des ventes. Amazon est le premier acteur mondial du e-commerce. Le succès (déclaré) de son Prime Day (pour 99 $, livraison gratuite sous 2 jours pendant un an, cf. infra) confirme la forte pénétration d'Amazon dans la population américaine, sa popularité croissante et sa pugnacité (le Prime Day deviendrait un Black Friday ?). Et sa capacité de fidélisation : on parle de 40 millions de amazonPrime members ! En riposte, walmart.com propose pour 50 $, un ShippingPass promettant une livraison gratuite en 3 jours... La bataille se livre à coup de livraisons, donc d'entrepôts, de robotisation... et de prix : Wal-Mart demande aux marques présentes dans les magasins d'investir moins dans le marketing et de baisser leurs prix (Every Day Low Price... ).

Avec 183 000 employés, le poids économique et politique d'Amazon est déjà formidable. Mais tellement loin encore derrière Wal-Mart avec ses 2,2 millions d'employés travaillant dans des milliers de magasins. Menacé, Wal-Mart se met au numérique, s'inspirant manifestement d'Amazon, juste retour des choses. Qui gagnera cette bataille ? Les consommateurs ? L'enjeu est culturel, opposant deux conceptions de l'aménagement du territoire commercial et de la vie sociale qu'elles engagent. Notons que la réputation des deux entreprises est médiocre quant aux conditions de travail : cf. dans d'Amazon, l'article du NY Times : "Inside Amazon", 15 août 2015 et la réponse d'Amazon). Voir aussi : "La gestion selon Amazon" ainsi que le livre de Jean-Baptiste Malet, En Amazonie. Infiltré dans le "meilleur des mondes".


Copies d'écran de walmart.com et de amazon.com (26 juillet 2015)

lundi 13 juillet 2015

mcn (YouTube), nouvelles voies pour la télévision ?


La télévision et la vidéo, c'est pareil. Pour les consommateurs, du moins ; donc bientôt pour les grands annonceurs aussi. Des spécialistes ergoteront encore longtemps sur les nuances et différences. Casuistique, stérile.
Les chaînes dites historiques (i.e. anciennes) n'ont plus le monopole que leur ont longtemps valu la complexité et la lourdeur de la distribution terrestre du signal télévisuel (réseau terrestre, satellite, networks, câble, etc.). Cette lourdeur s'est accompagnée en Europe de centralisation politique, intéressée (autorisation de diffusion, réglementation, financement par l'impôt) et de contrôle étatique : "la télévision fait l'élection", disait-on.

Mise à jour avril 2017

Aujourd'hui la création vidéo se développe ailleurs et les jeunes générations ignorent une culture télévisuelle viellissante. La distribution de la vidéo sur le Web naît sous d'autres cieux, elle relève du streaming (OTT). Le modèle original en est YouTube, racheté par Google en 2006. Facebook puis Snapchat se font également diffuseurs de vidéo et tentent de concurrencer YouTube et ses mcn. YouTube apparaît de plus en plus comme une plateforme où viennent se développer de nouvelles formes de télévision et de publicité : Susan Wojcicki, qui dirige YouTube, déclarera en mars 2017 que les vidéo-bloggers sont les prochaines entreprerises média" : "Unsere Video-Blogger sind die nächsten Medien-Unternehmen".
 Les chaînes plus ou moins anciennes se réveillent de leur sommeil dogmatique : elles empruntent la voie que YouTube a ouverte avec les réseaux multi-chaînes (mcn, multi-channel networks). Les mcn sont un moyen pour les groupes télévisuels de collecter les innovations, de les aider à décoller, à trouver leur public, de faire leur place sur le Web et sur le marché américain. De facto, ils jouent un rôle d'incubateur multiplateforme ; ils permettent d'amortir la création et la production sur des espaces mondiaux et linguistiques, donc publicitaires. Ce faisant, Google s'attaque au marché publicitaire télévisuel international, visant surtout les cibles jeunes et mobiles, YouTube proposant ses GRP estampillés par les mesureurs des performances de la télévision traditionnelle. Son seul problème est la mauvaise gestion des emplacements publicitaires, dont la médiocre sécurisation a été dénoncée par les grands annonceurs.

Nous avons déjà souligné les investissements de BSkyB, de Disney, de RTL; de Comcast... Le développement des mcn, amorcé il y a quelques années, s'accentue. Ajoutons quelques exemples récents, européens notamment.
  • Pro7Sat1 vient de racheter la totalité du réseau multi-chaîne Collective Digital Studio (CDS) dont il détenait 20%, acquis en 2014. L'ensemble, CDS 71 (250 personnes), regroupera un millier de chaînes après fusion avec le MCN de Pro7Sat1, Studio71 (créé en 2013). Les visites se comptent en milliards. CDS produit "Epic Meal Time", "Good Mythical Morning" (émission quotidienne avec Rhett et Link), Lilli Singh (dite "Superwoman"). Il produit également avec Rocket Jump Studios "Video Game High School" (VGHS)
  • TF1 et Mediaset ont pris une participation dans Studio71 tandis que Pro7Sat1 prenait une participation dans le mcn de TF1, Finder Studio.
  • Modern Times Group (Kinnevik) a acheté Splay, un MCN scandinave de 420 chaines, dont le slogan est : "connecting brands and influencers". Splay se définit comme the next generation digital media house". Quelques jours plus tard, en juillet, MTG achète 51% de Zoomin.TV, un mcn de 2000 chaînes (100 millions d'abonnés dans le monde) créé aux Pays-Bas.
  • Le MCN francetv a signé un accord avec Studio 100 Media pour la distribution de dessins animés (Zigby, Blinky Bill, etc.) sur YouTube et Dailymotion.
  • Vivendi a racheté Dailymotion à Orange. Dailymotion pourrait-il développer une stratégie semblable à celle de YouTube ?
  • ITV prend en Grande-Bretagne une participation dans Channel Mum (une quinzaine de chaînes s'adressant à des jeunes mères, "mummy vloggers", "the honest face of parenting").
  • Aux Etats-Unis le network hispanophone Univision, à la recherche de nouveaux talents, lance un mcn, Univision Creators Network.
  • WPP prend des participations dans des mcn : dans Fullscreen en 2012 (avec partenariat publicitaire), dans All Def Digital (ADD, 3 millions d'abonnés), en juin 2016.
  • En France, M6 lance deux chaînes sur YouTube en janvier 2016, l'une consacrée à la danse (DotMove), l'autre, Vloggist, est consacrée à la beauté féminine.
  • En mars 2017, Sky rachète Diagonal View (15 millions d'abonnés) : "All Time 10s", "Football Daily", "All Time Movies ", "Draw my Life", "All Time Conspiracies", etc.
Capture d'écran de splay mcn (juillet 2015)

lundi 6 juillet 2015

Socio-démo : les grands-parents


Une catégorie massive
Hebdomadaire Pèlerin, 2 juillet 2015
Il y a plus de 15 millions de grands-parents en France ; on n'en comptait que 12,6 millions en 1999, selon l'INSEE. Les grands-parents sont de plus en plus nombreux et ils sont de plus en plus jeunes. Le premier des petits-enfants arrive quand les grands-parents ont passé la cinquantaine, vers 55 ans en moyenne, les femmes un peu plus tôt que les hommes. Les grands-parents sont donc en majorité des grands-mères (7 sur 10). A partir de 70 ans, 80% des français sont grands-parents (cf. histogramme ci-dessous, source : Nathalie Blanpain,  Liliane Lincot, INSEE Première, N° 1469, octobre 2014 ). C'est donc une catégorie socio-démographique importante autant par son nombre que par les budgets de consommation qu'elle contrôle. De plus, en contact fréquent avec ses petits-enfants, elle bénéficie de leur incitation et de leur sympathie numériques.

Les grands-parents sont partie intégrante de la famille. D'ailleurs, le droit des grands-parents ressemble par de nombreux aspects à celui des parents : droit de visite et d'hébergement, droit de correspondance ; obligation alimentaire en cas de défaillance des parents. La relation, en cas de conflit, est confiée au juge des affaires familiales.

La grand-parentalité : catégorie socio-démographique ?
Les grands-parents ne constituent pas une catégorie première, il s'agit d'une catégorie floue, mixte, relevant autant de l'âge (séniors) que de la situation familiale : adultes avec enfants, mais sans responsabilité directe, immédiate, les enfants étant la plupart du temps hors du foyer grand-parental. Cette catégorie renvoie à une dimension de l'appartenance familiale, à un lien entre générations, à une dépendance flexible. Comme catégorie socio-économique, elle se compose d'actifs et d'inactifs, de retraités au statut économique et professionnel très variable.
Pour toutes ces raisons, les grands parents s'avèrent difficiles à cibler, d'autant que n'y correspond pas de média spécifique, même s'il existe un magazine s'adressant à eux : GRANDS-parents. Le magazine des grands-parents actuels // Le magazine des jeunes séniors actifs (bimestriel, lancé en 2010, 2,9€) ; de temps en temps, est publié un numéro spécial ou un hors-série, par exemple, "Être grands-parents", hors-série de La Croix (décembre 2008, 7 €). Une marque de café (Grand'mère) a tenté de faire événement en lançant une fête des grands-mères (premier dimanche de mars, depuis 1987). Le succès est encore mitigé.
En termes de ciblage, ce n'est donc que des données que peut venir une solution. Quels comportements, quelles données caractérisent et identifient les grands-parents ?

Le métier de grand-parents
GP GRANDS-parents juillet 2015
A la fin du XIXème siècle, L'art d'être grand père, le recueuil de vers de Victor Hugo (1877) a inauguré une nouvelle "politique de l'intime", mettant en valeur l'indulgence, l'art pour les adultes de "gâter" les enfants, et les enfants des enfants. Puisque l'enfant est innnocence, sa place dans la société, l'attitude des adultes à son égard doivent être reconsidérées. Tout comme la pédagogie qui s'apparente encore à la discipline militaire (cf. à la même époque, la dénonciation des parents violents dans le roman de Jules Vallès, L'enfant, publié en 1878 en feuilleton).

Dans son dossier intitulé "Au bonheur d'être grands-parents", le magazine Pèlerin (Editions Bayard) illustre ce qui était, il y a un siècle et demi, une révolution et qui est devenu la règle : les grands-parents apparaissent comme des "passeurs de vie et d'amour", des "confidents de tous les instants". Grands parents + petits-enfants, c'est la formule pour un bonheur et une complicité partagés, en marge des parents : s'ils sont - et ont été - des parents, les grands-parents ne sont pas les parents et ne veulent pas l'être.

A la relation affective et éducative, s'ajoute souvent une relation économique : les grands-parents aident les familles de leurs enfants (transferts générationnels). "Nounou avant tout", ils gardent les petits-enfants après l'école, et, pour les enfants scolarisés en maternelle, le mercredi (cf. Olivia Sautory, Drees, Vincent Biausque et Joëlle Vidalenc, Le temps périscolaire et les contraintes professionnelles des parents, INSEE Première, septembre 2011). Les grands-parents accompagnent aussi les enfants à leurs activités péri-scolaires ("Mamie taxi"). De plus, ils s'occupent aussi des petits-enfants pendant les grandes vacances. Solidarité essentielle qui aide les parents des petits-enfants à traverser les périodes difficiles. Mais que les grands-parents trouvent parfois fatigante.

Aux grands-parents, on attribue les bénéfices de l'âge et de la tradition, du bonheur domestique. Les trucs et les recettes des grands-mères occupent une place importante dans les magazines de loisirs créatifs. La grand-mère évoque surtout la cuisine et notamment la pâtisserie et les gâteaux des fêtes.
"EWA La pâtisserie de nos grands-mères" (février 2005, 4 €) ; Femme Actuelle propose un hors-série avec "750 astuces et trucs de grand-mère" (janvier 2015, 4,5 €), "La pâtisserie de Noël de grand-mère", Les bonnes recettes d'autrefois (octobre 2014), "Les gâteaux préférés de grand-mère" (mars 2013), La cuisine des grands-mères (Télé CAB SAT, septembre 2012), "105 recettes et astuces de grand-mère" (Cuisine actuelle, août 2011, 3,5 €), "Pâtisserie façon grand-mère" (Cuisine sympa, novembre 2010, 3,5 €), "La bonne cuisine aux herbes de grand-mère", Les bonnes recettes d'autrefois (mars 2009), "Les recettes de pâtisserie de grand-mère" (DIANA La pâtisserie facile, novembre 2008, 5 €). Souvent, la grand-mère ou le grand-père cuisinent mieux que les parents : ils prennent le temps de gâter leurs petits-enfants et de cuisiner avec eux.

Libérés des contraintes du métier de parent, les grands parents partagent des propriétés qui en font une cible primordiale, tant pour les contenus éditoriaux que pour le marketing. Même si leur participation économique est appéciée, il voudraient plutôt être du côté des loisirs, du temps libre avec leurs petits enfants que du côté de la contrainte, scolaire ou autre. A eux les jeux, les voyages, les randonnées, les spectacles...
Copie d'écran. Source : INSEE, 15 millions de grands-parents, octobre 2013

Autres posts socio-démos :
Références

Claudine Attias-Donfut, François-Charles Wolff, "Les comportements de transferts intergénérationnels en Europe", Économie et statistique, N° 403-404, 2007

Nathalie Blanpain,  Liliane Lincot, "15 millions de grands-parents", INSEE Première, N° 1469, octobre 2014

 Francine Cassan, Magali Mazuy, Laurent Toulemon, "Douze millions et demi de grands-parents",  INSEE Première, N° 776, mai 2001

Vincent Gourdon, Histoire des grands parents, Paris, Perrin, 2001, 702 p. Bibliogr., Index.

Hugo (Victor), L'art d'être grand-père, 1877

Benini Romain, "La religion dans l'Art d'être grand-père de Victor Hugo : une politique de l'intime", Etudes romantiques, novembre 2009, ENS-LSH, 10 p.

Olivia Sautory, Drees, Vincent Biausque et Joëlle Vidalenc, "Le temps périscolaire et les contraintes professionnelles des parents", INSEE Première, N° 1370, septembre 2011

vendredi 3 juillet 2015

Dé-bloquer le marché publicitaire


L'involontaire est ce à quoi l'on consent, disait-on.
La publicité a été mise sur notre chemin, un message a été rendu public : nous le voyons, l'entendons. Involontairement, nous y consentons. De là, parfois, nous en venons à le regarder, à l'écouter. Le premier geste est involontaire, le second est volontaire : curiosité, attention, intérêt, intention, etc. C'est le territoire de la publicité.

Les outils pour éviter la publicité involontaire sont nés d'un détournement de technologies des médias : pour la TV, la télécommande a inventé zapping et ad-skipping...
Le technologie du Web, à son tour, inventa son zapping, fin 2009, c'est AdBlock. AdBlock, extension des navigateurs, filtre et bloque la publicité. Il y a un an, on évaluait le nombre d'adbloqueurs actifs à 144 millions (Adblocking goes mainstream). La pénétration aujourd'hui concernerait plus de 30% des internautes : les plus jeunes étant les plus bloqueurs, les joueurs de jeux vidéo, les utilisateurs de sites techno, etc. AdBlock touche également le mobile, Facebook (Facebook Cleaner), etc.
C'est une culture qui se généralise
Devant la menace, on a imaginé des procès, des interdictions. Réaction agressive, vaine.

Pourquoi les internautes bloquent-ils les messages publicitaires ?
Parce que ces messages sont inadéquats : mal ciblés, mal personnalisés, mal faits. La solution serait donc de les améliorer. D'abord la création : on l'a dit depuis longtemps, Jacques Séguéla (Havas) l'a répété : si la création est bonne, plus n'est besoin de tant de répétition. Etant donnée la couverture de la cible, une bonne créa devrait suffire. Investir dans la créa plutôt que multiplier les contacts ou les occasions de contacts. Ceci vaut également pour les contenus éditoriaux.

Le numérique a compliqué la situation du consommateur en permettant la collecte de ses données par les médias et les annonceurs. Au dés-agrément suscité par la publicité, cette collecte involontaire ajoute la méfiance. Qui veut donner ses données ? Pour protéger le consommateur, ses données et sa vie privée, la loi s'en mêle, la déontologie. CNIL, ARPP...

Pour nous éclairer, nous disposons d'une enquête de YouGov pour l'IAB UK publiée début juillet (cf. infra). Première raison de bloquer les messages publicitaires ? Ils gênent, interrompent, dérangent, ralentissent la navigation (un adblocker économise 25 à 40% de bande passante, d'près une étude de SFU). Deuxième raison : ils sont souvent sans intérêt, sans pertinence. Et pour finir, une inquiétude quant au respect de la vie privée. Tout est dit, que l'on ne peut guère contester.


Il ne s'agit donc pas pour les internautes usagers d'AdBlock de bloquer toute publicité, mais, en simplifiant, de bloquer la mauvaise publicité, mauvaise pour les diverses raisons citées ci-dessus.
Pour échapper au blocage, il faut de la bonne publicité. Celle-ci ne sera pas de si tôt automatique, planifiée par des algorithmes ; pour l'instant, il faut des messages conçus et planifiés par beaucoup d'intelligence naturelle, aidée par beaucoup d'intelligence artificielle et de données.
Les données collectables, tant par la publicité que par les contenus éditoriaux, doivent permettre d'améliorer ces contenus (DMP), dont la publicité. Ne perdons pas de vue que, dans l'appréciation de l'impact d'une communication, intervient le plaisir de la publicité (agrément / likeability).

A qui appartiennent les données ?
Les données sont désormais les moyens essentiels de la communication. A leur propos, Maurice Lévy (Publicis) pose, en toute rigueur et lucidité, des questions décisives aux acteurs des médias et de la publicité, aux législateurs aussi. A qui appartiennent les données ? Qui peut autoriser leur utilisation ? Qui est en droit d'être rémunéré pour cette utilisation ?

On n'échappera pas à ces questions explosives ; elles ne manqueront pas, à terme, de bousculer les modèles économiques de la communication.

mardi 30 juin 2015

Posters et magazines : suppléments d'images


Juin 2015 : 8 posters "avec des chevaux de
rêves photopgraphiés par Christiane Slawiik,
une des meilleures photographes
équestres du monde".
 Les magazines proposent aux lecteurs toutes sortes de suppléments : cartes postales, fiches, livres, patrons, plans, partitions, auto-collants, gadgets, maquettes... S'il en est presque fini des CD (musique, logiciels, jeux) et bientôt des DVD, le poster, en revanche, se porte bien et ne semble pas s'essouffler. On le dirait anachronique, mais non !

Quels magazines proposent des posters ?

Une analyse portant sur 1 400 magazines proposant des posters (base : MM, 33 400 titres et hors-séries des dix dernières années), indique que les titres publiant le plus souvent des posters s'avèrent d'abord des titres people, ainsi que des titres visant les adolescent-e-s et les enfants.
Ensuite vient le sport, dont deux tiers des titres avec posters relèvent du football. Puis viennent les titres traitant des animaux (chevaux, chiens et chats surtout), les titres couvrant l'autobile, la moto et sports mécaniques ; enfin le cinéma, la musique, les séries TV ("Glee") sont friands de posters. Signalons aussi la forte présence de posters dans les magazines de catch, surtout à la fin des années 2000.

Le people domine
Ce qui domine l'univers des posters, dans l'ensemble, c'est le people car même dans le sport, la musique, les séries TV, le cinéma ou la moto, les posters présentent souvent une tonalité people ; ils sont consacrés à des célébrités du domaine, à la célébrité desquelles ils contribuent. Exemples : Foot Play, "les 40 meilleurs jeunes joueurs" (juin 2015, 6 posters, 3,95 €). Il y a les célébrités pour certains adolescent-e-s, "les méga posters de ton groupe préféré", "Star inside", toujours ! Justin Bieber, Selena Gomez, Tokio Hotel, Martina Stoessel (Violetta, Disney Channel), One Direction (boy band), Miley Cyrus (Hannah Montana, Disney Channel), etc. Il y a même des posters dédicacés par Pedrosa (GP+, octobre 2013, sports mécaniques) ou par One Direction (dans Closer pour ses huit ans), par Stan Wawrinka (Tennis Magazine, juin 2015)...

Il y a des posters pour tous les genres de magazines : commémoration politique ("Les 70 ans de l'affiche rouge", L'Humanité, février 2014), sur les motos ("Motos mythiques", 6 posters offerts par Moto Revue), il y a des posters didactiques ("2 posters explicatifs", par Jardins à vivre, avril 2011), "Jardiner avec la lune" (Rustica), des posters pour les enfants dans Super Dino : (+ 14 posters XXL (septembre 2013), ou dans Youpi le petit curieux  ("+ Ton poster des bébés chiens", février 2013).

Notons encore qu'il existe quelques numéros "spécial posters", exclusivement composés de posters (exemples : Stars Posters : + 8 posters + 2 XXL !, Toupie Posters. The Game (magazine de jeux vidéo) a publié un numéro de posters géants (5 €), MX magazine publie également un hors série de posters géants, de même que Wakou (enfants de 4 à 7 ans, "curieux de nature", Bayard Presse, 5 €). Depuis 1998, il existe aussi un magazine spécialisé : Posters Géants (4,9 €).
Les posters peuvent être de toutes tailles (Cheval Magazine publie un numéro spécial poster en juin 2015 avec un Giga Poster à composer de 1,2 m de haut et un cahier supplémentaire de 8 autres posters (6,3 €, cf. supra).

Les posters peuvent être un produit d'appel : Chats d'amour ("12 super posters géants de chatons mignons"), en 2010, Studio magazine publia 10 affiches des films de la rentrée, dont la première affiche de Harry Potter. En 2010, S.F.X Cinéma et effets spéciaux publie plus "de 24 méga posters" ("This is it. L'histoire du film évènement !"). Maxi Cheval Girl propose "10 maxi posters + 8 cartes postales!". Disney Girl, publie 12 posters de stars (décembre 2014).

"Affichez vos passions"
Quel rôle jouent les posters pour les lecteurs ?
Fonction d'identification, d'appartenance, de personnalisation ; on les trouve dans la décoration des chambres d'adolescent(e)s, dans diverses pièces, bureaux, vestiaires, ateliers, garages : "Affichez vos passions", suggère un titre. Un poster affiché, c'est une déclaration, privée ou publique comme un "like", pour un animal, un joueur de basket ou une idée.
La fonction esthétique n'est pas absente non plus (cf. supra, Cheval Magazine). La fonction de souvenir est importante aussi, rappelant un événement : Le Pèlerin / La Croix ont offert, aux lecteurs de l'album souvenir, "le double poster souvenir du film" ("Les moines de Tibhirine.  Des hommes et des dieux", septembre 2010, 6,5 €) Cf. supra.
Quel serait aujourd'hui l'équivalent numérique du poster ? Pinterest ? Tumblr ? Ou simplement le fond d'écran...

lundi 22 juin 2015

A vendre : publicité invisible !


Le débat sur la visibilité des messages publicitaires est crucial. Unviewable ads, publicité invisible* : l'oxymore ne peut qu'étonner. Être c'est être perçu, disait le philosophe (Esse est percipi) !
Qu'il faille définir la visibilité est l'indice-même d'un problème publicitaire. Illustration :
  • Télévision : l'annonceur achète la diffusion d'un message. Le message est diffusé et visible pour les téléspectateurs au domicile.
  • Web : l'annonceur achète la diffusion d'un message sur Internet. Le message est diffusé. Trois cas peuvent se présenter, entre autres :
    1. le message est placé en haut de la page (above the fold) et se télécharge immédiatement ; le message diffusé est visible.
    2. le message est placé loin dans la page, et l'internaute ne descend pas assez loin pour le voir ; le message est diffusé mais il n'est pas visible.
    3. le message est lourd (rich media) et se télécharge lentement, l'internaute n'attend pas et poursuit plus bas sa lecture : le message est diffusé mais n'a pas été visible.
Le Media Rating Council (MRC) énonce deux conditions pour qu'un message soit déclaré visible : il faut que 50% des pixels du message soient visibles sur l'écran d'un ordinateur (desktop), et ce, pendant au moins une seconde en continu (2 secondes consécutives pour les messages vidéo).
Pris au pied de la lettre, cela peut faire sourire : 1 seconde, 50% des pixels, c'est si peu. Beaucoup de professionnels réclament 75 voire 100% des pixels visibles, 50% d'entre eux réclament une durée supérieure ou égale à 5 secondes. Twitter garantit 100% de visibilité et 3 secondes. En cas de déficit de visibilité, l'IAB (Interactive Advertising Bureau) demande des compensations (makegoods, l'équivalent de repasses gracieuses)**.
Comment prendre en compte la partie audio des vidéos (autoplay pour Facebook, Twitter) ?  Si une impression non vue recueille malgré tout des données, sa valeur n'est pas nulle. Quel est son prix ?

Qui vérifie ? Comment ? Coûts de transaction ?
Le débat rend indispensable un nouveau métier, la mesure de la visibilité. Ce travail, et les technologies qu'il mobilise, complexifient et enchérissent la transaction publicitaire.
A ce jour, le MRC a accrédité 19 vendeurs de technologies, par ordre chronologique (19 juillet 2015) : RealVu, comScore vCE-Validation, DoubleVerify, Google Active View, spider.io, Integral Ad Science, Alenty, Sizmek, Moat, WebSpectator, Glam Media, AdYapper, Yahoo! APT, Chartbeat, Adloox, Pixalate, Meetrix, Microsoft Ad Expert, Vindico.
Cette multiplicité disparate de mesureurs et de technologies de mesure nuit à la transparence du marché qui ne s'y retrouve guère, surtout les éditeurs.

Agences et annonceurs d'un côté, éditeurs de l'autre
La moyenne actuelle de la visibilité aux Etats-Unis conforme au standard MRC de la visibilité est de 47% des messages ; l'IAB recommande aux vendeurs de viser un seuil de 70% des messages d'une campagne déclarés visibles (en attendant 100%). Les agences de publicité  (4A's) et les annonceurs exigent 100% de visibilité et une définition plus exigeante de la visibilité. Ils veulent que la visibilité soit évaluée par des tiers (third-party verification), menaçant de refuser d'acheter en cas contraire. Cf. Kellog ou Kraft Foods Group, Advertising Age).
Pour la vidéo, Google évalue le taux de visibilité, hors applis, à 54% des messages en général (hors YouTube) et à  91% pour YouTube. La visibilité est meilleure sur les supports mobiles***. Pour les ordinateurs, elle croît avec la taille du player (89% pour le 848x477 ; 19,8% pour le 300x250).

Tout cela s'avère techniquement complexe et peu lisible
Le besoin de standards et de vérification indépendante est crucial pour la maturité du marché publicitaire. On perçoit à cette occasion le travail effectué par les médias anciens, presse ou télévision, pour simplifier les transactions publicitaires. En télévision, en presse, il ne reste qu'un mesureur par média, par marché.
Si l'on extrapole les débats actuels, que peut-on envisager, craindre ou espérer ? Une augmentation des prix de l'espace publicitaire et une diminution du nombre des espaces invisibles, devenus non vendables. On assisterait donc à une réduction de l'encombrement publicitaire (clutter), à une dédensification, comme disent les afficheurs.
Avec la diffusion en streaming (OTT), la télévision ainsi que les écrans DOOH se trouvent dans une situation proche de celle de la publicité sur le Web : diffusion n'équivaut plus à visibilité. Le débat sur la visibilité doit être élargi : il concernera bientôt tous les écrans.
L'importance des durées de téléchargement pour les éditeurs (cf. l'argumentation de  Facebook et Instant Articles pour la presse) renvoie nécessairement au débat sur la neutralité du net.
Notons enfin que le débat sur la visibilité propulse et légitime de facto le MRC, instance américaine, comme arbitre international du marché publicitaire, au détriment d'instances nationales. Est-ce souhaitable pour les Européens ?


* Deux cadres de DigitasLBi qui gèrent la publicité mondiale d'American Express déclarent refuser de payer toute publicité invisible. La publicité invisible ne vaut pas moins cher, elle ne vaut rien du tout, insiste-t-on à GroupeM. “An ad that’s not seen is not worth less, it’s worth zero. Zero” (cf. J. McDermott, "Viewability's elephant in the room", Feb. 2015).
** Sur ces débats concernant les critères de visibilité : eMarketer.
*** L'élaboration des critères de visibilité par le MRC pour le mobile est en cours.

mercredi 17 juin 2015

Numérique et destruction créatrice de médias


Depuis 20 ans, les médias traditionnels d'information sont assaillis par de grands services numériques sans contenu propre, sauf fourni par les utilisateurs eux-mêmes (User-Generated Content).

Tout support numérique sans contenu se fonde sur un service aux consommateurs (réseau social, moteur de recherche) pour accumuler et vendre des contacts publicitaires. Chaque service y va de son appli mobile, qui recherche et puise des contenus dans les productions des médias traditionnels et les agrège à son bénéfice. Les médias traditionnels, "legacy media", médias de contenus, sur le fond, n'ont pas changé : la presse comme la télévision ou la radio restent d'abord des créateurs organisateurs de contenus, d'information entre autres, et, notamment, d'information locale.
Le numérique n'y change pas grand chose : la collecte de cette information ("All the news that's fit to print", selon le slogan du New York Times depuis 1896), son traitement (vérification, curation, narration, illustration) coûtent cher. La monétisation semble rester en rade ; elle s'est empêtrée dans sa distribution traditionnelle.

S'agit-il de destruction créatrice ? Disruption : une concurrence terrible qui vient d'où l'on ne l'attend pas. La presse américaine n'attendait pas les moteurs de recherche, elle n'attendait pas les réseaux sociaux, elle ne se méfie pas de la géolocalisation... Les quotidiens ont craint USA Today et The  National Sports Daily comme les networks ont redouté les chaînes thématiques, CNN, ESPN... Aveuglés par ces leurres involontaires, armés d'analyses de concurrence, classiques et trompeuses, on dirait que les médias n'ont rien voulu voir venir.

Qu'est-ce qui a été détruit et recréé ? Ce sont les modes de distribution. Mais cette destruction n'a été possible que parce qu'ont subsisté, inaltérés et disponibles gratuitement, la création journalistique des médias, les contenus.
Si les plus jeunes se tournent vers le Web, mobile surtout, et abandonnent les supports traditionnels de l'information (Reuters Institute for the Study of Journalism at the University of Oxford, 2015), ils n'abandonnent toutefois pas les contenus ! L'agrégation de contenus opérée par les médias traditionnels est une commodité de distribution (packaging). La désagrégation en cours correspond à de nouvelles formes de distribution. Mais, toujours, derrière cette mutation du papier aux applis mobiles, il y a des contenus, des créations, du plaisir.
La distribution peut compter sur l'automation et l'intelligence artificielle pour optimiser son modèle économique et réduire sans cesse les coûts de transaction. En revanche, la création, qui lutte contre le chaos et l'entropie, ne peuvent guère compter que sur l'intelligence naturelle d'une main d'œuvre créatrice (journalistes, etc.).

Récemment Apple, Facebook, après d'autres (Google News, Flipboard, etc.) se sont positionnés comme distributeurs de produits élémentaires de la presse, désagrégés, l'article étant l'atome de lecture mobile.
  • Après Paper (1994), Facebook teste Instant Articles. Paper a joué un rôle de brouillon ; avec Instant Articles, Facebook se positionne comme distributeur d'articles de presse à part entière. Les articles sont publiés directement dans l'appli Facebook (iOS), bénéficiant d'une meilleure ergonomie : alors qu'actuellement, les articles de presse se téléchargent lentement, Facebook promet un téléchargement 10 fois plus rapide que le Web mobile et des modalités d'édition enrichie (zoom, plein écran, autoplay, légendage audio, etc.). L'information est-elle déjà "Facebookified" ? Quelle part du trafic des médias vient de Facebook ?
    • La publicité sera gérée directement par le titre qui alors gardera 100% des revenus ou bien elle sera confiée à Facebook Audience Network qui prendra 30% des revenus. Par ailleurs, Facebook propose aux éditeurs les fonctionnalités de LiveRail (people-based targeting pour mobile.
    • Les éditeurs pourront aussi utiliser leurs propres analytiques, dont Google Analytics ou comScore, s'ajoutant aux outils mis à disposition par Facebook (Tools and Insights for Publishers).
Les titres engagés avec Instant Articles (source Facebook, May 2015)

  • Apple annonce News pour l'automne 2015 (Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne d'abord). News sera une appli iOS 9, personnalisable, qui devrait remplacer Newsstand et agrégera des articles de presse. Le partenariat de lancement mobilisera The New York Times, ESPN et des titres du groupe Condé Nast (bon appétit, etc.). 
    • Les titres commercialisent leur espace publicitaire, mais à la différence de Facebook, les données de consommation de la presse ne seront pas transmises aux titres afin de garantir la vie privée des lecteurs ("Apple doesn't share your personal data"). Apple commercialisera les espaces publicitaires invendus.
    • Branding : avec Apple News Format for Publishers, Apple laisse la possibilité aux éditeurs d'effectuer la promotion de leurs titres (abonnements).
    • Le contenu proposé par News tiendra compte de ce que le lecteur lit habituellement en vue d'atteindre un niveau d'intérêt et d'engagement croissant. 
    • Au travail de gestion suivant un algorithme, pourrait s'ajouter un travail de curation humaine.
  • Twitter travaillerait à Project Lightning, une fonctionalité permettant de suivre un sujet ou un événement ; des curateurs incorporeraient des tweets sélectionnés en une narration (story) accessible et mise à jour sur l'appli Twitter pour iOS.
Parmi les questions que suscitent ces développements :
  • La mesure totale du lectorat total n'en finit pas de se complexifier ? Comment intégrer ces audiences nouvelles avec les analytiques actuels de la presse ? 
  • Qui détient les données de lecture ? Le titre pourra-t-il y accéder pour construire sa stratégie éditoriale, promotionnelle, publicitaire ?
  • S'il se crée des carrefours (hubs) où les lecteurs peuvent se rendre pour découvrir des articles, des revues, si l'on peut y passer sans effort d'une publication à une autre, quelle marque en bénéficie ? Apple ou Conde Nast ou Bon Appetit ? Qui profite de la notorité (branding) ? A qui les lecteurs seront-ils fidèles ? A Facebook, Apple, ou à l'éditeur ? La marque éditeur ne risque-t-elle pas d'être diluée ?
  • Avec des opérations comme News ou Instant Article, les médias de contenus accroissent leur dépendance vis à vis de leurs puissants distributeurs (addiction). On dirait parfois qu'ils se livrent en aveugles au destin numérique qui les entraîne...
De plus, la mainmise progressive d'agrégateurs ("massive social media aggregators") comme Google, Apple ou Facebook sur les contenus des médias américains semble se doubler de la concurrence que ces entreprises font aux médias traditionnels en matière d'information, notamment en période électorale. Ainsi, Facebook semble la source de plus en plus fréquente des informations politiques, pour les moins de trente ans (cfPew Research Center, 2014). Voir aussi le rôle de Facebook (Obama et les networks) et de YouTube (Google) dans la communication gouvernementale (cf. Un président sur YouTube).
Facebook guigne les dépenses publicitaires des partis politiques et des candidats, réduisant d'autant la part de marché des médias locaux, notamment celle de la télévision. Mais ce n'est pas la seule avancée de Facebook dans l'information : le réseau s'attaque indirectement aux médias traditionnels en facilitant la tâche des relations publiques (PR). Ainsi, alors que le nombre de journalistes décroît, celui des PR augmente : les journalistes font carrière dans les RP (y compris des jouralistes ayant obtenu des prix Pulitzer). La communication l'emporte sur l'information.
Twitter de son côté concurrence aussi 
les médias traditionnels pour la couverture des campagnes électorales (cf. le travail de Peter Hamby, journaliste de CNN, "Did Twitter Kill the Boys on the Bus? Searching for a better way to cover a campaign", Shorenstein Center Fellow, Harvard University, Spring 2013, 95 p.) : la conclusion de l'auteur sonne comme une menace de plus : "More and more, the mainstream political press is being cut out of the election process".

Les applis sur mobiles deviennent le mode le plus courant de la consommation d'information (newsreading apps). La majorité des visiteurs de la plupart des sites d'information viennent du mobile (selon Pew Research Center). Face à des entreprises gigantesques, attrape-tout, comme Facebook, Google ou Apple, les médias d'information et de divertissement semblent coincés, hypnotisés : ne pouvant les battre, ne leur reste-t-il à qu'à s'y rallier ? Facebookisation de l'information, Facebook assurant la police de l'information (content cop) ?

N.B. Pour d'autres formes d'intervention des réseaux sociaux dans l'information, voir, par exemple, les collaborations successives de Storyful (News Corp.) avec Facebook (2014) puis YouTube (2015).

mardi 9 juin 2015

Média public, média privé ? La presse invisible

Vending machineAP File photo

La presse perd du terrain dans la ville ? Dans les rues, sa part de voie s'étiole. Sa présence publique s'effiloche...

Dans les rues américaines, les distributeurs (vending machines) disparaissent ; avec leur Une "above the fold" comme un écran de prime time, ils furent, il y a trente ans, le symbole du défi que USA Today (Gannett), le nouveau quotidien national, jetait aux grands networks.

En France, le nombre de points de vente presse diminue ; en même temps diminuent la longueur totale des linéaires, et donc l'exposition aux passants. Concurremment, les ventes au numéro chutent (sources : MLP, Turnover Points de vente ; presstalis). La notoriété globale de la presse, son image en pâtissent.

Dans certains quartiers, les kiosques à journaux, plutôt que la presse, mettent en avant des colifichets pour touristes, des friandises et des boissons ; leur affichage semble moins consacré aux couvertures de magazines et davantage à des produits de mode ou de "luxe".
Même la réduction des formats (passage au format tabloïd, format poche dans la presse magazine) qui accroit la commodité de lecture affecte la visibilité de la presse.

La papier recule partout tandis que la presse investit le territoire numérique, réduisant sa visibilité : sa présence en ligne ne compense pas son absence publique. La presse a été un média de l'espace public,(cf. Jürgen Habermas, "Öffentlichkeit") lu dans les cafés et les cabinets de lecture ; les lecteurs s'affichaient avec leur titre, l'arboraient comme un drapeau (cf.  L'Huma avec ses CDH, la vente militante, la fête annuelle). Sur tablette ou smartphone, certes plus commodes, la presse devient un média de la sphère privée, discret, caché. Ainsi, quand Metronews (TF1), gratuit du métro parisien, cesse de publier sa version papier pour n'être plus présent qu'en ligne, le titre s'évanouit quelque peu...

Le modèle économique mixte, papier + numérique, peut assurer à la presse à la fois sa visibilité et sa puissance. Même une fois diffusé, un titre papier reste visible, dans les foyers, les bureaux... Facteur de circulation, de reprises en main, de durée de lecture, audience secondaire !
Comment stopper cet évanouissement de la presse, maintenir sa visibilité et sa notoriété tout en gagnant en puissance (data) ? La presse pourrait peut-être, par exemple, efficacement compter sur les écrans de l'espace public (DOOH) pour recouvrer sa place de média public.

mercredi 3 juin 2015

Télé locale en France : quelle malédiction ?


En France, la télévision commerciale locale semble ne pas se porter très bien.
Ainsi, la TLT, station de Toulouse, pourtant l'une des plus anciennes (1988), même si elle a obtenu un sursis du Tribunal de Commerce et une prolongation pour 5 ans de son autorisation d'émettre par le CSA, reste menacée de liquidation. Son endettement atteindrait 2 millions €. Et les exemples ne manquent pas : Télessonnes est en situation difficile, Médias du Sud (TV Sud Camargue, TV Sud Montpellier, TV Sud Pyrénées Orientales) pourrait déposer son bilan (sources : médias régionaux), VooTV, station de Dijon mise en liquidation judiciaire (sources : presse régionale)... Fin janvier 2013, le CSA avait autorisé, en 25 ans, 48 services de télévision locale terrestre.

Source : Télévisions locales
Manifestement, le modèle économique de cette télévision n'est pas adéquat à ses ambitions. Dépendant des financements publics, la télévision locale est de santé fragile, admet le CSA. Trop peu de revenus publicitaires, des audiences dispersées, difficiles à commercialiser. Des coûts de distribution (TNT) élevés. Une trop faible notoriété parmi les professionnels du marketing et du planning stratégique.
Pourtant, selon l'enquête TV locales 2015 de Médiamétrie qui évalue l'audience locale d'une trentaine de stations locales terrestres, près de 13 millions de personnes en France regarderaient ces stations au moins un fois par semaine (audience cumulée). La durée d'écoute serait de 44 minutes pour 1,3 million de téléspectateurs.

Des solutions ? En cas de difficulté de gestion, les stations de télévision comptent essentiellement sur les diverses collectivités locales (Conseil régional, commune, agglomération, département), sur les subventions, sur l'impôt local donc plutôt que sur des solutions commerciales (publicité, abonnement).
Le streaming (OTT) n'est-il pas une solution plus raisonnable favorisant une diffusion des programmes sur tous les supports, notamment mobiles (tablettes, smartphones) ? La mesure de l'audience en serait facilitée, plus opérationnelle, de même que la collecte de données. Des stations ont ouvert une chaîne sur YouTube comme, par exemple, TVFIL78, "la télélocale de Saint-Quentin-en-Yvlines" (ici), ou 8 Mont-Blanc. Pourquoi pas un multi-channel network (mcn) dédié à la télévision locale française ?

Aux Etats-Unis, les stations locales constituent l'armature de la télévision nationale ; elles peuvent constituer des réseaux de distribution nationale (networks). Ces stations sont titulaires d'une autorisation de diffusion locale terrrestre. La syndication de telles stations donne naissance à une huitaine de chaînes nationales terrestres grand public, commerciales ou éducatives. Toute station affiliée à un network obtient en échange la diffusion d'une grille de programmes gratuits et les revenus publicitaires dans laquelle elle peut insérer des écrans locaux (local time), placés entre deux émissions du network diffusées nationalement (adjacencies) ; cet espace publicitaire est vendu à des annonceurs locaux.

Une station affiliée ou O & O (filiale, Owned and Operated) bénéficie par conséquent de programmes de qualité nationale ; elle y ajoute l'actualité locale (news), sans dépenses exorbitantes de production ou d'achat de fiction, de sport. Elle gère une régie publicitaire locale, la publicité nationale ne la concerne pas, qui relève du network uniquement.
L'activité Internet, en synergie, épouse cette structure de marché, local et national tant pour les contenus que pour la régie. Ce montage donne à la télévision locale sa viabilité, sa visibilité et son dynamisme d'entreprise. De plus, 5 groupes de stations locales (ABC, Cox, Hearst, Media General Raycom) s'associent pour lancer NewsON en automne 2015. NewsON (112 stations, 84 DMA) est un programme d'information gratuit qui sera diffusé sur la télévision connectée (mobiles, etc.).

En fait, un tel modèle d'affaires n'est pas si étranger au marché français des médias qu'il peut paraître ; il évoque, par exemple, le réseau des Indés Radios qui représente un network de plus de 120 stations locales (régie nationale assurée par TF1) réunissant une audience cumulée de plus de 8 millions d'auditeurs (Lundi-Vendredi, 13 ans et +) ; il évoque encore le PQR66 constitué  par la presse régionale avec plus de 60 titres qui, assemblés, apportent une couverture à la fois locale et nationale aux annonceurs, conjuguant l'affinité locale, la proximité avec la qualité nationale. Tout ceci bien sûr est présent sur le Web, les stations comme le réseau, avec ce que cela apporte de données pour alimenter une DMP (Digital Media Platform). C'est un filon que convoitent Google et Facebook, notamment pour le local.

Le législateur a choisi pour la France une politique de télévision jacobine à base nationale, centralisée plutôt que locale. La télévision est conçue comme un ferment de culture républicaine capable de contribuer à l'homogénéisation d'une culture nationale ("La Voix de la France"), de réduire les différences (culturelles, langagières notamment), de promouvoir l'intégration. Comment concilier cet objectif politique, social et culturel de cohésion sociale et d'égalité avec une ambition locale ? Une "monarchie républicaine" avec la citoyenneté médiatique locale ?

Quelques références

CSA, Étude sur les conditions de réussite de la télévision locale en France sur la base d'une comparaison internationale, 2010. N.B. Hélas, si la comparaison prend en compte le Canada elle omet les Etats-Unis.
Rapport annuel 2014, ici.
Télévisions locales nationales et thématiques, le journal professionnel, ici.
Télévisions locales (actualité des), ici.

Stations prises en compte par l'étude TV Locales de Médiamétrie (septembre 2014 - juin 2015) :

  • 26 stations en régions : Alsace20, Canal 32, D!CI TV, Grand Lille TV, LCM, LCN, LMtv, Ma Télé, Mirabelle TV, Normandie TV, Tébéo, TébéSud, Télénantes, Télim TV, TLT, TL7, TLM, TV7, TV Fil78, TV Sud Camargue-Cévennes, TV Sud Montpellier, TV Tours, TV Vendée, TV Rennes 35 Bretagne, Vosges Télévisions, Wéo 
  • Pour l'Île-de-France : 4 chaînes de Canal 31 (BDM TV, Cinaps, Demain!, Télé Bocal), IDF1 auxquelles s'ajoutent, curieusement, BFM Business et France 24 (chaînes nationales, voire internationales).

lundi 25 mai 2015

Revoir "Mad Men"


La première diffusion de la série américaine Mad Men s'est achevée en mai 2015. C'est l'occasion de revenir en arrière, aux premières saisons et, peut-être, de revoir les épisodes du début comme autant de flash-backs du dernier épisode. La série, en effet, croise et tisse, en un subtile montage, les éléments biographiques des principaux personnages pour faire entrevoir leur destin provisoire.

Lors du premier épisode, nous étions au début des années 1960. Au dernier épisode, nous sommes en 1970 ; la série a vécu au rythme de la vie de son héros, le temps de l'action y est celui de la représentation. Classique !
Le premier épisode de la série fut diffusé en juillet 2007. Au cours de huit années et 92 épisodes, le personnage central aura passé par plusieurs vies, dont certaines évoquées en flash-backs : enfance malheureuse et gâchée, soldat en Corée, vol d'identité, déserteur, ancien combattant, vendeur de voitures, publicitaire adulé et riche. Deux mariages, deux divorces, trois enfants. De nombreuses amitiés amoureuses. Et malgré tout, la solitude silencieuse d'un homme qui n'a plus guère d'importance pour les siens, hors l'agence de publicité où on l'attend au retour de ses errances (J. Walter Thompson, la première agence de publicité à cette époque). Dès le premier épisode de la première saison, Don Draper n'avait-il pas annoncé la couleur : "You're born alone, and you die alone, and this world just drops a bunch of rules on you to make you forget those facts, but I never forget".

Durant l'épisode final, Dick Whitman alias Don Draper repasse par les divers personnages qu'il a endossés sa vie durant, effeuillant les couches successives de sa vie, comme on enlève les pelures d'un oignon (*). Les derniers contacts, avec sa femme, sa fille, une collaboratrice ne se feront plus que par téléphone.
D'abord, il doit entendre que, à force d'avoir été absent, sa femme, ses enfants ne comptent plus sur lui. Puis, dans des scènes à la Kerouac, on le verra, tel un "fugitif" On the road (**), jouer les anciens combattants puis donner sa voiture à un jeune homme qui lui semble ressembler à ce qu'il fut jeune homme. Toute sa vie jetée en vrac dans un sac de papier, il arrive en Californie et pour échouer dans une communauté où l'on prétend aider les âmes égarées à se retrouver grâce à la méditation et l'écoute. Finalement seul, prostré, en proie à la dépression, il semble vouloir "disparaître de soi". Au cours d'une thérapie de groupe organisée par la communauté, il se jette au cou d'un homme comme lui perdu, vidé qui confesse son désarroi d'être sans importance pour les autres. Communion, empathie, révélation ?
Au bout de son odyssée, dernier plan de la série, Don Draper, assis en tailleur, regarde le Pacifique, et il a, comme en rêve, l'intuition mystique d'un message publicitaire TV, irénique et œcuménique, pour Coca Cola, le premier des annonceurs, le budget sur lequel il est censé travailler.
La série diffuse le message et plante là ses téléspectateurs. C'est fini.

Depuis, les commentaires vont bon train. Fin ou relancement de carrière ? La création comme re-création ? "Dépouiller le vieil homme" ?
Don Draper a vendu son appartement, donné sa voiture. Etre plutôt qu'avoir pour mieux voir. Changer de peau, de vie ? "You live only twice // Or so it seems // One life for yourself // And one for your dreams" (***), prévenait une chanson de la bande son de la saison 5.
Dernière phase d'une phénoménologie de l'esprit publicitaire : le "savoir absolu" publicitaire, la création comme vision mystique, délestée des outils du marketing qu'elle transcende (enquêtes, sondages, focus groupes, études de marché ...) ? Dans le premier épisode, Don Draper jette à la corbeille l'étude réalisée par la psychologue plus ou moins freudienne du service études pour le budget Lucky Strike (N.B. Freud n'a, sa vie durant, cessé de fumer !).
Mad Men n'en a pas fini de faire penser la publicité, sa place dans la culture, mieux que bien des travaux hérissés de statistiques et de concepts. Beau sujet de réflexion épistémologique.


* Pour reprendre l'expression qui a donné son titre à l'autobiographie du romancier allemand Günther Grass, publiée en 2006, Bei Häuten der Zwiebel ("par les peaux de l'oignon"). L'une des pelures révèle qu'il fut incorporé dans la Waffen SS... ce qui avait été tu, omis jusque là !

** L'empreinte culturelle de ce roman se perçoit tout au long de la série et de ses choix musicaux. Pour Bob Dylan, The Doors, David Bowie On the Road est une référence majeure...

*** "You only live twice", interprétée par Nancy Sinatra dans le 13ème épisode. A l'origine, chanson d'un James Bond (1967). Les chansons de la série sont partie intégrante de la narration.

lundi 18 mai 2015

Twitter, Facebook and Beacons: construction of a social proximity

A Facebook's beacon in Strand's Rare Books
division (Source: GeoMarketing)

Twitter Ventures, Hearst Ventures and SoftBank Capital, three major media groups, have invested $18 million in Swirl, a start-up (2011) specialized in micro-location with beacons ($32 million in 3 rounds). Swirl's motto is: "beacon powered marketing at scale".

The demand of retailers and advertisers for beacon technology (indoor positioning) is growing: over 1 million indoor location deployments by 2020, says ABI Research. One can expect the majority of big retailers and malls to adopt this in-door advertising technology and deploy beacons in their stores. For instance, Mobiquity Networks will provide beacon technology to Macerich (300 malls, 37,000 storefronts, "America’s largest mall-based beacon mobile advertising network just got bigger" ). Apple has its own standard: iBeacon for iOS devices.
Beacon wireless sensors use Bluetooth Low Energy (BLE). They are produced by companies like Estimote and kontakt.io. They allow brands and retailers to push promotion and advertising to consumers carrying a smartphone in the proximity. It is real-time, location-based advertising. The beacons will be able to link and coordinate online and offline marketing, which will thereby become fully programmatic (Swirl already offers a programmatic platform).

With beacons, the total environment is becoming interactive, engaging not only shoppers but also museum, stadium and amusement park visitors, travelers and commuters, tourists, at the very Moment Of Truth (or ZMOT as Google calls it). Advertisers reach the consumer at the point of sale.

Meanwhile, Facebook is implementing its own beacon technology pilot (Place Tips) in a few stores in New York (among the stores, the second-hand bookstore Strand, cf. supra). In France, the Monoprix supermarket chain is testing beacons and geofencing with Catalina C-wallets in the Paris region (22 stores in the test).

What will Twitter use the Beacons for?

samedi 16 mai 2015

Data et audiences : un mixte pour le médiaplanning TV


La régie du network américain NBC Universal (NBCU) commercialise désormais son espace publicitaire en mêlant à ses audiences (peoplemeter de Nielsen) des données de comportement collectées par le câblo-opérateur (set-top boxes de Comcast). Analytiques mixtes.
Dans le cadre des présentations commerciales effectuées pour les ventes upfront, NBC utilise les données pour l'analyse de ses audiences à fin de ciblages (Audience Targeting Platform, ATP). Les données de Comcast s'ajoutent aux données extérieures (third-party consumer data) provenant éventuellement de courtiers en données (data brokers). Mais ce ne sont pas tout à fait des données third-party, plutôt first-party puisque le câblo-opérateur et NBCU appartiennent au même groupe.
La question du respect de la vie privée est traité par l'anonymisation des données et leur agrégation.

Avec cette plateforme NBCU dispose d'un avantage compétitif certain ; les autres networks ne peuvent accéder à de telles données puisqu'ils n'appartiennent pas à un grand câblo-opérateur (MSO). Comcast, rappelons-nous, compte 22,375 millions d'abonnés haut débit video et 22,369 millions d'abonnés broadband. 30% des abonnés utilisent TV Everywhere (TVE) permettant une mesure multi-plateforme.

Cette alliance de données et d'audience permet à la responsable de la régie publicitaire de NBC de présenter le Network TV comme le cœur de l'écosystème média, situé : “It’s what fuels it all” souligne-t-elle. Ainsi doté, le network est supérieur aux réseaux sociaux diffusant de la vidéo  : YouTube, Twitter ou Facebook parlent de la télévision, indirectement, NBC sait de quoi il parle et dispose de la puissance de ces contenus.

N.B. 
  1. Comcast avait préféré surseoir à la mise en place de la plateforme de ciblage durant les négociations de la fusion avec Time Warner Cable afin de ne pas inquiéter la FTC qui aurait pu y voir un abus de position dominante (le projet de fusion a échoué). Ceci peut indiquer l'avantage qu'une telle plateforme apporte à la régie.
  2. La plateforme est utilisée également pour le suivi et l'amélioration de la relation client (CRM, abonnés Comcast).

vendredi 15 mai 2015

"Mr Selfridge", histoires de la grande distribution


"Mr Selfridge" est une série de PBS (Masterpiece, 2013), une co-production de la station WGBH (DMA de Boston) et de la chaîne commerciale ITV (Grande-Bretagne). Elle compte 3 saisons et 30 épisodes (2013-2015).
Le personnage central de la série est Harry Gordon Selfridge qui ouvre un magasin à Londres en 1909. Américain du Middle West (Wisconsin), il a commencé sa vie professionnelle à Chicago dans les luxueux magasins Marshall Field's (ouvert en 1852). Les magasins Selfridges existent toujours.
La série parcourt l'histoire du début du siècle à travers la vie de ce grand magasin emblématique de la modernité. En effet, la seconde partie du XIXème siècle a vu le développement de grands magasins multi-spécialistes, organisés en départements (department stores). Ces magasins sont conçus comme des monuments, "cathédrales du commerce moderne", dira Emile Zola, "faites pour un peuple de clientes" : à Paris, ce seront Au Bon Marché (avec une architecture métallique de Gustave Eiffel, 1852), Le Bazar de l'Hôtel de Ville (1856), Le Printemps (1865), Les Galeries Lafayette (1894), les magasins A l'Innovation en Belgique... On se souvient que Joseph A. Schumpeter prend la distribution pour illustrer le concept de destruction créatrice (Capitalism, Socialism and Democracy, chap. 7).
Peu de temps avant "Mr Selfridge", il y eut une série intitulée "The Paradise", diffusée d'abord par la BBC (2012) puis par PBS aux Etats-Unis et finalmeent par Netflix ; la série, qui était inspirée du roman d'Emile Zola, Au bonheur des dames (1883), connut un moindre succès d'audience et dut s'arrêter après 2 saisons, souffrant de la concurrence de "Mr Selfridge".

Dans Mr Selfridge, le siècle voit émerger de nouvelles techniques de marketing. C'est d'abord la puissance continue des investissements publicitaires de la grande distribution et la pression qu'elle lui permet d'exercer sur la presse via l'achat d'espace. C'est la création d'événements artificiels pour promouvoir l'image du magasin qui fait ainsi son actualité : les photographes de presse sont omniprésents, couvrant chaque pseudo-event qu'il s'agisse de Louis Blériot, qui vient de traverser la Manche en avion et pose devant son monoplan, de Arthur Conan Doyle dédicaçant ses ouvragess ou de démonstration de télévision, dès 1925... Symbolique, l'heure de l'ouverture : on attend les trois coups, fébrile : comme au théâtre ou au NASDAQ, public et acteurs se tiennent prêts pour le lever du rideau.
C'est aussi l'époque des catalogues, des livraisons à domicile, des défilés de mode, des promotions ponctuelles (ventes flash), des vitrines spectaculaires, thématiques (Wimbledon), du parrainage (actrice, danseuse de l'opéra), de la marque distributeur, du "produit-star", de la logistique, déjà. A Selfridges, on montre les produits, on les exhibe ; le client est roi ("the customer is always right"), on lui laisse regarder les articles de près, les toucher, les essayer, les goûter. Le luxe est à portée de main (Guerlain, Yardley, Coty, Lanvin, Neuhaus...).

Le cœur du magasin, son esprit, c'est la mode, l'innovation de l'image. La clientèle est surtout féminine, de nouveaux rayons sont consacrés au maquillage, aux parfums, aux accessoires. "Give the lady what she wants" était déjà le slogan de Marshall Field's. Un salon de thé est ouvert à l'intérieur du magasin, comme à Marshall Field's. Le shopping est désormais promu comme un plaisir, une activité légitimes. On assiste aux débuts de la consommation de masse grâce à de fortes baisses de prix, au passage du sur mesure au prêt à porter...

Déclaration de guerre, mobilisation, syndicalisme, l'histoire de l'époque est aussi présente au travers de scansions technologiques, l'avion, la télévision, la bicyclette, l'automobile que l'on expose au centre du magasin, le cinéma (visite de Mack Sennett) ; comme dans Downton Abbey, ces innovations technologiques ponctuent la série. La série accorde une place importante au changement de statut social et économique des femmes : le mouvement des suffragettes revendique le droit de vote (National Union of Women's Suffrage Societies, 1897). Quant à la presse, sa fonction publicitaire dans la gestion des ventes est manifeste, le rôle du journalisme dans la fabrication et la manipulation de l'opinion publique est illustrée et dénoncée à de nombreuses reprises.
Après Zola, la télévision romance l'histoire, à sa manière. Bonne occasion de (re) lire le roman de Zola (Au bonheur des dames, 1883 la préface écairante de Jeanne Gaillard).

Mr Selfridge consulte sa montre : c'est l'heure de l'ouverture. Copie d'écran du site de Masterpiece (PBS). Mai 2015.

lundi 4 mai 2015

Magazine féminin ? As You Like... devient Oh! my mag


Oh !my mag : résultat de la fusionne du magazine papier As you like avec le site ohmymag en septembre 2017. Mensuel, 3 €.

As you like par Prisma (Gruner + Jahr), 152 p.
Lancement : 135 000 exemplaires. Trimestriel, 3€. "le meilleur des blogs en version papier". Site web.

ohmymag s'adressait à une cible féminine avec les ingédients habituels : style de vie, tendance, mode, beauté, luxe, cuisine. On dit plutôt lifestyle et food ! Et l'on déclare viser les millenials.

As you like devient Oh ! my mag. Le magazine de Prisma, portait un titre presque shakespearien ! Il avait failli s'appeler Follow, titre abandonné pour des raisons légales. Certes ce titre aurait bien collé à son positionnement éditorial : repérer des influenceurs et les tendances à suivre. Mais avec "comme il vous plaira" (traduction classique du titre de la pièce), le titre regagne des degrés de liberté et un ton est annoncé : légéreté, caprices, espièglerie. Plaisir des consommations et des comportements d'abord...
La couverture le dit en photo : il s'agit d'un magazine féminin et c'est bientôt l'été.

Qu'est-ce qu'un magazine féminin ? 
L'évolution de notre société aligne progressivement le statut des femmes sur celui des hommes et réciproquement, aussi n'est-il plus guère de territoires de consommation strictement féminins ou strictement masculins, hors des "techniques du corps". Reprenons la terminologie classique de Marcel Mauss, anthropologue (1934) : les techniques du corps incluent les soins du corps, le maquillage, les régimes alimentaires, la forme, la santé, les vêtements, la sexualité, la naissance, l'enfance. C'est dans les techniques du corps que presse féminine ou presse masculine trouvent leurs terrains de prédilection respectifs, leur spécialité marketing (Unique Selling Proposition).

Dans un magazine, tout autant peut-être que l'éditorial, la publicité commercialisée énonce et construit a posteriori la cible escomptée. Un magazine qui publie des messages publicitaires pour célébrer et vendre des produits féminins sera dit féminin.
Quels produits trouve-t-on dans As you like, qu'il s'agisse de la publicité ou des rubriques shopping (guide d'achat) ?
Inventaire : joaillerie, soins (épilation, bronzage, coiffure, minceur, régime), maquilllage, vêtements, décoration, accessoires. Voilà pour le cadrage féminin ; ne sont absentes, parmi les techniques du corps, que la naissance et l'enfance qui font généralement l'objet de sous-ensembles spécifiques de magazines féminins. Hors techniques du corps, on trouve dans le magazine de la publicité pour la cuisine, l'automobile et le voyage, qui sont des produits mixtes.

Journaliste ou blogueuse ?
L'innovation éditoriale essentielle du magazine consiste dans le principe d'une collaboration journalisme + blogs et réseaux sociaux (Instagram, Pinterest). Modèle économique popularisé par The Huffington Post. La blogueuse a-t-elle statut de journaliste (formation professionnelle, carte professionnelleetc.) ? Oui, dit le droit français, si la majorité de ses revenus provient du journalisme (cf. article L.7111-3 du Code du travail), oui, par conséquent, si la rédaction d'un blog est reconnu comme journalisme... On tourne en rond.
L'originalité éditoriale de As You Like vient des Blogs Hellocoton (plateforme de blogs achetée par l'éditeur en 2012) : les femmes sont auteurs. Ensuite, vient une sélection trimestrielle de contenus publiés sur les blogs, les réseaux sociaux. Two step flow of communication !
"Le magazine connecté qui explore le web et déniche les talents d'aujourd'hui et de demain", ainsi se définit le magazine. Elargie, la presse devient à son tour média de médias : le numérique a copié et dévalisé le papier ; en retour, le papier s'inspire des seules innovations éditoriales du numérique, les réseaux sociaux. "Stratégie rupturiste", annonce le communiqué de presse de lancement. "Ce magazine va dans le sens de la transformation que vit la presse féminine aujourd'hui, en se servant de son déploiement digital pour se réinventer", explique Pascale Socquet, Editrice du pôle Femmes de Prisma Media. Une volonté de repenser la presse féminine est déclarée, une expérience est lancée ; plutôt que de juxtaposer papier et support numérique, ce magazine organise et orchestre une synergie féconde entre eux. Saluons cette innovation qui se propage (cf. le hors série du magazine Saveurs consacrés aux "Blogs culinaires", 16 octobre 2015 : "nos 50 blogueuses coup de cœur" et leurs recettes).

Des blogueuses comme tastemakers, influençeuses influencées ; "blogger outreach" : les marques suggèrent des tests aux blogs, qui recommandent (ou pas) leurs produits ; ensuite, le magazine suit les blogs, leur emprunte des idées (blogger outreach campaigns). Ainsi, le prescripteur n'est directement ni le journaliste ni la marque.
Innovation éditoriale ? "Le meilleur de la toile", "être au fait des nouvelles tendances en matière de mode, déco, beauté, cuisine, et tourisme au travers de reportages sur des personnalités tendances". Des "personnalités" sont déclarées "tendance", elles sont repérées comme telles par des blogueuses spécialisées dans les tendances : à leur tour, ces blogueuses transmettent les tendances aux lectrices qui les suivent et deviennent tendance, accentuant ainsi la tendance, accélérant sa diffusion : self-fulfilling prophecy ? Magazine people, au second degré ? Prédictif ? Tout cela, sans doute.

Avec As you like, les blogueuses étaient autant actrices - au double sens du terme - que journalistes. Comment, dès lors, ne pas penser aux propos de Jacques dans la pièce de Shakespeare (As you like it, Acte II, scène VII) :

"All the world's a stage, 
And all the men and women merely players;
They have their exits and their entrances, 
And one man in his time plays many parts ..."

Oh ! my mag reprend et mêle des éléments du site Ohmymag (avec appli et vidéo) et du papier As you like. Synthèse logique, qui a sans doute des raisons économiques. La presse se cherche et cherche et semble revenir sans cesse à son point de départ, en le modernisant. La modernisation est dans l'articulation papier / numérique et dans l'articulation périodique / hors-série.

mardi 28 avril 2015

Retrogaming, nostalgie de jeux vidéo


retro Gamer Collection. Le guide ultime des classiques du jeu vidéo, Volume 1, 12,9 €, 196 p. Trimestriel

Automobiles, jouets, jeux vidéo, BD, musique, collection. La nostalgie s'empare de tous nos loisirs. Nostalgie de l'enfance, de l'adolescence, de la jeunesse et de ses jeux. Comme toute chose, le jeu vidéo donne lieu à collections et musées. La nostalgie, la rumination du passé sont parties intégrantes de la culture."Proximité du lointain", disait le philosophe.
Et comme il y aura de plus en plus d'anciens joueurs et joueuses, l'avenir du domaine semble assuré. Actualité et présence du passé : "c'était le bon temps". Aujourd'hui, 7 Français sur 10 jouent au jeu vidéo (source TNS - CNC, 2014). Rappelons que le jeu vidéo constitue la seule expérience de média interactif. L'interactivité, on en parle : seul le jeu vidéo l'a mise en œuvre.

Le jeu vidéo a une quarantaine d'années. Le Retrogaming un peu moins, évidemment. Lié à des consoles et des jeux sortis du marché, il y a longtemps, il leur donne une nouvelle jeunesse ou une retraite active. La nostalgie se traduit aussi par des graphismes de nouveaux jeux reprenant le graphisme d'anciens jeux et par des rééditions (Majora's Mask, par exemple). Avec le jeu vidéo, on assiste à la structuration de plus en plus riche d'une culture : langage, gestes, références, connivences, auteurs, héros virtuels, histoire, etc.
retro Gamer Collection s'adresse aux anciens joueurs et joueuses, aux fans nostalgiques de ces jeux que leur succès commercial a rendu "mythiques". Il est temps que la culture du jeu vidéo acquière une légitimité équivalente à celle du cinéma, de la BD ou de la musique enregistrée, entre autres. retro Gamer y contribue.

Au sommaire de ce "guide" (organisé par genre), on trouve des dossiers, des thèmes, des interviews de créateurs : Sid Meier, l'auteur de Civilization (1991). Tomohiro Nishikado auteur de Space Invaders (1978) et Reisuke Ishida, son designer. On trouve égalament beaucoup de descriptions de jeux et de séries de jeux, des informations et des anecdotes sur leur histoire ; pour les collectionneurs, des informations sur des consoles (Sega Master System, Amiga 500) et des "trésors oubliés" comme l'Atari 8-Bits.
Notons encore, à titre d'illustration de la richesse des contenus : un article sur le très légendaire Shigeru Miyamoto, l'auteur de The Legend of Zelda et de Super Mario Bros, un article sur la longue série des Final Fantasy (Hironobu Sakaguchi), un article consacré au best-of des "bosses", un autre sur les making-of de jeux (le RPG Adventure, Lode Runner, Carrier Command)...
Voici Video GAMER Retro
N°1, Juillet 2017, 6,9€

retro Gamer arrive alors que le jeu vidéo finit par faire sa place parmi les pratiques culturelles et les médias de l'époque. Il aura fallu le temps. De même que la télévision fut assimilée à une drogue, on a accusé les jeux vidéo de tous les maux, ennemis de la réussite scolaire et de la santé des adolescents, promoteurs de violence.
On dénonce la manière dont sont traitées les femmes dans la culture et l'industrie du jeu video, ce qui devra changer, mais semble encore perdurer malgré la présence dans l'industrie de développeuses et d'auteures reconnues comme Kim Swift, lead developper et level designer pour le légendaire jeu Portal (2007) dont l'héroïne, Chell, et son adversaire GLaDOS sont des personnages féminins. Notons d'ailleurs que la critique de jeux vidéo, Anita Sarkeesian, a été élue par Time parmi les 100 personnes les plus influentes dans le monde. Les femmes sont majoritaires parmi les le public américain du jeu vidéo (52%), statistique qui devrait finir par mettre fin aux clichés macho (cf. Aja Romano, "Adult women are now the largest demographic in gaming", The Daily Dot, August 25, 2014).
L'esthétique de retro Gamer (licence de Imagine Publishing, éditeur anglais qui publie aussi Now Gamer) est en phase avec celle des jeux vidéo qu'il célèbre. Spontanément, on se dit que le jeu vidéo a plus d'affinité avec le Web qu'avec le papier (on compte quand même plus de 400 nouveaux titres et hors série consacrés au jeu video depuis 2004; Source : Base MM). Peut-être s'agit-il plutôt, entre support papier et suport numérique, de division technique du travail ; avec Retro Gamer commence un travail à vocation encyclopédique : le papier convient bien à cette célébration et n'exclut en rien les diverses présences numériques. Attendons les tomes suivants.


Sur les risques du Retro Gaming, voir, ci-dessous le webcomic de xkcd (pour initiés !) :
xkcd, #606, July 6, 2009. Allusion aux jeux de Valve Corporation, Portal et Half-Life2. Pour l'explication, voir ici.